L'année 2018 débute et Retro Gamekyo ne vous oublie pas !
L'année dernière fut compliquée, au même titre que l'année d'avant, mais désormais, tout semble aller mieux ! L'emploi du temps est plus clément, la motivation revient au galop et le syndrome de la feuille blanche s'est volatilisé. J'en veux pour preuve que j'ai déjà écris pas moins de 5 retro tests depuis la mi-décembre, je ne me souviens pas avoir tenu un tel rythme !
Il est donc temps de vous présenter un nouveau projet sur Retro Gamekyo, et celui-ci promet d'être le plus gros projet jamais vu sur le groupe !
Pour ceux qui ne sauraient pas ce qu'est un abécédaire, il s'agit d'un support éducatif souvent doté d'une image ou d'un mot correspondant à chacune des lettres de notre alphabet.
L'idée étant donc de faire le test d'un jeu retro pour chacune des 26 lettres que comporte notre alphabet.
Oui, vous avez bien lu, 26 retro tests seront donc proposés sur Retro Gamekyo en 2018 (sans compter ceux que Docteurdeggman voudra réaliser de son côté, indépendamment du projet !). Comme dit plus haut, déjà 5 articles sont finalisés et prêt à être publiés, ils arriveront incessamment sous peu.
Je ne sais pas encore selon quel intervalle les tests seront publiés, si ces intervalles seront fixes ou pas (1 par semaine ? 1 toutes les deux semaines ? ) mais une chose semble certaine, c'est que je suis motivé à l'idée d'entamer, développer et boucler ce projet colossal en 2018 et pas plus tard !
Tout ce que je peux désormais vous dire, c'est merci de votre fidélité, de votre soutient, et à très bientôt pour le retro test de la lettre A !
Lorsqu'il m'est venu l'évidence qu'il me faudrait rendre un verdict sur Final Fantasy, à l'approche des trente ans de l’œuvre colossale et précurseur de Squaresoft, j'ai eu des doutes. Vénérant au-delà de toute raison la saga aux double F de Sakaguchi, Uematsu et Amano, j'ai eu peur de redécouvrir la genèse de la série comme j'ai put le faire avec Dragon Quest. Peur de trouver dans un soft de 1987 une vision archaïque, injouable et suranné du J-RPG. Elle qui aura donné ses lettres de noblesse au genre à l'international, elle aussi qui encore aujourd'hui fait montre d'un passé obscur, insoluble. La naissance tant que l'évolution de Final Fantasy fait pourtant parti intégrante de la grande histoire des jeux vidéo et demeure un pilier central de notre loisir favoris. Impossible de passer outre quelque soit son image et sa valeur. Au lendemain de sa très certainement plus mauvaise itération (qui pourtant s'est vendu mondialement aussi bien que l'un des meilleurs Dragon Quest, le huitième, sacré injustice...), le sort de Final Fantasy reste flou. Posons les choses à plat et essayons de revenir au tout début de cela.
Difficile d'évoquer l'avènement des J-RPG (terme cloisonnant un certain type de jeu de rôle basé sur les habitudes culturelles et ludiques des joueurs japonais, et pourtant beaucoup plus proche des inspirations et conventions nord-américaines qu'on ne le croit) sans parler de la popularisation des jeux de rôle sur table et à base de plateaux/figurines dans l'Archipel. Ces derniers provenaient dès la moitié des années 70 du pays de l'Oncle Sam via l'éditeur le plus reconnu de l'époque : Avalon Hill. Les premiers jeux du genre, wargame, jeu de stratégie, jeu de rôle, sur touts les supports possibles sont principalement introduits au Japon via des petites entreprises d'import de jeu. Mais ceci a un coût : le transport est à l'époque extrêmement cher, surtout pour des produits jugés dispensables (comprenez tous les produits de loisirs, tout ce qui n'est pas alimentaire ou médical), si bien que les jeux de stratégie et de plateau se font rares. De plus, les communautés solides et passionnées, déjà réunies autour de Donjons & Dragons depuis 1974 aux USA, peinent à voir le jour au Japon, question de culture, de façon d'aborder le jeu. Autre détail qui différencie le point de vue japonais du point de vue occidental et qui continuera de persister dans les Final Fantasy et les autres grands classiques du J-RPG : le personnage. En effet, les jeux de rôles occidentaux proposent et rendent naturel la phase de création et de personnalisation de son avatar d'aventure. Encore aujourd'hui, il est impensable d'imaginer un Baldur's Gate ou un The Elder Scroll sans création de son guerrier de la tête au pied. Les japonais sont quant à eux plus habitués, d'un point de vue créatif, à accompagner un héros prédéfinit, disposant de caractéristiques physiques et morales qui lui sont propres et ceci pour diverses raisons : scénaristiques, culturelles, marketing...
En parallèle, des GI américains installés sur les bases militaires au Japon font eux-même provenir des jeux de table de leurs compatriotes et quand bien même cela reste dans le cadre d'un cercle très privé au départ, il se trouve que des japonais y ont accès par ce biais également. Des petits groupements de passionnés se forment, tout d'abord moins pour jouer que pour adapter les règles et les textes foisonnants à la langue locale, ce qui demande un travail considérable. Akitoshi Kawazu, qui sera designer sur Final Fantasy I & II sur Famicom est de ceux-là, il a déjà la fibre créatrice et joue à des jeux comme Tactics II et Panzer Leader. Ils seront nombreux, aujourd'hui reconnus à voir naitre la tendance et à baigner dans cette nouvelle culture du jeu de rôle et de stratégie. Yoshio Kiya (Dragon Slayer), Yuji Horii (Dragon Quest), Yoko Taro (Nier), Hidetaka Miyazaki (Dark Souls), Kou Shibusawa (Nobunaga's Ambition, Ni-Oh)... tous ont été nourris à la sève des Donjons & Dragon et Livre Dont Vous Êtes Le Héros à la popularité grandissante au début des années 80. Pour conforter leur seconde grande passion qu'est le bidouillage informatique, bon nombre d'entre eux auront à faire à l'Apple II, micro-ordinateur de la célèbre marque à la pomme californienne. Faire la liste des célèbres créateurs, producteurs et graphistes ou programmeurs qui ont écrit en autodidacte leur première ligne de code rudimentaire sur un Apple II serait un travail de longue haleine tant ces gens-là sont nombreux. Ainsi, Hironobu Sakaguchi déclarera à Satoru Iwata, illustre et regretté PDG de Nintendo entre 2001 et 2015, lors d'un de ces légendaires « Iwata Ask » : ''Lors de mon apprentissage du codage sur Apple II J-Plus (ND Anakaris : la version de la machine spécialement conçue pour le marché nippon), j'ai analysé de nombreux RPG PC de l'époque et j'ai pu alors décider quels éléments de ces titres pouvaient être utilisés et implémentés sur la NES.''
À l'instar du test sur Dragon Quest qui s'articulait autour des trois grands noms principaux qui ont façonné la saga : Yuji Horii, Akira Toriyama et Koichi Sugiyama, il me semble évident (et éminemment pratique) de faire de même pour Final Fantasy. Le fait que l'héritage du jeu ai fait naturellement ressortir trois personnages clés en priorité est du pain béni pour tout journaliste et/ou écrivain d'article amateur qui cherche à s'intéresser aux racines retro de Final Fantasy. La Sainte Trinité, déjà bien connue des internautes est la suivante : Hironobu Sakaguchi, game designer et scénariste ; Yoshitaka Amano, character designer et directeur artistique ; et Nobuo Uematsu, compositeur de la bande-son.
Sakaguchi ne se destine pas à un métier dans le jeu vidéo. Il découvrira en réalité cette passion relativement sur le tard alors qu'il s'est procuré une contre-façon de l'Apple II, à cette époque très populaire mais aussi très cher sur le sol japonais. Musicien dans l'âme et ayant apprit à jouer de plusieurs instruments tels le piano et la guitare, il dispose d'une sensibilité artistique réelle. Si bien qu'une surprise lui atterrit en plein visage dés lors qu'il joue à des jeux comme Transylvania, sorti en 1982 (une aventure textuelle dans un monde fantastique peuplé de vampires et de gobelins). Les jeux vidéo sont capables de raconter une histoire. À la façon d'un certain George Lucas qui a choisi le cinéma pour s'émanciper et se donner les moyens de conter de fabuleuse aventure au fond narratif véritable, Sakaguchi s'intéresse de plus en plus au jeu vidéo grâce à ce vecteur. Vient les expériences Wizardry et Ultima qui vont faire germer les graines de l'imagination ultra fertile dans l'esprit de Sakaguchi. Mue par un désir de reproduire ce qu'il découvre, voir d'inventer ses propres créations, il s'intéresse à la technique, étudie les hardware et dépiaute des disquettes et des périphériques pour comprendre comment de tels logiciels peuvent être conçus. Quelles sont les réactions et raisonnements logiques entre ce qui se passe à l'écran et ce que le joueur décide de faire. Un authentique game designer naquit de cette réflexion. Non pas un simple producteur de jeu vidéo, un fantasque individu qui aime imaginer des bestioles bizarres et des mondes féeriques. Mais un touche-à-tout qui sait se mettre tant à la place du joueur que du concepteur. À force d'étudier, de jouer avec les outils d'édition et divers programmes mis sur le marché pour modifier les données et sauvegarde d'Ultima, et en conjuguant son apprentissage de plus en plus intensif du langage informatique (l'Apple BASIC), Sakaguchi en arrive à une question existentielle dont la réponse guidera le restant de sa vie : ''Je peux le faire ?''. Sous-entendu qu'il peut faire comme ceux ayant fait Ultima, Wizardry et consort. Et de la possibilité à la volonté, il n'y a qu'un pas que Sakaguchi franchit. Tout d'abord peu assuré de ses capacités, il toque à la porte d'une modeste entreprise, car de son propre aveux, il ne se sentais pas prêt à tenter sa chance chez les cadors du secteur (Namco, Nintendo, Taito...). Le voilà entrer au sein de Square, en 1983.
