Dans le microcosme du jeu de combat, on connaît tous le fratricide duel entre les anciens piliers du genre que sont les jeux de combat 2D (les Street Fighter à l’ancienne, Darkstalkers, King of Fighters…) contre ceux en 3D (Tekken, Dead or Alive…). Mais au sein même d’une de ces branches, il y avait une autre guerre, celle des jeux de combat 3D qui se voulaient réalistes et techniques, comme Virtua Fighter, et ceux qui frôlait la limite du cartoonesque, rempli de personnage haut en couleur capable de savater très brutalement son adversaire à grand renfort d’effets sonores tonitruants et de technique d’art-martiaux particulièrement acrobatiques. La rigueur martiale d’un Virtua Fighter concentre son gameplay sur le timing et les contres, tandis que celui de Tekken par exemple se base sur les combos interminables nous présentant des enchaînements de folie et des attaques qui mettent aisément la tête à l’envers, digne des meilleurs films de kung-fu Hong-kongais. Bloody Roar fait partie de ces jeux où les combats sont autant de chorégraphies à la gloire des cabrioles improbables et des punchs foudroyants. Et encore, s’il n’y avait que des punchs foudroyants. Mais le soft de Eighting/Raizing propose aussi des colossaux coups de griffes, des sauvages coup de pattes et des incroyables lacérations sanguinolentes. Ah oui, parce que Bloody Roar, ce n’est pas que des artistes-martiaux qui se tapent dessus, ce sont également des bêtes avides de chair fraîche appelées ici Zoanthropes.
C’est la particularité primordiale de toute la saga. Les Zoanthropes, qui font l’objet de bien des convoitises, sont des êtres surnaturels de nature diverse qui ne cessent de se combattre en se transformant en bête féroce. Loup, lion, gorille, tigre, mais aussi quelques espèces un peu plus étonnantes comme le caméléon ou le pingouin, le bestiaire est varié et a ratissé large pour nous proposer un casting aussi féroce que cool tout au long de la série. On regrettera peut-être que sur la fin de la saga, (Bloody Roar Primal Fury/Extreme, Bloody Roar 4…) le concept se soit légèrement perdu pour proposer en sus des animaux des sortes de monstres mythiques plus proches des chimères que de véritables bêtes sauvages (dragons, créature hybride recouverte d’une armure argentée qui me fait plus penser à Guyver qu’à autre chose…), mais je m’égare.
Ce Bloody Roar II, qui fait suite au premier (non, sans blague ? C’est juste une occasion pour moi de vous inviter à lire le test que Docteurdeggman en a fait il y a longtemps !), fait s’affronter une partie du casting qu’on connaît déjà en y accueillant quelques nouvelles têtes. Lorsque la rumeur qui disait que certains humains avaient en eux le formidable pouvoir de se transformer en bête sauvage, la multinationale maléfique Tylon chercha à accaparer leurs pouvoirs et à les réduire en esclavage. Mais ceux-ci ne l’entendirent pas tous de la même oreille, des clans se formèrent, certains voulurent exterminer Tylon, d’autres prirent parti pour le conglomérat criminel en échange de forte récompense. Quelques-uns ont préférés rester indépendants afin de régler leurs affaires privées, tandis que Tylon parvint même à cloner un des Zoanthropes pour donner naissance à un redoutable guerrier : Shenlong, le tigre ténébreux …
Comme vous pouvez le constater, le roster est relativement concis, seulement 9 personnages au départ, et deux à débloquer. 1999 était l’année suivant le monstre Tekken 3 et ses huit millions de ventes supportés par son casting de 23 personnages, ceux étant secrets inclus. L’année suivante, Tekken Tag Tournament enfoncera le clou avec un joyeux melting-pot sans aucun sens scénaristique. À vrai dire, Ultimate Mortal Kombat 3 se plaisait déjà à l’époque à lancer la mode du fourre-tout afin de gonfler sa galerie de combattant à l’excès ; c’était à celui qui aurait le plus de tronche à afficher sur son écran de sélection, quitte à faire des clones et des personnages tellement fantaisistes qu’ils en deviennent injouables et inintéressants en jeu. Bloody Roar II, lui, se concentre sur l’essentiel et opère un renouvellement quasi complet par rapport au premier opus. En effet, trois anciennes têtes disparaissent (Greg le gorille, Mitsuko le sanglier et Fox le…renard) pour se voir remplacer par pas moins de cinq nouveaux challengers : Jenny, Stun, Shina, Busuzima et Shenlong.
