Des boutiques d'occasion et de jeux vidéo qui ne font pas du retrogaming un pur business de salopard et de spéculateurs forcenés, ça existe encore. Si, si, je vous assure. Bon, attention hein, ça dépend aussi de ce qu'on y trouve. Parce que à 1€ la cartouche Megadrive en loose, quand bien même elle serait en bon état, vu d’extérieur, on se doute bien qu'on ne tient pas entre les mains un Tetris, aussi rare que la dignité de Kirby-54. Alors bon, puis parce que c'était vendu en lot, j'avais pas le choix. Par curiosité malsaine, Curse est le premier des jeux glanés ce jour-là que j'enfourne dans ma valeureuse Megadrive pas du tout mini, la vrai. Et là, en entendant la musique, j'ai cru que c'en été fini, de ma Megadrive de 28 ans d'âge (c'est pas comme le pinard, ça s'améliore pas en vieillissant, Shanks non plus d'ailleurs, tiens).
Vous savez, ce genre de musique de fête foraine débile crachée par un haut-parleur grésillant (très) bas de gamme à la foire à la saucisse de Moncul-les-bains, avec cet effet de caisse de résonance dégueulasse et la partition épileptique de batterie avec des fûts en plastique. Comme on entendait dans les très mauvais morceaux d'eurodance-techno-ce-que-tu-veux en 1996. Bon, ben voilà ce que m'inspire la musique du premier niveau de Curse couplée à ses bruitages. Ah oui, parce que je vous ai pas dis, j'ai inséré la cartouche, j'ai même pas eu le droit à un menu avec des options de difficulté (histoire d'apprendre à jouer sans me faire violer, pour que le dépassement de soi soit garanti, m'voyez) ou autre, le jeu s'est lancé immédiatement. Sans cutscene, sans intro, sans rien. Comme l'impression soudaine de me faire sauvagement agripper par les couilles par un jeu pirate. Je vérifie sur le net, et il semblerait que Curse soit bel et bien un jeu officiel. Le gougnafier.
Pas de générique de début, pas de présentation en logo de l'éditeur ou du développeur. C'est comme si vous matchez sur Tinder avec une fille qui ne vous dit même pas son prénom mais qui vous refile immédiatement la syphilis avant de se barrer avec les clé de votre bagnole. J'ai un horrible pressentiment, d'un coup.
Deuxième constat, après les horribles notes de musiques qui me vrillent les tympans : la lenteur du bordel. Le vaisseau qu'on dirige est aussi lourd qu'une baleine morte. Alors, au départ je me dis que c'est pas grave, je risque probablement de choper un power up pour améliorer ma vitesse et mieux esquiver les attaques ennemies. Mais très vite, je déchante, aucun item en vu pour régler le soucis de rapidité. Et de toute façon, je me dis que j'en ai pas besoin vu comment les unités adverses ne sont pas des plus véloces. On passera sur le design curieusement libidineux de certains obstacles, comme ces espèces de tentacules couleur chair qui se rétractent et s'élancent vers le ciel à un rythme régulier. Les amateurs de hentai devraient trouver ça rigolo, au moins. Se présente face à moi le premier boss qui semble être un tronc d'arbre duquel je m'attends à voir surgir une ignoble gueule d'alien pleines de dents et crachant des boules de feu. Hé... non. En fait, une volée de piafs bleus sortent de derrière le truc et me fonce dessus, pas suffisamment vite pour que je me fasse surprendre. Une volée de boulette d'énergie et je les transforme en poulet rôti. Mais celui-là n'a étrangement pas le bon goûts de celui du dimanche, avec les frites, et Walker Texas Ranger en famille...
Le level 2 améliore la prestation graphique un tantinet, avec quelques lignes de scrolling différentiels. Mais bon, c'était pas la peine de prendre la confiance en tentant ce genre d'artifice technique si c'est pour occasionner une grosse chute de fluidité dés lors que deux ou trois monstres arrivent à l'écran. Parce que oué, ça devient brutalement encore moins rapide qu'avant, je pensais pas que c'était possible. Toujours pas de power up de vitesse à l'horizon mais à ce stade du jeu, je me dis que ça ferait plus flamber la cartouche qu'autre chose. Le comble vient du second boss, une paire de serpent jumeaux dont l'oscillation mollassonne ferait passer la bite de Negan pour un frétillant dragon en parfaite santé.
Le système d'armement de Curse rappelle celui de R-Type. Un module qu'on peut placer devant, derrière ou sur le flanc de notre engin sert à envoyer des missiles à têtes chercheuses sur des ennemis de toute façon pas franchement dangereux. Et vous savez quoi, en fait j'ai dis une connerie, il existe bien des speed up, ils étaient sous mon pif. J'en ramasse plusieurs par niveau, même. Mais ils n'ont tellement aucun effet que je croyais que c'était juste pour le score. Cinq niveaux plus tard et un générique toujours aussi chiche en mise en scène et en scénario (même pas la moindre ligne de dialogue, je sais bien qu'on est sur un shoot them up mais faut pas pousser quoi...), le constat est implacable. Curse est médiocre, d'une fadeur rarement vue, impersonnel. Si seulement son design était le seul fautif de ce naufrage, mais son gameplay pachydermique qui ne donne strictement aucune sensation (ni fun, ni tension, ni danger, ni challenge...) et sa bande-son cheapos terminent d'enterrer ce jeu anonyme. Qui ferait bien de le rester.
C'est d'autant plus bête quand je vois la jaquette et le boss final, une espèce de gigantesque visage féminin sans émotion, avec l'arrière du crâne cybernétique et relié à un paquet de câbles façon Néo dans Matrix. L'idée de cette représentation me fait penser à Extase (micro-ordi, 1990) où on devait faire mumuse avec les neurones électroniques d'un androïde. On peut également penser à l'effrayante intelligence artificielle omnisciente SHODAN dans System Shock. Mais bon, Curse ne s’embarrasse aucunement de cutscene ou du moindre élément narratif, alors tout cela s'avère être du gâchis.
La même année sortaient sur Megadrive les bien plus convaincants Thunder Force II et Burning Force, bien que pas tout à fait dans le même genre. Et l'année suivante, les bombes thermo-nucléaires Thunder Force III et Musha Aleste déposaient leurs boulettes sur la console de SEGA. Même en étant un affamé du shoot them up, ou en considérant que la Megadrive n'avait encore, en 1989, qu'un catalogue relativement léger de bon jeux, Curse n'avait aucune chance. Et comme le soft lui-même ne daignait pas me renseigner véritablement sur qui a put pondre cette horreur, je m'en suis remis à Dieu (autrement appeler Internet) pour apprendre que cela venait de MicroNet. Un studio japonais insignifiant. Ah, et également responsable, deux ans plus tard, de Heavy Nova sur le même support, déjà testé sur Retro Gamekyo (clic ici, c'est un vieux test...).
Je comprends mieux. Allez, va bien te faire foutre, MicroNet.
Le niveau du barrage dans les Tortues Ninja (NES), le niveau 9 dans Battletoads (NES), Hydrocity Zone de Sonic 3 (Megadrive), le Big Shell inondé de Metal Gear Solid 2 (PS2)... en général, les niveaux aquatiques même dans les meilleurs jeux, ce n'est pas une bonne idée. Difficile, labyrinthique, ennuyeux, frustrant. Alors imaginez si un jeu tout entier vous propose pas moins de vingt-sept niveaux entièrement situés sous l'eau. L'horreur assurée ? Pas si sûr !
On quitte les consoles Nintendo pour faire un tour du coté de la concurrence directe de l'époque, SEGA et sa Megadrive. Si Nintendo prouve par la créativité de ses jeux que la firme de Kyoto aime concevoir des recettes de gameplay soignée, ils n'ont pas l'exclusivité de l'originalité. Parce qu'il est difficile de prétendre qu'Ecco the Dolphin ne l'était pas dans le paysage vidéoludique de 1992. À cette époque, nos héros de jeu vidéo typiques étaient Mario, Sonic, Simon Belmont, Donatello et sa bande de frangin à carapace, etc. Un plombier moustachu, un hérisson super athlète, un chasseur de vampires, des tortues adeptes des arts-martiaux... il nous arrivait aussi d'embarquer à bord d'une furieuse voiture de course dans Out Run ou à bord d'un vaisseau spatial surpuissant dans Thunderforce pour éradiquer la menace extra-terrestre à grand renfort de bombes et de rayon laser. Mais aider un dauphin tout ce qui a de plus pacifique à retrouver sa famille kidnappée à travers les océans du monde entier ? Voilà qui a de quoi sérieusement interloquer dans le catalogue des consoles 16-bits, peu importe leur constructeur !