On connait à peu prêt tous la suite. Square est en réalité une filiale d'une société plus grande, Denyūsha Electric Company, Sakaguchi et son compère sorti de l'université au même moment, Hiromichi Tanaka (Secret of Mana, Final Fantasy XI...), deviennent aussitôt membre de la première équipe Planning & Development de Square (studio de développement, en gros) qui se destine à créer des logiciels informatiques. Ils créaient The Death Trap 1 et 2 puis Square se sépare définitivement de sa maison-mère en 1986. La production de jeu vidéo s'intensifie, surtout depuis qu'une nouvelle machine particulièrement enthousiasmante vient d'arriver sur le marché nippon, la Famicom de Nintendo. Sakaguchi produit des jeux comme Cruise Chaser Blassty, Rad Racer et 3-D Worldrunner tandis que Tanaka s'occupe de son côté de Alpha. Les jeux son bon mais rapportent trop peu, si bien que Square termine rapidement en difficulté financière. Pourtant, Cruise Chaser Blassty, très méconnu et injustement omis de beaucoup d'article historique sur la carrière de Sakaguchi ou sur la création de Final Fantasy jusqu'alors a beaucoup d'importance. Ce jeu marque l'influence des deux opposés culturels qui bercent les jeunes années de Sakaguchi.
Dans ce jeu, on se déplace en vue à la première personne, notamment dans les environnements comme les bases ennemies, ce qui n'est pas sans rappeler les célèbres jeux de rôle occidentaux et leurs donjons labyrinthiques. Les combats quant à eux se déroulent au tour par tour, rappelant les règles les plus élémentaires des wargame et jeux de rôle sur table exportés au Japon dans les années 70 et 80. Le visuel du jeu est assuré par un mecha-designer à l'époque renommé, Mika Akitaka, déjà responsable de Gundam ZZ pour donner à Cruise Chaser Blassty cet aspect anime déjà populaire sur le sol nippon (Mazinger Z qui a lancé la mode des robots géants en dessin animé est sorti en 1972, presque quinze longue année avant ce jeu! ). De grandes représentations des mecha adverses, tout de pixel fait sont visibles lors des combats et les attaques sont rendues avec moult effets lumineux pour rendre le tout dynamique. Un vœux de Sakaguchi très précoce de faire se rapprocher le jeu vidéo du cinéma, ou plutôt de l'anime dans le cas qui nous intéresse ici. Précurseur, quand on sait ce qu'est devenu le jeu vidéo en 2017. Et visionnaire sur sa propre histoire quand on se remémore les aspects infiniment plus cinématographiques de Final Fantasy VII ou VIII, sans parler du film que Sakaguchi produira lui-même en 2001...
Intrinsèquement, les bases de Final Fantasy sont déjà enracinées dans la carrière de Sakaguchi. Des scénario bien élaborés comme dans The Death Trap là où la plupart des jeux proposaient des expériences arcade avec comme seul objectif non pas la découverte d'une histoire mais le franchissement d'un score numérique pour gagner, pour vaincre le jeu ; des combats au tour par tour avec des effets visuels dynamiques qui rendent le tout agréable à l’œil avec Cruise Chaser Blassty pour tenter de marier jeu et cinéma... Il ne manque d'ors et déjà plus grand chose, et en même temps tellement d'élément pour donner naissance à la légende au double F.
L’histoire de Final Fantasy prend place dans un monde à l’agonie, dont le fragile équilibre était jadis maintenu par les quatre cristaux (dans la version américaine, on parle d'orbe) élémentaires du feu, de l’eau, du vent et de la terre. À force d'avoir recours à ces artefacts sacrés, leurs pouvoirs se tarirent et se pervertirent pour devenir noir, laissant s'échapper de leurs cœurs quatre entités maléfiques : Tiamat, Kraken, Liche et Marilith. Le cataclysme débuta et une avalanche de fléaux s'abattit sur le monde, le Chaos fit son apparition. Devant une telle accumulation de catastrophes, l’espoir commença à disparaître, laissant chaque habitant du monde avec la dure certitude que sa disparition n’était plus qu’une question de temps. Mais les contes et légendes nous ont appris que même au fond des ténèbres peut subsister un infime espoir, une petite lumière. Ainsi, le prophète Lukahn annonce la venue de quatre guerriers lumineux pour redonner vigueur aux cristaux et ainsi purifier le monde du mal qui l'assiège. Dès lors partent à l'aventure les quatre jeunes combattants qui portent la ferveur de tout un peuple. Ils aideront sur leur chemin les nains dans leurs montagnes sombres, les elfes dans leurs luxuriantes forêts, et délivreront une princesse du mal. Autant de mission somme toutes très classiques qui conduiront l'équipe, anonyme, à construire des relations entre les peuples et les êtres vivants de ce monde mystérieux afin de redonner de l'espoir et les faire se lever contre les armées de monstre qui les menacent. Une vague notion d'entraide est brossée, comme dans le Seigneurs des Anneaux où les races de la Terre du Milieu s'allient malgré leurs griefs historiques pour venir à bout de Sauron le maléfique.
Loin des sophistiqués Xenogears, Final Fantasy dixième du nom, ou encore Metal Gear Solid pour ne pas citer que des J-RPG, les jeux vidéo de rôle des années 80 et du début des années 90 sont dénués de background. Bon nombre se contentent de piocher plus ou moins brutalement des éléments dans Donjons & Dragons (bestiaire, races...), des noms originaux sont parfois inventés pour donner l'illusion de vivre une aventure inédite. Mais globalement, le travail sur l'univers tant visuel que narratif est placé en second plan. Dragon Quest tente bien diverses choses, notamment par son design plein de personnalité grâce à l'ingénieux et fantasque Akira Toriyama, mais Final Fantasy parait rester relativement plus sage. À l'époque où le jeu vidéo véritable vient à peine de naitre, un simple prétexte est suffisant pour embarquer le joueur dans une partie, parfois pendant plusieurs heures. Un démon à occire, une princesse à sauver, un gang à tabasser, une relique à découvrir... s'ensuit de la simple fantasy. Des clichés apportés dans la cartouche à la louche provenant des modèles narratifs et visuels du moment (et même encore aujourd'hui pour les créations récentes) : Star Wars, Seigneur des Anneaux, les contes et légendes du folklore de n'importe quelle région du monde. Final Fantasy n'échappe pas à ce constat. Tout y est abusivement imagé de façon simpliste, les textes sont peut nombreux et le manichéisme s'impose de lui-même. La trame est menée de façon mécanique, à chaque petite victoire son rebondissement expliqué de façon plus ou moins naturelle et logique vers une nouvelle péripétie jusqu'au fin mot du périple. Classique et prévisible, mais en 1987 bigrement efficace.
Avec le temps, Sakaguchi montrera encore une fois que l'influence des jeux de rôle papier a été grande dans la conception de la vaste cosmogonie Final Fantasy. En, effet, si avec le premier jeu rien ne laisse transparaitre de cela, l'univers Final Fantasy a largement gagné en personnalité avec les quelques opus suivant. Ainsi, des noms qui deviennent familier au joueur reviennent régulièrement, comme les quatre monstres servant le Chaos, Kraken, Liche, Tiamat et Marilith, devenant des boss récurrents dans énormément d'autres jeux de la saga. Plus tard seront créés des espèces et des termes spécifiques à la série comme les Chocobos et les Moogles, Final Fantasy se rapprochant toujours un peu plus de l'encyclopédique tendance à se construire un univers persistant et cohérent. Typique des jeux de rôle papier. Ce constat n'est malheureusement valable qu'aujourd'hui qu'on sait ce qu'est devenu Final Fantasy. Il faut bien entendu se souvenir qu'à l'époque, Hironobu Sakaguchi pensait qu'il s'agissait là de son dernier jeu, sa ''fantaisie finale'', aussi, il fut pensé comme un one shot (en vérité comme énormément de jeu à l'époque) et le monde, ses peuples et ses coutumes ne furent pas décrites comme étant liés à un univers tout entier. Peu de détails furent donc donné pour ne pas éveiller l'éventuelle curiosité des joueurs sur un background annexe mais maintenir leur intention sur le cœur du jeu même, l'aventure et son gameplay.
Néanmoins, on peut d'ors et déjà noter une des différences fondamentales entre le RPG occidental et le J-RPG : le modèle narratif. En effet, si dans le RPG occidental, bien souvent, le système de jeu et de progression fait la part belle au choix, à la diversité d'actions possibles et aux quêtes annexes plus ou moins nombreuses quitte à noyer l'histoire principale dans un flot d'attractions secondaires, le J-RPG choisit la voie du dirigisme. Dragon Quest et Final Fantasy en sont tout deux de parfaits exemples puisque dès le début du jeu, le joueur n'a d'autre choix que d'aller voir la figure autoritaire du coin (en l’occurrence, le roi) pour se voir exposer les grandes lignes du scénario. Sans cela, l'aventure ne débute pas, vous n'aurez même pas l'occasion d'aller secourir un chat perché en haut d'un arbre. Le sentiment de perte total ressenti dans un Ultima n'est pas la façon de faire de Final Fantasy ni de Dragon Quest qui guide le joueur d'une quête à une autre de façon claire tout en distribuant précisément les quêtes annexes plus ou moins intéressantes au fil de la progression afin de variées les expériences. Autant pour faire varier le gameplay que pour maintenir le joueur en haleine et lui donner une envie viscérale de voir la suite, Sakaguchi n'hésite pas à implémenter un maximum d'idées dans Final Fantasy. L'apparition du navire, la carte secrète, les éléments futuristes (détonant de façon pas si incohérente que cela avec l'univers med-fan que nous présente le jeu depuis le départ), l'éveil des personnages suite à la rencontre avec le mythique Bahamut, le voyage temporel final …
Narrativement, c'est du jamais vu dans un jeu vidéo, les péripéties même si de prime abord n'ont pas l'air capitales pour le déroulé de l'aventure sont nombreuses. La quête s'écoule et rebondit plusieurs fois de façon inattendue. Le coup de théâtre final commet l'ultime retournement de situation et dévoile l'identité de notre ennemi juré, s’évertuant à finaliser cette aventure riche en étonnement du début à la fin. Le voyage et d'ensemble bien plus palpitant que ''l'ennuyeuse'' série de village et grotte à explorer que nous offre en toute simplicité Dragon Quest (j'exagère bien sûr, mais le fond de ma pensé est là). L'immense force créative qu'on trouve dans Final Fantasy, fer de lance des productions japonaises et qui deviendra celui des RPG de Square, est le génie de ce jeu et la raison la plus évidente de son succès.