Mais qui dit roster restreint ne veut pas nécessairement dire manque d’intérêt. C’est même relativement complet. On a l’éternel héros (malgré lui), un peu badass sur les bords, avec une technique de combat qui pourrait plaire à tout le monde en la présence de Yugo. Une sorte de Jin gonflé à la testostérone, un peu plus brute et moins policé, en somme. Shina serait à mon sens son équivalent féminin, puissante, facile à manipuler, au design relativement simple mais au charisme aussi singulier que son paternel (Gado), elle est un des meilleurs protagonistes pour débuter dans Bloody Roar II. Le jeu comporte également ses petits cadors de la technicité et du combo tels que Bakuryu qui, via quelques manipulations de bouton, pourra se téléporter dans le dos de l’adversaire et réaliser des esquives impressionnantes ; tandis que Long, s’il est bien employé, peut ratatiner son ennemi à l’aide d’enchaînements de coups interminables façon Kenshiro bien vénère ! Enfin, on a les personnages lents et lourds, comme Stun, et exotiques, à la manipulation un brin discordante avec le reste mais plutôt fun à jouer, comme cet hurluberlu de Busuzima. Gado, qui n’a, selon moi, rien à envier au roi des rois Kazuya Mishima, et le maléfique Shenlong, ferme la marche pour un panorama de combattants vraiment intéressant.
En termes de gameplay, même s’il faut un petit temps d’adaptation pour maîtriser le rythme particulier des combos et les esquives, rien n’est vraiment très sorcier. Bloody Roar II est fait pour en foutre plein la face et pour apporter du fun brut de façon immédiate. Si on voulait résumer ça grossièrement, on pourrait dire qu’il y a assez peu de tactique et que la victoire appartiendrait à celui qui serait le plus agressif, car clairement, Bloody Roar II favorise l’assaut effréné au zoning ou à la défense. Bien que certains personnages puissent retourner la situation par le biais de quelques roublardises bien senties, l’ensemble du casting est taillé dans un bloc de brutalité où mandales qui pèsent le poids d'un char d'assaut et charges monstrueuses se côtoient. Le principal atout du jeu étant bien évidemment la transformation des protagonistes, déjà bien violent sans cela, en animaux sauvages. Et il faut avouer que voir un loup (garou ?) de deux mètres de haut savater sauvagement un lion tout aussi bourru après avoir fait sa fête à une sculpturale chauve-souris, ça en jette.
Pour se transformer en monstre à fourrure ou à écaille, rien de plus simple qu’une pression sur le bouton rond une fois que la jauge prévue à cet effet est suffisamment remplie. Mais attention, car si en état bestial on prend trop de dégât, on peut retomber sous sa forme humaine. La gestion de cette jauge est donc primordiale dans les plus hauts niveaux de difficulté. Un joueur avisé ne balancera jamais sa transformation dès les premières secondes du round sous peine de se voir à poil (à poil, quand on se transforme en léopard, c’est cocasse…) face à un ennemi gonflé à bloc et prêt à en découdre. Un combattant sous forme humaine aura bien moins de puissance de frappe et d’endurance qu’un ennemi transformé et pire, il n’aura pas accès à son attaque ultime. Les furies des protagonistes transformés sont littéralement monstrueuses, de véritables boucheries de mise en scène bourrées d’éclats lumineux, d’éclairs, de gerbes d’hémoglobine et de rugissements. On déchiquette, on écharpe, on pulvérise et on écrabouille tout sur notre passage une fois qu’on déclenche cette furie extraordinaire, barbare et souvent fatale. JOUISSIF.
À noter que la barre de santé de nos personnages se séparent en deux partiez. D’abord la jaune, qui est notre santé actuelle. Et la bleue qui apparaît à mesure qu’on se fait frapper. Elle représente en réalité la somme de santé qu’on peut retrouver si on se transforme en animal et à condition qu’on arrive à contrer ou échapper aux coups adverses durant un petit laps de temps. Les dégâts affichés en rouge sont ceux trop insurmontables, irréversibles et qu’on ne peut soigner. Ainsi, savoir se défendre et prendre ses distances quand on vient de subir un énorme enchaînement peut sauver un round car il est toujours possible en se transformant de regagner un peu de vie ! Croyez-moi, face à l’intraitable Gado ou contre l’agressivité hallucinante de Shenlong, cette petite astuce sera salvatrice. Par ailleurs, le jeu ne gère pas les étourdissements comme dans un Street Fighter II, mais il est possible d’exécuter un recover express aérien afin de se remettre sur de bon rail et éviter de se faire enchaîner les gencives comme un chiffon.
