Dino Crisis 2 rencontrera à son tour un joli succès tant critique que commercial. Un peu moindre que pour le premier, mais largement suffisant pour rentabiliser le développement qui fut bien moins coûteux en raison d’une utilisation de technologie mieux maîtrisée par Capcom (la 3D précalculée) et d’un processus créatif qui n’a pris aucun retard. Alors pourquoi arrêter une si bonne expérience en chemin ? Dino Crisis 3 est rapidement mis en chantier, à la moitié de l’année 2000. Tout d’abord, c’est naturellement la Playstation 2 qui est envisagée pour accueillir le prochain hit de l’équipe de Hiroyuki Kobayashi. Shinji Mikami ne fait que superviser d’assez loin le développement, lui est plus occupé à travailler sur un certain remake de Resident Evil à destination de la Gamecube de Nintendo. L’homme sera même le garant d’un deal surprenant, ambitieux et inédit entre Big N et Capcom, bien que tout ne se passera pas comme prévu. Quant à Shu Takumi comme nous le savions, il a abandonné les dinosaures pour les avocats et les enquêtes policières avec Ace Attorney.
Puisqu’il n’y a plus personne pour s’occuper de Dino Crisis, Kobayashi nomme Hiroyuki Maruhama à la tête du troisième volet de la saga aux dinos. Ce dernier, débauché de SEGA dispose déjà d’une belle expérience dans le domaine du survival-horror puisqu’au sein l’équipe AM7, il fut directeur de Deep Fear sur Saturn en 1998. Ce dernier, empruntant déjà à l’époque autant aux jeux d’action qu’aux Resident Evil traditionnels, laissait entrevoir ce que pouvait donner la recette généreusement farcie de testostérone ; avec toutefois un peu plus de retenu que ce que donnera le survitaminé Dino Crisis 2. Mais comme il est de coutume au sein de chez Capcom à cette époque, vous vous doutez bien que rien ne se déroulera selon les plans et quelques couacs viendront gripper la mécanique.
Tout d’abord, les avancées techniques de Capcom sont assez prodigieuses en ce début de nouveau millénaire. Les premiers screenshot du remake de Resident Evil dévoilé dans la presse par exemple font montre d’une modélisation 3D des personnages d’une finesse ahurissante et d’un jeu de lumière dynamique prêtant un réalisme effroyable d’horreur à des décors détaillés. Sur Dino Crisis 3, un soin tout aussi exigeant est apporté à la modélisation et il est décidé d’en faire un jeu d’action dans la lignée directe du second volet. Un framerate sans faille est alors requis. La caméra doit être dynamique, et une full 3D est souhaitable, bref, Capcom veut frapper fort et le hardware Playstation 2 qui gère très bien la 3D précalculée comme le montrera Onimusha sorti très tôt dessus, fait la grimace avec un jeu plus gourmand en ressource. En vérité, le projet est très vite accaparé par un Microsoft affamé qui a du flair et désire se doter de plusieurs jeux intéressants. Et puis faut dire que leur Xbox est un monstre aux possibilités techniques incroyables. D’autant que Sony joue les têtes de nœud avec la patience de Mikami, comme à leur habitude lorsqu’ils sont archi leader du marché, si bien que le patron de la division 4 de production de Capcom n’hésitera pas bien longtemps avant de faire valser dans le décor le monolithe noir pour aller lorgner ailleurs. N’ayant pas beaucoup plus de contacts amicaux avec Microsoft, Mikami laissera finalement Kobayashi décider de l’avenir de Dino Crisis 3. Le jeu deviendra une exclusivité Xbox et ceci de façon officielle à l’automne 2002, après une présentation à l’E3 de la même année sur le stand de la société de Redmont.
Remontons un peu plus loin dans le passé. Au premier trimestre de l’année 2001, le développement est déjà bien lancé, la décision de rendre le jeu exclusif à la Xbox n’est pas encore tout à fait actée mais à vrai dire, ce n’est pas le débat qui anime Kobayashi et ses collaborateurs à ce moment-là. Le 16 mai 2001, Yoshiki Okamoto présente trois projets de jeu à la conférence de Microsoft, dont un qui ne tient qu’en un petit artwork conceptuel présentant des dinosaures dans un milieux urbain en ruine. Quatre mois plus tard, un drame historique survient et le monde est en effroi. Ce n’est plus du jeu vidéo cette fois-ci, mais la triste réalité, les deux tours du World Trade Center n’existent plus et quelques 3000 victimes sont à déplorer. Il n’est dès lors plus question de produire le moindre jeu d’horreur dans une ville américaine en proie aux flammes et à la destruction. Machine arrière toute, Kobayashi rase presque l’intégralité de ce qui a déjà été fait et demande un coup de main à Okamoto, COO de Capcom et surtout directeur général de Flagship, une branche subsidiaire co-fondée avec un fond d’investissement de Capcom, Nintendo et SEGA et spécialisé dans l’élaboration de scénario. Un remaniement complet de l’ambiance, des thèmes et du fond de Dino Crisis 3 est donc commandé à ces mercenaires du script.