Le scénario, aussi remarquable que son concept même nous raconte donc la disparition de la famille d'Ecco le dauphin, mais pas seulement. En effet, toutes les espèces maritimes du coin semble s'être tout bonnement volatilisées ! On assiste au début du jeu à une étrange tempête, puis plus rien. Le vide océanique, le silence, la solitude, la peur. Ecco n'est pas le genre de héros prompt à tout ruiner sur son passage pour sauver sa dulcinée. Non, il est vulnérable, mais courageux et un long voyage l'attend. Son périple le conduira dans des contrées lointaines comme l'Arctique, ou au cœur des ruines de l'Atlantide, le fameux continent perdu jusqu'à la découverte d'un portail temporel capable de l'emmener à la préhistoire ! Au fil de son incroyable épopée, il découvrira que les espèces maritimes de touts lieux et de toutes époques sont menacées par une race extra-terrestre se nourrissant avidement de la chaire de poisson et de crustacé en tout genre. Au départ parti pour retrouver sa famille, il finira par lutter pour sauver la vie elle-même au delà des mers et du temps.
Oui, c'est complètement fou, le scénario surprend et part dans des travers que jamais on n'aurait soupçonné la première fois en insérant la cartouche dans la console. Mais c'est un excellent prétexte à la visite d'une foultitude d'environnements exaltants dont la cohérence est étonnamment solide. La première chose qui frappe, c'est les paysages dans lesquels on évolue. Ecco nous place dans les océans et les mers de façon intégrale. De là découle un gameplay singulier où la notion de mouvement et de liberté est quasi révolutionnaire sur console de salon en 1992. La liberté d'action est si grande que la linéarité est largement atténuée et bon nombre de joueurs avouent ne pas avoir suivi la ligne directrice du scénario et de l'aventure de prime abord afin de barboter dans le premier niveau et effectuer des bonds hors de la surface pour épater la galerie. De plus, Novotrade, le studio hongrois à l'origine du jeu a savamment étudié sa copie. S'il n'y a aucune contrainte liée à la terre ferme comme dans les autres jeux de plate-forme et d'aventure, telle que la gravité, les développeurs ont eu la présence d'esprit d'adapter leur gameplay en fonction de l'élément constitutif principal de l'environnement : l'eau. Ainsi, il faut savoir que Ecco est un dauphin (nan, sans déconner ?! ), et qu'en tant que tel, il se classe parmi les mammifères. Si bien qu'il n'est pas capable de rester sous l'eau indéfiniment à la façon d'un poisson. Il lui faut régulièrement revenir à la surface pour reprendre une bouffé d'air frais ! Ce simple procédé tout ce qui a de plus réaliste obligera le joueur à calculer un minimum son parcours. Notamment lorsqu'il s'apprêtera à parcourir un des nombreux labyrinthes sous-marins à travers coraux et ruines antiques qui se dresseront sur son chemin.
Ecco n'est pas Mario lorsqu'il s'agit de piquer un cent mètre dans les pâturages du Royaume Champignon, certes, mais ce n'est pas une boule de pétanque pour autant ! Il est agile et très capable, notre p'tit cétacé ! Il peut aller aussi vite que le rital de Nintendo grâce au bouton C qu'on tapote pour accélérer et au bouton B qui permet de se propulser agressivement. Cela lui permet par exemple de détruire certains obstacles pour passer à travers. La charge sert également à vaincre certains ennemis, parce qu'il ne faut pas lui chier sur les nageoires, à Ecco ! Un autre de ses pouvoirs lui sera particulièrement utile, là aussi calqué sur ce que les dauphins de notre réalité sont capables de faire tous les jours : le sonar. Au début, il ne servira qu'à confectionner une petite partie d'un plan grâce aux ondes qui se répercutent sur les obstacles et divers éléments du décors. Utile lorsqu'on est perdu dans les labyrinthes d'un fonds marins inhospitaliers. Plus tard, un autre dauphin rencontré durant la quête apprendra au jeune Ecco à se servir de son sonar comme d'une arme. Enfin, le saut, magnifique acrobatie de notre souple camarade est utile au-delà de l'aspect esthétique. En effet, dans certains niveaux plus particulièrement, il vous faudra bondir par dessus les récifs pour rejoindre l'autre côté, les fonds marins étant obstrués par des amas de roche infranchissables autrement. Cela demande un peu de technique par endroits, et plusieurs essais seront nécessaires.
Ce qui m'amène à un des sérieux problèmes d'Ecco the Dolphin, sa difficulté. Novotrade est parfois sans pitié. On est bien entendu pas si proche du niveau de cruauté d'un Battletoads, mais certains passages ont de quoi mettre vos nerfs à vifs. Les sauts au dessus des récifs, millimétrés, ne sont qu'un amuse-gueule. Le jeu accumule une collection de tares de conception qui donne une courbe de progression illogique et déséquilibrée. Pêle-mêle on peut citer l'absence de checkpoint dans des niveaux parfois très longs (le dernier, un véritable parcours du combattant!), ce qui nous oblige à refaire l'intégralité du level dés que la mort survient. Les mots de passe, présents (pour un jeu comportant 27 niveaux, ce n'est pas un exploit, c'est juste normal) sauf celui du dernier boss (très difficile) qui est donné seulement … après l'avoir vaincu ! Certains types d'ennemis comme les crabes et les araignées de mers qui, si vous passez dans leur champ d'action vous traquerons à travers une sacré portion du niveau, vous obligeant à les affronter si vous ne voulez pas vous retrouver pris au piège face à plusieurs monstres. Ce qui signerait votre arrêt de mort immédiatement. À l'inverse, dans d'autres niveaux où la difficulté reste très raisonnable, le jeu se montre fort généreux en disposant ça et là des Glyph, des sortes de cristaux aquatiques qui vous octroi invincibilité temporaire et régénération de vie. On aurait aimé pouvoir bénéficier d'un petit avantage comme celui-ci dans les niveaux les plus incroyablement ardus, plutôt que dans ceux qui s'apparentent à une baignade dans la piscine familiale une douce après-midi d'été !
Ajouter à cela les courants marins qui vous repousserons irrémédiablement, vous forçant soit à persévérer en manipulant un Ecco alourdit et ralentit à l’excès, soit en cherchant un autre chemin plus aisé, et le repop de la horde d'ennemis qui s’exécute dés lors qu'on quitte les environs de quelques mètres, et vous obtiendrez le challenge d'un jeu coriace. Le contraste est saisissant entre les rafraichissantes et grisantes sensations de liberté que nous procure Ecco et ses fantastiques capacités à se mouvoir, et l’implacable réalité de n'être qu'une proie parmi une horde de prédateurs marins affamés.
Contraste d'autant plus saisissant au vue de l'ambiance graphique du soft, particulièrement onirique. Contrairement à ce qu'on aurait put penser, les niveaux ne se font pas si rébarbatifs que cela. La dominante de bleu et d'eau est de évidence quelque chose qui bridera la découverte d'une certaine façon au bout de plusieurs heures de jeu, mais c'est un parti pris qu'Ecco assume entièrement et qui est indissociable de son gameplay et de son identité. Les graphistes de Novotrade ont été malin et se sont servi de toute la palette de bleu, de mauve et de blanc à leur disposition pour donner plus de variété et de subtilité aux fonds marins. On aurait put croire également que les océans que l'ont parcours soient vides et ternes, mais il n'en est rien. On joue ici intelligemment avec la lumière (un rayon de soleil qui perce à travers la surface de l'eau, illuminant un passage comme la nef d'une église à travers un vitrail...), des fonds d'écrans riches en dégradés superbes de finesses et autres halo vaporeux sont là pour donner l'illusion que les fonds marins sont tous sauf sombres et sans vie. Le sol sous-marin est souvent jonché de coquillages multicolores, de plantes aquatiques et de formations sédimentaires aux formes variées tandis que la faune est très bien représentées. Crabes, araignées de mers, requins, dauphins, baleines bleues, pieuvres, méduses et tant d'autres, toute la vaste famille des créatures marines est passée en revue. L'aspect de leur sprite est agréable à l’œil, et Novotrade n'a pas commis l'erreur d'utiliser une technique comme la digitalisation (Mortal Kombat) qui aurait rendu le tout plus réaliste peut-être, mais terriblement plus froid.
