Des shoot them up, il y en a eu plein, vraiment des tonnes, des brouettes entières, et je vous ai déjà parlé de certains bons exemples ici même sur Retro Gamekyo. La plupart se déroulent dans l'espace, mais ailleurs, est-ce possible ? Oui, même si cela est plus rare ! Cooryon sur PC-Engine se passe dans un fabuleux royaume plein de vallées et de forêts, Deep Blue sur le même support se passe même au fond de l'océan. D'ailleurs, le jeu qui nous intéresse aujourd'hui aussi, Submarine Attack sur Master System ne partage que ce détail d'importance avec le jeu de Pack-In-Video. Une chance, puisque ce dernier est assez mauvais.
Voyant que s'entêter à attaquer depuis l'espace n'a guère d'effet sur les forces de défense terrestres, les aliens ont décidé d'infiltrer la planète en douceur pour attaquer sous un autre angle: les océans ! Mais là encore, le génie terrien sait comment répliquer. Un sous-marin d'attaque est conçu pour aller botter les fesses flasques et squameuses de ses aliens aquatiques ! Autant le dire tout de go, Submarine Attack n'est pas le chantre de l'innovation, pire que cela, il est même carrément archi classique. Hormis son contexte visuel qui fait à vrai dire l'essentiel du charme du jeu, le soft de SEGA, parut tardivement sur une Master System en fin de vie n'est probablement pas capable de se hisser jusqu'au sommet du panier. Et pourtant, Submarine Attack dispose d'un charme tout à fait authentique, propre à ces bons vieux jeux 8 et 16-bits traditionnels.
Votre engin dispose de deux types d'attaques. D'abord les torpilles, qui fusent en ligne droite tels des espadons explosifs et meurtriers. Puis vient le missile qui s’éjecte du sommet du sous-marin et retombe en cloche, un peu comme l'obus d'un mortier. Le secret sera de gérer ces deux types d'armement selon les adversaires rencontrés. Adversaires qui s'avèrent par ailleurs étonnamment variés au fil du jeu. Navire d'attaque à la surface (missile), hélicoptère fendant l'écume à votre recherche pour vous balancer des mines à a tronche (toujours missile), Tortank... pardon, tortue armée d'un gros canon sur sa carapace, et même pieuvre mutante (torpille) viendront vous barrer la route. Une vrai faune complète. Au début de l'aventure, le second point crucial sera de savoir gérer la faible vitesse de déplacement du submersible. Vitesse qui, rassurez-vous, sera vite augmentée via un bonus reconnaissable à la lettre S qu'il comporte, pour Speed. Comme dans tout bon shmup qui se respecte en somme. L'item serti d'un A améliorera la cadence de tir de vos armes, tandis que l'item H consolidera votre blindage. Le jeu étant assez clément puisqu'il faudra jusqu'à trois coups pour vous éliminer là où énormément d'autres shoot them up, spatiaux ou pas, vous sucre une vie au bout d'une simple pichenette. Le carnage est vivement encouragé par SEGA puisqu'au bout de cent unités adverses détruites, une vie bonus vous sera octroyée.
Classique, mais efficace, d'autant que la courbe de difficulté est exemplaire, le progrès se fait de façon très fluide. Le principal atout du jeu reste néanmoins sa plastique. On savait la Master System plus costaud que l'antique Famicom/NES (sortie en 1983, quand même, soit deux années avant la 8-bits de SEGA). Mais la machine n'a pas eu véritablement le temps ni les occasions de montrer qu'elle en avait bien plus sous le capot que sa concurrente. Reste quelques exemples tels que Phantasy Star ou Land of Illusion starring Mickey Mouse, mais la NES parvenait à rendre quasiment coup pour coup en terme de technique. Au joli jeu qui sortait sur Master System, la NES en sortait deux ! Toujours est-il que Submarine Attack est franchement beau, comme le laisse présager sa jaquette, elle aussi incroyablement accrocheuse, d'autant plus quand on a encore en mémoire les nombreuses jaquettes honteuses de médiocrité de la Master System.
Le parti prit de Submarine Attack, vous l'aurez comprit, c'est de nous faire visiter les fonds marins à l'assaut d'une bande d'extra-terrestres. Ainsi, on passera au travers d'un éventail de bleu qui parvient à donner un minimum de variété au soft. L'azur infini précède une jungle multicolore de coraux avant de parcourir une sombre caverne incrustée de fossiles. Le niveau quatre, probablement le plus remarquable du lot (si ce n'est les niveaux finaux) nous emmène dans une cité antique, colonnes de pierre et pyramides enfouies dans le sable en prime. On se croirait dans Ecco The Dolphin (SEGA aime bien l'eau, son exotisme et les antiquités, visiblement, souvenez-vous de Columns ! ). Le boss de ce level, une sorte de Poséidon particulièrement bien designé ne dépareillait pas dans un épisode d'Ulysse 31, tiens. La base ennemie quant à elle propose un enchevêtrement complexe de motifs géométriques et de couleurs qui cachent un monstre ultime, une sorte de mollusque tentaculaire géant qu'on aurait put croire tout droit sorti de R-Type. Dommage que le sprite de ce boss final ne soit pas si finement réalisé que celui du niveau 4, toutefois !
Étonnamment bon, ce petit shoot them up qui, autant se le dire, n'a laissé aucun souvenir impérissable dans la tête des joueurs. Il y a sûrement meilleurs, non seulement sur Master System, mais aussi ailleurs, un peu avant et un peu après. Mais qu'importe, puisque ce Submarine Attack, sans aucune prétention parvient à distribuer ses qualités véritables telles des dragibus dans la face de celui qui ose empoigner la manette pour s'y essayer. Simple d'accès, avec un gameplay carré et une direction artistique très accrocheuse, le jeu se dote d'un rythme qui tient en haleine et d'un challenge tout à fait honnête. On pourrait seulement lui reprocher ce manque évident d'innovation, ou de profondeur dans le système d'arme. Ou la bande-son acceptable mais qui pêche par l'absence d'un thème fort, ou encore sa durée de vie dans la moyenne stricte de l'époque (seulement six petits niveaux, pas de générique de fin, emballé c'est pesé, dommage ! ). Submarine Attack fait parti de ses jeux sortis uniquement en Europe en toute fin de vie de la machine, soutenu officiellement par SEGA même si la star depuis deux ans restent la Megadrive. Il aura eu du succès parce que la Master System devenait une machine très bon marché en Europe et parce qu'un autre territoire, émergent celui-ci, donnera un inattendu coup de boost à la console: le Brésil.