Noboru Sugimura, un homme expérimenté passé par la Toei et ayant déjà œuvré à l’écriture du script de Dino Crisis 2 revient avec cette fois-ci une équipe complète composée de Hiromichi Nakamoto, Shin Yoshida et Hiroaki Kanazawa qu’on retrouvera à divers endroits (Resident Evil 0, Onimusha 3…). Capcom a tellement peur que le moindre détail de son Dino Crisis 3 soit rattaché au drame que la planète vit à ce moment-là qu’ils réclament que le scénario du jeu prenne de gros risques et soit réellement différent de ce que la série a déjà installé par le passé. Le projet prend donc du retard, le temps de tout rebâtir, mais cela n’est pas vu comme un réel problème par Capcom. Au contraire, tout le monde profite de ce temps d’arrêt pour redéfinir les ambitions du projet et Shinji Higuchi, en collaboration étroite avec Flagship pour l’élaboration des storyboards, suggère à Okamoto et Kobayashi d’engager le cinéaste Makoto Kamiya pour diriger les cutscene de Dino Crisis 3. Makoto Kamiya qui réalisera plus tard des choses comme les films en images de synthèse Resident Evil Degeneration, Resident Evil Damnation, et les scènes cinématiques de Nioh. Rien que cela.
Dino Crisis 3 s’inspire encore plus du cinéma au sens large du terme que ne l’aurait été capable Resident Evil, surtout quand les formidables capacités techniques de la Xbox permettent des séquences animées aussi bien fichues. C’est une évolution logique qui tend à coupler jeu vidéo et cinéma que n’aurait pas renier Shinji Mikami en personne. Pour autant et même après avoir embauché tout ce beau monde, rien ne fut facile. Makoto Kamiya aura du mal à diriger la captation des scènes cinématiques pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la collaboration entre les auteurs du script de chez Flagship et celui responsable du storyboard fut laborieuse. Okamoto expliquera que cette partie du travail sera entamée entre mars et mai 2002. Le storyboard est malheureusement incomplet. Il est de coutume avec ce genre de document de travail que les croquis s’accompagnent de nombreux commentaires afin de préciser les pensées et idées de son concepteur, mais ceci n’est pas très clair. Et si les plans de caméra et les angles de vue sont assez bien définis, Makoto Kamiya reproche à Shinji Higuchi de ne pas être suffisamment précis sur la construction des décors, sur l’emplacement de tel ou tel éléments décoratifs, compliquant ainsi son travail de visualisation de l’espace. Tout cela trouve son explication dans deux choses distinctes.
Premièrement, Shinji Higuchi était un grand fan d’œuvre de mecha, anime comme film. Aussi, il voulait s’en servir lorsqu’il contribuera à l’élaboration des environnements du jeu. Ainsi, il inclut l’idée que le vaisseau spatial géant dans lequel prend place l’action du jeu soit capable de se transformer. Tel un Variable Fighters gigantesque de Macross, le Ozymandias devait en effet être capable de se moduler et de prendre différente forme, modifiant en conséquence l’imbrication de ses salles et couloirs internes. Cependant, Higuchi avait vu trop gros et dans le même temps - seconde raison de ces difficultés - : il réalisait le film Mini-Moni the Movie: Okashi na Daibōken!, mettant en scène les idols du groupe Morning Musume et Coconuts Musume. On ne peut pas être à la ferme et au moulin, comme on dit. En s’inspirant du film de 1984 Sayonara Jupiter qui utilisait les même idées, Higuchi mit en difficulté la création des scènes du jeu. L’aspect très réaliste et mécanisé du vaisseau sera bien rendu mais Okamoto et Kobayashi, pour sauver la conception de Dino Crisis 3 qui commençait à frôler le naufrage devront imposer des coupes dans l’ambition du projet. Une bonne partie du décor sera abandonné pour tenir les délais, affectant ainsi aussi bien la durée de vie que l’étendue de l’environnement proposée au joueur.