J’ai toujours trouvé que les capacités de Kazuya ou de Jinpachi à nous envoyer des rayons lasers ou des boules de feu dans la figure avaient quelque chose de sacrément dissonant avec l’ensemble du gameplay à la Tekken, très orienté combo et arts-martiaux purs. Une touche Dragonballesque légèrement hors propos. Mais dans Bloody Roar II, puisque tous les personnages sont doués de transformations et de furies surnaturelles, le gameplay reste très cohérent. L’impact des coups n’a jamais été aussi palpable. Manette en main, on ressent profondément toute la force et la dureté de chacun des personnages, les joutes sont très dynamiques et globalement, le système est assez simple d’accès pour qu’on s’amuse très vite. Bloody Roar II répond donc très bien aux exigences d’un jeu de combat typé arcade.
Visuellement, Bloody Roar s’oriente vers le manga et l’anime. Les couleurs sont pétantes, les poses des personnages sont évocatrices et leurs designs brassent un assortiment d’inspiration allant du Ken le survivant à Dragon Ball Z en passant par d’autres œuvres, vidéoludiques elles, telles que Tekken et King of Fighters. Un soin tout particulier est assuré à l’enrobage graphique du soft. On sent que l'une des têtes pensantes derrière le jeu (et du premier) est avant tout un graphiste de métier. Shinichi Ōnishi a en effet officié sur bien des aspects visuels (chara-design, graphiste, directeur artistique…) sur des jeux tels que Robo Aleste, Super Bomberman: Panic Bomber W, Naruto : Clash of Ninja, et même Castlevania Judgment sur Wii ! Ainsi, Bloody Roar II présente de jolis atours comme des artworks, nombreux et très bien fichus signés de l’illustre Naochika Morishita, alias Caramel Mama, ayant travaillé sur une tonne de produits dérivés Gundam et Rangers Strike. Le mode story est ainsi conté via des saynètes fixes du plus bel effet, souvent sombres, mettant en scène les protagonistes avec des ombrages très appuyés et des émotions faciales flagrantes. Le cachet est là, l’ambiance y est pesante et on ressent parfaitement l’animosité que certains combattants se portent l’un envers l’autre. Le jeu se paye même le luxe de varier les artworks en fonction du mode de jeu choisi, entre arcade et story, par exemple.
D’un point de vue purement technique, Bloody Roar II ne tient peut-être pas la dragée haute à Tekken 3 car il ne nous abreuve pas copieusement de séquence en CGI comme le hit de Namco. Hormis l’introduction du mode histoire, effectivement, tout le reste est fait avec le moteur du jeu ou les artworks 2D. Mais en jeu, la performance de Eighting/Raizing reste très solide. La modélisation est de qualité, la fluidité est carrément époustouflante, et les effets spéciaux sont nombreux, surtout lorsqu’on se transforme en animal. On peut néanmoins reprocher les arènes parfois un peu faibles en termes de résolution ou de texture, mais elles ont le mérite d’être assez variées et surtout de proposer une feature qui assure une plus-value certaine au fun de Bloody Roar II : leurs murs destructibles. À la fin du combat, si vous portez un coup exagérément puissant à votre adversaire pour le mettre KO, vous pouvez le projeter violemment à travers les barrières du ring et ainsi l’envoyer ramasser ses dents à vingt mètres du tatami dans une explosion sonore monumentale. C’est gratuit, mais bordel que c’est bon. Une jouissance rarement vue dans un jeu de combat qui traduit toute l’ardeur et la fureur qui hante littéralement le moindre polygone du jeu !
Bloody Roar II est manifestement possédé d’une âme et d’un charme bestial qui provoque un état de plaisir intense. Libérateur, jubilatoire, tout est fait pour faire déborder la jauge de fun.
