Pour rappelle Troy Baker est le doubleur de Delsin Rowe, il a aussi interprété : The Joker dans Batman Arkham Origins, Joel dans The Last of Us ou encore Ocelot dans Metal Gear Solid V : The Phantom Pain.
Jeuxvideo.com : Vous avez prêté votre voix et parfois votre physique à de nombreux héros de jeu vidéo comme Joel dans The Last of Us, Booker DeWitt dans Bioshock Infinite, Pain dans la série Naruto Shippuden : Ultimate Ninja Storm, Snow Villiers dans les Final Fantasy XIII ou encore Ryu Hayabusa dans les derniers épisodes des sagas Ninja Gaiden et Dead Or Alive…
Troy Baker : Je pense que j’ai vraiment été chanceux. Quand je regarde en arrière, je réalise que ces rôles m’ont tous appris quelque chose. Même les mauvais, ceux dont je peux dire aujourd’hui avec du recul « Là, j’ai vraiment été nul. » (rires). Il m’est donc impossible de vous dire quel personnage est mon préféré. Mais je suis tout de même fier de plusieurs choses, comme d’avoir fait partie de The Last of Us qui est maintenant une référence dans le jeu vidéo.
Jeuxvideo.com : Vous avez travaillé sur Metal Gear Solid : Peace Walker et plus récemment sur Metal Gear Solid V : The Phantom Pain dans lequel vous incarnez Ocelot. Comment définiriez-vous ce personnage fascinant et récurrent dans l’univers de MGS ?
Troy Baker : J’étais un grand fan de Metal Gear Solid et du travail effectué par Kojima qui a influencé de nombreux développeurs. Ocelot est un peu l’équivalent de Cid dans la saga Final Fantasy. Alors que Snake évolue sans cesse, Ocelot, de son côté, rythme la franchise en étant presque toujours présent, même sous différentes formes. Il a été possible de le découvrir à travers des phases très différentes de sa vie. Dans The Phantom Pain, Ocelot offre une perspective vraiment nouvelle.
Jeuxvideo.com : A ce titre, lors de votre interprétation d’Ocelot dans The Phantom Pain, y a-t-il un moment fort que vous avez ressenti en particulier et que vous pouvez partager avec les lecteurs ?
Troy Baker : Il s’agit d’une des premières scènes que nous avons enregistrée avec Kiefer Sutherland et qui figure dans la bande-annonce diffusée à l’E3. Au cours de celle-ci, Ocelot explique la situation à Snake et lui lance « Maintenant, vas et fais revivre la légende ! ». Cette réplique entre en totale résonance avec la franchise Metal Gear Solid et c’est un de mes moments favoris. Le travail sur The Phantom Pain a été très difficile mais ça en valait vraiment la peine.
Jeuxvideo.com : Est-il donc désormais terminé ?
Troy Baker : Oui. Tout ce que je devais faire a été effectué.
Jeuxvideo.com : Selon vous, quelle est la particularité du héros d’inFamous Second Son, Delsin Rowe ? Comment avez-vous préparé ce rôle ?
Troy Baker : Je me suis d’abord focalisé sur l’histoire qui donne beaucoup de détails sur le personnage. Et puis mon frère, dans le jeu, est doublé par Travis Willigham que je considère dans la vie comme mon meilleur ami. Et donc un peu comme mon petit frère. Cette relation naturelle entre nous a contribué à rendre nos personnages plus réalistes. Et puis, avant même le début du tournage, Travis et moi avons passé beaucoup de temps ensemble à Seattle et dans le studio de Sucker Punch à travailler avec l’équipe pour bien comprendre l’histoire et les personnages. Les jeux inFamous placent toujours un type ordinaire dans des situations extraordinaires. Dans Second Son, il s’agit d’un jeune américain de 24 ans qui évolue dans Seattle en pensant être promis à un grand destin et qui se retrouve soudainement à devoir prendre des décisions cruciales. Cela me rappelle la personne que j’étais lors de mes vingt ans. Lorsque vous pensez que le monde vous appartient. Mais, en réalité, quand l’occasion se présente, vous découvrez que vous n’êtes peut-être pas prêt pour ça. Il était important de faire passer cela dans le jeu. Car vous pouvez vous y comporter de manière bienfaisante ou maléfique et pourtant vous êtes toujours exactement la même personne. D’ailleurs, c’est aussi une façon de faire équipe avec le joueur puisque c’est lui qui décide des actes de Delsin.
Jeuxvideo.com : Vous avez remporté l’année dernière, aux VGX (Video Game Awards), le prix du meilleur doubleur masculin (Voice Actor) pour votre rôle de Joel dans The Last of Us. Que représente-t-il pour vous ?
Troy Baker : C’est génial d’être reconnu par ses pairs. Que ce soit pour les VGX ou les BAFTA (British Academy of Film and Television Art), c’est un honneur incroyable que d’être considéré comme exemplaire parmi tout ce qui est sorti dans l’année. Mais je pense qu’obtenir un trophée n’est pas un but en soi. Ce qui m’intéresse n’est pas tant de recevoir que de donner. La vraie récompense pour moi est de savoir qu’à la fin de la journée j’ai donné tout ce que j’avais pour incarner le personnage.
Jeuxvideo.com : Vous avez travaillé avec Akira Yamaoka, compositeur de la musique des jeux Silent Hill. Comment cela s’est-il déroulé ?
