POURQUOI LES NAUSÉES ?
Pour comprendre pourquoi la cinétose se produit, revenons rapidement sur ses causes physiologiques. Le système vestibulaire situé dans l’oreille interne est composé en partie de trois canaux semi-circulaires dans lequel circule un liquide, l’endolymphe, qui vient stimuler des cils pour informer le cerveau des différents mouvements de la tête (rotations, inclinaisons, flexions/extensions).
Deux autres cavités, l’utricule et le saccule, ont pour rôle d’informer le cerveau sur la position de la tête au repos mais aussi ses accélérations linéaires (par exemple lors d’un démarrage brutal en voiture).
systeme-vestibulaire
Schéma représentant le système vestibulaire
À un instant « t », toutes ces informations doivent être en concordance parfaite avec celles fournies par les yeux et les capteurs proprioceptifs (présents dans les articulations, les muscles, la peau) du sujet, la coordination de l’ensemble de ces systèmes jouant un rôle primordial dans l’équilibre postural. S’il y a discordance, le cerveau reçoit des informations contradictoires et réagit comme s’il y avait ingestion d’une substance toxique en provoquant la nausée voir des vomissements.
Dans le cadre de la réalité virtuelle on présentera deux principaux types de cinétose : celle causée par un mouvement ressenti mais non vu, et celle causée par un mouvement vu mais non ressenti. L’usage d’un Oculus Rift cumule régulièrement les deux types, entraînant la majoration de l’inconfort. Évidemment, comme expliqué plus haut, l’intensité du phénomène varie en fonction des personnes mais aussi des jeux testés, beaucoup de petits facteurs (FOV, résolution, framerate, HUD, etc…) pouvant limiter ou accentuer les symptômes.
QUELLES SOLUTIONS ?
Maintenant que l’on a décrit les causes du phénomène et ses conditions de survenue, il est temps d’explorer l’éventail de solutions visant à le diminuer voir le faire totalement disparaître lors des expériences de jeu en réalité virtuelle :
1)
La première solution plutôt logique concerne le hardware lui-même avec la diminution de la latence. John Carmack expliquait en 2013 qu’il faut qu’elle soit inférieure à 20 ms pour rester acceptable, l’objectif étant d’arriver à des valeurs situées idéalement autour de 10 ms pour qu’elle devienne vraiment imperceptible.
La première version de l’Oculus Rift proposait un délai de 30 à 50 ms, alors que le Development Kit 2 se rapproche des 20 ms grâce, entre autres, à l’incorporation d’un écran AMOLED. Le futur casque Morpheus de Sony aura quant à lui une latence de 18 ms. Il reste donc encore une petite marge de progression pour obtenir une fidélité quasi-parfaite lors du motion tracking (attention cependant, cette solution est surtout efficace pour éradiquer le premier type de cinétose évoqué plus haut).
2) Une étude menée par le professeur David Whittingly, enseignant à la Purdue College of Technology et créateur du site Games Innovation, a démontré que la cinétose était nettement plus limitée lors qu’il y avait un élément fixe sur l’écran (comme un tableau de bord dans les jeux de course par exemple). Ce constat est confirmé par les joueurs que j’ai pu interrogé dans le cadre de cet article. Malheureusement, rajouter un tableau de bord ou un cockpit n’est pas possible dans tous les types de jeux !
Un de ses étudiants a alors proposé de rajouter un « nez » virtuel au centre de l’écran, simulant ainsi un élément fixe familier sur lequel les yeux peuvent se référer. Sur l’une des démos utilisées pour les tests, ils ont noté une amélioration moyenne de 94 secondes avant la survenue des nausées chez les sujets, ces derniers ayant par ailleurs révélé par la suite qu’ils n’avaient même pas fait attention à cet élément visuel supplémentaire. Il semblerait que dans la vie réelle le nez soit inconsciemment utilisé comme un repère pour les yeux.
Le nez virtuel utilisé dans les tests du Professeur David Whittingly

Les résultats encourageants de cette étude étant particulièrement récents (mars 2015), il faut espérer qu’elle puisse servir de base pour pouvoir explorer de nouvelles astuces visuelles.