Le caractère tonitruant du jeu est également garanti par sa bande-son, au sens large du terme. Et ça passe par des éléments basiques comme par de petites trouvailles uniques et bienvenues. Tout d’abord, les bruitages sont pêchus, ça claque, on sent que ça tape pour de vrai. Je ne parle même pas des grognements en tout genre que les personnages libèrent dès qu’ils se transforment. Les personnages ont d’ailleurs tous des voix (anglaises), ça ne parait pas grand-chose dit comme ça, mais certaines tirades balancées avant ou après match font souvent leur effet. D’autres petites choses, qu’on finit par remarquer au bout de plusieurs heures de jeu ou au contraire dès la première partie sont également présentes pour renforcer la déferlante d’énergie que nous assène la bande-son ; comme par exemple le cri de douleur avec un effet de réverbération qui retenti lorsqu’une de nos victimes passe à travers les barrières de l’arène avec violence.
Mais le gros du morceau auditif, on ne va pas se le cacher, ce sont les musiques. On va passer rapidement par-dessus les musiques de la version arcade du jeu, plus soft, plus nuancées, quoiqu’elles aussi assez rythmées, pour s’attarder surtout sur les pistes de la version Playstation. Elle vous foute des prunes rien qu’à l’écoute, alors si elles sont couplées à ce gameplay du tonnerre décrit plus haut, autant vous dire que vous pouvez dire adieu à votre brushing (sauf Shanks, qui s’en bat la rate).
Le heavy metal semblait déjà être à la mode dans le jeu vidéo à l’époque, outre les quelques Lords of Thunder (1993, PC-Engine) et autre Battletoads in Battlemaniacs (1993, Super Nintendo), il y avait bien entendu un des pionniers du ‘’tout metal’’ en ce qui concerne l’OST : Guilty Gear, sorti en 1998 sur Playstation. Bloody Roar II se réclame de cette tendance où chacune des musiques ne sont en fait que distorsions de guitares électriques mélodieuses et tambourinages endiablés de batterie en feu. La musique d’introduction, intitulée "Roaring Supreme" et s’accompagnant d’un menaçant rugissement léonin nous écrase le crâne de son riff proche d’un thrash metal lourd et féroce. Pour autant, Bloody Roar II ne se compose pas de metal brut et méchant. N’ayez crainte, nous ne sommes pas en présence du pire des death metal suintant de noirceur et de malveillance. Non, ici, le metal de Bloody Roar se fait groovy, limite dansant et très entraînant, de quoi donner du pep aux bastons et électriser les esprits.
Bref, un très bon travail de Takayuki Negishi (qui n’a pas participé à l’OST version arcade) mais qu’on n’entendra guère plus après Bloody Roar 3 en 2001, dommage. Cette OST est si culte pour moi (et c’est certainement très subjectif) qu’elle est régulièrement en écoute sur mon ordinateur ou dans la voiture, c’est dire.
"Ok, il a encore craqué son slip, le Anakaris", vous direz-vous après avoir vu la valeur nostalgique que j’attribue à Bloody Roar II. Ou peut-être pas. Mais pour comprendre, il faut y avoir joué à l’époque, assurément. Encore que, même dans ces conditions il se pourrait que vous n’ayez pas du tout le même ressenti que moi, qu’à cela ne tienne, j’assume entièrement. Pour moi, Bloody Roar II est carrément un des meilleurs jeux de l’immense ludothèque Playstation, rien que ça. Plutôt beau, visuellement plein de petites intentions pour faire plaisir aux yeux, le soft pêchu et rugissant édité par Hudson dispose d’une vibe éclatante. C’est de la dynamite sur CD-ROM. Il constitue une véritable amélioration de Bloody Roar premier du nom et ceci dans absolument tous les domaines.
Manette en main, son explosivité et son accessibilité sont ses atouts principaux. Il délivre un plaisir de jeu rarement égalé dans un soft de combat 3D, tout simplement. On peut ajouter – et ceci est un jugement encore plus subjectif que tout ce qui vient d’être cité dans cette conclusion – des personnages charismatiques (Long, Shenlong, Shina, Gado…) et des musiques du feu de dieu et on obtient un mastodonte de fun. Le genre de jeu décomplexé (sans pour autant tomber dans l’ultra violence qui n’a ni queue ni tête comme ce vulgaire Succubus) avec une réelle personnalité qu’on ne voit que trop rarement, de nos jours.
Kobe Bryant et sa fille Gianna, décédée avec lui dans les mêmes circonstances.
