
Sous ce titre un peu "pute à clic" se cache une anecdote assez croustillante et pas spécialement connue concernant la célèbre firme de Kyoto.
Cependant, contrairement à tous ces (bons) articles parlant d'anecdotes diverses et variées, il m'importe pour moi de vous placer dans le contexte de l'époque pour pouvoir mieux vous immerger dans cette histoire, et que vous soyez bien imprégnés de tous ces geeks barbus...
Le VIC-1001
Remontons un peu dans le temps, au début des années 1980, plus précisément en 1981.
Jack Tramiel de son vrai nom
Idek Tramielski est le président et fondateur de la compagnie Commodore.
La firme est depuis le milieu des années 1970 un acteur majeur de la micro-informatique "grand public".
Leur premier grand succès commercial est le micro-ordinateur VIC-20 sorti en mai 1981 aux USA et fin 1980 au Japon sous le nom VIC-1001.
Jack Tramiel avait mis un point d'orgue à sortir son ordinateur sous la barre sous la barre symbolique des 300$. Et ce pari fût réussi puisque le VIC-20 s'écoulera à plus de 2,5 millions d'unités dans le monde. Un excellent chiffre à cette époque.
Mais une question se pose tout de même aux lecteurs que nous sommes:
Pourquoi sortir cet ordinateur d'abord au Japon?
Les réponses sont multiples. Commodore souhaitaient soit profiter d'un marché-test avant de lancer son produit en Amérique
, et opter ainsi pour le Japon pour ce test, ou soit ce qui est plus probable couper l'herbe sous le pied à la
MSX.
Commodore était certainement au courant du projet micro-informatique de Sony et Matsushita, cela peut d'ailleurs expliquer que ces 2 compagnies aient attendu 1983 pour proposer le MSX au public japonais (et au reste du monde aussi).
Et c'est là où l'on va doucement introduire Nintendo, via... HAL Laboratory!
A cette époque,
Satoru Iwata n'était pas encore président de HAL Laboratory et encore moins de Nintendo. Il n'avait que 21 ans, était encore étudiant et travaillait à mi-temps chez HAL. Cependant il était l'un des rares codeurs du studio, ce qui lui vaudra une embauche définitive en 1982.
Ce qui est intéressant c'est que HAL Laboratory qui est un studio fondé en 1980, travaille avec Commodore au Japon, donc au tout début de leur existence; avant même de bosser sur MSX et chez Nintendo.
Ils offrent à la VIC-1001 des jeux comme Jupiter Lander, Star Battle, Poker, Road Race, Money Wars ou encore un clone de Pacman répondant au nom de Jelly Monsters.
Il faut savoir qu'à cette époque, le "concept" de studio-tiers était à ses balbutiements. Activision fût créer par exemple en 1979, soit un an avant et fait figure de premier éditeur-tiers de l'histoire.
Jelly Monsters
Michael Tomczyk, le bras droit de Jack Tramiel voyait d'un très bon œil une alliance entre sa société Commodore, et les acteurs japonais de l'époque. Ce rapprochement de Commodore et HAL Laboratory par exemple ne tenait pas vraiment du hasard mais certainement d'une réelle stratégie.
Michael Tomczyk a même déclaré dans une ancienne interview que les japonais étaient des
excellents alliés technologiques tout en étant très compétitifs sur le marché mondial, sans oublier leur capacité à innover sans cesse.
Mais ce même Michael Tomczyk avait dans le viseur un plus gros poisson: Nintendo.
Toujours dans cette même interview, il rapporte qu'il avait réussi à négocier un contrat avec la firme de Kyoto pour porter leurs hits d'arcade sur les machines Commodore. Le gros succès de Donkey Kong dans les salles enfumées n'y était pas étranger, et le Commodore 64, successeur du VIC-20 devait dès sa sortie se doter d'un environnement logiciel ludique de qualité. D'autant que le Commodore 64 arrivait en 1982-83 dans un marché de la micro-informatique nettement plus concurrentiel, notamment au Japon.
Michael Tomczyk
D'après certaines sources, ce contrat portait à priori sur 10 ans (donc de 1980 à 1990). Grâce à ce contrat Nintendo assurait la diffusion de ses jeux dans les foyers américains par une société ayant une puissance de frappe telle qu'elle maîtrisait toute la chaîne, depuis la recherche et la fabrication jusqu'à la distribution de leurs machines. En outre Commodore était aussi une société bien implantée au Japon, bref tous les voyants viraient au vert, le contrat était sur le point d'être signé quand Jack Tramiel l'annula unilatéralement.
Jack Tramiel
La raison: un accord pré-existant entre Jack Tramiel (donc Commodore) et Bally-Midway, un concurrent frontal de Nintendo dans le marché de l'arcade. Le grand patron a ruiné les efforts de Michael Tomczyk pour avantager Bally-Midway, et ainsi snober Nintendo, société à laquelle il ne croyait pas.
Michael Tomczyk se dit convaincu que cette humiliation vécue par Big N, les a définitivement fait entrer dans le marché console. En effet, tout était prêt, il ne restait qu'à signer le contrat. Les japonais ne s'attendèrent selon lui, absolument pas à une telle volte-face.
Ce revirement de dernière minute a toujours selon ce même monsieur, pousser
Hiroshi Yamauchi à vite prendre la décision de demander à Masayuki Uemura à travailler sur le projet Famicom, autrement plus ambitieux que les précédents Color TV par exemple.
Et c'est ainsi que Commodore est passé à côté d'une opportunité que l'on jugerait complètement folle de nos jours. Cependant, on ne saura jamais ce qu'il serait advenu si ce fameux contrat avait été signé, et si Jack Tramiel n'avait pas tout foutu en l'air au dernier moment mais ce que l'on sait, c'est que Commodore s'éteindra en avril 1994 et que Nintendo est toujours présent dans le marché du jeu vidéo, et fût même dirigé jusqu'à cet été par un ancien de HAL Laboratory, ayant même travaillé pour Commodore...