3)
Une solution plutôt physiologique est l’habituation au phénomène pour favoriser la plasticité cérébrale. Pour faire simple, plus un joueur va être confronté à cette cinétose, plus son cerveau va s’y habituer et se reprogrammer pour diminuer l’intensité de la réponse.
C’est d’ailleurs le problème rencontré par certains développeurs, qui n’ont plus conscience du caractère déstabilisant de leur jeu après de longs mois passés à avoir utilisé l’Oculus Rift quotidiennement. Ce principe d’habituation est également l’une des techniques principales utilisée par les kinésithérapeutes spécialisés en rééducation vestibulaire, domaine qui pourrait éventuellement proposer dans le futur des solutions logicielles pour optimiser son efficacité. Je vous parlerai plus en détails de cela dans un futur article.
Cette technique a donc déjà fait ses preuves d’un point de vue thérapeutique mais ses résultats n’apparaissent qu’à moyen/long terme.
4) Une solution qui relève un peu de la science-fiction mais théoriquement envisageable est la stimulation vestibulaire galvanique. Derrière ce nom barbare se cache une technique médicale assez peu utilisée en France servant par exemple à diminuer le phénomène d’héminégligence chez les patients ayant fait un accident vasculaire cérébral (plus d’informations ici).
Le principe consiste à envoyer un courant électrique de faible intensité via deux électrodes placées derrière les oreilles pour venir stimuler le système vestibulaire et lui faire croire qu’il y a un mouvement de la tête, déclenchant une réaction posturale inverse.
5)
Une autre solution, plutôt onéreuse mais ayant montré son efficacité, est l’utilisation du Virtuix Omni, une sorte de tapis de marche à 360° ressemblant à un youpala pour adultes permettant au joueur de marcher ou courir pour déplacer son personnage. J’ai pu contacter la société Virtuix qui m’a expliqué que les tests réalisés en interne montraient que les joueurs avaient moins de nausées en utilisant leur accessoire. En effet, en utilisant ses membres inférieurs pour déplacer son personnage, les informations proprioceptives des articulations et des muscles indiquent au cerveau que le corps est en mouvement et sont en accord avec ce que les yeux voient dans le jeu.
Cependant, cet accessoire très immersif n’est pour l’instant optimisé que pour les FPS (et donc peu pratique avec des jeux de course ou des simulations de shoot spatial) et reste pour l’instant trop cher (700 dollars) pour en faire une solution viable à grande échelle.
6) Le studio Cloudhead Games, spécialisé dans le développement de jeux VR, a remarqué que la gêne était majorée lorsque les joueurs effectuaient des rotations lors des déplacements du personnage et a mis au point un « Comfort Mode » pour pallier à cela. Ils se sont inspirés des danseuses étoiles qui, pour éviter d’avoir le tournis lorsqu’elles tournent sur elles-mêmes., fixent un point le plus longtemps possible avant de faire un tour complet rapide avec la tête pour retomber sur ce point fixe.
La solution trouvée par le studio consiste à imposer une rotation d’une trentaine de degrés avec une vélocité particulière quand on déplace un personnage à gauche ou à droite. Les yeux retrouvent ainsi très rapidement un point fixe, ce qui concorde avec les informations vestibulaires. Ce mode reste optionnel et offre des résultats mitigés selon les témoignages de joueurs que j’ai pu lire.
7) Je ne peux pas terminer cet article sans évoquer le cas de Valve, qui travaille également sur un casque VR en partenariat avec HTC qui, selon Gabe Newell, ne déclencherait absolument aucune nausée grâce à un système de motion tracking révolutionnaire.
http://www.pressstarttothink.fr/2015/04/24/oculus-rift-et-nausees-pourquoi-quelles-solutions/
PS : L'article parle de l'Oculus Rift, mais la sensation de nausée est valable pour tout les casques, donc des solutions communes peuvent être trouver, quelque soit le casque virtuel, pour que le confort soit amélioré.