Street Fighter EX Plus Alpha Prime Ultra Hyper Deluxe Easy Mode
Edition
À l'aube d'une nouvelle génération de console si particulière qu'est celle des 32-bits, le jeu de combat traditionnel en 2D a du soucis à se faire. De nouveaux challengers ambitieux, mû par une technologie révolutionnaire viennent piétiner les plates-bandes de Capcom. Namco se rut dans la mêlée avec ses polygones en 3D et son casting de personnages attachants et haut en couleur dans Tekken ; avant de remettre les couverts dans un univers plus médiéval dans le jeu de combat ultra dynamique Soul Blade. SEGA continue son petit bonhomme de chemin avec le précurseur Virtua Fighter, en 1993 déjà très impressionnant. Midway a un peu plus de difficulté à négocier le passage de la 16 à la 32-bits mais leur objectif affiché est bel et bien de dompter la 3D pour leur futur Mortal Kombat 4 également. D'autres soupirants au titre de roi de la castagne 3D font leur apparition comme l'excellent Bloody Roar du studio Raizing et édité par Hudson. Même le rival historique de Capcom, SNK, s'y met en transposant son Fatal Fury en 3D avec l'opus Wild Ambition en 1998. Capcom fait dés lors office de vieux grincheux qui refuse le modernisme et continue de d'affubler son Street Fighter d'une 2D, certes magnifique avec la série des Alpha, mais qui perd nettement du terrain auprès du grand public bien plus avide de sensation 3D. Les bougres persistent et signent en développant de nouvelles séries de jeux de combat à la même époque, toujours en 2D tels que le génial Darkstalker ou le non moins grandiose Marvel vs Capcom. Mais Capcom se fait une raison, il va bien falloir un jour ou l'autre tenter le jeu de la 3D pour éviter de se voir définitivement larguer par des concurrents plus aventureux. Pas moins de trois branches de la série Street Fighter seront alors mis en chantier à partir de 1995. Alpha, qui conte la jeunesse de Ryu et de ses potes ; III, la véritable suite du second opus qui fait suivre le combat contre l'infâme Bison bien des années plus tard (Ken est devenu un maître en art-martiaux avec un élève sous son aile par exemple) et enfin EX, celle qui expérimentera la 3D.
Street Fighter EX naquit du souhait d'expérimenter de la part de Capcom. Conscient que la 3D serait incontournable dans un avenir plus ou moins proche et que Street Fighter n'y échapperait probablement pas, la firme choisi de faire appel à Akira Nishitani. Ce dernier, ancien designer sur le célèbre Street Fighter II et après avoir travaillé sur X-Men : Children of the Atom était parti fondé son propre studio nommé Arika. Avant de partir, il avait néanmoins conclu un drôle d'accord avec Yoshiki Okamoto, le producteur de Street Fighter II et depuis devenu directeur des opérations chez Capcom : la possibilité de réutiliser les personnages de Street Fighter dans un autre jeu produit par son studio. Chose assez étrange et houleuse que ce contrat dont on ne connait encore aujourd'hui pas tout à fait les termes. Imaginez, c'est comme si en 2019 Disney cédaient les droits de ses personnages pour les utiliser dans d'autres films. On y verrait Dark Vador accompagné de Captain America et de Mickey dans un film hybride produit par Luc Besson. Impensable, et pourtant ça été fait ! En vérité, cela tombait bien pour Okamoto car Akira Nishitani était un assoiffé d'originalité et d’expérimentation en plus d'être un game designer talentueux. Un projet qui se voulait aussi innovant que risqué avec Street Fighter ne pouvait être correctement géré que par lui. Lui-même a beaucoup apprit de son compère sur Street Fighter II, l'excentrique Akira « Akiman » Yasuda, responsables de la galerie de protagonistes haut en couleur composée de Zangief, Blanka et autres E.Honda, des personnage funs, bigarrés et immédiatement reconnaissables.
Nishitani retiendra cela pour concevoir Street Fighter EX.
Dans le même temps, Sony lance sa Playstation sur le marché et fait un appel du pied massif à toute l'industrie pour capter des studios désireux de développer sur sa console. L'appât fonctionne et un tas de studios produisent dès lors des jeux inédits sur la boite grise. Pour faciliter le transfuge des hits d'Arcade vers sa Playstation, Sony s'associe avec les grands du secteur comme Namco qui utiliseront ses Ridge Racer et autre Tekken pour vanter les mérites de la 3D révolutionnaire de la machine. Sony s'engage également en Arcade et produit le système ZN-1, un hardware d'Arcade standardisé que la multi-nationale laisse à loisir les éditeurs de bidouiller afin de créer leur propre système pour développer des jeux. Se basant sur une architecture Playstation classique avec un petit surplus de puissance, cela est ainsi fait dans l'idée de rendre plus aisé le port de jeu Arcade du ZN-1 vers la Playstation, garantissant au passage quelques exclusivités haut de gamme à la Playstation. Capcom, séduit par l'idée d'un hardware rendant le développement de jeu en polygones 3D aussi facile choisi d'utiliser le ZN-1 pour Street Fighter EX mais également pour une autre production – interne, cette fois-ci – nommée Star Gladiator.
Street Fighter EX s'affiche assez clairement comme une œuvre parallèle aux évènements de Street Fighter II. Les développeurs ne s'en cache pas d'ailleurs. On imagine que Capcom a tenu à ce que ce soit dit et répété histoire de ne pas confondre ses fans. Réutiliser les personnages emblématiques de Street Fighter ne donne pas à Arika tous les droits, tout de même. D'ailleurs, le nom de projet de Street Fighter EX était Street Fighter Gaiden, soulignant clairement sa nature parallèle et alternative à la véritable chronologie de Street Fighter. Ainsi, Akuma et Bison (Vega en VO) ne sont plus les vrai grands méchants de l'intrigue, remplacés par un certain Garuda, énigmatique guerrier possédé par une entité démoniaque japonaise. On ne sait rien de lui si ce n'est qu'il représente probablement un des personnages les plus cheaté de la saga (pas en terme de gameplay mais surtout en terme de background, le mec est un démon, ni plus ni moins, on se croirait dans Darkstalker... ah bah ça tombe bien, le scénariste du premier Darkstalker, Junichi Ohno, est justement parti bossé chez Arika pour ce Street Fighter EX). Hormis cela, le scénario qui est propre à cette branche alternative de Stret Fighter concerne les frères et sœur Hokuto et Kairi. Ce dernier a quitté la demeure familiale tandis que sa sœur Hokuto est devenu la chef de la famille Mizugami. Lorsque Hokuto apprend l'existence de son frère disparu quand elle était enfant, elle se lance à sa poursuite. Mais lorsque la jeune femme fini par retrouver Kairi, le sceau du sang se réveille et libère en Hokuto une puissance démoniaque (qui prendra la forme du personnage Bloody Hokuto dans la version Playstation du jeu, semblable à un Evil Ryu). Le seul objectif de Bloody Hokuto étant de tuer Kairi pour définitivement asseoir son autorité et étanchée sa soif de pouvoir sur le monde.
Je ne vais pas vous faire l'affront de représenter Ryu, Chun-Li et tous nos combattants préférés (quoique), à la place, on va s'attarder sur les nombreux nouveaux venus.