Certain niveaux ont fait montre d'une recherche esthétique évidente et contribue à donner à Ecco the Dolphin cette notion de grande aventure. En effet, comme dit plus haut, le scénario nous mène dans des endroits aussi surprenants que Atlantis, ville-monument témoins d'un passé glorieux aujourd'hui révolu. Le continent mythique a bel et bien existé d'après le jeu de Novotrade, et même que le peuple atlante serait entré en guerre avec les Vortex, les vils extra-terrestres se nourrissant de poissons et de crustacés par paquebots entiers. Mais les atlantes furent vaincus, leur villes ruinées, si bien qu'ils fabriquèrent un portail temporel pour partir se cacher au cœur de la préhistoire. Le marbre et les colonnades, sculptures et décorations raffinées furent engloutis par les eaux et seul un être comme Ecco peut encore les explorer aujourd'hui. La visite d'un décors antique et fascinant comme celui-là donne une toute autre tournure à l'ambiance du jeu. La dorure de la décoration des murs se marient très bien avec l'argent du marbre et l'accompagnement musical contribue à nous embarquer dans ce monde énigmatique.
Le niveau de la préhistoire est également un des plus beaux du jeu. Le sol marin se voit envahi par des cratères et bouches de volcans en activité, des hippocampes géants vous barrent la route et des fossiles s’amoncèlent aux fonds des eaux. Même les décors hors de l'eau, véritables panoramas de montagnes rocheuses sur fond de ciel azuréen offre un dégradé de couleur sublime, rappelant fortement Shadow of the Beast sur Amiga (avec beaucoup moins de niveau de parallaxe, ceci dit). Ça vaut réellement la peine de persévérer et de faire l'effort de vaincre la difficulté du jeu pour pouvoir assister à ce genre de découverte visuelle inestimable. La dernière paire de niveaux tranchent radicalement avec l'ambiance douce et onirique des niveaux précédemment décrits. On débarque en effet dans l'antre des monstres extra-terrestres responsables du massacre de l'eco-système marin depuis des millénaires (ah bah non, ce ne sont pas les Hommes, nous aurait-on menti ? :nerd : ). Le jeu devient brutalement plus sombre, plus inquiétant. L'architecture garde sa complexité avec des passages dans tous les sens, mais les décors ne sont plus fait de roche ou de glacier, ni de beau marbre ou de corail. Le métal agressif et les étranges machines tubulaires occupent le terrain tandis que les poissons et autres crabes laissent leur place à des monstruosités tentaculaires tout droit sorties d'un film de Ridley Scott. Le danger est permanent. C'est désormais une guerre féroce qu'Ecco doit mener contre cette race hideuse et là où une attaque suffisait généralement à vaincre les poissons et crustacés d'avant, il faut désormais plusieurs assaut pour venir à bout d'un Vortex. Par ailleurs, le scrolling est désormais forcé, vous obligeant sans cesse à aller de l'avant, à vaincre rapidement vos ennemis et à trouver votre chemin dans ce labyrinthe infernal avant d'être rattraper par les meurtriers rebords du cadre. Quand on a passé tout le jeu avec un scrolling libre, ça fait un choc.
L'animation n'est pas en reste, même s'il convient de relativiser un peu. Les nombreux mouvements d'Ecco sont d'une fluidité exemplaire, sa capacité à se mouvoir librement dans un élément aussi fluctuant que l'eau est retranscrite à merveille. D'autant que le joueur peut choisir de se déplacer à l'envie dans toutes les directions possibles. À l'inverse, on regrettera le manque d'animation sur certaines créatures, notamment les Vortex qui ont l'air d'être de véritables blocs de pixel inflexibles. On aurait également apprécié plus de niveau de scrolling différentiel afin d'exploiter au mieux les magnifiques décors de pixel-art. Ceci dit, gardons à l'esprit que pour un jeu de 1992 sur Megadrive, Ecco the Dolphin réalise une prouesse et est dotée d'une patte artistique subtile et ravissante. Il se démarque fortement du reste des jeux vidéo d'époque et ceci de la plus belle des manières !
Côté son, là encore on s'approche de la perfection quand bien même il faudrait relever quelques petits bémols (son, bémol, c'est bon tu l'as ? ). Tout d'abord, certains bruitages sont stridents et notoirement désagréables à entendre quand ils se répètent cinquante fois dans un même niveau, pendant que nous cherchons désespérément une sortie où le moyen de franchir un pic de difficulté. Le sonar par exemple est de ceux-là, le cri de douleur plaintif et cruel du petit Ecco l'est aussi. En mettant le jeu en pause puis en appuyant sur A, on peut supprimer les musiques mais pas les bruitages; on aurait préféré le contraire. Spencer Nilsen, Brian Coburn et András Magyari, le trio de compositeurs du jeu ont donné naissance à une OST qui n'est pas totalement homogène mais qui a en tout cas énormément de charme. Nous avons déjà découvert ensemble (ou pas) Jurassic Beach dans le 28ème numéro de VGM (clic ici si tu veux retrouver l'article), qui délivrait une ambiance sauvage et apaisante en adéquation avec l'environnement primitif et préhistorique dépeint dans ce sublime niveau. Mais d'autres pistes valent largement le détour comme l'infiniment triste Ice Zone, thème musical de la banquise où on y rencontre Big Blue, une baleine bleue sage et amicale. Les notes fragiles et lancinantes de flûte associées aux sons cristallins qui se répercutent comme sur des murs de glaces donnent à ce niveau des aspects de terre désolée. Vidée de toute son essence, orpheline de toute sa vie. Affliction invisible mais incroyablement palpable, la banquise d'Ecco the Dolphin est visuellement et musicalement un des petits joyaux d'émotion que très peu de jeu peuvent se targuer d'avoir. Comment ne pas évoquer également le très étrange Welcome to the Machine, aux notes distordues, nous embarquant dans le monde dénaturé et inhumain des Vortex.
Ed Annunziata, le génial concepteur du jeu, véritable personnage aux convictions fortes (spiritisme, écologisme...) aurait demandé à son équipe de compositeur de s'inspirer de ce que faisait à l'époque le groupe de rock Pink Floyd pour illustrer musicalement les derniers niveaux du jeu, ceux dans l'antre des envahisseurs extra-terrestres.
Ecco est peut-être un jeu entièrement aquatique mais il est loin des cauchemars cités en début de test. Au contraire, il se rapproche allégrement du rêve. S'il commet quelques fautes d'équilibrage notamment liées à la difficulté de son périple, on ne saurait lui en tenir rigueur totalement tant le jeu dispose d'un tas d'autres qualités. Il est original, cela ne fait aucun doute, et au début des années 90, cela constituait déjà un très gros atout. Il se différencie largement des aventures trop connues de Mario, des bagarreurs de Streets of Rage ou des bolides furieux de Super Monaco GP. Il est beau également, là encore, c'est indéniable. Celui qui vous dira que son propos tant que son aspect visuel n'a pas quelque chose de simple et de beau est un idiot. Léger, onirique, et en même temps pas tant que cela. Ecco ose une chose à l'époque encore outrageusement rare dans le jeu vidéo : proposer une réflexion sur des sujets d'ordinaire considérés comme trop compliqués, trop ''adultes''. Écologie, condition animale, cohabitation entre les espèces … tant de sujet chers au cœur du concepteur américain Ed Annunziata, véritable guide spirituel du studio Novotrade.
Magnifique, imaginatif, recherché, passionnant, les superlatifs ne manquent pas pour ce soft tout bonnement incontournable, indissociable de la marque SEGA.
Il n'aura pas fallu attendre 2010 et Ni no Kuni pour voir un studio d'animation japonaise s'allier à un studio de développement pour créer un jeu vidéo. En effet, en 1992 sort Alisia Dragoon, le jeu lui-même est développé par les p'tits jeunes de chez Game Arts, qui se rendront responsables plus tard de la saga Grandia, et le personnage d'Alisia est crée par Gainax que l'ont connait pour Nadia : le secret de l'eau bleue, Gurren Lagann mais aussi et surtout Neon Genesis Evangelion ! Avec tout ce beau monde, on est en droit de se dire qu'on a affaire à un très bon jeu, et bien qu'il soit considéré a posteriori ratione comme un hit de la console de SEGA, reste que Alisia Dragoon n'est pas parfait. À vrai dire, je lui reproche beaucoup de chose qui relève pas du tout de l'objectivité mais au contraire de la subjectivité puisque ceci concerne le design global du titre. Nous allons y revenir plus tard, pour le moment, voyons ce que le jeu a à nous conter.