Mais ce n’est pas tout et Kobayashi dut taper du poing sur la table pour recadrer ses équipes. Notamment lorsqu’il dut statuer sur la question de la sexualisation à outrance du personnage de Sonya Hart, dont les seins devaient généreusement ‘’rebondir’’ à chaque scènes cinématiques ; où les plans de caméra étrangement placée sous la jupe d’une autre fille du jeu, à savoir Caren Velasquez. Développement tumultueux et brouillon, vous avez dit … ?
Plus que jamais, le jeu vidéo doit une fière chandelle à des films comme Alien puisque le speech de départ de Dino Crisis 3, éloquent, tient comme suit : en l’an 2548, le vaisseau Ozymandias est en pleine dérive dans l’espace. Un groupe d’intervention est envoyé sur place pour reprendre le contrôle du navire mais là-bas, le joueur incarnant un certain Patrick (oué, non mais vraiment, ils ont un problème dans Dino Crisis avec les prénoms ringards hein, Regina, Dylan, Patrick, et bientôt quoi ? Régis ? ) tombe sur une meute de dinosaures mutants au squelette décharné mais à la faim toute aussi insatiable que leurs ancêtres terrestres. À la suite d’un accident isolant l’équipe dans ce vaisseau géant et dangereux, ils se mettent à la recherche de survivant et de réponse à cette énigme.
Première chose à reprocher à ce Dino Crisis 3 en qui il est facile de trouver un bouc-émissaire face à la chute inexorable de la série tout entière : bordel de merde, mais qu’est-ce que tout cela vient foutre ici ? Lorsqu’on se souvient de ce qu’on apprend à la toute fin du second opus, on peut éventuellement faire le rapprochement. Est-ce que l’Ozymandias ne serait pas le fameux projet "Arche de Noé" conçu pour sauver et/ou isoler des espèces d’animaux du Crétacé ? Pourquoi pas, cela fait sens, mais pas moins d’un demi-millénaire sépare Dino Crisis 3 du 2, et si je veux bien comprendre la nécessité d’éloigner l’intrigue d’une grande ville américaine contemporaine en ruine eu égard aux évènements qui secouaient notre monde lors de la production du jeu, cela ne justifie pas qu’une telle ellipse pleine de vide plonge le joueur dans l’aveuglement le plus complet. Il aurait été bien plus agréable de savoir ce qui s’est passé un minimum durant ces 500 longues années avant qu’on ne soit largué dans le vaisseau-fantôme. Si le scénario des deux premiers Dino Crisis étaient aussi épais qu’une feuille de papier-calque, ils avaient au moins le mérite d’être cohérent, d’installer un semblant d’univers et mieux encore, le second avait pour souhait d’ouvrir suffisamment de porte vers un avenir intéressant. Mais Dino Crisis 3 fait fi de tout cela. Qu’est-il arrivé à Regina, qu’en est-il de Dylan et de sa fille, de la brèche temporelle qui fut ouverte cinq cents années auparavant, du docteur Kirk et de tout le reste ? Si seulement Dino Crisis 3 avait proposé des idées neuves et un contenu digne d’intérêt, on aurait pu lui pardonner cette volonté impérieuse de se séparer, parfois violemment, de ses aînés, mais ce n’est pas le cas. En lieux et place, il ne nous sert que du réchauffé sans grande valeur, des évènements qu’on voit venir à des kilomètres, gorgés de cliché et menés par une brochette de protagonistes en toc. Disons-le sans sourciller, si Dylan n’avait pas la chance de nous faire aussi bien tomber sous le charme qu’un certain Leon S. Kennedy, Regina au moins avait cette petite étincelle en elle qui la rendait presque aussi charismatique que Jill Valentine. En revanche, Patrick, cette huître sèche, et la paire de loche sur patte qui lui sert de faire-valoir féminin sont aussi attachants qu’un couple de putois.
Le manque de prise de risque du scénario et la très pauvre profondeur de caractère des personnages n’a d’égal que leur design de top model. On croirait voir de véritables poupées de cire au look si lustré qu’on pourrait presque se refléter dans leur grain de peau fâcheusement artificiel. Cela s’accorde avec le reste de l’aspect graphique horriblement aseptisé du jeu. Adieu la jungle menaçante et luxuriante de Dino Crisis 2 ; ciao le bâtiment futuriste, effrayant de froideur et étrange de complexité du premier opus. À la place, on y gagne un vaisseau lui aussi froid, mais dans le mauvais sens du terme, tristement vide et soporifique et surtout d’allure bien trop propre et brillante pour évoquer en nous un quelconque sentiment de peur. Le morbide laisse sa place au high-tech, les reflets lumineux sont légions, ça sent le produit d’entretien dans chaque polygone des décors et on peine véritablement à croire qu’il s’agit d’un vaisseau en perdition dans l’espace depuis des années, hanté par des créatures sanguinolentes et en pleine mutation. Il y a une très nette discordance entre ce que veut raconter Dino Crisis 3 et comment il le fait. La direction artistique est quasi intégralement hors sujet.