Voici pour l'assortiment de nouvelles têtes que nous propose EX. Je passe volontairement sur les personnages cachés Cycloid-β et Cycloid-γ qui sont proprement inintéressants puisqu'ils ne sont pas des personnages à part entière. Ils sont en vérité probablement des modèles techniques servant aux bêta test, pour la modélisation 3D ou pour la programmation des hitbox. Une fois avoir pris connaissance du casting en présence de Street Fighter EX, une chose vient rapidement à l'esprit. C'est... cheap. Oué. Hokuto et Kairi représentent les combattants adeptes des arts-martiaux ''traditionnels'' aux côté de Ryu et Chun-Li. Les sportifs que sont Balrog et Zangief sont rejoints par Cracker Jack et Darun Mister. Tandis que les militaires et agents gouvernementaux Guile et Rolento voient débarquer Doctrine Dark. Pour le reste, ce sont des personnages à vocations parodique ou qui essaye de se trouver une véritable identité telle que Pullum Purna qu'on pourrait ranger aux côté de Dhalsim. Quant à Garuda, il suit la tendance des boss finaux de Street Fighter qui à partir de Akuma commencent à devenir de plus en plus cheaté et de moins en moins orienté art-martiaux pur pour laisser place à des super pouvoirs dignes d'un Avengers (Gill et son pouvoir de création de feu et de glace...).
Cheap autant par leur design très (trop ? ) simplistes comme pour Darun Mister (hormis sa moustache défiant les lois de la gravité, excentricité capillaire se voulant l'égale de la coupe mohawk de Zangief) ou Blair Dame vêtu d'un simple justeaucorps blanc des plus sobre que pour leur apport global au background du jeu (l'inutile gogol du lot : Allen Snider). Si certains personnages rivalisent de loufoquerie (Skullomania) et d'exotisme (Pullum, que j'apprécie vraiment beaucoup), d'autres ne ressemblent tout simplement qu'à un brouillon, une esquisse non finalisée. Pire, si Hokuto ou Kairi parviennent aisément à s'intégrer à la cosmogonie Street Fighter tant visuelle que scénaristique, d'autres comme Skullomania ou Garuda ont du mal à se positionner. Ce dernier aurait eu largement sa place dans Darkstalker... ah bah non, il y a déjà Bishamon duquel il est pour ainsi le copier-coller, zut ! Si les personnages incriminés ne sont pas forcément mauvais, ils souffrent juste d'un terrible effet ''hors-sujet'' par rapport à l'univers Street Fighter. La sauce ne prend pas à cause d’élément trop différent les un des autres qui ne peuvent correctement se mélanger. L'univers qu'a tenté de concevoir Arika avec ses personnages inédits détonnent trop de la traditionnelle galerie de héros qu'on connait de Street Fighter et des personnages étrangement dérangeants comme Doctrine Dark peuvent ainsi nous paraître littéralement antipathiques. D'ailleurs, avec des personnages aussi fades et aussi peu charismatiques, je doute que quiconque se soient intéressés à Street Fighter EX si jamais le jeu n'avait pas compris dans son casting les célèbres Ryu, Chun-Li et Bison...
Le problème étant que c'est un jeu de combat. Et si dans un jeu de combat le casting de personnage n'est pas plaisant, le jeu part dès le début avec un affreux malus. Parce que les combattants et leur technique de combat sont le point central du jeu, l'élément autour duquel gravite le concept même de jeu de combat moderne. Dans un FPS ou un jeu de stratégie, si les personnages ne nous plaisent pas, ce n'est pas si grave car là n'est pas l'intérêt principal d'un tel genre de jeu. Dans Tekken par exemple, je n'aime pas du tout Nina, Bob, Gigas, Alisa Bosconovitch ou Lucky Chloe. Mais je me dis que c'est pas grave car Tekken comporte une tonne d'autres persos super cools que j'adore comme Paul, Kazuya Mishima, Lei Wulong ou Bryan Fury. Mais dans Street Fighter EX, les personnages sont presque tous fades, pauvres, bizarres, hors propos ou tout bonnement détestables. On se retrouve finalement à jouer presque toujours avec les sempiternels Ryu et Chun-Li, parce que eux sont cools et parce qu'on les aime depuis longtemps. Dès lors, autant jouer à un vrai bon jeu Street Fighter qui propose à la même époque un casting beaucoup plus glorieux avec un paquet de combattants Street Fighter qu'on apprécie, genre Alpha 2. Sauf si on veut vraiment goûter à la 3D du jeu...
La 3D d'ailleurs, parlons-en, nan parce que en fait c'est pas vraiment un argument pour ce Street Fighter EX. D'abord parce qu'elle ne sert pas le gameplay (on y reviendra plus tard), mais aussi parce que la modélisation 3D des personnages est assez pauvres. Ce n'est pas non plus complètement immondes, mais force est de constater que la modélisation est parfois un peu grossière. Les membres de nos guerriers sont cubiques, les articulations ressortent comme s'il s'agissait de figurine articulées bas de gammes et les bug de collisions sont légions. Il n'est pas rares de voir des membres d'un personnage passer allégrement à travers sont propres corps. Dommage, car le travail de texturing sur les polygones reste assez correct et la fluidité de l'ensemble est à souligner. Globalement, le jeu est à saluer pour son animation de qualité. C'est un peu plus vif qu'un Tekken 2 encore un peu guindée (mais qui brille par une modélisation haut de gamme et un chara-design inspiré, lui) mais beaucoup moins que l'explosif Bloody Roar. Face à Virtua Fighter 2 sorti dans les même eaux, constat identique, la modélisation semble taillée à la hache, plus de finesse dans l'assemblage des polygones aurait été appréciable. Le diaphragme de Blair qui lui passe à travers le corps au moindre geste fait de la peine à voir. D'autres personnages comme Zangief par exemple semble particulièrement disgracieux avec ses énormes paluches cubiques et son gigantesque cul anguleux couvert de son slip rouge...
Pour rattraper ce constat technique assez désastreux, on peut tout de même souligner le fait que les décors ne sont pas trop mal. À ce sujet, il est sympa de voir qu'ils changent un peu entre la version Arcade (Street Fighter EX) et le portage Playstation (Street Fighter EX Plus Alpha). Comme le stage de Ken qui en Arcade affichait une belle verdure printanière et qui sur Playstation se pare d'un nuancier d'orange typiquement automnale plutôt joli. Les effets spéciaux lorsqu'on balance la sauce genre Hadoken et autres Tatsumaki Senpukyaku sont également clinquants.
Niveau gameplay, comme évoqué plus haut, la 3D ne brille pas non plus. En fait, Street Fighter EX reprend le système de Street Fighter II, pour faire simple. Quart de cercle etc. Et le combat se déroule sur une seule ligne d'horizon, l'aspect 3D n'est en vérité qu'esthétique et graphique. Quelques petits subterfuges comme la téléportation d'Akuma permet effectivement de faire bouger la caméra autour des personnages modélisés en 3D, ce qui opère un succinct changement de ligne, mais une fois la caméra replacée la joute reprend son déroulement normal. Dans Tekken ou Virtua Fighter il était possible de librement tourner autour de son adversaire pour pouvoir l'attaquer par le flanc ou carrément par l'arrière. Cela donnait la possibilité surprenante et enthousiasmante d'infliger à son adversaire des projections inédites, douloureuses et souvent très impressionnantes. La 3D avait donc une utilité dans le gameplay. D'autant qu'avec certains coups circulaires, essayer de se placer sur le côté de son adversaire ne nous mettait pas forcément à l'abri car une bonne balayette tournoyante pouvait quand même nous faucher les guibolles !