On incarne la Dragoon Alisia, qui dans la mythologie commune des jeux et autres œuvres médiévales fantastiques désigne des dresseurs de dragons. Alisia doit combattre l'infâme sorcier Baldour qui menace le monde en faisant venir une météorite nommée Silver Star (à noter que le terme Silver Star réapparaitra dans la prochaine grosse production de Game Arts : Lunar The Silver Star en 1992 sur MEGA-CD). Le speech s'arrête là mais le manuel de la version japonaise apporte des précisions intéressantes quant au background du jeu. Ainsi, on apprend qu'à l'intérieur de la météorite Silver Star, qui en réalité a déjà rendu visite à la Terre et fut repoussée, il y a retenu prisonnier le père d'Alisia ! Ce qui expliquerait les étranges globes lumineux situés sur la météorite, qui, on l'imagine pourrait être les yeux du père de l'héroïne. Ce dernier, torturé par Baldour et perverti par les pouvoirs de la météorite s'est peu à peu transformé en créature maléfique à la solde du mal. On rencontre le grand méchant très vite au début du jeu où il nous prive de nos pouvoirs (une justification parmi d'autre afin de nous faire débuter le jeu avec aucun upgrade et des magies au plus bas level) et s'enfuit dans sa citadelle, un genre d'introduction qu'on retrouvera dans Skyblazer de Ukiyotei en 1995. Ça sert à rien de le dire, mais la scène m'a fait penser à ce jeu, donc je le dis.
Le jeu débute avec un rythme soutenu et on est bien accueilli par un environnement boisé plutôt joli, verdoyant, s'ensuit d'autres décors comme un temple ou un aéronef (soulignant l'inspiration assez vaste du jeu, oscillant entre médiéval fantasy et science-fiction retro) mais d'autres beaucoup plus discutables comme le col du volcan du level 4. Trop gris, avec des rochers étrangement ronds comme des bouts de saucisse (ou autre chose pour les plus pervers d'entre vous, et c'est Anakaris qui dit ça ) et une ambiance qu'on échangerait bien à celle du 1er et 2nd level. En contrepartie, le niveau des grottes avec ses jolies cascades d'eau ou le niveau de la citadelle, très futuriste et proposant des décors obliques et de nombreux effets spéciaux sont convaincant tant techniquement que artistiquement. C'est toute l'histoire du jeu d'un point de vue graphisme, il tangue entre le bon et le médiocre. À son crédit, on peut parler des effets de distorsion dans l'arrière plan (hé non, contrairement à une idée reçue qui a la peau dure, il n'y avait pas que la Super Nintendo qui en était capable ! Même si en règle générale, elle a produit des jeux qui en tiraient bien meilleur partie que la Megadrive), et même quelques parallaxes différentiels qui donnent au ciel cette impression de chaos et d'instabilité. On peut aussi noter des sympathiques effets de foudre et de feu que Alisia et ses dragons utilisent.
Les dragons, parlons-en, justement. Car là encore, tout n'est pas rose. Si le dragon de base s'avère être un véritable dragon, le reste laisse à désirer. Certaines créatures (en tout, au nombre de 4) s'apparentent plus à des familiers qu'à de véritables entités mythiques telles que des dragons. Leur design n'est pas des plus original, ils ne sont pas impressionnant pour un sous et se contente de changer de couleur lorsqu'on upgrade leurs aptitudes. On s'attendait à mieux pour un jeu qui misait beaucoup sur la présence de fabuleuses créatures du genre pour nous aider à détruire le mal. Même remarque pour les boss qui ne repoussent pas le moins du monde les limites de l'imagination. On commence par un couple d'assassin ninja (du médiéval fantasy à l'occidentale, à l'orientale, de la sci-fi... décidément, Alisia Dragoon est un beau meltingpot...), pas très palpitant, puis un monstre marin, un aigle-dragon décharné ou encore un espèce de char d'assaut excavateur au cœur du level 5... certain sont plus dans les tons que les autres diront nous, mais aucun n'enchante (sauf peut-être le dernier boss du jeu), le soft de Game Arts fait preuve d'une trop grande convenance, d'assez peu d'ambition à ce niveau là et parfois même, d'un manque de goûts plus ou moins flagrant selon votre sensibilité à la question. Le pire restera le boss du niveau de l’aéronef, se constituant seulement de plusieurs petits ennemis, si petit qu'on a du mal à les distinguer et à en dire quelque chose, plus agaçant qu'autre chose, on a le choix de vagabonder pendant le combat sur deux pauvres plate-forme bien étroites. Bref, un combat des plus épiques... ou pas.
Ajouter à cela une animation pour s'accroupir un poil saccadée, ce qui cause parfois problème lorsqu'on doit réagir à la demi-seconde prêts pour esquiver une attaque ; un bestiaire là encore peu inspiré ; un sprite de l’héroïne relativement petit malgré son design très réussi et des ralentissements lorsqu'on observe plus de 4 ou 5 ennemis à l'écran, et vous obtiendrez un jeu qui navigue entre deux eaux. Dommage quand on profite des superbes sprite d'illustration de fins de level faisant apparaître une Alisia classe, séduisante et déterminée, réalisés par les graphistes de Gainax eux-même !
L'autre aspect artistique du jeu, les musiques, est bien plus convaincant. Composée par un collectif nommé Mecano Associates (parmi lesquels se cache les compositeurs de Silpheed, Dead Moon ou encore Gate of Thunder et un des programmeurs son de Altered Beast) propose des mélodies aux souffles épiques impressionnants. Tantôt jouant le bontempi nerveux typique des shoot them up des années 90 avec des pistes foudroyantes, tantôt optant pour plus d’élégance et de mélancolie avec des airs fleurant bon la culture celtique traditionnelle, Alisia Dragoon se pare d'une OST excellente. Chaque thème collant bien aux décors et à l'ambiance dans laquelle on tente de nous engloutir, le rythme et les variations très bien maitrisés créer des pics émotionnels en rapport avec ce qui se passe à l'écran très perceptibles. Nuancée, intense, galvanisante, accompagnant la mise en scène de façon fluide et spectaculaire, l'OST se voit en plus de cela accompagnée de bruitages eux aussi de bonne facture garantissant une énergie dans l'action très appréciable. L'enrobage sonore de Alisia Dragoon ainsi que son fond sont de grande qualité.
Ce que nous ne pouvons pas dire de son gameplay, malheureusement, qui là aussi souffle le chaud et le froid, bien que dans son ensemble cela reste correct. Alisia Dragoon se joue comme un mélange entre jeu de plate-forme et shoot them up horizontal. La dresseuse a le pouvoir de carboniser ses ennemis à l'aide de sa foudre qu'on peut upgrader jusqu'à trois level de puissance. L'arc de foudre se dirigeant automatiquement vers sa cible, et parfois accomplissant des cercles visuellement impressionnant, nous n'avons donc besoin que d'appuyer sur une seule touche pour combattre. Mais ce qui fait le sel du jeu, c'est la présence des dragons (dirigé par l'ordinateur) comme évoqué plus haut, certain s'apparentant à des familiers plus qu'à de véritable dragon. Chacun dispose de leur attaque spécifique, et tous pourront eux aussi se voir upgrader jusqu'au level 3 de puissance. Touts les dragons disposant en sus d'une attaque spéciale semblable au smart bomb des shoot them up classiques qui se déclenchera automatiquement lorsque sa jauge d’énergie sera pleine (selon la puissance et donc la nature des dragons, la jauge se remplie plus ou moins vite).
Le dragon de départ se nomme Dragon Frye et est la représentation typique de ce qu'on pense d'un dragon. Un gros lézard vert avec des ailes et qui crache des boules de feu. Relativement puissant mais assez peu précis. Le second se nomme Ball'O Fire est ressemble plus à un Fantominus doré qu'à un véritable dragon. Celui-ci s'utilisera comme une sorte de projectile à tête chercheuse qui ira exploser chaque ennemi aux alentours. Bommerang Lizard, lui, comme vous vous en doutez balance des boomerangs qui respectent une certaine trajectoire avant de revenir à l'envoyeur, pratique pour trancher et se dépêtre d'un grand nombre d'ennemis lents et volumineux répartis sur un tout petit périmètre. Enfin, vient le plus puissant et globalement le plus utile de tous, Thunder Raven, qui prend l'apparence d'un majestueux aigle royal maitrisant la foudre. Sa smart bomb agit comme un grand éclair qui pulvérise tout à l'écran, c'est radical et ça sauve la mise plus d'une fois !