Mais au delà du scénario, Final Fantasy, c'est aussi un game design et un gameplay que l'ont doit en bonne partie également à Hironobu Sakaguchi. Si le jeu reprend les bases du jeu de rôle établi par des socles créatifs aussi variés que Donjons & Dragons et Dragon Quest, il insuffle lui-même bon nombre de notions inédites à la recette pour s'affranchir. Tout d'abord, les combats se font plus stratégiques, plus complexes et plus passionnants. La faute à la présence non pas d'un protagoniste jouable, mais quatre, que l'ont devra d'ailleurs choisir au tout début du périple selon six classes distinctes : guerrier, moine, voleur, mage blanc, mage rouge et mage noir. Chacun a ses spécialités en terme de force physique, de puissance magique, de résistance au coup, de vitalité ou possède des aptitudes spéciales liées à leur avantage naturel en statistique. Le voleur par exemple dispose d'une chance plus élevée et sa présence dans votre groupe améliorera la capacité de toute votre équipe à prendre la fuite en cas de coup dur. Comme dit plus haut, la rencontre avec le roi des dragons Bahamut, pivot scénaristique majeur du jeu sert aussi le gameplay puisque c'est avec cet événement que les quatre héros s'éveilleront à un stade de puissance plus élevé. Ainsi, en fonction de leurs classes de départ, ils pourront perfectionner leurs talents est devenir des paladins, maîtres, ninjas, sages blancs, sages noirs et sages rouges. Avoir quatre héros implique aussi une répartition des points d'expérience et des revenus pour faire équitablement prospérer sa petite équipe. Tout cela demande plus de temps et d'efforts pour avancer mais façonne l'aspect stratégique cultivé par les RPG. Ainsi, un groupe mal équilibré se retrouvera possiblement en difficulté face à quelques ennemis très spécialisés et ceci augmentera sans le vouloir la difficulté ainsi que la replay value (car pour l'époque, il était extrêmement intéressant et quasiment inédit de varier les capacités de nos personnages pour aborder différemment les combats).
Final Fantasy fait des choix drastiques dans la conception de son ergonomie. S'échappant de son héritage qui l'affilie plus ou moins directement au jeu de rôle traditionnel et s'éloignant par la même occasion de son rival principal qu'est Dragon Quest, Final Fantasy simplifie toute son interface. Ainsi, les commandes, lourdes et contraignantes à utiliser pour parler, fouiller, emprunter un escaliers et bon nombre d’interaction du genre sont regroupées en une seul touche d'action polyvalente.
Fondamentalement, Final Fantasy n'étonne pas dans le microcosme du jeu de rôle qu'il soit sur table ou sur machine électronique. Des points de vie, de magie, différentes commandes de combat (attack, magic, drink (boire une potion de soin), item et run) définissent les combattants. L'écran de combat est séparé en cadran, celui de droite présente nos héros tandis qu'à gauche se rangent les monstres. Jusqu'à neuf bêtes peuvent se dresser face aux joueurs, quatre à la fois pour les plus volumineuses et un seul sprite énorme pour le boss. Le tour par tour est de rigueur, l'Active Time Battle, une évolution majeure et ultra intelligente du système de combat n'arrivera que plus tard dans la série. Volontairement très proche de Donjons & Dragons, Final Fantasy apporte diverses spécificités qui font sa force face aux autres productions du même genre en 1987, et surtout face à Dragon Quest. Ainsi, l'influence élémentaire devient importante car plusieurs monstres se verront plus sensibles au feu, d'autre à l'eau, et il faudra le deviner par le biais de plusieurs indices, ou parfois complètement au petit bonheur la chance. S'en souvenir facilitera la progression et l'aspect tactique se voit renforcé même si la simplicité intrinsèque d'un jeu sur une console aussi primitive que la Famicom ne sert pas complètement la profondeur du gameplay (avec un pad doté de si peu de bouton, les miracles ne sont guère permis). Même si cela n'a plus rien d'incroyable aujourd'hui, recontextualisé, Final Fantasy apporte une profondeur de gameplay en terme de combat et d'intelligence qui surclasse celle de Dragon Quest haut la main.
Final Fantasy voit l’apparition des états anormaux pour vos personnages. Ainsi, certaines attaques des ennemis pourront altérer votre statut (pour un total de sept altérations d’état) et diminuer certaines de vos statistiques. Par exemple, le poison fera perdre des points de vies au personnage touché à chaque tour, tandis que le mutisme empêchera vos mages d’utiliser la magie (autant dire que ça les rend inutile car ils ne sont physiquement pas très forts). Avec le recul, ce premier Final Fantasy est sans doute celui qui dispose du système de magie le plus étonnant, mais son efficacité relative poussera les concepteurs à l'abandonner rapidement. Ici, les magies s'achètent dans les boutiques de sorciers et leurs utilisateurs ne peuvent en posséder que trois par niveau de magie alors qu'il en existe quatre pour chaque niveau. On dénombre huit niveaux de magie et plus on gravit les échelons, plus on accède à des sorts de forte puissance. Parfois des évolutions de sort de base comme Soin + ou Foudre X, mais parfois des sorts complètement inédits comme les dévastateurs Atomnium et Sidéral. Dans la version originale (le système sera repensé pour le portage du jeu sur Gameboy Advance), l'utilisation des magies est limitée en nombre. Autrement dit, chaque sort lancé fait baisser d'un point le capital de magie disponible pour le niveau de magie correspondant. Par exemple, si on épuise tout son stock de magie de niveau 1, on peut tout de même lancer un sort dans un autre niveau de magie. Chaque niveau de magie est un pallier à franchir, accessible via le propre niveau du personnage (jusqu'à 50, alors que Dragon Quest limitait la progression de son personnage à 30). C'est ainsi fait pour garder la difficulté sous contrôle, pour éviter d'abuser des meilleurs pouvoirs et même si cela oblige le joueur à réfléchir, à prévoir ses prochaines actions et à mesurer son utilisation des magies (ce qui n'est pas forcément un mal), ce système privatif ne bénéficie pas d'une ergonomie des plus remarquables.
Un autre problème de conception qui découle directement de cette limitation dans l'usage de la magie : la gestion des objets de soin. En effet, pour pallier au nombre limité de sort de soin, on achète régulièrement des objets aux même effets. Trop régulièrement. Le stock entier que votre inventaire peut contenir (99) ne sera pas de trop, surtout en prévision de l'exploration d'un donjon. Ses propriétés curatives étant si faibles qu'on les consomme par paquet de dix. Petit détail exaspérant, contrairement aux prochains Final Fantasy ou à Lufia, par exemple, il est impossible d'acheter plusieurs objets à la fois. Il vous faudra acquérir unité par unité l'objet voulu. Appuyer sur le bouton d'action afin de clore la boite de dialogue avec le commerçant, de nouveau sélectionner l'objet voulu et en acheter une unité. Et ainsi de suite. Alors, lorsque vient la nécessité d'en acheter en grande quantité, vous imaginez la redondance et la perte de temps causé par l'opération.
Avec Akitoshi Kawazu, ancien journaliste au magazine Beep! (un des premiers magazines de l'Archipel consacré aux jeux vidéo, il périclitera jusqu'en 2012), Hironobu Sakaguchi concevra les premiers codes de sa saga de RPG. Et lorsqu'on remet tout à plat, on se rend compte que le terreau fertile de la créativité de Final Fantasy d'un point de vue gameplay provient d'influence vastes et très connues déjà pour l'époque. Final Fantasy est un véritable melting-pot conceptuel qui a ceci de réussi qu'il réuni des systèmes variés mais qui font corps dans une seule et même création avec cohérence et ingéniosité pour former un tout plus complexe et plus intéressant que la plupart des concurrents. Choisir la classe de son personnage (et à fortiori son orientation tactique, ses capacités de combat en fonction de la personnalité qu'on voudrait lui prêter) : Wizardry. Des versions plus puissantes de chaque classe de base sont aussi présentes dans Wizardry. L'influence des éléments naturels tels que le feu, l'eau, le vent et la terre, c'est de Donjons & Dragons. Le voyage temporel, point d'orge final à une épopée qui élève son degré d'épique à un seuil jamais atteint dans un jeu vidéo, Ultima (1981) l'a fait avant Final Fantasy. Même la représentation graphique des combats façon jeu d'échec vue de profil rappelant fortement les plateaux de wargame bourrés de petites figurines n'est pas s'en rappeler Archon sur Apple II (1983), un des jeux favoris de Sakaguchi par ailleurs.
Le second personnage prépondérant de cette équipe de développement est Yoshitaka Amano, le character-designer. Et comme pour Hironobu Sakaguhci autour duquel gravite plusieurs autres game designer et/ou concepteur tel que Hiromichi Tanaka et Akitoshi Kawazu, Amano est irrémédiablement lié à au moins deux personnes : Koichi Ishii et Kazuko Shibuya. Ishii était quelqu'un haut en couleur, arrivé très vite au début du développement de Final Fantasy, il rappelait vaguement un certain Hideo Kojima dans sa jeunesse. Sakaguchi se souvient de lui et le décrit comme suit : ''Nous essayons vraiment d'être différent (ND Anakaris : de Dragon Quest). Les graphismes étaient une partie importante de cet effort, la première chose que les gens remarquent et qui marque une différence entre les centaines de jeux commercialisés toute l'année, c'est ses graphismes. C'était le travail d'Ishii. Il avait de mauvaises manières, il portait un blouson en cuir (ND Anakaris : comme Kojima en 1987) et des lunettes de soleil même à l'intérieur des bureaux. Mais c'était quelqu'un de gentil et abordable contrairement à ce que laisserait penser son look. Lorsque vous regardiez son travail, il dessinait des Chocobos et d'autres choses mignonnes. C'est cette juxtaposition qui le rendait si fascinant. Son point de vue a réellement contribué à l'élaboration du monde de Final Fantasy.''. Sakaguchi ne s'était pas trompé en lui faisant confiance puisqu'il révèlera son profond génie un peu plus tard en devenant scénariste, game designer et producteur d'une bonne partie de la saga Seiken Densetsu. La consécration viendra certainement avec Final Fantasy XI qu'il dirigera en 2002.