On reste donc face à face sur une ligne 2D. Soit. Heureusement, le reste du gameplay est bien calibré car il s'inspire des meilleurs. À commencer par le daron en la matière, Street Fighter II, et ses coups de poing-pied faibles, moyens et forts accompagnés de diverses manipulations de cercle (quart, demi, entier...) pour déclencher quelques techniques. En sus de ce système basique mais ultra efficace, une barre de Super est présente, à l'instar de Street Fighter Alpha (elle-même reprise de Street Fighter II Turbo) sorti un peu plus tôt. Elle se remplie à mesure que vous encaissez ou administrez des coups et une fois pleine, une attaque spéciale de niveau un peut être envoyée. Mais il y a encore deux autres niveaux de jauge à remplir en adoptant un comportement particuliers en combat. À la différence des Alpha, il ne suffit plus d'être ultra offensif pour accumuler de l'énergie et ainsi décharger toute sa barre dans une furie incroyable de violence pour définitivement plier son adversaire en quatre. Non, là, il faut la jouer en finesse. Arika propose alors un système de Cancel (qui feront le bonheur des tacticiens de Street Fighter IV en compétition) où on annule un coup spéciaux pour l'échanger au dernier moment par un coup normal. Le Super Cancel quant à lui s'effectue lorsque vous annulez un Super Combo (il vous faudra donc prendre le risque de sacrifier un niveau de votre jauge de Super et ne pas foirer la manipulation sinon vous perdrez toute l'énergie accumulée ! ) pour le remplacer par un autre. C'est uniquement ce genre de manipulation qui pourront vous permettre de remplir les deux derniers niveaux de la barre de Super. Bien évidemment, plus le combo effectué consomme de niveau de barre d'énergie, et plus il est dévastateur. Mais le jeu ne s'arrête pas là !
En effet, Arika inclut un système de Guard Breaks qui ajoute un grain de tactique dans les combats. Pour la modique somme d'un niveau de jauge de Super, un coup imparable qui traverse la défense adverse peut être effectué afin de l'étourdir. Les campeurs qui ne font que se protéger et distribuer quelques petits coups vicieux et timides de temps en temps risque de vite déchanter ! Ainsi, il convient de ne pas systématiquement envoyer la sauce dés lors qu'on a un ou deux niveaux de remplis car si notre adversaire contre ou esquive le combo, on peut vite se retrouver en difficulté. Il est malin de conserver au moins un niveau durant une grande partie du combat afin de déverrouiller la défense d'un adversaire un peu trop porté sur la garde et sur les contre-attaques, ça peut faire basculer l'issu d'un combat de haut niveau.
Enfin, pour donner un maximum de moyen de défense aux joueurs, Arika implémente un système nommé Tech.Hit qui constitue simplement un contre de projection. Une projection s'effectue généralement en appuyant sur la flèche vers l'avant (vers l'adversaire donc) accompagné du bouton de coup moyen ou fort. Pour contrer la chope, il faudra faire l'inverse, soit la flèche arrière en appuyant également sur le bouton de coup moyen ou fort, mais ceci avec un timing au neurone de Negan prêt (c'est à dire très, très, très restreint, le timing en question :hihi : ). Pour les plus doués, on sait jamais, ça peut éviter de prendre des dégâts à la con pour pas grand chose (les chopes retirent tout de même un cinquième de la barre de vie, en moyenne, c'est pas négligeable. Certaines peuvent aller bien au-delà ! ). Multiplier avec succès les Tech.Hit peut faire tourner la joute en véritable guerre psychologique où l'adversaire sera décontenancé, voir carrément désespéré et n'osera même plus utiliser les chopes de peur de se voir brutalement contré. Sun Tzu disait « tout l'art de la guerre est basé sur la duperie », et on est pas loin.
Chun-Li est cent fois plus mignonne que Hokuto. Guile a cent fois plus de gueule que Doctrine Dark. Balrog est cent fois plus badass que Cracker Jack. Bref. Hormis Pullum que j'aime beaucoup, le seul qui pourrait trouver grâce à mes yeux serait Garuda. Et encore, même lui n'est au final qu'une resucée de Bishamon de Darkstalkers, un autre combattant super cool de chez Capcom. Là est le gros soucis de ce Street Fighter EX, en s'affiliant clairement et directement à la grande saga de bourre-pif de Capcom, il ne peut échapper aux comparaisons et aux rapprochements. Mais malheureusement, c'est loin d'être à l'avantage du jeu d'Arika. Le casting manque clairement de classe et d'universalité (ici ce n'est pas péjoratif ou synonyme de banalité), les graphismes au sommet de la 2D en 1991 (pour Street Fighter II) et en 1995 (pour Street Fighter Alpha) ne sont ici que moyen face à la concurrence 3D. Reste tout de même le gameplay qui, s'il a globalement un rythme moindre que les Street Fighter 2D ne manque pas de quelques notions de techniques très intéressantes. Le socle de la baston à la Street Fighter avec quart de cercle et jauge de Super s'adapte bien à la 3D même si cette fameuse 3D n'est pas intégrale.
En revanche, on ne peut nier la générosité du jeu et sa galerie de nombreux personnages (23 jouables sur cette version EX + α, dont Dhalsim et Sakura qui ont été ajoutés par la version Arcade), et ses modes de jeux. Le Mode Expert réclame d'exécuter des manipulations de plus en plus complexes avec chacun des personnages histoire de se lancer des challenges de maniabilité bien corsés. Le Mode Barrel Bonus qui se débloque après avoir fini le mode précédent demande de détruire un maximum de tonneaux en exécutant - pour arriver plus vite à ses fins - les combinaisons de coups les plus difficiles, une pure affaire de scoring en somme. Enfin et pour finir, le mode Survie, commun à bon nombre de jeu de baston de l'époque et les petites cinématiques (moches) propres à chaque personnages peuvent offrir une motivation nécessaire (quoique maigre) pour se forcer à jouer tous les combattant du roster le temps de quelques matchs.
Avec le recul, n'aurait-il pas été plus malin pour Arika de faire sa tambouille personnelle sans essayer de raccrocher à la locomotive Street Fighter ? Car soyons franc, bons nombres des joueurs de Street Fighter EX privilégiaient l'usage des combattants de Street Fighter et seulement de quelques protagonistes inédits. Mais si Ryu et ses potes n'avaient pas été là, peut-être que Street Fighter EX (appelé dés lors Fighter Layer, oh, bah ça tombe bien, c'est le prochain jeu d'Arika en 1998 ! ) aurait plus facilement trouvé sa voie et aurait gagné en légitimité. Bref, un jeu non exempt de défaut, loin de là, mais qui a un fond de gameplay qui mérite le détour et qui aura singulièrement fait clivage surtout au sein des fans de Street Fighter. Pour les néophytes ou ceux qui en ont tout simplement rien à foutre de Street Fighter, ce Street Fighter EX a des chances de plaire.