À noter que dans le code source situé dans la cartouche du jeu, deux dragons supplémentaires peuvent être dénichés dont un ressemblant à une sorte de poisson géant genre Bismarck de Final Fantasy VI. Mais pour une raison inconnue, ces deux créatures inédites furent retirées de la version jouable du soft.
Pour s'occuper de toutes ces créatures, il convient de ramasser un tas de bonus qui leur ajoutent des points de vie, remplissent leurs barres d'énergie où leur font passer un niveau (des bonus spécifiques sont aussi disponibles avec les même effets pour Alisia, autant vous dire que ça fait un paquet d'objets à récupérer). Sachant qu'on arrive très vite à obtenir les quatre dragons, les niveaux sont vite perclus d'objets en tout genre. En conséquence, les zones secrètes se multiplient à leur tour et un petit peu d'exploration est de mise, ce qui n'est pas pour nous déplaire car pour se débarrasser de la horde d'ennemi, avoir des dragons en pleine forme et à pleine puissance n'est pas de trop ! En effet, puisque en plus d'être nombreux et souvent très rapides, les monstres respawn très vite et même si vous avez quitté la zone de quelque pas. Ça maintient une pression sur le joueur de tout les instants et l'utilisation à outrance des dragons devient salutaire. À tel point qu'à partir du level 4 ou 5, la difficulté devient terrible. On passe énormément de temps à interchanger les dragons (le menu de sélection met en pause le jeu, histoire de ne pas faire de cafouillage dans l'action frénétique, un bon point, car ce menu de sélection, on l'ouvre vraiment très régulièrement) pour avoir le bon à ses côtés par rapport aux ennemis qui nous tombent dessus. Ça a tendance à saccader l'action. Sans compter le fait que l'IA des dragons est minable et oblige d'autant plus à échanger ses créatures pour en mettre certaines à l'abri. En effet, les dragons ne cherchent même pas à esquiver les coups, pire encore, il se place souvent entre vous et l'ennemi si vous avez le malheur de vouloir vous éloigner ou changer de direction un peu brutalement. Le dragon passe le plus clair de son temps à encaisser des dégâts colossaux avant de lui-même balayer l'écran de son attaque spéciale.
Et cela va se répéter très souvent, car les vagues d'ennemis arrivent de touts les côtés, vous obligeant à vous repositionner et donc déstabilisera le dragon qui fera n'importe quoi. Le fait de devoir vous repositionner pour mieux vous défendre vient d'un problème typique de certain beat them all. Lorsque votre personnage progresse, le scrolling avance de gauche à droite, or, dans Alisia Dragoon, vous êtes obligé d'être coller quasiment à l'extrémité droite ou gauche de l'écran pour faire défiler le scrolling. Ainsi, les ennemis qui vous attaque de front ne sont visibles qu'au tout dernier moment, et pour ne pas vous en prendre plein la figure en une seconde et demie, il convient de reculer vers le centre de l'écran. Le dragon ne comprend pas instantanément la manœuvre, se place n'importe où, prend beaucoup de dégât avant de réagir, et la situation devient très tendue en particuliers dans les level avancés.
Ajouter à cela le fait que Alisia ne dispose que d'une vie au début du jeu (et que contrairement à la kyrielle de bonus de tout poil, les lifes up sont très rares) et d'autres petits problèmes de maniabilité (Alisia est un peu rigide, les surfaces des plate-forme ne correspondent pas visuellement et techniquement, comprenez par là qu'on pense sauter sur une plate-forme alors qu'en fait on ne se place pas assez en son centre et ainsi on chute …) et vous obtiendrez un soft assez dur.
Il y a deux sortes de jeux difficiles. Les Super Mario Bros.: The Lost Levels ou les Ninja Gaiden qui réclame réflexes et qui ont un gameplay calibré et bien étudié, et les Alisia Dragoon (ou encore Dragon's Lair et Tintin au Tibet) qui se contentent d'être bêtes et méchants pour augmenter leur dureté.
Vous allez me dire ''oulah Anakaris, t'es vachement sévère avec le jeu quand même'', et à cela je répondrais oui mais pourtant. Il se passe quelques choses avec Alisia Dragoon, qui fait que dans son ensemble, il reste agréable à jouer. Malgré ses lacunes, on y revient sans se faire prier et on passe un bon moment sans trop forcer. Des jeux qui sont loin d'être parfait mais qui des années plus tard nous aguiche encore inlassablement sont légions et ne sont pas forcément des plus connus. Asterix ou MechWarrior (Super Nintendo), C-12 Final Resistance, Nightmare Creatures ou T'ai Fu: Wrath of the Tiger (Playstation), The Bouncer, Summoner ou Sphinx et la malédiction de la momie (Playstation 2), ou encore Fantazy Zone (PC-Engine). Loin d'être des ténors du genre, ce sont tout de même des jeux qui gardent une certaine saveur, on pourrait tous en citer une dizaine chacun de ce genre de jeu qu'on apprécie, bien qu'objectivement ils soient tout juste bons voir moyens. Alisia Dragoon fait parti de ceux là et la nostalgie affecte souvent notre ressenti sur ce jeu qui se retrouve un peu trop facilement au panthéon de la Megadrive.
Néanmoins, gardez à l'esprit que c'est un jeu sympathique, qui mérite le détour, qui peut amuser et passionner et qui reste un assez bon représentant du catalogue exclusif de la Megadrive de SEGA.
Le beat them all aura eu une vie étrange tout de même. À la fin des années 80, il restait relativement discret. Au départ, celui qui lança réellement la recette fut Karate Champ de Data East en 1984, où quand bien même on affronte qu'un adversaire à la fois, il est possible de déambuler dans les niveaux. C'est d'ailleurs ça qui marquera la principale différence avec les jeux de combat traditionnels en arène. Puis vint Kung-Fu Master ou Spartan X au Japon de Irem la même année qui inspirera de nombreux films d'art-martiaux hong-kongais notamment avec notre grand ami Jacky Chan. On zappe rapidement les années qui suivirent pour tomber en 1987 sur certainement un des rois du genre, connu à travers la planète bien au delà du domaine du jeu vidéo : Double Dragon (sur le concept de Renegade de 1986 qui fut de qualité mais qui n'aura pas eu le succès public démentiel de son cadet). Populaire chez tout les types de populations, vieux, jeunes, gamer ou pas, au même titre d'un Tetris, Pac-Man ou Mario, le soft de Technos est une bombe dans touts les sens du terme, en salle d'arcade puis à la maison. Peu après, les grosses licences cinématographiques et d'autres domaines s'y mettent, preuve indubitable du potentiel commercial énorme que propose le genre beat them all, simple d'accès, immédiatement amusant et relativement facile à développer. 1989-1990 voit arriver les Batman et autres Tortues Ninja, puis le déferlement d'un tas de super-héros Marvel. Et pourtant, tel un feu de paille qui aurait brûlé infiniment trop vite, qui aurait généré un flamme si vive et si puissante qu'elle se serait consumée elle-même, c'est dès 1995 avec l'arrivé de la 3D que les beat them all devinrent plus discret. D'une année sur l'autre, le nombre de beat them all qui mérite d'être remarqué est divisé par deux au bas mot. Jusqu'à l'arrivé des Devil May Cry et compagnie, les développeurs sont quasiment incapables de produire un jeu de combat 3D avec un minimum de liberté dans les déplacements qui soit amusant et techniquement pas trop bancal. Les Fightning Force et autres Spikeout s'enchainent, il y en a en réalité assez peu, mais tous sont de qualité très variable. Le genre jeu de combat un contre un en arène fermée qui existait déjà prend les commandes et son succès sera fulgurant. Tekken, Soul Edge, Dead or Alive, Battle Arena Toshinden, Virtua Fighter, Bloody Roar, Rival Schools, Tobal... c'est l'effervescence ! Même le patron du jeu de baston 2D Street Fighter s'y met avec la série (relativement moyenne d'ailleurs) EX. La 3D tue le beat them all mais glorifie le combat un contre un.