Il était l’une des plus grandes légendes du basketball lorsqu’à seulement 41 ans, il périt dans un accident d’hélicoptère le 26 janvier 2020, Kobe Bryant était de ceux dont la notoriété dépassait de loin les frontières de son sport. Ayant évolué tout le long de sa carrière, soit vingt saisons, au sein du club des Los Angeles Lakers, il devint une icône véritable de la NBA au début des années 2000, en duo avec Shaquille O’Neal, ou seul, comme lorsqu’il inscrit un score monstrueux de 81 points face au Raptors de Toronto en 2006. Le mythe est tel qu’une fois à la retraite, les Lakers décidèrent de ne plus jamais attribuer ses deux numéros fétiches à un autre joueur, par respect et par superstition. Le 8 et le 24 resteront dès lors marqués à jamais de l’empreinte du natif de Philadelphie en Pennsylvanie. Une fois élu MVP de la saison régulière (un peu l’équivalent du ballon d’or au football), double champion olympique avec les USA, désigné joueur de la décennie 2000 par la NBA, quatrième du classement des meilleurs marqueurs avec un total colossal de 33.643 points, nul doute que le sport en règle générale a perdu là une de ses plus grandes vedettes.
En règle générale, on a tendance à penser que Nintendo ne s’est jamais vraiment intéressé aux jeux de sports. Hormis avec sa vedette Mario qui s’est improvisé sportif dans une tonne de jeux arcade-familiaux tels que Mario Golf, Mario Tennis, ou encore Mario Smash Football, Nintendo ne semble pas s’être attardé sur la facette ‘’sérieuse’’ et le côté simulation des jeux de sport. Il faudrait remonter à des temps immémoriaux où la Famicom proposait les rudimentaires Baseball (1983) et Soccer (1985) pour trouver une éventuelle trace de jeu de sport sérieux au sein de la compagnie de Kyoto. Et pourtant, il se trouve que durant la fin des années 1990, Nintendo s’est associé avec un studio américain du nom de Left Field Productions pour développer des jeux de sports un peu plus respectueux des règles qu’un de ces simulacres sous acide où frappes météoriques et super-pouvoirs sont admis, sur terre battue comme sur pelouse verdoyante.
Left Field Production est dès sa création en 1994 dans sa zone de confort puisque parmi ses fondateurs figure Michael Lamb, un ancien de l’industrie qui compte en tant que programmeur à son palmarès bon nombre de jeu de sport en tout genre. Leur premier jeu de basket, Slam ‘N Jam 96 pour la Saturn et la Playstation montre d’ailleurs dès à présent leur goût pour les featuring en la présence de deux anciennes gloires du basket américain : Earvin "Magic" Johnson et Kareem Abdul-Jabbar ( le géant qui affronte Bruce Lee dans Le Jeu de la Mort en 1978 ). Mais la véritable reconnaissance vient en 1998 lorsqu’ils s’associent avec la star montante de la nouvelle génération de la NBA Kobe Bryant pour faire un jeu de basket à la technique révolutionnaire : la motion capture. Le jeu est de qualité, avec des animations bluffantes et se sert des formidables capacités 3D d’une Nintendo 64 bien heureuse de compter un soft de plus à son catalogue pourtant un peu chiche. Nintendo est très réactif et prend le studio sous son aile, Left Field Productions devient second party de Big N et produit en 2000 Excitebike 64. C’est probablement la consécration de la carrière du jeune studio.