Mieux encore, c'est Ishii qui suggérera Yoshitaka Amano à Sakaguchi pour s'occuper du design global du jeu, mais le patron refusera dans un premier temps. Suite à la lecture d'un magazine où il put y voir quelques toiles du maître, Sakaguchi eu l'illumination et choisit de recruter Amano. Bien entendu, et même si Sakaguchi n'avait pas saisi cela de suite, le recrutement d'un artiste tel qu'Amano n'est pas anodin. Dragon Quest s'était attaché les services du déjà célèbres Akira Toriyama, œuvrant sur Dr Slump et Dragon Ball, ultra populaire au Japon. Ce dernier avait apposé sa patte si particulière et reconnaissable sur Dragon Quest, lui donnant saveur et originalité. Cependant, Amano n'est pas Toriyama. Amano a un trait moins anguleux, plus éthéré, plus poétique. Peut-être plus adapté à une œuvre d'heroic fantasy quelconque comme l'est Final Fantasy, mais certainement pas aussi bien adapté que cela pour un jeu vidéo contraint aux limitations techniques de 1987. Amano fait preuve de bonne volonté et propose de faire des dessins directement sur ordinateur, alors que sa grande spécialité reste bien entendu le papier et la toile. L'équipe de développement préfère lui donner des indications plus ou moins précises pour coucher sur papier les personnages principaux et surtout les créatures (en particuliers les quatre généraux du mal : Liche, Kraken, Tiamat et Marilith) ainsi que Chaos. Sakaguchi insistera auprès de lui pour qu'il fasse ''du Amano'' tandis que c'est la graphiste Kazuko Shibuya qui s'occupera de tout retranscrire en pixel.
Alternant entre châteaux lugubres, déserts arides et autres lieux tout aussi inquiétants, ce premier épisode d’une longue saga a de quoi charmer les pupilles. Outre le fait que les sprite soient nettement plus clairs, les tiles mieux agencés et mieux travaillés que pour Dragon Quest, c'est aussi le design d'un point de vue artistique qui donne ses qualités à Final Fantasy. Les plus érudits d’entre-vous remarqueront aisément les innombrables références aux mythologies du monde entier, notamment au niveau du bestiaire qui jouira d’une énorme variété. La pléthore de créatures plus ou moins fantastiques est un gros point fort du background et du visuel de Final Fantasy. 51 monstres uniques, et 62 monstres calqués sur les originaux avec une variante de couleurs soit un total faramineux pour l'époque de 113 ennemis à occire contre seulement 37 pour Dragon Quest (6 boss pour Final Fantasy, 2 pour le jeu d'Enix).
Là encore, l'inspiration de Donjons & Dragons est pourtant très palpable. Des monstres aux USA connus sous les noms de Green Slime, Sahagin, Psicodemon (qui lui-même s'inspire des mythe de Chtulu) ou Carbuncle sont présents dans le RPG de Gygax et dans celui de Square. Même les artwork de certaines créatures (Beholder) signés Amano sont étrangement ressemblantes à ce qu'on peut trouver dans les livres de règle et de background de D&D publié au Japon entre 1977 et 1983. Mais qu'importe, l'apport d'une mythologie au bestiaire de Final Fantasy rend le tout plus intelligent, plus fascinant. Les simples gobelins et autres serpents côtoient les énigmatiques et légendaires Marilith, femme démon à six bras armés de sabres ; Manticore, équivalent perse du sphinx, terrible créature à tête humaine, corps de lion et queue de scorpion ; ou bien encore Tiamat, dragon divin de la mythologie mésopotamienne et déité opposée du non moins mythique Bahamut.
Des concessions sont faites, sur l'animation par exemple, relativement statique pendant les combats afin de privilégier le travail inestimable de graphiste de Ishii et Shibuya. Certains sprites, réellement monstrueux comme celui de Tiamat évoqué plus haut ou Chaos, le boss final, sont à couper le souffle. Une Famicom de 1987 ne semblait pas capable de telle prouesse, et le subtile équilibre entre bon goûts artistique et maitrise purement technique est bluffant. D'autres monstres comme Spirit Naga (GrNAGA), Nitemare, Dragon Zombi ou WarMECH ne sont probablement pas aussi mémorables que les boss mais sont tout de même des ennemis qui sortent de l'ordinaire. Mais les personnages alliés ne sont pas en reste et les classes de combattants sont étonnement bien représentées. Difficile de trouver cela crédible aujourd'hui, mais à l'époque, représenter un mage noir avec quelques pixel de trois ou quatre couleurs différentes, ce n'était pas chose aisée. Ces mages noirs, d'ailleurs, qui reviendront comme protagonistes emblématiques dans un grandiose Final Fantasy IX en 2000 deviendront une des figures de proue visuelles de la saga toute entière. Au même titres que les Chocobos et les Moogles plus tard, puis Chaos (qui sera considéré comme un boss si iconique qu'il reviendra dans DISSIDIA Final Fantasy sur PSP) et Orthros parmi les boss les plus repris dans la grande mythologie Final Fantasy, le mage noir reste un des sprites les plus populaires lorsqu'on évoque le retro gaming. C'est la marque des plus grands. Si chacun est aujourd'hui capable de reconnaître le sprite ancestrale de Mario, Link, Pacman ou encore Megaman, celui du mage noir est tout autant reconnaissable au moins au Japon et aux États-Unis, ce qui est déjà pas mal ! Il n'en fallait pas moins pour rivaliser avec le slime de Dragon Quest designé par Akira Toriyama.
Des gobelins, des trolls, des mages noirs en robe avec un chapeau pointu, des paladins en armure d'acier... même les dragons sont de pures représentations de ce genre de créatures fantastiques qu'on retrouve dans D&D et dans la majorité des œuvres occidentales du genre. Final Fantasy n'a en fin de compte pas grand chose de typiquement japonais d'un point de vue visuel. Et cela se constate dés la sortie initiale du jeu, qui sera un peu retouché pour une sortie américaine trois ans plus tard, mais pas au point de lui donner l'aspect occidental qu'il a déjà. Et pour cause, on sait déjà que Kawazu et Sakaguchi, les game designer sont très influencés par les RPG occidentaux. Mais il se trouve que le monster et chara designer, Yoshitaka Amano l'est aussi. Son style de dessin épuré et aérien rappelle la poésie des estampes japonaises, et pourtant, il grandit avec les comics de chez DC : Batman et Superman en tête. Neal Adams (célèbre auteur de comics) est un de ses maitres à penser. À seulement 15 ans, le prodige a l'occasion de faire vivre son imaginaire avec la science-fiction de Gatchaman et Mach GoGoGo, il est en effet recruté au studio d'animation Tatsunoko (oui, le même qui prêtera ses personnages pour faire le jeu de combat Tatsunoko vs Capcom en 2008 ).
Mais lorsqu'il s'agit de fantasy, c'est invariablement vers les États-Unis que son cœur se tourne. En particuliers avec un auteur : Frank Frazetta (Tarzan, Conan le Barbare, Vampirella...). Amano explique dans une interview de 2006 : ''Je n'avais pas reconnu son nom au départ, mais je me sentais déjà très familier avec ses peintures. Mon intérêt est né quand j'ai commencé à travailler sur un projet de film d'animation façon comic book américain. Un jour, sans vraiment m'en rendre compte, j'ai choisis de dessiner la fantasy dans son style. Il y a quelque chose de très asiatique dans le visage de ses personnages, dans le choix de ses couleurs. C'est parce que la fantasy tel que le conçoit Frazetta joue sur l'exotisme. Sa vision de la fantasy colle à la vision que beaucoup de monde se fait d'un lieux inconnu. Et l'Asie, ou le Japon plus particulièrement est un lieu inconnu de beaucoup de monde en occident.''. Frazetta distille une fantasy brutale, charnelle, avec des héros musculeux et des femmes sculpturales. Leurs poses, la dynamique de leurs corps et la façon dont sont traitées visuellement les matières comme le cuir des plastrons et l'acier des haches se retrouvent dans les artwork que Amano réalise au moins pour les débuts de la saga Final Fantasy. Plus tard, Amano concevra des artwork encore plus structurés, empruntant une mise en scène et un cadrage précis au manga, genre de BD explosant sa côte de popularité dans les années 90. Ou à l'inverse, il signera des dessins beaucoup plus oniriques et féeriques (Final Fantasy X, par exemple) collant volontiers un peu plus à l'image qu'on se ferait de la spiritualité artistique japonaise.
Scénario plus riche et évocateur que les canons de l'époque, identité visuelle forte et fascinante, game design qui conjugue modernité et base solide avec des notions éculées mais efficaces du genre, reste la bande-son. Est-elle au diapason de tout le reste ? S'il y a bien dans un genre de jeu où la bande-son, qui englobe tant les musiques que les bruitages, est importante, c'est bien le RPG. Aussi, on peut émettre des doutes en 2017 sur sa qualité tant la vétusté du hardware NES ne permettait pas de véritables prouesses auditives sur un jeu de 1987. Et pourtant, Nobuo Uematsu a sut contourner les restrictions techniques, celle-là même qui vont bien souvent de paire avec la créativité des plus grands. Et pourtant, un peu comme Sakaguchi qui ne pensait pas très jeune consacrer sa vie à la création de jeu vidéo, Uematsu est partagé entre sa passion pour la musique et le sport. Il rêve de devenir lutteur professionnel (certaines sources parlent du métier très respecté de sumotori au Japon ! ) ou athlète olympique, tandis qu'il ressort de l'université de Kanagawa avec un diplôme pour devenir médecin ou avocat. Malgré cela, il est très influencé par la musique originaire des États-Unis ou de Grande-Bretagne. Ses idoles d'alors se nomment Elton John, Stevie Wonder, mais aussi Led Zeppelin, Deep Purple. On peut également citer les groupes de rock progressifs Yes et King Crimson aux styles plus complexes et aux musiques structurées de façon plus précise, ce qui conditionnera sa façon de composer et d'arranger ses propres musiques pour les transformer en partitions de metal progressif complètement démentes avec son groupe The Black Mages, vingt ans plus tard. Là encore, à l'instar de Yoshitaka Amano et Hironobu Sakaguchi, la créativité de Uematsu est sous influence occidentale.