Mais de cette période, nous parlerons plus amplement plus tard. On en reviens au début des années 90, là où le beat them all 2D se prépare à vivre le plus beau moment de sa courte vie. Toutes les grandes boites du monde ont déjà balancé leur cartouches. Konami a les Tortues Ninja, Capcom a Final Fight, Sunsoft a Batman, Marvel au travers de différents développeurs a X-Men, Spider-Man, Captain America et tant d'autres. SEGA ne se fait pas prier pour prendre le train en route, et d'ailleurs, ils n'étaient pas si opportunistes que cela puisque avant même l'âge d'or des beat them all, la firme au hérisson bleu avait déjà posé ses billes. Altered Beast en 1988, Golden Axe en 1989 … Mais voilà, il leur faut un produit à l'aspect jeune, cool, un truc nouveau, comme le Sonic de Yuji Naka, afin de consolider l'image fraiche et dynamique que SEGA essaye (avec succès) de se construire. Ça tombe bien, il se trouve que dans leur rang, il y a un bon monsieur qui a déjà fait ses armes sur d'autre star de la firme (Wonder Boy in Monster Land, Revenge of Shinobi). Il s'appelle Noriyoshi Ohba et il sera le directeur de Streets of Rage, la nouvelle arme de fun massif que SEGA compte bien faire exploser sur le monde entier pour s'imposer dans le domaine déjà extrêmement concurrentiel du beat them all.
Alors, Streets of Rage (Bare Knuckle aux USA et Bare Knuckle - Ikari no Tekken en japonais qu'on pourrait traduire par ''Articulation à vif – La Fureur des Poings de fer'', cool, hein ? Ah oué au fait, c'est Bare avec un -e, par bar comme chez Dédé au coin d'la rue hein, j'en vois souvent qui font l'erreur et qui trouve ça logique en plus, du genre « bah attend on va péter la gueule à des roublards, donc dans le titre du jeu y'a le mot ''bar'', logique, peut pas test »), qu'est-ce que c'est ? C'est un jeu de baston à progression horizontale où on met des mandales à tout le monde pour libérer la ville et ses rues de la criminalité. C'est trop rapide ? Nan mais vraiment, c'est tout à fait ça qui se passe dans le jeu. La ville est devenue dangereuse et cernée par les caïds, alors trois flics volontaires (et qui n'avaient rien à faire de leur week end aussi, un peu) se mettent en tête de créer une brigade spéciale d'élite pour combattre le syndicat du crime. Manque de bol, il semblerait que leurs supérieurs soit aussi foutrement courageux qu'un bébé Chenipan, ils refusent donc la création de cette brigade. Pi encore, certain chefs de la police semble être corrompus par le syndicat. Ni une ni deux, les trois combattants quittent les forces de l'ordre et décident de libérer seuls la ville des malfrats. Comment faire un paragraphe entier de bla bla avec une histoire qui tient sur un emballage Carambar, appelez-moi au 06 12 …
On a le choix entre Adam Hunter, Axel Stone et Blaze Fielding (parmi ces trois là se cache une femme, saurez-vous la retrouver?). Trois héros dès le départ très attachants qui deviendront des icônes du jeu vidéo et des mascottes de SEGA presque au même titre que Sonic et sa clique. Si SEGA devait faire un Super Smas Bros. like un jour, les trois combattants de base de Streets of Rage seraient dedans à n'en point douter. Là où SEGA innove (et y'a pas que ça, on va y revenir) par rapport au Final Fight de Capcom, c'est qu'ils laissent tomber d’emblée cette sempiternelle histoire de kidnapping de jeune femme qu'il sauver du grand méchant. Au contraire, la dite jeune femme se joint à nous pour aller casser du truand. Et elle se débrouille bien la gazelle ! C'est là tout la réalité de Streets of Rage, on le sait, on le sens que le jeu de AM7 puise son inspiration dans Final Fight, comment pourrait-il en être autrement puisque c'est le mètre étalon dans le genre, et pourtant il s'évertue à faire autrement que lui. Évidemment, ce qui frappe le plus de prime abord c'est que les deux jeux se déroulent dans des environnements urbains. Pourtant, là où Capcom y a apposé une patte graphique très typée comics américains (avec des personnages aux torse surdimensionnés), SEGA reste plus raisonnable (moins inventif diront les mauvaises langues). Les sprites des personnages sont d'ensemble moins volumineux, ce qui nous donne la possibilité d'admirer les décors très sympathiques quoique classiques et convenus. Le classicisme est d'ailleurs ce qui pourrait en partie qualifier Streets of Rage. Là où Double Dragon nous avait habitués à plusieurs séquences de gameplay qui tiraient plus sur le jeu de plate-forme que sur le beat them all pur, SoR se contente bel et bien de nous faire tabasser des gredins à la pelleteuse et rien d'autre. Quand bien même on visiterait certain décors un peu atypiques comme un bateau ou une usine d’automate avec tapis roulant, rien de très palpitant vient casser la routine du soft. Mais le classicisme peut avoir ses avantages, dans le cas précis de Streets of Rage, il permet d'assurer une réalisation de haute volée d'un point de vue technique.
En effet, les décors sans fioriture accueillent une flopée d'ennemi si bien qu'il n'est pas rare de voir à l'écran une dizaine de sprite qui se tape dessus si jamais vous jouez avec un partenaire (si vous jouez seul, il y aura moins d'ennemi, mais ça reste satisfaisant tout de même). Les décors étant mieux agencés, les sprites plus petits, que l'ensemble de la scène en devient paradoxalement plus lisible. On sait se positionner plus efficacement sur le champ de bataille afin de ne pas se faire prendre en tenaille et afin de ne pas faire avancer trop vite le scrolling pour ne pas faire débarquer trop d'adversaire avant d'avoir vaincu ceux déjà présent. Ça paraît rien comme ça, mais ça relève d'une science et d'un confort de jeu que peu de gens ne distingue aujourd'hui tant ça leur paraît naturel. Et c'est certainement le fruit de bêta test et d'ajustement très pointilleux de la part de l'équipe de développement. Streets of Rage se pose instantanément comme une belle vitrine technologique de la Megadrive puisque c'est le jeu qui propose de loin (et pour le moment) le nombre le plus élevé de sprite en action en même temps. À tel point qu'on en arrive à faire clignoter l'écran. Mais au lieux de blâmer la console pour ça, on a envie de la féliciter d'avoir déjà tant sortie de son bide.
Malgré tout, on aurait apprécié un peu plus d'effort sur la quantité véritable des ennemis (sans les variations de couleur qui ne trompe personne, j'appelle ça le syndrome Final Fantasy X parce que cet opus en particuliers se fout de notre gueule sur le bestiaire...). 5 (le criminel de base, le clown, le punk, le karate-ka et la pétasse sado-maso), c'est trop peu. Même si au final, bon nombre de jeu du genre et de la même époque souffriront des même affres. Notons aussi quelques animations parfois un brin étranges mais en contre-partie un effet de profondeur bien rendu et une ambiance fabuleuse très films d'action des 90's avec des environnements uniquement de nuit. Bref, du bon et du moins bon, mais globalement de la qualité, un chef de file de 1991 assurément.
Cette avarice des ennemis est tout l'inverse du travail de Yuzô Koshiro, le compositeur du soft qui aura la primeur de voir son nom figurer sur l'écran titre. Ce qui est une particularité (qui va se répéter) chez SEGA en particuliers avec cet homme, et qui si on y réfléchi bien n'a pas beaucoup de sens. En effet, puisqu'il ne s'agit que du compositeur, pas du créateur de la licence, du producteur, encore moins d'un chef d'équipe comme Yu Suzuki ou Yukio Futatsugi (Panzer Dragoon), et pourtant. Toujours est-il que son travail sur Streets of Rage fut généreux, une vingtaine de pistes furent produites là où d'autre beat them all se contentaient d'une petite dizaine de musique (une pour accompagner chaque level, un main theme, un ending et un game over en gros). Fortement influencé par les nouveaux courants musicaux des années 80 et 90 comme la techno et la house, il mêlera tout cela au chiptune traditionnel des jeux 16-bits pour confectionner une bande son pêchue et dynamique à souhait. Mais pas forcément très belle ou très esthétique à l'écoute en dehors du jeu. Un rendu qui divisera peut-être plus que de raison, je l'ai constaté ce tantôt en me renseignant un peu plus profondément sur le jeu. Je ne m'étais pas rendu compte que la musique techno de Streets of Rage avait suscitée (et continue aujourd'hui) autant de débat houleux entre gamer. Comme quoi, ce qu'on pense être unanimement apprécié peut ne pas l'être en réalité.