La Gameboy a toujours été une console particulière. Déjà parce qu'elle est la première console portable a avoir eu un véritable succès populaire (la Microvision de MB est la première véritable console portable à jeux interchangeables de l'histoire, mais sa carrière fut assez confidentielle). Puis aussi parce que de part son aura et sa ludothèque fourmillante de bons titres, elle a sut faire naitre en nous de tendres souvenirs d'enfance ou d'adolescence. Son prix attractif et son côté « roots » en ont fait une console simple d'accès, que même ceux qui n'étaient pas mordus de jeu vidéo ont sut apprécier au détour d'un Tetris ou d'un Super Mario Land. Renvoyant le jeu vidéo à ses plus basiques fondamentaux en livrant des jeux au gameplay souvent simple mais efficace et en mettant en valeur le fun plutôt que l'aspect technique, la Gameboy bénéficie d'une clémence de la part des joueurs qui ont souvent sut s’accommoder de son hardware archaïque. Une clémence qui va nous aider à comprendre pourquoi le jeu du jour, nommé Solar Striker, est si sympathique.
Solar Striker est un des premiers jeux de la console. Il est par ailleurs le seul shoot them up traditionnel de Nintendo (on omet donc volontairement Star Wing). Conçu pour tester les capacités de scrolling du nouveau hardware portable de Nintendo, le jeu est, comme vous pouvez le voir, épuré. Les décors sont assez vides, il faut le reconnaître. Ce voile de blanc quasi immaculé du premier niveau a du mal à nous faire croire qu'en réalité l'action se passe dans l'espace. Le mode négatif où les couleurs s'inversent qu'on peut utiliser si on insère la cartouche dans une Gameboy Advance SP fera ainsi découvrir à de nombreux fans la vérité bien des années plus tard. En attendant, les stages suivants offrent un peu plus d’intérêt d'un point de vue visuel. On se voit ainsi voler au-dessus de ce qui semble être une cité avec ses longues routes rectilignes séparées par quelques arbres ; puis on traverse un désert aride écorché par d'immenses fissures à travers sa roche. En tout, c'est à 6 niveaux que nous auront à faire, parsemés de petits vaisseaux et monstres insectoïdes au design simple mais bien exécuté. Les boss, présents à chaque fin de level, comme le veut la tradition sont constitués de sprites plus gros et plus travaillés. Comme une sorte de récompense en soi, ils sont jolis et inspirés, on y reconnaitrait presque des grands classiques du shmup de l'Arcade.
Le jeu est relativement lent, le défilement vertical n'est pas foudroyant en raison des limites hardware évidentes. Cela contribue en outre à rendre le jeu assez aisé. Son gameplay est façonné de façon la plus artisanale qui soit pour apporter une essence absolue de simplicité à son jeu. Une seule arme upgradable est disponible. Le tir simple, bien vite insuffisant se transforme en tir double, puis en tir triple, couvrant un champ d'action plus large pour ceux qui visent sans arrêt à côté (genre Darksly avec sa femme ). Enfin, le tir se transforme en double laser qui, s'ils ne sont pas forcément plus précis que le triple tir ont au moins pour eux leur redoutable puissance, vraiment utile contre les boss du stage 4 à 6. Pour upgrader le canon, rien de plus simple, choper au vol les power up (les capsules avec un gros P inscrit dessus, simple comme bonjour, ou comme Power-up, justement). Mais là où on pourrait craindre un défi intransigeant avec ce Solar Striker, il n'en est rien.
Tout d'abord, lorsqu'on se fait toucher, certes on perd une vie, mais notre armement ne revient pas au niveau de base comme par enchantement. En fait, il chute simplement d'un degrés de puissance. Et comme chaque degrés de puissance du canon est constitué de deux paliers (il faut donc attraper deux power-up pour le faire monter au stade suivant), on garde toujours un arme un peu moins forte qu'avant mais tout de même pas trop pourrie en cas d'erreur de pilotage. Heureusement car dans les derniers level, des mid-boss font leur apparition et même certains ennemis de base peuvent s'avérer coriaces et réclament plusieurs tirs pour être détruits. La difficulté très bien équilibrée du jeu est également rendue toute relative par cette abondance de vie qu'on peut obtenir si on joue un minimum correctement. En effet, il faut savoir que tout les 50.000 points sur le cadran du high score, on obtient une vie. Les ennemis de base rapportent 200 points, mais certains autres un peu plus résistants en rapportent 1000 ou 2000. Quand à certains ennemis spéciaux qui nous foncent dessus en colonne, il suffit de se tenir au plus bas de l'écran et de les canarder. Si on connait le niveau à peu prêt par cœur et qu'on les attaque suffisamment tôt dés qu'ils apparaissent en haut du tableau, on est en mesure de les exploser juste avant qu'il s'écrase sur notre nez façon kamikaze. Ces unités adverses là rapportent chacun 5000 points et ils apparaissent par paire de quatre ou cinq. Autant dire qu'en assurant un minimum, on engrange facilement les bonus life !
Les niveaux, pas très longs sont par ailleurs pas très compliqués à mémoriser. Condition sine qua none pour être expert d'un shoot them up : apprendre par cœur les patterns souvent scriptés des vagues d'ennemis. Dans Solar Striker c'est abordable pour quasiment quiconque s'y essayerait. C'est une occasion d'admirer les paraboles des vagues d'ennemis qui ont chacun leur comportement propre. Certains ennemis foncent tout droit et ne semblent même pas vous calculer, même si vous vous placez à l'exact opposé de leur position ; pour finalement, au dernier moment, dés qu'ils arrivent en bas de l'écran, bifurquer brutalement en tentant de vous percuter de côté, là où votre canon ne porte malheureusement pas ! D'autres unités préfèrent exécuter des zig-zag, comme un handspiner à qui on aurait arraché une branche pour n'en faire qu'une hélice de biplan. Petite astuce pour ceux qui ne sont vraiment pas expert du genre mais qui aimerait tout de même visiter au moins le second stage : placez-vous dans le coin supérieur droite ou gauche de l'écran lorsque vous faites face au premier boss. Ce gland va se contenter de défourailler devant lui sans même s'apercevoir que vous avez disparu. Inutile de l'attaquer, de toute façon votre canon ne pourra pas le toucher dans cette position. Et au bout de quelques secondes, le boss s'arrêtera de lui-même et taillera la route (ou les airs plutôt) en vous laissant passer tranquillement au niveau suivant. Ça rapporte aucun point et donc aucune vie de le vaincre ainsi, mais bon.
Niveau sons, c'est également sans fioritures. Les 'brrsshh'' et les ''piou piou'' vont de paire avec les quelques sprites en pagaille très rudimentaires qui composent le jeu. Mais on n'en tiendra pas rigueur au jeu. En revanche, les musiques sont de bonnes factures. Si les deux premiers niveaux auraient put nous faire craindre le pire en pensant que Nintendo et le compositeur, Toru Osada, avaient été paresseux (oui car les deux premiers niveaux partagent la même musique, en fait), la musique évolue à partir du troisième stage. Le son mélancolique du niveau 3, le rythme martial du niveau 5 qui nous fait comprendre qu'on arrive au bout de l'aventure dans un dernier rush héroïque à travers l'armada ennemie... mais la meilleure petite ritournelle du jeu à mon sens reste celle du niveau 4 : entêtante, popisante à souhait, elle est enjouée et représente les racines d'un son chiptune typiquement 8-bits inoubliable pour les enfants des 80's et des 90's.