Entre ce qu'il rêve de faire, ce qu'on l'oblige à faire (c'est son père qui l'a inscrit à l'université de Kanagawa), et ce qu'il est capable de faire, Uematsu est probablement celui qui cherche le plus sa voie au sein de la sainte-trinité ayant donné vie à Final Fantasy. Il cède néanmoin à sa passion qu'est la musique et débute par quelques modestes projets de spots musicaux dans des publicités. Il est engagé à 27 ans par Sakaguchi pour composer la bande-son de sa fantaisie finale. Les contraintes techniques l'oblige à bidouiller énormement le hardware sonore de la Famicom et ses cinq canaux rudimentaires (trois étant réellement réservés à la musique, les deux autres étant pour les bruitages, mais il y avait moyen de contourner leur utilité primaire si on savait comment s'y prendre). Il s'amuse de ce genre de défi et même si la frontière entre ces deux métiers est très floue en 1987, il adopte la casquette de compositeur autant que de programmeur sonore. Il se sert alors de son ordinateur MSX pour expérimenter, moduler et tenter la moindre variation de note pour enrichir sa composition et créer une belle harmonie.
Cet autodidacte s'approprie une philosophie intéressante : ''plus les gens ont des contraintes, plus ils deviennent ingénieux.''. Il privilégie avant tout la transcription émotionnelle afin de donner à ses musiques une personnalité très marquée. Il aime mettre en avant la mélodie pure et la complémentarité de l'harmonie et cela sans effets de style, si bien qu'il a l'habitude de créer des musiques simples et universelles, qu'on peut écouter en dehors de toute partie de jeu vidéo, sans aucun support ni conditions particulières. Se laissant prédisposer par les grands artistes de la pop mondiale, il donne également beaucoup d'importance au rythme, au tempo. À ce sujet, il déclare : ''Il y a le rythme et la mélodie. J'adore composer des rythmes, mais quand je compose des musiques de jeu vidéo, je met beaucoup d'emphase sur la mélodie. Il y a le corps et l'âme. Le rythme touche seulement le corps, les mélodies au contraire atteignent l'âme.''
Bien loin des théorisations de musiques savantes au sens stricte du terme - domaine auquel il n'a d'ailleurs jamais voulu s'apparenter par modestie car n'aillant jamais eu la chance d'étudier cela autrement qu'en autodidacte -, on constate néanmoins que le sympathique bonhomme moustachu dispose d'une pensée intéressante et réfléchie sur la question. Avec Final Fantasy, les précédents projets réalisés en commun avec Square ne peuvent pas vraiment servir de modèle. Le jeu de rôle est trop complexe pour se permettre d'adopter la même façon de travailler ses compositions, c'est un nouveau défi qui est lancé à Uematsu. Des thèmes forts et marquants doivent être créés non seulement pour accompagner le joueur dans l'aventure, garantir une cohérence artistique au tout, mais aussi segmenter et mettre en valeur les moments clés du jeu. Le premier morceau entendu dans le jeu est en réalité le dernier a être né de la plume du compositeur. En effet, le thème du menu, réclamé au dernier moment par un Sakaguchi qui débarque en trombe dans le bureau de Uematsu fut composé en moins d'une heure.
Les limitations techniques de la machine, surtout en terme de mémoire obligèrent Uematsu a programmer des loop de notes s'il voulait créer des musiques plus longues que quelques malheureuses dizaines de secondes. Cela ne l'a pas empêché de créer des musiques très communicatives qui couvrent une large gamme de sensation. Uematsu avait bien compris que la variété de situation qu'offrait une aventure de cette nature pouvait lui permettre d’expérimenter et de créer une multitude de musiques différentes. La mélancolie et la solennité du thème d'introduction (genre relativement inédit, contrastant avec les mélodies d'ordinaire énergiques et tapageuses des jeux d'arcade, censées galvaniser le joueur afin qu'il donne le meilleur de lui-même et explose les high score); l'urgence et le dynamisme du thème de combat (à l'époque unique, le thème qui différenciera combats normaux et combats de boss arrivera plus tard) ; l'exotisme des sonorités mêlé à l'espièglerie de la mélodie du Gurgu Volcano ; ou encore le paisible de l'ending theme qui semble accompagner de pureté et de calme le repos bien mérité des héros. Tout cela donne une véritable saveur à l'OST de Final Fantasy. Sa foisonnante créativité et la pluralité de ses inspirations fait de Uematsu un très grand créateur d'univers musical fantastique, rien de mieux pour une aventure pareille !
Outre les trois génies dont on vient de parler et l'apport qu'ils ont eu sur Final Fantasy, il y a bien quelqu'un d'autre. En vérité, il y a bien d'autres gens, évidemment. Quand bien même Sakaguchi avait, en 1986, une mauvaise réputation de bourreau de travail qui ne faisait aucun jeu vendeur au sein de Square, une petite équipe d'une dizaine de personnes avait acceptée de le suivre. Ce qui était moitié moins néanmoins que celle de son compère Hiromichi Tanaka pour développer Genesis la même année. Parmis les autres, il y avait quelqu'un en particuliers qui eut un poids conséquent et insoupçonné pendant énormément d'année. Ce quelqu'un se nomme Nasir Gebelli, resté dans l'ombre depuis toujours, il est pourtant crédité au générique du jeu sous son pseudonyme simpliste : Nasir. Né en 1954 en Iran, cet homme entame les années 80 avec des études d'informatique en poche et se passione pour la création de jeu vidéo. Pas tant pour assouvir sa soif de création et pour raconter de belles histoires comme Hironobu Sakaguchi, que pour bidouiller, écrire du code et tenter tout et n'importe quoi avec son hardware personnalisé. Il conçoit plusieurs jeux qui marqueront le tout début des années 80 sur Apple II comme Zenith, Cyber Strike ou Horizon V. Mais si Gebelli est un excellent programmeur, il est un piètre homme d'affaire et sa société de production et d'édition, Gebelli Software s'effondre rapidement. Entre 1983 et 1986, il voyage et ne s'occupe à priori plus d'informatique. Puis c'est en 1986 qu'il dépose ses valises au Japon et se fait engager chez Square. Il écrira le code de Final Fantasy auprès de Hironobu Sakaguchi.
Sa présence est d'autant plus surprenante qu'on ne l'apprend réellement que très longtemps après. Comme si on venait de découvrir un personnage vraiment très secret dans un de nos jeux de combat favoris, un personnage légendaire, fantasmé, que jamais personne n'avait réussi à débloquer jusque là (un peu comme Gouken dans Street Fighter II). C'est d'autant plus croustillant à apprendre qu'on n'aurait jamais imaginé la présence d'un Irano-américain au sein de la petite équipe très japonaise ayant façonné le mythe Final Fantasy. On ne sait pas trop où et quand a été confirmé l'information de la participation au développement de Nasir Gebelli, l'homme tenant toujours a rester discret. À priori, il s'agirait du fameux John Romero (Wolfenstein 3D, Doom, Daïkatana...), un ami de longue date qui aurait vendu la mèche lors de l'organisation de son festival ''Apple II Reunion'' en 1998. Cette réunion ayant pour but de regroupper de nombreux développeurs de jeu ayant fait leur début de carrière sur la machine d'Apple, avec keynote et témoignages à l'appuie.
Evidemment, l'arrivée de Nasir Gebelli fut du pain béni pour Sakaguchi qui s'interessait fortement à l'actualité du milieux de la programmation au moment du développement de Final Fantasy. Et voir débouler chez lui un des as de l'Apple II, machine qu'il garde toujours dans un coin de son cœur, ce fut une chance incommensurable. Nasir était quelque peu fantasque, il n'aimait pas travailler en équipe et il n'avait semble-t-il aucun don artistique. Mais la qualité d'écriture de son code de programmation était sans faille, très peu de bug subsistait dans ses programmes. Tout était optimisé de façon surprenante. Ses méthodes de travail étaient sans commune mesure, selon plusieurs témoignages, il avait en effet l'habitude d'écrire les codes de ses jeux d'une traite sans utiliser de disquette ou d'autre support de stockage. Si bien que ça l'obligeait à coder à même la mémoire de l'Apple II sans jamais éteindre la machine, et ceci très rapidement. John Romero raconte : ''Il buvait beaucoup de café et fumait des cigarettes, et il développait ses jeux à la chaine !''.
Chose ahurissante qui là encore nous fut dévoilé que très récemment : Final Fantasy (ainsi que d'autres jeux reconnus de Square comme Secret of Mana) furent bel et bien codés en premier lieux sur Apple II avant d'être convertis et adaptés comme il se doit au hardware Famicom et Super Famicom. Pour la première, ce ne fut pas un soucis, mais au contraire un choix stratégique de la part de Sakaguchi et Gebelli qui connaissaient bien l'Apple II et qui pouvaient donc programmer facilement dessus. En effet, puisque le processeur MOS 6502 du micro-ordinateur était un cousin du processeur MOS 6502 modifié par Ricoh de la Famicom.
Authentique monument du jeu vidéo, icône, roi et précurseurs d'un genre, tête d'affiche créative et artistique d'un média tout entier, les superlatifs ne manquent pas pour décrire Final Fantasy. Evidemment, Final Fantasy n'est objectivement pas exempt de défaut. Erreurs de jeunesse, errances conceptuelles inhérantes à l'époque, ou véritables maladresses des game designer, je ne saurais pas vous l'expliquer réellement. Mais la gestion inutilement contraignante du stock de magie comme s'il s'agissait de vulgaires objets, ou les menus d'équipements peu intuitifs gâchent un peu l'expérience de jeu. Aussi, les combats parfois longs et répétitifs, surtout en fin d'aventure où les monstres se font de plus en plus coriaces ont de quoi ennuyer un tantinnet, même si une fois encore, cela reste absolument dépendant du genre de jeu lui-même.