Les plus mélomanes d'entre vous auront peut-être distingué l'influence de la musique noire (le rap américain, le jazz, le funk, la soul...) dans les compositions de Koshiro, donnant au tout une mélodie forte et inimitable malgré l'aspect technique déroutant. On notera le morceau d'introduction, ultra connu désormais : The Street of Rage. La musique du premier level qui balance la sauce dès le départ histoire qu'on ne se sentent pas floué sur la marchandise : Fightning in the Streets. Keep the Groovin' qui présente un rythme très ''jungle urbaine''. Bad Ending qui débute sinistrement et qui nous hypnotise par la suite avec son tempo et son ambiance lancinante (qui au fur et à mesure nous englobe dans une sorte de sentiment de fatalité insidieux mais réel) qu'on ne prêterait pas à un ''mauvaise fin'' alors qu'en fait, ça fonctionne du tonnerre une fois qu'on a essayé ! Ou encore Stealthy Steps qui sied très bien à un Metal Gear si jamais ce dernier se déroulerait dans le San Francisco des années 70.
Mais ce qui a surtout marqué chez Streets of Rage, et là, on peut le dire de façon unanime, c'est son gameplay. Comme dit plus haut, on peut choisir entre trois personnages. Adam Hunter, expert en boxe, lent mais puissant, selon sa biographie, il adore les bonsaï (oué parce que en plus la Team Shinobi s'est amusé à donner des petits détails sur leur combattants). Blaze Fielding, l'amazone du groupe, qui pratique le judo, moins puissante que les deux autres mais très rapide et habile dans les saut, elle excelle dans la lambada (une danse brésilienne). Et enfin Axel Stone, maître des arts-martiaux traditionnels et personnage le plus équilibré en combat, il est notamment passionné par les jeux vidéo. Une belle brochette de guerriers très sympathiques en somme. Tout au long des huit niveaux, vous disposerez de 3 actions correspondant aux 3 boutons du pad Megadrive. Sauter, frapper et appeler la police en renfort ce qui peut être considéré comme une attaque spéciale comme dans n'importe quel autre beat them all. Le saut servira surtout à esquiver les projectiles qu'on vous lance ou vous défaire de plusieurs sbires qui vous aurez encerclés, mais aussi à donner un coup de pied sauté très utile pour dégager la voie instantanément. Ce coup ayant une portée très intéressante, il est à utiliser à outrance quand débarque un tas de bandits à l'horizon car il est sur et fauche allégrement un groupe d'ennemi sans difficulté. L'unique combo de base du personnage (un chacun) se voit suppléé par un enchainement différent lorsque vous venez au contact (projection, coup de genoux façon Muai-Thaï, coup de tête …) et ce même bouton d'action donnera des effets différents si vous portez une arme. couteaux, tuyaux, tessons de bouteilles, sabres, spray au poivre, battes de baseball... tout y passe. Ça a le mérite de causer des dommages variables et de varier autant que possible ce qui se passe à l'écran. C'est simple vu comme ça, mais il fallait y penser, SEGA l'a fait.
Dans le rayon innovation, on peut aussi parler du mode deux joueurs (mais rigolez pas bande de naze, Gantzeur tu sors!), oui bien sur, Final Fight (version arcade, pas version console) et Double Dragon le faisait bien avant cela. Mais le faisaient-ils aussi bien que Streets of Rage ? Ben non. Sinon j'en parlerais pas. Encore une fois, c'est tellement bête que personne semble-t-il n'y avait pensé auparavant. Jouer avec un partenaire nous donne accès à de nouvelle projections réalisables uniquement en coopération. C'est agréable à jouer, le nombre d'ennemi double, ça devient un bordel bien rigolo, parfois on se fout une tatane entre coéquipiers et on s'engueulent devant la télévision avant de repartir de plus belle (il est même possible de répondre au coup malencontreux de son compère avec un suplex bien senti!). Bref, c'est fun à souhait, c'est dynamique, c'est cool, c'est typiquement SEGA !
Si Final Fight est arrivé avant et Double Dragon encore plus avant, Streets of Rage a lui aussi sans conteste établi les base du beat them all 2D. Entre traditionalisme et modernité dans son gameplay, le titre revêt une image abordable pour chacun comme un bon vieux film d'action hollywoodien des années 80 ou 90, et ça fonctionne parfaitement. On s'amuse, on en demande pas moins, et voilà, on passe deux très bonnes heures de jeu devant son moniteur ! Car c'est cela qu'on recherchait avant tout lorsque, gamin, on payaient nos cartouches de jeu 500 balles, l'amusement. Et diantre, que les gars de l'époque savaient s'y faire …
Me voilà déjà arrivé à la fin de ce retro test (que j'ai écris en moins de 48 heures, jamais écris aussi vite de ma bordel de vie, trop de senzu, surement...) et pourtant il en reste des choses à dire. On peut d'abord commencer par dire que le jeu fut en priorité élaboré pour la Megadrive avant l'arcade, ce qui pour l'époque était inédit. On peut aussi évoquer le nom de code du jeu qui était D-SWAT, plus tard le concepteur du jeu Ohba dira que c'était un clin d’œil à un autre jeu d'action de la Megadrive : E-SWAT. Le D de D-SWAT signifiant Dragon. Les personnages tels qu'ils avaient été conçus au départ devaient d'ailleurs avoir des noms de code eux aussi et étaient assez différents de ce qu'on connait aujourd'hui. Axel était le God Hand et d'après son artwork de base, il ressemblait un peu à Chuck Norris en dogi. Adam était Black Bird, représenté avec un bas de survêtement et des gants de boxe tandis que Blaze était une jeune femme typée artiste-martiale chinoise avec une robe fendue à la Chun-Li (ou Lei-Fang de Dead or Alive) et était surnommée Pink Typhoon. C'est sympa à savoir puisque Blaze se rapporte au feu en anglais, tandis que Typhoon s'associe à l'eau, ils avaient de la suite dans les idées chez SEGA...
Certain sons comme celui de l'obtention d'une vie supplémentaire provienne directement de Revenge of Shinobi d'après ce qu'a déclaré Koshiro sur son Twitter, ceci afin de donner une sorte d'effet de continuité et donner un aspect ''grande famille'' aux jeux de SEGA. Sur l'écran de sélection des personnages, si on patiente un certain temps sans toucher à la manette, on peut apercevoir Blaze qui nous fait un malicieux clin d’œil, comment résister et ne pas la sélectionner quand c'est comme ça ? ^_^
Pour finir, on peut aussi citer la présence de la sœur de Koshiro en personne qui officiait en tant que designer (non créditée) sur le jeu. Une famille de talent, en somme, ce qui n'était pas aussi rare qu'on peut le croire pour l'époque (les frères Follin, la famille Mechner, les frères Stamper qui ont fondés Rare...)
Avec le recul, c'est étrange de se dire que la folie des beat them all fut créé par un titre (mis à part Double Dragon disons), Final Fight de Capcom. Et que ces même gens de chez Capcom tueront la folie qu'ils avaient créé avec Street Fighter II trois ans plus tard. L'histoire des jeux vidéo est sacrément intrigante, pleine de rebondissements et c'est en révisant un peu le passé qu'on comprend pourquoi ce loisir est si populaire encore aujourd'hui.
Si on peut reprocher à Streets of Rage son aspect conventionnel, il faut surtout se souvenir qu'en 1991, on en était juste à l'époque où le beat them all commençait à trouver ses marques. Sous ses allures de produit classique, le jeu de AM7 est en réalité le patron d'un genre qui aura un succès aussi démentiel que sa chute sera brutale. Si il y a un trio qui ont fait les règles du beat them all, c'est bien Double Dragon, Final Fight et Streets of Rage. Et plus important que tout, même après 25 ans, le jeu garde intégralement ses qualités divertissantes et sa simplicité d'accès, le fun immédiat qu'il procure et son côté tout public valent bien plus que n'importe quel super production de notre ère. Le genre de jeu qu'on ressort aux alentours des fêtes de Noël pour se mettre à rêver des plaisirs simples des jeux du passé.
Un jeu qui mérite sa place en tant que légende ce week-end, en définitive.