Proposant un concept de jeu qu'on qualifierait volontiers de sec et sans artifice, Solar Striker était, déjà en 1990 un jeu qui ne payait pas de mine. Son gameplay efficace mais d'une simplicité presque trop appuyée n'avait d'égal que sa réalisation d'une sobriété aussi morne qu'un mur de parpaing soviétique des années 60. Même pour ceux l'ayant connu à l'époque, je ne suis pas sûr que la pillule serait plus facile à digérer aujourd'hui. Et pourtant, Solar Striker, autant que la console qui l’accueille, réussi à tirer à lui notre sympathie, si pas au moins notre indulgence. Les racines d'un genre sont là : c'est divertissant à défaut d'être très profond, c'est fluide et facile d'accès, taillé pour faire des parties courtes, voire très courtes et offrir un challenge progressif. Le principe même du jeu à high score réside en sa capacité à offrir un défi que seul le joueur est permit de s'imposer comme bon lui semble. Évidemment, d'autres soft qui sortiront eux aussi sur Gameboy un tout petit peu plus tard, comme Nemesis et R-Type finiront par enterrer ce Solar Striker déjà naturellement pas très bien équipé pour résister aux affres du temps et à l'exigence grandissante des joueurs. Reste que sur le coup, le soft conçu par Nintendo et codé par Minakuchi Engineering propose une formule simple qui aura au moins le mérite de définir ce qu'un jeu vidéo devrait toujours être un peu au fond de lui : amusant et abordable pour tous.
Hé oué, parce que en 6 ans et demi d'existence, c'est qu'on a eu le temps d'en cumuler des classiques !
156 tests - dont plusieurs participations de guest (Shanks, Randyofmana, Nobleswan...) - plus tard, je me permets de faire un petit bilan (nan mais oué, j'adore les bilans). Cette fois-ci, à l'honneur, parce que bon quand même sans eux le jeu vidéo ne nous passionnerait certainement pas autant, les grands classiques, les hits, les monument du retro gaming vraiment très vieux ou un peu plus récents ! Et pi parce que bon vous connaissez mon intérêt pour les jeux oubliés et les petites perles inconnues, mais un bon vieux Mario, accompagné d'un Street Fighter II, pour finir sur un F-Zero X histoire de bien se décrasser les phalanges sur les boutons du pad, ça fait du bien ! Avouez.
Ainsi, pas moins de 40 classiques se sont illustrés sur Retro Gamekyo, il suffit de cliquer sur le nom du jeu pour consulter son test, bonne lecture !
Le héros s'appelle vraiment Rue ? Woaw, c'est un nom à coucher
dehors...
En 1999, Squaresoft est parmi les studios qui dirigent le monde du jeu vidéo. Adulé, triomphant, ils alignent succès commerciaux colossaux et réussites critiques même avec leurs productions les plus modestes et les plus expérimentales. Dans l'Histoire du jeu vidéo et parmi les fans de la société, on s'accordent à dire que la toute fin des années 90 voit le premier âge d'or de Squaresoft s'éteindre au profit d'une nouvelle ère, celle de la fusion avec Enix et d'un second souffle (généralement considéré jusqu'à l'arrivé des consoles HD en 2006-2007, où Square-Enix perdra assez brutalement de sa superbe). Final Fantasy VIII cartonne, on attends déjà le neuvième opus qui est développé en parallèle par un équipe différente, mais c'est du travail d'une troisième team dont on va parler aujourd'hui. Hiromichi Tanaka - ami de longue date d'Hironobu Sakaguchi avec qui il créera les trois premiers Final Fantasy -, dirige l'équipe à l'origine des Secret of Mana, équipe qui deviendra plus tard la troisième division de développement de Square-Enix. Après un merveilleux Seiken Densetsu III, chant du cygne de la Super Famicom, ils débutent en fanfare leur carrière sur Playstation avec Xenogears. Leur projet suivant, Dewprism au Japon et Threads of Fate aux USA réuni en majorité la même équipe pour un jeu qui se veut résolument différent des grandes stars que sont les Final Fantasy. Suivant la mouvance des A-RPG déjà entamée par Squaresoft avec Brave Fencer Musashi l'année d'avant, Threads of Fate s'avère être un jeu somme toute limité et à l'ambition sûrement un peu moindre que les autres gros softs de la firme, mais il n'est pas dénué d'intérêt.
Le scénariste Daisuke Watanabe (sur une idée originale de Makoto Shimamoto) dont c'est le premier jeu en tant que tel prend le parti de proposer deux aventures distinctes. Ce qui rend d'ors et déjà Threads of Fate remarquable. Loin d'être anecdotique ou un prétexte à une partie bonus pour remplir la jauge à fan service (comme Vergil dans Devil May Cry 3), Threads of Fate nous présente le héros : Rue, et l'héroïne : Mint. Rue est un jeune garçon timide et poli, mais courageux et volontaire qui cherche le meurtrier de sa bien aimée pour qui il n'a jamais eu l'audace d'affirmer ses sentiments. Mint quand à elle, beaucoup plus triviale, est une peste imbue d'elle-même et outrageusement pourri gâtée. Elle maltraite tout le monde et ne mâche pas ses mots, une véritable tête à claque. Les deux ont des motivations bien distinctes et un caractère diamétralement opposé, autant qu'une partie de leur gameplay d'ailleurs. Le jeu est doté d'un univers assez restreint (une ville centrale qui fait office de quartier général, si on veut, auquel on retourne se reposer et déterminer la suite des événements après chaque donjon) avec une petite galerie de PNJ sympathiques, le fait d'articuler le scénario autour de deux personnages aussi différents rend réellement service au jeu. En effet, les deux facettes de cette même pièce mérite autant d'intérêt l'une que l'autre. Jouer avec l'un ou l'autre nous fait découvrir les PNJ sous différents angles et si avec Rue, l'ambiance a tendance à être solennelle et sérieuse (bien que quelques touches de loufoquerie persistent), avec Mint c'est l'exubérance et l'humour typiquement RPG nippon qui animera le jeu. Le dialogues qui en découlent sont en outre fort bien écrits (une excellente fantrad française est d'ailleurs disponible depuis 2015, je vous la recommande chaudement pour profiter au maximum des savoureux dialogues), dessinant le caractère bien délimité de chacun des personnages avec aisance. Les petites blagues et jeux de mots font mouche, le ton donne du cachet aux échanges entre les protagonistes et globalement, ils font tous preuve de suffisamment d'éloquence pour qu'on se rapproche d'eux et qu'on n'ai pas l'impression désagréable d'avoir à faire à de simple plots virtuels sans âme ni émotion. Certains personnages non jouables tiennent carrément un double discours à certains moments clés du jeu, surprenant et intriguant à la fois. Risquée, ce genre d'entreprise a du culot autant qu'elle est opérée avec maîtrise. Dés qu'on ose débuter le jeu avec le second personnage, on comprend rapidement que cela est nécessaire pour saisir toute la sève narrative de ce jeu qui sans cela aurait été sympathique à parcourir mais en revanche diablement court. L'exercice n'a d'ailleurs pas été pratiqué en premier par Dewprism, pas tout à fait puisqu'on se souvient du choix que Star Ocean 2 nous donnait entre ses héros : Claude et Rena. Live a Live, déjà testé avec brio par Randyofmana (clic ici pour lire) proposait également une brochette de scénarios alternatifs proposant une narration parfois drastiquement différente de l'une à l'autre. Wild Arms avait également proposé cela de façon plus timide cependant, via des prologues ne durant qu'une heure, tout au plus, avant de donner le gros du spectacle (les quarante heures suivantes) aux joueurs de façon plus classique.