Troy Baker : Je suis extrêmement fan de la franchise Silent Hill avec laquelle j’ai grandi et qui m’a terrorisé plus d’une fois en tant que joueur. La musique fait d’ailleurs partie de l’expérience. Il se trouve que l’actrice Mary Elizabeth McGlynn, qui est une amie très proche, chante sur les bandes originales de tous les Silent Hill depuis une dizaine d’années. C’est donc elle qui m’a recommandé auprès d’Akira Yamaoka qui cherchait un chanteur masculin en 2011. Il m’a demandé de participer à une chanson sur la bande originale du jeu Shadows of the Damned de Suda 51. Après ce travail, j’ai pensé que ça s’arrêterait là. Mais il m’a proposé ensuite de chanter cette même chanson avec lui sur scène, lors d’un show. Ce que je ne savais pas était qu’il me demanderait, deux jours avant, de participer à l’intégralité du show et de jouer en plus les musiques de Silent Hill à la guitare basse, instrument que je n’avais pas touché depuis cinq ans (rires) ! J’ai alors dû apprendre toutes les musiques en deux jours. Un mois après, Akira m’a dit que nous partions à Paris jouer sur scène pendant la Japan Expo et devant 5.000 personnes ! Evidemment, nous sommes devenus rapidement amis. Nous avons même écrit et enregistré ensemble plusieurs musiques. D’ailleurs, nous devrions donner prochainement de nouveaux concerts et même revenir à Paris.
Jeuxvideo.com : Acteur, chanteur, musicien… Vous avez plusieurs cordes à votre arc, mais pourquoi avoir finalement choisi de travailler essentiellement dans le doublage de jeux vidéo ?
Troy Baker : Je suis un joueur depuis toujours et la PlayStation 4 représente ma dixième console de jeu, après notamment le Commodore 64, la Megadrive de Sega, sans oublier les PlayStation 1, 2 et 3. Le monde du jeu vidéo m’est donc familier depuis longtemps. J’étais un dingue de jeux et je le suis toujours d’ailleurs. Car mon métier me permet de rester en contact avec cet univers. En fait, tout a commencé lorsque j’étais musicien et que j’enregistrais un album (avec son groupe indie-rock Tripp Fontaine dans lequel il était à la fois chanteur et guitariste, nda) dans un studio qui faisait aussi des publicités radiophoniques pour les automobiles du genre « Ce dimanche, DIMANCHE, DIMAAANNNCHE… » (Rires). J’avoue avoir été au bon endroit au bon moment. Car, à cette époque, un de mes amis travaillait à Gearbox Software sur Brothers in Arms : Earned in Blood. Le studio cherchait une voix pour un personnage secondaire. J’ai donc prêté la mienne au sergent Matthew Baker. Et depuis je n’ai pas arrêté. Ces dernières années, j’ai l’impression d’avoir vécu un rêve éveillé, notamment avec The Last of Us, Bioshock Infinite ou encore inFamous Second Son.
Jeuxvideo.com : Pour vous, y a-t-il des différences entre doubler un jeu vidéo, un film et un dessin animé ?
Troy Baker : Au-delà de l’aspect technique, en tant qu’acteur, vous devez vous adapter au média auquel vous avez affaire. Mais, personnellement, je ressens davantage de liberté à travailler dans le jeu vidéo, par rapport au cinéma ou à la télévision. La preuve est que je peux me permettre de jouer un héros de 24 ans dans inFamous Second Son. Cela ressemble à une sorte de théâtre de l’esprit. Car dans une salle de motion capture, vous vous retrouvez comme sur une scène, excepté que vous devez tout imaginer autour de vous. Au cinéma ou à la télévision, le plateau, le maquillage, la garde-robe ou les accessoires sont là pour vous servir, pour vous aider à rentrer dans le personnage. Dans le jeu vidéo, tout cela joue presque contre vous. Car il n’y a pas de mise en scène, aucun accessoire et votre garde-robe se résume à une tenue en spandex (rires).
Jeuxvideo.com : Quel est le plus long travail de doublage que vous ayez fait ?
Troy Baker : J’ai travaillé sur The Last of Us pendant… deux ans et demi. Nous avons commencé en novembre 2010 et terminé en mai 2013. Pour retrouver la même tonalité dans la voix, il est absolument nécessaire de s’ancrer dans un élément unique et spécifique au personnage, histoire de retrouver ses marques facilement au fil des mois. Cela marche avec tous les personnages que vous doublez.
Jeuxvideo.com : Préparez-vous votre voix d’une manière spécifique avant un enregistrement ? Avez-vous une astuce à donner aux lecteurs qui pourraient être tentés un jour par cette expérience ?
Troy Baker : Soyez prêt à vous rendre ridicule ! C’est le meilleur conseil que je puisse vous donner. Parce qu’honnêtement, c’est stupide ce qu’on fait pendant la Performance Capture : porter un costume en spandex et 120 capteurs sur le visage face à quatre caméras qui vous filment toutes en même temps. Et puis, vous avez beau en prendre soin mais à force d’utiliser votre voix, à la fin de la journée, vous pouvez vraiment la perdre, surtout si vous devez crier. Par exemple, je m’étais préparé à ne plus jamais pouvoir parler à nouveau, à l’issue de chaque session d’enregistrement du Joker pour Batman Akham Origins (rires). Lorsque vous faites de la Performance Capture qui prend en compte le corps, le visage, la voix et les mouvements, vous devez être prêt à transpirer et à être fatigué, bref à vous investir totalement. Il faut donc faire beaucoup de sport, être au régime en permanence et avoir un bon quota d’heures de sommeil. Par exemple, pour moi, un des challenges les plus difficiles sur inFamous Second Son a été de me sentir à nouveau comme à mes 24 ans (rires) (Troy en a 38, nda) !