Dommage car la puissance de la Xbox est manifestement au rendez-vous, la preuve en est que la scène d’introduction est magnifique. Globalement, et d’un point de vue purement technique, le jeu tiens la route. Modélisation 3D de bonne facture, animation fluide et rapide, jolis effets de lumière et de motion blur par endroit… hormis quelques rares bugs de collision, rien de fâcheux n’est à regretter. Mais mettre à profit un hardware aussi performant pour nous montrer des couloirs gris et luisants et les cales d’un vaisseau spatial désespérément vide, ça fait tâche. Le premier Dino Crisis pouvait aussi être la cible de ce genre d’invective. Mais il parvenait à varier ses visuels par des changement de teintes, des jeux de lumière qui posaient une ambiance pesante et surtout par des placements de caméra qui filaient les chocottes à n’importe quel joueur. En jouant avec l’invisible et les bruitages hors champ, Dino Crisis se servait de ses environnements ternes et froids comme d’une force, chose que Dino Crisis 3 ne parvient pas à faire notamment à cause d’une caméra exécrable.
À l’instar de Dino Crisis 2, ce troisième volet s’oriente vers une recette résolument action. Désormais, le jeu n’essaye même plus de faire semblant, c’est un grand défouloir où on atomise en petit morceaux de viandes mutantes et putrides des sauriens par centaine. La terreur laisse définitivement place à l’excitation d’une violence exacerbée et à la frénésie de fusillade endiablée. C’est une autre sorte de pression psychologique qui agit sur le joueur, en quelque sorte, mais force est de constater que cela ne nous plonge pas du tout dans un état d’esprit similaire aux deux premiers volets. Si les jeux d’horreur sont souvent les représentants d’un étrange plaisir coupable où on reconnaît bien volontiers "aimer avoir peur", Dino Crisis 3 préfère suivre la tendance du cinéma et du jeu vidéo dans sa globalité pour proposer une action débridée. Manque de bol, l’intention n’est pas forcément en cause, mais c’est mal fait.
En effet, comme dit plus haut, les caméras sont insupportables. L’essentiel des environnements étant constitué de grandes arènes et de coursives, les dinosaures se pointent souvent en bande. Pour faire plus futuriste et répondre aux exigences du background, on a doté Patrick d’un jetpack, bonne idée si on pense qu’il peut donner du dynamisme à l’action et nous faire explorer les recoins secrets de l’Ozymandias. Mais dans la pratique, le jetpack propulse si violemment notre personnage en l’air que son mouvement est trop rapide et trop brusque pour que la caméra ne parvienne à suivre, accusant systématiquement un retard qui peut s’avérer préjudiciable. Et il y a pire. Les développeurs ont opté pour un système d’angle de vue hybride entre les caméras fixes de Dino Crisis 1 et 2 et des prises de vue mouvantes semi-libres. Concrètement, ça donne une caméra qui gigote autour du héros dès lors qu’il bouge, mais pas de façon totalement libre, plutôt comme si elle était sur un rail qui décrit des cercles autour du point d’intérêt qu’est Patrick. Et quand on décide de faire bouger le héros en dehors de la zone accessible par la caméra, cette dernière change automatiquement d’angle pour montrer l’action différemment. Sur le papier, cela ne semble pas être une si mauvaise idée que cela. Mais quand on voit comment est propulsé Patrick avec son jetpack telle une fusée qu’aurait larguée Vil Coyote contre Bip Bip, et quand on voit quel foutoir peut vite devenir une fusillade contre une douzaine de dinosaures qui débarque des quatre points cardinaux autour de nous, on comprend que ce genre de caméra est synonyme d’énorme piège à loup. Avec nos couilles dedans.