Mais au-delà du scénario, et comme dit plus haut, c'est aussi du point de vue du gameplay que cette idée de dualité rend service au jeu en proposant une aventure manette en main véritablement différente et intéressante dans les deux cas. En effet, Rue et Mint possèdent des pouvoirs qui leurs sont propres. Rue est un épéiste qui a le pouvoir de se transformer en monstre qu'il a vaincu. Pour se faire, il doit récolter des médaillons à l'effigie des monstres en question, mais il ne peut en transporter que cinq différents à la fois. Si vous chopez un sixième médaillon, il viendra remplacer le médaillon le plus ancien de votre collection afin d'effectuer un roulement forcé. Prenez garde alors à ne pas looter tout et n'importe quoi comme dans un Ni-Oh ! En effet, si certains monstres sont très utiles comme la Gargouille au début du jeu (bonne force de frappe et capacité de saut accru pour faciliter les phases de plate-forme), d'autres sont franchement nazes et ce serait du gâchis que de leur accorder une place précieuse dans votre inventaire très réduit. L'usage des divers monstres sera également l'occasion de jouer les petits stratèges car le bestiaire adverse sera plus ou moins sensible aux attaques physiques ou magiques. Se transformer en monstre uniquement capable de donner des coups de griffes, c'est bien, mais se transformer en monstre qui est également capable de lancer de super boule de feu magique, c'est mieux et ça rend votre personnage polyvalent ! Mint quant à elle est une magicienne et se bat à l'aide de grands anneaux. Si je devais résumer grossièrement, je dirais qu'elle dispose elle-même des pouvoirs que Rue peut obtenir en se transformant en monstre, à savoir une boule de feu, un sort de glace et tout le toutim. Le petit truc en plus, c'est qu'elle peut combiner certains sorts pour en créer de nouveaux et s'en servir, comme Rue avec ses capacités bestiales, pour résoudre des énigmes dans les donjons.
Dit comme cela, tout semble bien aller dans le meilleur des mondes, hélas non. Si dans le fond Threads of Fate a de l'intérêt, dans l’exécution il souffre de grosse maladresse. Ainsi, vous l'aurez compris, il s'agit d'un Action-RPG. Le genre se veut dynamique et le jeu l'est en soi. Mais les caméras se plaçant n'importe comment auront tôt fait de vous exaspérer. Pire, les phases de plate-forme sont parfois horriblement injustes car la maniabilité est à la peine. Notre personnage souffre d'une inertie étrange et la perspective de certains obstacles et plate-forme peut s'avérer très trompeuse. D'où la nécessité d'avoir recours aux capacités de certains monstres volant pour se faciliter la vie. Le summum vient lors de certains combat de boss qui s'effectuent sur un champ de bataille très accidenté, à base de plates-formes étroites entourées de gouffres mortels. Devoir s'habituer à la perspective 3D un brin capricieuse, sauter de plate-forme en plate-forme avec un personnage aussi souple que Joueur du Grenier quand il était gros, et esquiver les attaques du boss, cela devient vitre compliqué. Souvent, la caméra se place trop proche de l'action et on a une légère tendance à se sentir étouffé. Ocarina of Time avait réussi à élargir notre champ de vision via un level design spacieux et des donjons souvent vastes, donnant lieux à des combats de boss impressionnants et très lisibles. Threads of Fate préfère un level design plus intimiste avec des donjons labyrinthiques mais étriqués, desservant complètement les phases de plate-forme.
La hitbox de la plupart des ennemis est par ailleurs assez mal fichue. Le premier boss humain qu'on doit affronter (Duke) n'est pas très ardu à vaincre une fois qu'on a assimilé sa hitbox un brin foireuse. Mention honorable dans la catégorie prise de tête : une étape où on doit courir en esquivant les stalactites qui tombent du plafond au tout dernier moment avec à nos trousses un rocher géant façon Indiana Jones. C'est immaniable, la caméra encore une fois est bien trop rapprochée (pour donner une sensation de panique au joueur, sûrement, et ça fonctionne mais pas de la bonne manière...) et même si cette séquence est au finale très courte, on a pas le droit à l'erreur car un seul pic rocheux nous touche et c'en est fini. Le personnage se voit ralentir dans sa course et le rocher nous rattrape pour nous écraser. Il nous faut virer à droite ou à gauche du sentier sur lequel on court pour esquiver les obstacles (cela sous-entend qu'il faut apprendre l'ordre d'arrivé des obstacles par cœur si on y arrive pas miraculeusement du premier coup) mais la maniabilité rigide et l'inertie du personnage le fait ralentir dans sa course inexorablement dès lors qu'on lui demande de rusher vers l'avant tout en déviant légèrement de sa trajectoire sur le côté. Bref, un calvaire de maniabilité.
Dans le principe, c'est intéressant. L'équipe de développement a voulu intégrer des séquences de jeu plus variées que les sempiternelles combats. Mais même quand on s'appelle Squaresoft, n'est pas Ocarina of Time qui veut. Outre cela, Threads of Fate adopte un système qui pourrait convenir à merveille à un dungeon-RPG. En effet, il n'y a que très peu de moyen de se soigner dans le jeu. Hormis l'auberge de la ville de Carona, qui sert de HUB central, on peut récolter de très rares petites fioles bleues sur le cadavre des ennemis pour restaurer HP et MP. Parfois, une source magique revitalisera notre combattant, disposée bien souvent juste avant l'antre d'un boss. Mais lors de la défaite, vous pourrez monnayer votre survie en échange de pièce. De bronze, d'argent, d'or ou de platine, elles ont des pouvoirs (et par extension une rareté) de plus en plus élevés. Une pièce de bronze redonne un petit quart de la barre de HP totale de votre personnage, ce qui bien souvent est très peu mais cela peut suffire si vous voulez simplement explorer quelques salles avant de revenir au bercail. En revanche, une pièce rare renouvèle l'intégralité de votre barre de santé, utile lorsque vous savez qu'il vous reste une grosse partie du donjon à explorer et un boss en fin de parcours. Les pièces, évidemment, ne peuvent être achetées à la boutique du coin comme de vulgaire potion. Il faudra les obtenir en échange de dons généreux à l'église de la ville. Pour gagner de l'argent et faire des dons ? Rien de plus simple : farmer les médaillons de monstres, les rapporter et les vendre à la boutique.