Mais outre cela, Final Fantasy est grand, généreux, novateur. Il prête à rêver. C'était encore assez rare à l'époque car le grand public n'était pas capable d'imaginer les évolutions technologiques et les fantasmes qui pouvaient en découler, mais Final Fantasy fut dans le domaine du jeu vidéo un de ces phénomènes qui éveillèrent l'imaginaire des joueurs et les firent s'emerveiller. Tout simplement. Final Fantasy, au même titre que The Legend of Zelda sorti une année plus tôt, était de ces jeux qui faisaient dire aux gens ''waouh, si c'est aussi fantastique en 1987 avec ce jeu, qu'est-ce que ce sera dans dix ans avec des consoles plus performantes, des jeux encore mieux conçus ?!''. Final Fantasy est clairement devenu dès le début de son existence une locomotive majeure du jeu vidéo, tirant vers le haut tout ce jeune et fascinant média.
Et puisqu'on n'a eu de cesse de faire le parralèl entre Dragon Quest et Final Fantasy tout au long de ce retro test, autant conclure par là. Libre à vous d'adopter l'angle de vue qui vous plait le plus car en vérité, comparer DQ et FF n'est pas réellement pertinent dans le sens où Final Fantasy est sorti prêt d'un an après Dragon Quest. En vérité, si on veut être tatillon et tout à fait précis, il convient de comparer Final Fantasy à Dragon Quest troisième du nom, sorti dans les même eaux au Japon. Si Dragon Quest est la préhistoire du J-RPG, l'archétype d'un genre tant sur son fond que sur sa forme, Final Fantasy en est l'accomplissement. Ce concept primaire né sur NES trouvera sa première phase de perfectionnement avec Final Fantasy et sera enterinné avec ses deux suites ainsi qu'avec Dragon Quest III & IV qui seront autrement mieux conçus, plus matures et plus ambitieux encore. Si au Japon ce constat est moins certain qu'en occident car même face à l'éternel, Dragon Quest continue de se vendre bien mieux qu'un Final Fantasy, il me paraît clair que la saga de Sakaguchi n'est pas uniquement opportuniste. Elle l'est indubitablement, mais elle l'est intelligement. Car novatrice, ambitieuse, avec un caractère qui lui est propre, une intelligence de direction insuflée par des créateurs inspirés.
Au fond, toujours mettre en rivalité ces deux grandes sagas ne sert pas à grand chose tant, dès le départ, elle ont clairement adopté deux philosophies dfférentes, résumant leur nature et le pourquoi de leur création. D'un côté, Dragon Quest, monolithique et traditionnel, de l'autre, Final Fantasy, intrépide, changeant et (parfois abusivement, peut-être) créatif. En somme, deux façons très différentes de voir le J-RPG, de voir le jeu vidéo, de voir l'exercice de la création artistique au sens global du terme. Mais deux façons toute aussi intéressantes l'une que l'autre, quoiqu'on en dise.
L'histoire des RPG (Pix'n Love), Retro Gamer Collection US
5 ans, 115 jeux déterrés des tréfonds de l'histoire du jeu vidéo, 20 supports évoqués, et 1 millions de visites plus tard, Retro Gamekyo est toujours là !
Et pas qu'un peu. Le groupe ayant vécu des hauts et des bas, il n'en reste pas moins qu'il a survécu grâce à trois choses principalement: la passion, bien entendu, la richesse inégalée de l'histoire et du passé du jeu vidéo, et vous.
Parce que oui, vous avez été prépondérant dans le succès du groupe, le million de vue n'est pas venu du ciel (l'argent des abonnés non plus, va falloir penser à passer à la caisse maintenant ... ). Aussi, je n'ai pas compté (parce que j'avais pas le temps et parce que j'ai presque failli zapper cet anniversaire, du coup j'ai rien prévu de spécial ) le nombre de "like" figurant sur les test, mais je les devine extrêmement nombreux. Et ça fait chaud au cœur !
Pour ce qui est du contenu du groupe, fondamentalement il n'en changera pas (nan, sans dec ? ), on a probablement trouvé la meilleure formule pour faire vivre notre passion du retro gaming. Aussi, en 2017, il nous reste un dernier très gros test à voir ensemble et qui sera publié aux environs de la moitié du mois de décembre.
Mais c'est surtout vers 2018 que j'aimerais attirer votre attention, car Retro Gamekyo va probablement voir naitre son plus gros projet. Non, je vous le dis tout de suite, et j'imagine que ça va en décevoir plus d'un, mais il ne s'agit pas de l'arrivée de video test façon Youtubeur, désolé . Je vous parlerais de ce très gros projet en temps voulu (ce qui veux dire en toute fin d'année, ou en début d'année prochaine, après la parution du dernier test de 2017, histoire de bien régler les choses).
Bref, "the best is yet to come" comme dirait une célèbre musique d'un non moins célèbre merveilleux jeu vidéo retro (honte sur vous si vous n'avez pas capté la référence ).
Il y a de ces moments particulièrement excitants dans la vie d'un joueur (un vrai, celui qui s'investit pleinement dans son loisir favoris). Parmi lesquels les quelques mois précédents l'annonce ou la sortie d'une nouvelle machine. C'est un phénomène étrange où les déceptions de la génération d'avant sont balayées pour faire place à de nouveaux espoirs. Des projets touts beaux touts neufs sont dévoilés, certains éditeurs décriés regagnent la sympathie du public et d'autres se font doucement oublier. Plus que tout, c'est souvent les claques technologiques qui marquent les esprits. L'annonce d'un nouvel hardware est l'occasion pour les constructeurs de faire valoir leur savoir-faire en terme de conception et d'innovation. Les quelques premiers jeux d'envergure montrés en même temps que la nouvelle machine donne souvent le ton, la stratégie du constructeur. Il convient de faire les choses bien, de taper fort tout en garantissant de la variété et en prenant soin de garder quelques cartouches pour la suite des opérations. Bref, le launch d'une nouvelle console n'est pas laissé au hasard. Aussi, quand à l'E3 1996 et au Nintendo Spaceworld (Shoshinkai) suivant, la firme au plombier moustachu accompagnée de LucasArts nous montre des batailles spatiales sensationnelles et une folle virée dans un snowspeeder à travers les quatre grandes pattes d'acier d'un colossal quadripode impérial sur Hoth, le monde entier est en émois.
En perte de vitesse et à la veille d'une nouvelle trilogie sur grand écran, la saga Star Wars cherche un nouveau souffle. Le prochain film n'arrivera pas avant 1999 mais la compagnie de George Lucas tient à maintenir en vie la Guerre des Étoiles. De nombreuses adaptions des trois premiers films ont déjà été faites tandis que la simulation de pilote d'engin spatial a déjà donné naissance à beaucoup de bon jeux. Il faut du neuf, il faut créer autre chose. Ainsi, au milieux des années 90, un projet multimédia est mis sur pied. Tout d'abord, un roman est écrit par Steve Perry (auteur de nombreux romans Conan le barbare. Sa fille, Stephani Danelle Perry suivra le même chemin en écrivant les très sympathiques romans sur Resident Evil, directement adaptés des jeux vidéo). Ce roman, c'est bien entendu Shadow of the Empire, mettant en scène en bonne partie le prince Xizor, Falleen (une race reptilienne) de son état et chef du plus grand cartel criminel de la galaxie: Black Sun. Même Jabba le Hutt à côté passe pour un rigolo. L'ambition de Xizor ? Évincer le terrible Darth Vador pour prendre sa place auprès de l'Empereur Palpatine. Rien que ça. Ces évènements se passent entre L'Empire contre-attaque et Le Retour du Jedi, vient s'implémenter dans cette intrigue bien connue le nouveau personnage central: Dash Rendar. D'aucun dirait qu'il s'agit là d'un bête clone de Han Solo, Rendar est en réalité plus vindicatif et catégorique dans sa façon de lutter contre l'Empire. Plus solitaire aussi, il aide la Rébellion plus par obligation et par honneur que par choix. Ayant une dette envers Han Solo, prisonnier de la carbonite dans le palais de Jabba, le roman fait s'entrecroiser habilement la vie de Rendar au conflit opposant la Rébellion, l'Empire, le conglomérat criminel de Xizor et le reste des fripouilles de la Galaxie pour un joyeux bordel particulièrement palpitant.
L'incroyable machine marketing de Lucas produit en parallèle des comics, des figurines, des maquettes de vaisseaux fraichement inventé pour l'occasion, un set de cartes à collectionner, un tas d'autre chose, et bien sûr, un jeu vidéo. Ayant déjà bénéficié de la très bonne trilogie de run'n gun Super Star Wars sur Super Nintendo, l'entreprise de Kyoto s'octroie tout naturellement les faveurs de LucasArts pour ce Shadow of the Empire, promis comme jeu de lancement à la Nintendo 64. Outre les films eux-même, Shadow of the Empire est probablement encore à ce jour le projet multimédia le plus ambitieux et vaste que Lucasfilm ai mis en place autour de la saga Star Wars (viendra seulement plus tard La Guerre des Clones), tant les produits dérivés se sont fait légion. John Williams, le patron, le big boss, le grand maître en personne a suggéré aux têtes pensantes du projet Shadow of the Empire de produire une bande-son pour accompagner le roman, fait absolument unique. Malheureusement, ce ne sera pas le sieur mainte fois récompensé d'un Oscar qui produira les dites musiques mais Joel McNelly (compositeur pour le film Virus... oué, ça aurait put être moins pire).