Il n’est pas rare que la caméra décide de nous montrer un mur, le sol flamboyant et (trop) propre, ou encore le fessier moulé dans sa superbe combinaison en latex de ce cher Patrick tandis qu’on affronte une horde de lézards mutants. On tire à l’aveuglette la moitié du temps, vachement pratique. C’est réellement un point noir qui rend la jouabilité pénible et affligeante. La chorégraphie pitoyable des fusillades a de quoi faire sourire. On dirait que Patrick est un ballon de baudruche géant qui tournoie autour de créatures alanguies et à l’intelligence artificielle hébétée. L’instinct de survie aiguillonné par la nervosité de l’action et l’explosivité des joutes de Dino Crisis 2 avait cela de qualité qu’il parvenait à justifier son changement d’orientation de lui-même. Laisser place à l’action au détriment des énigmes était acceptable dans Dino Crisis 2 car les combats étaient fun et jouables, le jeu faisait fi intelligemment de ses limites techniques. Mais dans Dino Crisis 3, l’instinct de survie, insuffisamment mis à l’épreuve se transforme en sentiment d’ennui contre des ennemis mollassons et peu dangereux. La répétitivité est également à mettre en cause. En effet, le jeu, pour allonger sa durée de vie, réclame au joueur beaucoup d’allers-retours bêtes entre un point A et un point B. Le rythme en prend un sacré coup dans les ratiches et le sentiment de progression est presque nul pendant de longue phase de jeu. Il n’y a rien de pire pour un jeu que d’opter pour un gameplay radicalement différent de son illustre aîné et de le faire mal. On ne peut dès lors ressentir aucune pitié envers ses défauts.
Jeu d’action oblige, et comme dans le second opus de la série, on peut upgrader notre arsenal et notre protagoniste en fonction de nos prouesses au combat. Barre de vie plus grande, stock de munitions plus important ou soins supplémentaires, bref, le cheptel classique de ce genre de soft. Cela dit, on aurait préféré, plutôt que de transformer notre personnage en Rambo de l’espace, débloquer des environnements bonus, obtenir de nouveaux itinéraires ou gagner des gadgets pour débloquer certains chemins, un peu à l’instar du génial Metroid Prime sorti sept mois plus tôt. L’exploration est d’une pauvreté navrante, toutes les belles idées d’un vaisseau modulable et dont les décors seraient mouvants ont foutu le camp pendant le laborieux développement du titre. L’aventure en devient monotone.
À cela on peut ajouter divers petits couacs qui finissent de ternir le tableau. Une bande-son qui manque de caractère, des bruitages convenus (alors qu’encore une fois, c’était un des points forts du premier jeu qui se servait des sons hors du champ de vision du joueur pour installer une ambiance angoissante), un mode de vue à la première personne qui fait ramer le jeu (et avec lequel il n’est pas possible de se déplacer, autant dire que si on l’active en plein milieux d’un combat, on se donne en pâture au dino), des personnages inintéressants et aux interactions résumées à leur plus strict minimum et enfin un bestiaire aussi réduit que dans le premier opus. Si on peut reconnaître volontiers qu’il s’agissait d’un défaut du Dino Crisis originel, alors il est de bon ton de se l’avouer également pour le troisième opus de la franchise. Dommage car en soi, l’idée des dinosaures qui auraient mutés au contact de l’infinité inconnue de l’espace (virus, parasite extra-terrestre… ?) avait de quoi attiser notre curiosité et donner un second souffle à la menace du Crétacé. Mais se servir de cette bonne idée pour nous proposer quatre pauvres ennemis sur l’ensemble du jeu, c’est vraiment du gâchis. Un travail de bradype.
Dino Crisis 3 sera le moins bien vendu des jeux (principaux) de la franchise. Bien évidemment parce que le parc installé de console Xbox était dérisoire face à la Playstation 2, mais surtout parce qu’il est assez nettement le moins bon de tous. Dino Crisis 3 est plutôt beau, mais inconsistant, injouable, il n’a aucune ligne directrice claire et n’a pas la chance d’être guidée par quelques idées sympathiques pour pallier son manque de génie. En fait, si on peut se dire que Dino Crisis 2 est un virage à 90 degrés couillu mais qui a porté ses fruits, Dino Crisis 3 est une continuité logique mais qui paradoxalement ne fonctionne pas. Dino Crisis 3 est surtout la preuve que Capcom ne prenait plus, pour une raison ou pour une autre, la série au sérieux. Par ailleurs, son développement fut partiellement externalisé. En effet, les problèmes auxquels a dut faire face Kobayashi étaient si importants qu’une équipe de prestataire fut appelée en renfort. À cette époque, cette équipe n’était pas connue, aujourd’hui elle l’est, mais pour de bien tristes raisons.