Globalement, c'est un bon système de jeu qui réclame de faire plusieurs allers-retours entre les donjons et la ville. Un temps de préparation est nécessaire pour acheter de l'équipement (qui s'équipe automatiquement, il n'y a rien à gérer) et cumuler une petite bourse de pièce pour éviter le game over. Tester régulièrement les différentes transformations de Rue ou les sorts combinés de Mint pour déterminer lequel est le plus utile face au bestiaire de tel ou tel donjon et également nécessaire. On est bien d'accord qu'il ne s'agit pas là d'un Tactical-RPG ou d'un RTS, mais on reste tout de même dans le jeu de rôle, avec ses règles à respecter sous peine de se heurter à une difficulté impitoyable (certains boss sont vraiment violents !). Dommage que le soft soit plombé par une caméra pourri, des phases de plate-forme énervantes et une maniabilité pataude du personnage.
Squaresoft durant les années 90 a été synonyme d'excellence graphique. Une technologie à la pointe et des graphiste ultra talentueux ont poussé la société au sommet. Face à leur rivaux Enix en ce qui concerne les RPG, les Final Fantasy par exemple ont très vite sut tirer leur épingle du jeu avec des invocations de chimères/éons aux sprites époustouflants, tout en effets spéciaux et éclats lumineux. Avec l'ère de la 3D, Squaresoft fut malin et mélangea 2D pour le décors (afin de les rendre plus chaleureux et plus détaillés tout en économisant de la ressource hardware et de la place mémoire sur le disque) et 3D pour les personnages et monstres histoire de suivre la tendance et montrer qu'ils étaient encore dans le coup. Pour Threads of Fate comme pour Brave Fencer Musashi en revanche, Squaresoft tente la full 3D et le moins que l'ont puisse dire, c'est que c'est bluffant. Alors, d'accord, Threads of Fate n'est pas si ambitieux qu'un Final Fantasy IX, si on y réfléchit bien. Le nombre de donjons et décors différents est bien moindre, le bestiaire ne comporte qu'une dizaine de monstre face aux deux cents créatures de Final Fantasy. La durée de vie cumulée des deux scénario n'excèdent pas les quinze heures quand la neuvième itération de la fantaisie finale dépasse allégrement les soixante heures d'aventure riche en émerveillement. Mais force est de constater que quand Squaresoft ose la full 3D, même pour un jeu de moindre envergure, ils le font bien !
Le monde est coloré, très typé manga, rappelant par moment SaGa Frontier 1 et 2 dans l'ambiance de ses décors. Ce qu'il provoque par une mauvaise perspective et un champ de vision mal fichu, le jeu le compense par une direction artistique chaleureuse et un enrobage global très agréable. La modélisation des personnages et des monstres est majoritairement de très bonne facture et on sent la volonté évidente de s'éloigner des poncifs du médiéval-fantastique (chevalier en armure, princesse à belle robe etc). Les décors regorgent de couleurs chatoyantes et vives, même les donjons caverneux se parent de bleu et de mauve du plus bel effet, contrairement au gris et au marron fades d'un certain Dragon Quest VII. En sus, le jeu est généreux en effets spéciaux de touts types : flammes, éclats lumineux plus ou moins diffus, effets de vague et de transparence (avec des sources d'eau par exemple)... L'animation quant à elle est fluide et détaillée même si elle n'aide en rien à rendre les phases de plate-forme ou le maniement du personnage plus aisé. Le graphisme de ce Threads of Fate, avec son scénario, ses dialogues savoureux et sa petite galerie de personnages sympathiques demeure très clairement son plus gros point fort. Même si on aurait apprécié un peu plus d'expressivité sur le visage des personnages, en rapport avec ce qu'ils disent, par exemple. Les deux designer Tsutomu Terada et Tadahiro Usuda (qu'on retrouvera comme programmeur ou designer sur Ninja Gaiden 3, Toukiden et différent Atelier à partir de Rorona pour le premier ; Soma Bringer, Xenoblade Chronicles et Breath of the Wild pour le second) ont assuré un design mignon, chaleureux et cohérent dans l'ensemble.
En terme de son (oué, sans transition, j'suis un gars comme ça moi), le jeu rempli le contrat honorablement. Une bibliothèque de son et bruitage assez riche a été utilisée. Bruit de pas qui résonnent dans les donjons caverneux, son métallique quand on frappe la pierre de notre épée, grincement de porte, bruissement de l'herbe en forêt ou dans la prairie jouxtant la ville, ruissellement de l'eau cristalline... bref, le tout apporte consistance et immersion, c'est bienvenue. Junya Nanako, le compositeur - dont la popularité explosera véritablement lorsqu'il collaborera avec le maître Nobuo Uematsu sur la BO de Final Fantasy X deux années plus tard -, s'occupe de l'OST de Dewprism. Il signe quelques jolies musiques mélancoliques et des thèmes d'ambiance qui sont de qualité bien que certains soient très vite répétitifs. Au moins, ça reste cohérent et ça contribue à une ambiance générale maitrisée. Après un Final Fantasy VII et VIII (on peut même y inclure Tactics) beaucoup plus sombre et sérieux, un vent de fraicheur vivifiant souffle avec Dewprism et son ambiance légère, presque estivale.
Nombreuses furent les productions d'excellentes factures signées Squaresoft sur Playstation. Multipliant les projets annexes et les essais en complément de leurs succès historiques, on imagine que Squaresoft profitait de la rentrée d'argent conséquente des Final Fantasy pour allouer des budgets à un tas de jeux inédits. Parfois sans lendemain, comme ce Threads of Fate qui aurait probablement mérité une suite sur Playstation 2 (Brave Fencer Musashi y a eu droit, lui), parfois pour tenter d'aller un peu plus loin (les deux Tobal). On notera que les équipes japonaises de la firme ne furent jamais tant productives et inventives que pendant l'ère Playstation. Passant du jeu de course (Racing Lagoon) au shoot them up (Einhänder) puis du survival-horror mâtiné de RPG (Parasite Eve) au gestion d'écurie de course hippique (oué, carrément, ça s'appelle Power Stakes). Squaresoft, devenu Square-Enix plus tard a sut compenser cette perte de capacité à varier ses jeux par l'achat de studios et éditeurs externes afin de consolider son catalogue (notamment avec Eidos et ses studios affiliés) mais la richesse créative de la branche japonaise a fini par se ternir.
En attendant, ce Dewprism reste un jeu très intéressant vis à vis de son double scénario, certes pas forcément extrêmement différent l'un de l'autre, mais en tout cas complémentaire. Son ambiance joviale, ses teintes chamarrées et chaleureuses, ses personnages attachants et ses graphismes très soignés compensent une maniabilité douteuse, bien que quelques idées de gameplay méritent le détour. Un jeu qui brille plus par son enrobage que par son fond mais qui a le mérite de représenter le goûts de Squaresoft pour l'expérimentation et l'inédit à cette époque, en compagnie d'autres curiosités commercialisées par la firme.