Toi qui en a rien à foutre du football ! Toi qui répugne de devoir passer des soirées entières avec ton beau-frère, un pack de bière, un barbecue et une télévision pour visionner ''Brésil-Mexique'' ou ''Allemagne-Ghana'', toi qui ne comprend pas la différence entre un coup franc et un penalty, toi qui confonds les deux Ronaldo, toi qui en a marre de te faire insulter de geek de m**** quand on te demande de citer ton jeu de foot préféré et que tu balance un ''Captain Tsubasa 3: Koutei no Chousen sur Super Famicom pardi !'', Retro Gamekyo est là pour toi ! Ici, coupe du monde de football ou pas, on parle de jeu vidéo avant tout ! Attends attends, tais-toi, y'a coup franc là, reviens plus tard …
Aujourd'hui j'ai envie de me défouler un peu, du coup je furète dans mon carton à jeu dit ''en attente'', ceux que je me suis procuré récemment mais que je n'ai pas encore eu le temps de toucher. Histoire de me dégotter un petit shmup 16-bits sympa et que je n'ai pas encore fait. Voilà que tombe dans mes mains Task Force Harrier EX sur Megadrive. En regardant l'arrière de la jaquette, j'esquisse un sourire et je place la cartouche dans la machine. Ça pour sur, je vais me défouler aujourd'hui, mais pas de la manière dont j'espérais au départ …
Tout commence par l'apparition d'un groupe de mercenaires communistes qui s'était planqué quelques part sur Terre depuis la chute de l'union soviétique après la Guerre froide. Les bougres n'ont pas chômés, ils ont développés en secret le projet TU-190, un vaisseau de guerre d'une puissance de feu incommensurable. Avec ça, les coco comptent bien menacer le monde entier, détruire les USA, et devenir les maîtres. Les Nations Unies envoi alors un pov'con de péquenot tout seul, comme par hasard, dénommé Falcon, vous en l’occurrence pour percer les lignes ennemies qui commencent à s'installer un peu partout, détruire le TU-190 et casser la gueule aux méchants ruskov.
Avec en prime une saynète de départ à la Top Gun où on voit le gaillard décoller à bord de son engin de guerre (le Harrier V), tandis qu'une ravissante blondinette l'attend sur le tarmac, ses magnifiques yeux de porcelaine embués de larme perdus dans l'azur du ciel. Plus cliché que ça, tu crève. Déprimant.
Encore que, on aurait put se contenter de ça puisque de toute façon, dans 90% des shmup, c'est soit les communistes, soit les extra-terrestres qu'on doit aller exploser. Oui, on aurait put... si seulement toute cette image d’Épinal géante n'aurait pas eu une grosse incidence sur le design global du jeu qui est d'une platitude à en faire chier les morts ! Chaque début de stage (ici plus des missions prises indépendamment qu'un véritable parcours avec une continuité logique) sont précédés par un briefing en image fixe où on vous lance quelques banalités et les objectifs de missions sous une musique militaro-grandiloquente (si, ça existe) sans saveur. C'est limite si on nous envoi pas un ''God bless America'' à la fin... ce jeu devrait plaire à Murica.
La borne d'arcade de 1989 de laquelle fut adaptée cette version Megadrive n'était pas déjà fort jolie, mais la conversion de Treco (une boite américaine discrète, s'étant fait remarquer en bien presque uniquement pour sa conversion honnête de Atomic Robo-Kid sur Megadrive) est particulièrement mal négociée. À la base, rien ne distingue Task Force Harrier des multiples shmup sortis à la fin des années 80 en arcade. Design contemporain (des avions de chasse, des hélicoptères de combat, au sol : des hangars, des usines...) sans grande originalité, couleur à dominante grise (les missions semble se passer intégralement quelques part sur le sol russe, ou du moins au beau milieux d'un no man's land désertique et ravagé par la guerre, mais tant de gris, de vert kaki et de blanc, était-ce vraiment nécessaire?), sprite très (trop) petits et brouillons. On a déjà vu des jeux avec un aspect graphique désuet, même des shoot'em up, mais cela aurait put plaider en la faveur de Task Force Harrier EX si cette carence n'aurait pas fait pâtir le confort de jeu. En effet, puisque tant les tirs ennemis que vos propres attaques sont presque illisibles car se confondant avec le décors tellement terne que vous trouverez un épisode de La Quatrième Dimension diablement plus gaie. En soi, ce n'est pas un problème au moins pour le début du jeu qui est d'un ennui profond car trop peu d'ennemis viendront se présenter à vous, mais à partir de la seconde moitié du jeu où ça devient un peu plus sérieux (sans pour autant atteindre les sommets, le soft reste globalement minable de facilité), bien voir où se dirige vos tirs et de quel côté arrive ceux adverses devient important.
Le jeu ne demande donc pas des masses de ressources à la Megadrive. Le comble serait qu'en plus il soit buggué. Hé bordel de dieu, il l'est, le sauvage !
Le portage a visiblement était bâclé par un stagiaire un samedi soir, très tard dans la nuit, en manque de café (et de volonté, surtout) et dont les efforts de travail furent minés par 6 coupures de courant consécutives, tout cela au beau milieux d'un séisme de magnitude 8,5. Je ne peux pas expliquer autrement ce qui s'est présenté à mes yeux à partir de la mission 4 et ce jusqu'à la fin du calvaire. En vrac : notre vaisseau qui ne cesse de clignoter pour une raison inconnue, le score qui disparaît de l'écran (ou qui déconne et affiche des chiffres en milliard alors qu'un level avant on dépassait à peine la centaine de mille...), des éléments du décors d'un stage qui apparaissent en surimpression dans le niveau suivant, des unités adverses au sol qui ne nous attaque même pas, des tirs ennemis qui reste bloqués à mi-chemin entre son lanceur et vous … c'est une catastrophe totale et complète que ce Task Force Harrier EX sur le plan technique !
En sus, comptez sur des thèmes discrets, redondants et léthargiques, loin des mélodies endiablées d'un Thunder Force III ou la prestance des musiques d'un Super Star Soldier, composée par Tenpei Sato (aussi connus pour les OST de Valis II, la série des Disgaea ou encore l'excellent Soul Nomad & The World Eaters. Autant dire que celui qui se dit inspiré de la musique de Queen n'était pas dans un bon jour au moment de travaillé sur Task Force Harrier...) ; et vous aurez un jeu guère convaincant sur la forme.
Et dans le fond, ce n'est pas beaucoup mieux. Le jeu présente un système d'armement qui, en soi, n'est pas révoltant outre mesure, mais qui demeure étrange et assez peu pratique. Votre arsenal se compose comme suit : un tir vulcan upgradable dans son cône d'action, deux satellites d'attaque dont on peut régler la position autour de l'avion de façon à les avoir au devant, à l'arrière ou en position latérale. Des capsules de speed up et des missiles directs et autoguidés viennent compléter le tout. C'est assez complet, y'a ce qu'il faut. Malheureusement, à chaque nouveau stage, tout disparait pour vous laissez avec votre mitrailleuse de base comme un flan. C'est illogique, ça va allant contre de ce que le jeu vidéo a de fun et d'incitatif à continuer l'aventure, à persévérer. Comment essayer de faire des efforts et de donner le meilleur de soi-même si toute les 5 minutes on vous sucre tout les bonus et récompenses que vous avez réussi à acquérir ?! À fortiori dans un shoot them up, genre de jeu qui a pour principe fondamental d'atteindre le plus beau high-score (ce qui demande donc patience et abnégation). Au fond, ce n'est peut-être pas un drame, car avec ou sans super arme, le jeu reste très facile, mais chiant, il le sera toujours, un peu ou beaucoup selon que vous pouvez envoyer quelques boulettes atomiques ou non. Alors tant qu'a faire, ç'aurait été sympa de préserver notre arsenal de missile et compagnie histoire de s'amuser un petit peu …
Le problème de Task Force Harrier EX, mis à part le fait qu'il est chiant comme c'est pas permis, assez moche, buggué, sans âme et battit sur des choix conceptuels douteux, c'est qu'il fait définitivement trop 8-bits. Et des jeux qui ont le goûts et l'odeur du 8-bits sur Megadrive en 1991, il y en a déjà à la pelle. Le soft de Treco ne fait définitivement pas le poids face au Thunder Force III et autres Gynoug sorti la même année sur la machine de SEGA et qui ont sut franchir le cap (et encore, nous pourrions parler de Aldynes ou de Final Soldier sur PC-Engine, mais ce serait taper sur un infirme là...).
Finalement, le jeu retournera dans son vieux carton poussiéreux qu'il n'aurait jamais dut quitter, et oui, je me suis bien défoulé au moins, merci de vous en assurez .