Hit Maker - à ne surtout pas confondre avec feu Sega AM3 (aussi appelé Hitmaker), les petits génies du fun derrière Virtua Tennis et Crazy Taxi -, naquit en 1998. Au départ offrant leurs services pour quelques petits boulots de programmation, d’encodage vidéo ou de travail de design, Capcom finit par les engager pour l’élaboration d’une publicité filmée pour Dino Crisis 3 afin qu’elle soit diffusée dans divers salon de jeu vidéo comme l’E3. C’est entre 2002 et 2003 que Hit Maker décrochera son premier gros travail pour programmer Dino Crisis 3… Le studio ne survivra pas bien longtemps après cela, ajoutant quelques projets de maigre envergure à leur palmarès, notamment des RPG sur PSP tout à fait dispensable quand bien même leur direction artistique était de qualité (Dragoneer's Aria). Le glas sonnera pour Hit Maker lorsqu’ils développeront le kusoge Last Rebellion en 2010 sur PS3 pour le compte de Nippon Ichi Software. Intéressant concernant son chara-design, mais affreusement mauvais sur tout le reste.
Il faut dire qu’avec la multiplication de projets cousins à Resident Evil qui se servaient des racines de l’œuvre de Shinji Mikami pour grandir à l’ombre des zombies, il ne restait plus beaucoup de place pour Dino Crisis. Entre Onimusha, Devil May Cry et les cohortes de morts-vivants, ce même concept plus ou moins bien travestis avec des thèmes originaux (Japon féodal, ambiance démon-médiéval, ambiance futuriste-dinosaure…) a été largement essoré par Capcom entre 1995 et 2003 avant de montrer ses limites. Dino Crisis 3 est donc le symbole d’une série en très nette perte de vitesse à l’instar du concept même du survival-horror "à la Resident Evil". À bout de souffle, littéralement, Dino Crisis est le premier des sacrifiés des licences horrifiques de Capcom. Il sera suivi peu de temps après par Onimusha puis dans une moindre mesure par Devil May Cry tandis que Resident Evil continuera de passionner des millions de joueurs.
Capcom, échaudé, se rendra compte que mettre tous les moyens en œuvre (recruter des scénaristes spécialisés et un directeur expérimenté dans le jeu d'horreur, opter pour une console extrêmement puissante, faire appel à des professionnels du cinéma...) pour créer un grand jeu d'action n'aura pas suffit pour faire de Dino Crisis 3 un produit viable. Pas étonnant que la saga fut vite mis au placard après un coup dur comme cela !
Les dinosaures revenus à la vie sont redevenus poussière, la boucle est bouclée.
Quand la Xbox est sortie, c’était une période faste où je vivais ma passion du jeu vidéo à fond les ballons, sans compromis, et sans m’inquiéter de l’avenir. La jeunesse, l’insouciance, etc. Du matin au soir, je pensais jeu vidéo. Je rentrais du collège et/ou du lycée et il n’y avait rien d’autre que la petite loupiotte verte qui indiquait que ma console était allumée qui comptait. Les devoirs, les exposés, les révisions ? Strictement rien à foutre. Aussi, j’étais déjà à l’époque relativement curieux et je n’hésitais pas longtemps avant de me décider à découvrir d’autre genre de jeu. Alors pensez dont, la Xbox qui débarque avec des soft tels que Halo, Dark Summit (une chouette alternative à SSX), Project Gotham Racing ou encore Jet Set Radio Future avait de quoi asticoter mon appétence. Et si en plus elle détient dans sa besace des jeux (exclusifs, tant qu’à faire) issu de l’univers Star Wars, autant dire qu’elle était à deux doigt de devenir une indispensable. Bon, au final, elle ne l’était pas tant que cela mais elle a fait avancer le jeu vidéo tout entier à sa manière, il faut savoir le reconnaître. Lesdits jeux issus de l’univers Star Wars n’étaient d’ailleurs pas plus indispensables que leur support, sauf peut-être pour le fanboy que je suis, et encore.
Et c’est sur cette introduction sans idée et qui n’a rien à vous apprendre d'intéressant que s’ouvre ce nouveau test. Ça sent déjà le pâté, cette histoire. Ah bah tiens, l’histoire, parlons-en, comme ça, ce sera fait. On incarne dans le jeu dont il est sujet aujourd’hui le pas-Chevalier Jedi Obi-Wan Kenobi, qui est en fait encore un Padawan (un apprenti). Les évènements qui nous sont contés se déroulent à cheval entre une période juste avant l’Épisode I de la célèbre saga cinématographique et les aventures que Kenobi vivra avec son maître vénéré Qui-Gon Jinn jusqu’au mythique affrontement final face à Dark Maul.