LucasArts est d'une ambition dévorante et cela se voit avec Shadow of the Empire qui nous propose deux phases de gameplay bien distincte pour un jeu rempli d'action. Premier level, et déjà une gifle nous est infligé. Pensez donc, nous sommes en décembre 1996 (joli timing pour toucher le jackpot), le monde des consoles de salon a encore tout à apprendre de la 3D. Deux ans avant Rogue Squadron, le jeu nous met dans la carcasse d'un snowspeeder T-47 de la Rébellion. Nous sommes pris entre deux feux, d'un côté les rebelles que nous étions venu ravitailler en vivres et en armement, de l'autre les effrayantes machines de guerre de l'Empire qui viennent d'attaquer la planète glacière Hoth. Dès la première minute du jeu, nous sommes englouti dans une vague d'action pure grisante. La musique, les bruitages, la sensation de vol, la 3D révolutionnaire, les cercles que l'ont décrit autour des TB-TT pour immobiliser leur pattes avec notre câble de remorquage et les faire chuter afin de les détruire... Une des meilleurs scènes d'action de la trilogie originale toute entière nous est offert au commencement du jeu, et c'est à nous de reproduire les prouesses héroïques de Luke Skywalker vues dans le film ! Les phases de pilotage se répètent régulièrement durant tout le jeu. Au programme: batailles au milieu d'un champ d'astéroïdes, course de Swoop bike, destruction de réacteur spatial... Les moments ébahissants sont multipliés! Pour lutter contre l'Empire, Dash dispose d'ailleurs de son propre vaisseau, nommé l'Outrider. En réalité, un cargo de type YT-2400 de la Corporation Technique Corelienne (le Faucon Millénium provient de la même société d'astronautique, c'est un modèle YT-1300). Chaque véhicule propose une vision intérieure avec cockpit, offrant un sacré apport à l'immersion. Un régal d'autant que la réalisation de ces derniers se montre en tout point fidèle aux modèles originaux.
La fuite de Hoth se poursuit à pied, donnant lieux à la seconde phase de gameplay prépondérante dans Shadow of the Empire. À première vue, tout va bien. Nous sommes probablement encore enivré de la fabuleuse virée effectuée dans notre engin spatial et les environnements variés garantissent une ambiance typique Star Wars. Délectable. Mais très vite, on déchante. La difficulté explose dans ces phases de shooter à pied. La maniabilité devient imprécise, le personnage est un tantinet pataud ce qui rend les gunfight maladroits. Et les impériaux, contrairement aux long-métrages, savent viser juste, dans ce jeu ! La visée assistée (Dieu merci ! ou plutôt, merci à la Force !) contrebalancera certainement une gestion des sauts catastrophiques ou certains passages à déambuler sur des corniches très étroites avec rien de moins que le vide mortel autour de vous. Votre pire cauchemar sera de bondir de plate-forme en plate-forme quand celles-ci seront mouvantes. Comme dans ce niveau de Ord Mantell où vous devrez jouer les kamikazes entre trains à répulseur en pleine course!
Quant aux boss, ils sont sans pitié. Le premier n'est rien d'autre qu'un TR-TT, le genre de machine de guerre que même un Maître Jedi ne s'amuserait pas à affronter seul. Alors un être dépourvu de la Force ... Le droïde assassin IG-88 (visible dans L'Empire contre-attaque) sera également l'un-d'eux et cloturant le niveau d'Ord Mantell cité ci-dessus, il est d'une difficulté atroce. Le combat se déroulant dans une décharge, les lieux étant étroits et obstrués par des monticules d'ordure, il vous sera délicat de gérer la caméra et le déplacement de votre personnage. Un passage étonnamment stressant. Heureusement, votre arsenal se verra vite consolider par un lance-roquette, un lance-flamme, et même un jetpack façon Boba Fett (étrangement très maniable. On aurait put craindre le pire au vu des performances du personnages lors des phases de plate-forme).
En adéquation avec son gameplay bipolaire, la technique de Shadow of the Empire souffle le chaud et le froid. Les phases de combats spatiaux sont jouissives, aussi bien à contempler qu'à jouer. La performance préfigure le légendaire Rogue Squadron qu'on verra débarquer un peu plus tard sur la même console. La modélisation des différents engins et les éclats lumineux des turbolaser font preuve d'un soin évident. En revanche, une fois n'est pas coutume, les phases d'action à pied posent quelques menus soucis. Les décors sont variés, c'est là l'avantage de situer son intrigue dans le bel univers qu'est Star Wars. Mais ils restent un peu vides et certains lots de textures ne sont pas des plus heureux. L'animation du personnage est relativement bien fichue quoique un peu saccadée par moment et quelques autres détails fâcheux peuvent venir ternir le plaisir de jeu. La redondance des ennemis qui nous offre un grossier swap color pour se déguiser et nous faire croire que le bestiaire est très varié, par exemple. À cela, ajoutons moult petit bug de collision et d'affichage pas très grave (aucun ne font crasher le jeu ou ne vous force à recourir au reset pour s'en sortir) mais qui à la longue peuvent définitivement faire pencher la balance vers le Côté Obscur. C'est des défauts de jeunesse typiques d'un jeu 3D de milieux d'année 90. À une époque où la plupart des développeurs tâtaient encore le terrain. La Nintendo 64 avait de la puissance hardware à revendre. Et pour cause, Shadow of the Empire gèrent relativement bien sa 3D malgré tout, avec une utilisation généreuse des hauteurs pour un level design parfois tortueux mais tout sauf plat. Si on remet correctement les choses dans son contexte, proposer un jeu en full 3D avec caméra libre dés 1996 sur console, ce n'était pas donné à tout le monde. Beaucoup de studio, pourtant réputés pour leur maitrise technique (Squaresoft, Capcom...), opterons pour des décors précalculés en 2D avec caméra fixe et personnage en 3D sommaire pour se faciliter la tâche sur une Playstation peut-être un peu moins rigoureuse et performante que la machine aux 64-bits de Big N.
De sa communication agressive aux milieux des années 90 à sa sortie sans cesse repoussée en France, la Nintendo 64 a longtemps existé sous une forme spectrale. Hantant la presse du jeu vidéo par des publicités étonnantes de suffisance et de roublardise et des scoops fabriqués de toutes pièces par les équipes de communication de Nintendo. Forcé de lutter pour rattraper un retard qui se faisait déjà gargantuesque en 1996 face au rouleau compresseur Playstation, Nintendo désire en finir avec son statut de gentil petit écolier propre sur lui. La Nintendo 64 opte pour une approche offensive et s'accompagne d'une série exubérante de pub choc pour dénigrer sèchement la concurrence (les consoles 32-bits, le CD-Rom, la full 3D très rares sur les machines concurrentes, l'absence de grandes licences fédératrices... presque tous les arguments furent utilisés pour incendier les Playstation de SONY et Saturn de SEGA). Aussi, la Nintendo 64 veut se tailler une part du gâteau de la modernité et veut se faire passer pour un objet de consommation cool. La Playstation a sut attirer un public adolescent avide de nouvelle technologie avec des jeux à l'aspect visuel plus mature que d'ordinaire et des sensations de jeu ébouriffantes (parfois au détriment du gameplay pur ou de la durée de vie, je l'accorde). Pour cela, Nintendo lance la production (en interne, ou par commandes interposées aux éditeurs tiers) de quelques jeux ''cool'', ''adultes''. On peut citer Killer Instinct Gold, Wave Race 64 ou encore Cruis'n USA, tout trois commercialisés pour le launch de la machine. D'autres suivront peu après avec notamment une avalanche de FPS pour la plupart issus du monde du PC (Hexen, Doom 64, Duke Nukem 64, GoldenEye 007...), prouvant le forcing intensif de Nintendo à vouloir ravir la vedette à la Playstation qui cumulait les jeux sombres et percutants comme des perles sur un chapelet de prière.
Shadow of the Empire faisait parti de ces jeux cool censé façonner l'imagerie de la Nintendo 64 d'impertinence et de glorifier Nintendo aux yeux d'un public devenu adulescent entre la sortie de la Super Nintendo et 1996. L'objectif est atteint mais le jeu n'est pas pour autant exempt de tout reproche. Offrant des séquences proprement époustouflantes pour un jeu de 1996, il alterne avec des phases peu maniables et frustrantes. La touche visuelle Star Wars fait bien son office mais techniquement, là encore, le jeu présente plusieurs lacunes. Trop de faiblesse qui l'empêche de briguer le rang de hit, Shadow of the Empire reste un jeu intéressant et honnête malgré tout.
Parfois, il y a des jeux injustement méconnus car ils sont merveilleux. L'histoire du jeu vidéo ne manque pas d'exemple. Momotarō Katsugeki, Ardy Lightfoot, Legend, Shin Megami Tensei : Lucifer's Call, Gaiares, Discworld, Wild Arms, et tant d'autre. Mais parfois également, certains jeux devraient rester dans l'oubli à tout jamais, tant ils sont mauvais. C'est le cas de ce Lord of the Sword sur Master System (désolé ma petite console chérie, je ne voulais pas te faire du mal, mais quand j'ai su que c'était SEGA qui t'avais infligé ce coup de couteau dans les reins, je me devais d'en faire un test ... ).
Lord of the Sword ose se mesurer aux plus grands. Évidemment, rien n'a été dit à ce sujet à l'époque, pas plus qu'aujourd'hui, vous imaginez bien que SEGA s'est caché de toute déclaration tonitruante à propos de ce soft sorti de nul part. Mais on le devine assez facilement. Lord of the Sword, impétueux, veut se frotter à Zelda II, à Wonder Boy in Monster Land, à Faxanadu. Mais, ô, surprise, il n'en a pas l'étoffe. Vous en doutiez ? Si on veut s'intéresser au détail, nous commencerions par évoquer le scénario comme suit. Dans le lointain royaume de Baljinya, alors que le roi s'est fait assassiner par le terrible seigneur Ra Goan, les ténèbres commencent à installer leur emprise sur le monde. Le royaume a besoin d'un nouveau dirigeant, fort et sage pour garantir la paix. Alors, les conseillers du roi, probablement de vieux gâteux qui claquent des genoux et qui ne savent même pas tenir une épée par le bon bout, déclarent que l'homme qui réussira à se défaire d'une brochette d'épreuves aura gagner le droit de monter sur le trône. Au programme, une ballade de santé: péter la gueule à une bande de gobelins (pourquoi toujours eux ? J'vais appeler SOS Racisme moi si ça continue !), dénicher le légendaire arbre de Maril (va savoir pourquoi il est caché...) et pourfendre une statue obscure qui donnerait leurs pouvoirs maléfiques aux monstres envahissant le monde. Au moins, les développeurs ne nous ont pas fait l'affront de nous mettre une princesse en détresse dans les pattes. Landau, le héros du jeu, et très certainement victime de bolossage intensif durant son enfance de petite merde au patronyme foireux, se voit pousser des poils au manche et décide de partir à l'aventure pour prouver sa valeur et convoiter légitimement la couronne.