Obi-Wan est chargé de relever plusieurs épreuves en guise de test pour voir s’il est prêt à devenir un Chevalier Jedi à part entière, Yoda et Mace Windu le mettent donc au défi de résoudre une affaire criminelle dans les bas-fonds de Coruscant. Obi-Wan part donc enquêter et, littéralement 30 petites secondes après le début du jeu, le voilà qu’il brandit son sabre-laser comme un sauvage en réponse à un type dans la rue qui lui disait qu’il ne le laisserait pas passer. C’est du rapide ! Je croyais que les Jedi devaient d’abord tenter de trouver des solutions diplomatiques à leur problème ? Là on dirait plutôt un modérateur de Gamekyo . Cela dit, il tire son caractère des enseignements de Qui-Gon Jinn qui, pour les connaisseurs, est connu tant pour sa sagesse que pour son fort caractère, ce qui par ailleurs lui a valu l’éventuelle place au Conseil Jedi à laquelle il avait le droit. Mais je digresse.
On accompagne donc Judge Dredd… pardon, Obi-Wan armé de son superbe sabre-laser bleuté dans les ruelles malfamées des étages inférieurs de Coruscant pour chasser du gangster afin de tirer cette affaire au clair. Autant dire que les premiers niveaux ne sont pas les plus palpitants. Globalement, le jeu peine à nous maintenir éveillé malgré quelques soubresauts, notamment à partir du moment où l’intrigue extrêmement faible du jeu rejoint celle - un peu plus solide - du film. L’ambiance typique Star Wars moderne (les trois films de la prélogie donc) est bien là, encore que les soi-disant bas-fonds de Coruscant ne semblent pas vraiment plus crasseux et dangereux que n’importe quelles villes de science-fiction vues ailleurs. Les jeux de la série Jedi Knight et même l’adaptation de l’Épisode I sur Playstation nous montrait une vision des bas-fonds de Coruscant bien plus sombre et convaincante que dans ce jeu, dommage.
Bien vite, on constate la simplicité du level design où salles et zones ouvertes se succèdent inlassablement. On ne s’écarte pas de l’essentiel vous allez me dire. En effet, notre activité principale dans Star Wars : Obi-Wan sera de massacrer tout le monde, vous vous en doutez. Des petits brigands du début aux droïdes en tout genre de la Fédération du Commerce pour finir par le Seigneur Sith à la double lame écarlate. Pour se faire, notre sabre-laser est notre meilleur atout. En orientant le joystick droit, il est possible d’utiliser diverses manipulations au sabre. Mais malheureusement, on en fait très vite le tour. On est loin des sublimes chorégraphies et de l’escrimeur expert qu’est Obi-Wan dans le long-métrage. L’animation saccadée et le personnage aux déplacements très guindés n’améliorent en rien le bilan. On dispose bien de pouvoirs liés à la Force tels que faire léviter des objets plus ou moins lourds pour les envoyer à la figure de nos assaillants ou attirer à soi les armes adverses pour les priver de leur moyen d’attaque. Mais le jeu ne propose que peu de challenge, une IA sommaire et au final, la rapidité et l’efficacité d’un bon coup de sabre-laser dans le bide n’a pas d’égal dans la majorité des combats.
Pire, si on peut apprécier les cabrioles et autres roulades que font nos victimes lorsqu’elles encaissent un coup de sabre-laser, que peut-on dire de l’animation de mort, ultra statique et parfois bugguées des cibles qui se prennent des objets en pleine poire, propulsés par Obi-Wan via la Force ? Le manque de spectacle qui accompagne l’utilisation des pouvoirs de la Force fini bien vite par lasser et on s’en remet au seul sabre-laser pour vaincre rapidement nos ennemis et passer à la zone suivante. Voilà un titre qui manque cruellement de finition, à n’en point douter.
La petite originalité évoquée plus haut créé un problème, comme un effet miroir, à chaque bonne idée s’associe un couac. Ici, le stick droit est donc affecté aux différentes manipulations du sabre-laser. Le gauche, comme dans n’importe quel autre jeu est destiné à déplacer le personnage. Mais qu’en est-il de la caméra ? Élément essentiel d’un jeu d’action en 3D, on pourrait énumérer des dizaines de jeux du début de l’ère 3D (et même ceux d’aujourd’hui, tout modernes qu’ils soient) qui ont une caméra folle et/ou bugguée. Celle d’Obi-Wan sur Xbox ne l’est pas, ouf. C’est juste qu’elle n’est pas franchement facile à gérer. Les boutons noir et blanc, uniques à la manette Xbox font office de recentrage de la caméra dans le dos du protagoniste ou de pivot d’angle. À chaque pression du bouton, la caméra effectivement tourne d’un quart autour du personnage. Bon, ce n’est pas super intuitif, faut avouer, mais les environnements sont suffisamment vastes (et tristement vides) que du coup la caméra se bloque rarement derrière un mur ou une connerie de caisse. C’est déjà ça…
Techniquement et visuellement, le jeu ne fait vraiment pas honneur à la Xbox, c’est le moins que l’on puisse dire. Les scènes cinématiques sont assez honteuses, la modélisation 3D des personnages rend les Maîtres Jedi que l’ont côtoie patauds et moches. Adieu la prestance léonine de Qui-Gon Jinn, la force tranquille de Mace Windu, le danger nerveux et haineux d’un Maul, ou la quiétude amicale d’un Ki-Adi-Mundi, à la place nous n’avons que des tas de polygones grossiers et articulés avec le cul. Ingame, les environnements sont vides, fades. C’est à croire que dans Star Wars, il n’y a que des caisses métalliques et deux ou trois bidules de nature indéterminée qui meublent les rues et les bâtiments. C’est d’une tristesse.
Le charme de l’architecture inspirée de l’Italie de la Renaissance de la ville de Theed (planète Naboo) n’est que très partiellement retranscrit dans les quelques niveaux qui nous la font visiter. Autrement, l’équipe de développement a tenté une petite originalité en nous faisant voir une planète inédite, Obredaan, mais cette dernière est un malheureux resucée des marais Gungan de Naboo, déjà longuement aperçus dans le long-métrage. Le jeu de lumière reste correct, les reflets bleus apaisants du sabre-laser dans les milieux sombres sont jolis mais le panel de texture est globalement pauvre et lisse. Le tout est couronné d’intempestives et assez violentes chutes de frame-rate, du genre 10 fps.
Côté son, classique, on a du John Williams à toutes les sauces. C’est un point fort du jeu mais en même temps on ne peut pas s’empêcher de penser qu’il n’a strictement aucun mérite. Le soft ne fait que nous balancer dans les oreilles les partitions composées par le monsieur pour le film. Il n’y a aucune création originale, comme c’est le cas pour 90% des jeux Star Wars de l’époque. Pire, le mixage peut parfois paraître absurde. Lors des phases d’exploration calme dans certains niveaux, il arrive en effet que la musique s’excite. Les fans auront reconnu quelques samples de scènes d’action et de bataille du film qui se déclenchent n’importe comment durant le jeu. C’est vraiment du travail de branleur, qu’on se le dise. Les bruitages sont de bonnes qualité, là encore reprises de la bibliothèque de son créée par Ben Burtt, l’ingénieur audio des films.
Voilà. Ce fut mon premier jeu Xbox, et heureusement que je ne me suis pas contenté de ce premier rendez-vous manqué. Peu de temps après, et notamment grâce à quelques amis, j’ai pu m’adonner aux joies de Dead or Alive 3 et de Jet Set Radio Future, puis j’ai pu constater l’écart très notable de qualité visuelle entre Splinter Cell et Need for Speed Underground version Xbox et version PS2. Ces softs et ces expériences m’ont fait ne pas regretter l’achat du gros bloc noir de Microsoft, extrêmement coûteux à l’époque (500€, là où la PS2 et la Gamecube n’en coûtait pas plus de 300 chacune…).
En ce qui concerne Star Wars, la piètre tentative Obi-Wan ne sera pas la dernière sur Xbox, loin s’en faut. Par la suite, la console accueillera d’autres jeux, multiplate-formes, au contraire de cette exclusivité, tels que Republic Commando (sympa), ou Jedi Knight II : Jedi Outcast (incontournable). Plusieurs années plus tard j’eusse également appris que Star Wars : Obi-Wan aurait à l’origine dût être un jeu PC, prévu pour fin 2000 puis longuement repoussé avant de sortir en exclusivité sur la console qui à ce moment avait l’architecture la plus proche du PC, autrement dit la Xbox. Cela étant, l’année de report qu’a subit le jeu se voit bien trop, et aucune rustine ni amélioration pour combler ce retard immense n’aura été appliquée par LucasArts. Si le jeu pouvait éventuellement paraître correct en 2000, il est en vérité arriéré et moche à la fin de l’année 2001. C’est à se demander à quoi a servi cette année de gestation qu’on imagine très compliquée…