Première petite prune qu'on se prend dans la tronche, quand on lance le jeu, c'est l'écran titre. En soi, il est joli, ce coucher de soleil offrant à l'horizon cette vive teinte safranée. Mais une mention particulière attire notre attention (peut-être pas immédiatement car on ne connait pas encore le jeu, donc on ne sait pas à quoi s'attendre, mais au bout de quelques minutes, on comprend). Le jeu propose une option "continue". Ipso facto, ça veut dire qu'il est possible de sauvegarder, comme dans un peu tous les jeux de rôle du monde ou presque. Eh bien non. Que vous choisissez l'option "continue" ou l'option "start", le jeu vous mène irrémédiablement au début du premier village mais aucun password ou bloc de sauvegarde ne vous sera offert. Le jeu doit se faire d'une traite si vous ne voulez pas perdre votre progression. Beaucoup d'autres jeux font cela sur Master System, comme Asterix ou la conversion de Sonic, mais là où ça devient dérangeant, c'est que Lord of the Sword est passablement ennuyeux et très retors par moment, provoquant échecs consécutifs particulièrement frustrants.
Le premier village, venons-en de suite. En fait, on ne sait pas trop si c'est le premier ou le cent vingt-septième village de ce vaste monde en proie aux forces du mal. La faute à un travail de graphiste très paresseux. Systématiquement, les bourgs se présenterons de la même manière. Quatre pauvres huttes isolées, portes closes sauf une, sur un fond de ciel bleu pétant intégral qui perfore la rétine (ça existe pas les nuages sur Master System ?!). À l'intérieur de la seule bâtisse dans laquelle on peut pénétrer, on y trouvera une sorte de magicien à qui parler pour se soigner. Mais là où l'idée est bancale, c'est que le magicien pingre vous rendra un quart de votre barre de vie à chaque fois que vous viendrez tailler bavette avec lui. Si vous voulez être soigné intégralement, vous devrez sortir de la maison et y retourner aussitôt pour vous taper une boite de dialogue insipide et écrit en vieil anglais (avec les "thee" et "thou" de rigueur. Mais les PNJ n'ont rien d'intéressants à raconter, alors c'est peine perdue. N'est pas Dragon Quest qui veut...). Ce système est inutilement coûteux en temps et casse royalement le rythme de jeu, déjà pas bien rapide. Si les concepteurs ont pensé que cette option ravirait les amateurs de challenge qui préfèrent jouer avec une barre de vie sans arrêt à trois quart vide, pourquoi ne pas avoir pensé à un système qui offre le choix de la quantité de soin qu'on peut recevoir, en échange par exemple d'une certaine somme d'argent récoltée sur les monstres à l’extérieur ?
Et des idées de conceptions illogiques et misérables dans le genre, Lord of the Sword en est bourré. Le bouton start ne sert à rien. En tout cas pas à l'extérieur des villages, pendant les combats, là où pourtant cela aurait été d'une aide précieuse. En revanche, dans les hameaux, en sécurité, là où cela ne sert strictement à rien de recourir à la pause puisque aucun ennemi ne viendra vous harasser, le bouton start sert à ... stopper le jeu et à afficher une carte. Carte inutile puisqu'il n'y a ni indicateur d'emplacement, ni nom de lieux, ni boussole, ni rien d'autre permettant de vous donner un quelconque indice sur la direction à suivre. Il y a bien la carte format papier livrée avec le jeu dans son packaging qui indique les noms des environnements, mais j'imagine que très peu des joueurs ayant possédé Lord of the Sword en 1988 ont conservé l'intégralité de la boite intacte.
Dedans et en dehors des villages, le jeu se présente en side scrolling, comme les références de qualité citées plus haut. Il n'y a pas de statistiques, pas d'inventaire (bien que l'on puisse stocker trois objets clés au cour de la partie), on ne gagne pas de point d'expérience ni d'argent et les deux armes à notre disposition font autant de dégât l'une que l'autre. La mention "RPG" située sur la jaquette est complètement galvaudée. Les deux armes en question sont une épée, rapide à dégainer mais utile uniquement au corps à corps, utilisable via le bouton 1. Le bouton 2 sert à brandir l'arc, lent à bander (comme ma bite) mais efficace à distance (comme ma b...) . Il faut savoir jongler entre les deux pour venir à bout des ennemis qui auront un comportement assez différent les uns des autres. Le voleur, par exemple se fera un malin plaisir d'apparaitre devant vous avant de prendre la fuite pour venir vous attaquer la seconde d'après dans votre dos. Les monstres volants font une ronde dans le ciel avant de fondre à toute vitesse sur vous, essayez de prendre de la hauteur pour les avoir avec l'arc car il est impossible de viser en diagonale ou vers les nuages pour en venir à bout !
Globalement, les sensations de combats sont assez mauvaises, Landau est un guerrier aussi vivace et agile qu'un putain d’hippopotame et les ennemis sont parfois en bien grand nombre pour pouvoir tous les gérer sans risquer de se prendre une brouette de coup dans les gencives. Comme si cela ne suffisait pas, des monstres rampants se cachant derrière les sprites des hautes herbes et visibles que d'un pixel viennent vous filer des coups de surin dans les mollets dès que vous vous en approcher. Quasiment impossible à apercevoir avant qu'il ne soit trop tard. Même chose pour les bestioles à ailes qui se planquent dans l'amas de pixel censé représenter la cime des arbres. Très vite, les allers-retour au village le plus proche sont salvateurs pour regagner un peu de vie, vous comprenez donc pourquoi le service de soin partiel est si problématique.
Les panneaux indicatifs sur les écrans extérieurs ne servent pas à grand chose non plus (on se demande qu'est-ce qui a une utilité, en fait, dans ce jeu...) puisque les concepteurs ont cru bon de nous faire nous balader dans un véritable labyrinthe. En effet, si vous empruntez la sortie gauche sur certains écrans, vous apparaitrez à l'entrée gauche de l'écran suivant au lieux de l'entrée de droite. La règle la plus élémentaire qui soit pour concevoir un jeu en side-scroller logique est foutu à la poubelle pour on ne sait quelle raison à part faire tourner le joueur en bourrique. On croit aller à gauche, on se retrouve à droite. Et inversement. Dans ces conditions, tenter de griffonner un plan, à l'ancienne, sur une feuille de papier devient délicat. Et les décors n'ont rien de particuliers nous permettant de nous repérer par quelques artifices graphiques. Je vous rappelle que la carte n'indique que dalle. On traverse un écran de plaine pour arriver dans une lugubre forêt. Là, on a le choix d'emprunter un escalier vers le haut (oui, en plein milieux de la forêt, cherche pas c'est magique) ou de continuer vers la droite. La sortie à droite vous dirige vers une caverne tandis que l'escalier nous fait revenir dans la plaine. Bref, la construction et l'assemblage des niveaux est incohérent et n'aide pas à l'immersion.
Vous voyez un peu où je veux en venir, désormais ? Non, non, messieurs de chez SEGA, ce n'est pas une bonne idée, votre truc ! On en chie déjà suffisamment dans les combats sans même le moindre pouvoir magique ou objet de soin à notre disposition, ce n'est pas pour, en prime, essayer de se sortir d'un labyrinthe à ciel ouvert dont la carte est aussi utile qu'une feuille de papier cul contre l'ouragan Irma ! Êtes vous incroyablement idiots ou est-ce que c'est un concours de celui qui arrivera à pourrir le plus la Master System avec un jeu de merde injouable ?!
On aurait put se contenter de graphismes ternes si seulement le jeu était plaisant à jouer, pad en main. Mais l'accumulation de tout cela fait fondre mon capital pitié envers cette production SEGA. L'univers n'a rien d'extraordinaire, c'est même tellement plat, fade et déjà-vu que ça en devient moche. Le héros, une sorte de mix entre Legolas et un Conan - la virilité en moins - n'attire aucune sympathie. Les monstres sont quelconques à une ou deux exceptions près et sont parfois de mauvais goûts (les mudman dans le niveau de la caverne...). Comme dit plus haut, les couleurs pauvres des écrans de village nous font rappeler des jeux de début d'existence d'Amstrad CPC (monochrome, donc. Le seul hic, c'est que Lord of the Sword est sorti 4 ans plus tard...) et de manière générale, la répétitivité de plaines, forêts et autres grottes lasse très vite l’œil. Une surexposition de vert sombre, de marron et de gris ne rend vraiment pas service au jeu. Malgré tout, l'animation du personnage est agréable à voir car détaillée, son sprite est étonnamment soigné, surtout lorsqu'il bande la corde de son arc ou lorsqu'il inflige un coup d'épée en étant accroupi. De bien maigres consolations devant un jeu techniquement fainéant. Dommage, car la Master System, plus en avance que la Famicom en ce qui concerne le hardware, nous avait habitué à beaucoup mieux.
La replay value de Lord of the Sword (si déjà vous parvenez à le finir ne serait-ce qu'une fois) est nulle, puisque le jeu ne possède aucun secret ni aucune zone bonus à débloquer. Son monde est vide et triste comme le planning de sortie de la Xbox One en 2017 (je plaisante, calme toi Enzo). Lord of the Sword est perclus de défaut de conception et de problème de gameplay qui le rende pénible à jouer. Frustrant, il ne se rattrape pas avec un visuel charmant, bien au contraire. La bouillie de pixel pauvre en couleur dépeint un monde sombre, sans féerie ni créativité qui fait pâle figure face à Zelda II. Une véritable collection de tares qui pèse lourd dans la balance. SEGA a clairement foiré son coup et a doté la Master System d'un jeu raté. Tout simplement.