Mais le jeu qui nous intéresse aujourd’hui n’est aucun de ceux-là. Il s’agit de NBA Courtside 2002 sur Gamecube, dernier né de la fructueuse association entre Left Field Productions, Kobe Bryant et Nintendo. En 2002, Bryant n’est plus un rookie prometteur mais un des piliers majeurs de la prestigieuse équipe des Los Angeles Lakers. Sa carrière est presque à son firmament. Et NBA Courtside 2002 est également l’apogée de la mini-série de jeu de basketball exclusive aux consoles de Nintendo, ça tombe bien. Avoir Nintendo derrière soi, ça augure quelques facilités, notamment financières. Ou en tout cas, c’est ce qu’on peut deviner car à la vue du degré de finition du titre, un petit studio indépendant n’aurait sûrement jamais pu se le permettre. NBA Courtside 2002 propose pas moins de 29 équipes officielles de la NBA regroupant celles de la côte Est et celles de la côte Ouest des États-Unis. En sus d’une motion-capture qui rend les animations fluides et réalistes (autant que faire se peut), l’utilisation intensive du face mapping est à noter. Tous les joueurs, réels, ont vu leurs trognes collées sur leurs semblables tout de polygones modelés et pour certaines stars parmi les plus connues, c’est véritablement satisfaisant. On reconnait immédiatement – pour peu qu’on les ait déjà vu – Big Shaq, Allen Iverson des 76ers de Philadelphie ; Tracy McGrady des Magic d’Orlando ; Tim Duncan des Spurs de San Antonio ; et bien d’autres. Obtenir les droits d’utilisation des franchises et des visages des joueurs de la NBA ne devait probablement pas coûter aussi cher que pour les jeux de football de l’époque, mais l’intention est tout de même louable. D’autant que le jeu soigne son approche jusque dans les détails en affublant les joueurs stars de leurs surnoms (The Diesel pour Shaquille O’Neal, Magic Mamba ou Black Mamba pour Kobe Bryant, par exemple). Le commentateur principal, qui connaît bien son rôle n’est nul autre que Ralph Lawler, la légendaire voix des Clippers de Los Angeles. Ses "BINGO" et ses "THE JAM" ont résonné durant quarante ans dans son micro de commentateur et également dans le jeu. Les fans seront ravis car il fait partie de cette si singulière ambiance dont est fait le basketball américain. Il est un des éléments primordiaux de cet esprit si entertainment des parquets de la NBA. Il est par ailleurs secondé par le non moins remarquable journaliste sportif de la Fox Earl Van Wright.
Le jeu se veut complet avec suffisamment de mode pour contenter toutes sortes d’envies. Du classique match amical nommé ici quickplay à l'entraînement histoire de bien saisir les subtilités du gameplay. Mais d’autres modes bien plus intéressants s’invitent au programme, à commencer par le mode carrière. Il est bien entendu possible de participer au championnat annuel de la NBA avec pour finir les playoffs qui consacreront la meilleure équipe de la saison. Un dernier mode bouscule un peu les fondations du titre et met de côté son aspect simulation afin de proposer plus de fun et d’explosivité. En effet, le mode arcade en 3 contre 3 tient tout du NBA Street de chez Electronic Arts. Parquet troqué pour du bitume, les dunks enflammés et les feintes à en casser les hanches de son adversaire sont légions. J’en connais d’ailleurs pour qui il s’agit du mode principal du jeu, délaissant complètement le gros morceau du postulat de départ du gameplay qu’est l’aspect réaliste. Et à raison, car aujourd’hui comme à l’époque, le gameplay de NBA Courtside 2002 n’est pas exempt de défaut.
La maniabilité oscille elle aussi entre le bon et le moins bon. Le jeu a été conçu pour favoriser les actions offensives, cela ne fait aucun doute. Pour se faire, la gâchette gauche permet d’avoir recours à une jauge d’adrénaline qui fait devenir momentanément nos joueurs des mutants capables de superbes prouesses sportives. Dribbles plus précises, accélérations fulgurantes, plus de solidité sur les appuis pour franchir les murs de défense, etc. Il est en revanche plus difficile de défendre correctement, même en usant de l’adrénaline. Les joueurs mettent en effet un peu trop de temps à sauter pour contrer le tir adverse et il n’est pas rare de voir notre joueur finir les fesses au sol après avoir encaissé un smash dévastateur. Pour remédier à cela il faudra donc vraiment anticiper un maximum mais même en s'appliquant il arrive que l'on saute alors trop tôt pour tomber dans la première feinte venue, comme une bleusaille. Ce déséquilibre aura tôt fait de venir à bout de la patience de beaucoup de joueur, surtout en mode de difficulté normale où les équipes adverses peuvent se montrer intraitable. Celles-ci, par exemple, alignant les tirs à trois points, meurtriers, comme un moine bouddhiste égrène ses perles de chapelet à mesure qu’il fait ses prières quotidiennes !
Les bons côtés de la maniabilité tiennent au pad Gamecube, bien exploité. On reconnaît bien là la science du gameplay made by Nintendo. Car c’est sans aucun doute que Left Field Productions a pu bénéficier des conseils et directives très sagaces du grand patron en termes d’ergonomie de jeu. Le stick C (le jaune sur la manette) est précieux, comme dans bon nombre de jeux Gamecube conçus en exclusivité pour la console. Il peut servir à faire des passes en attaque avec plus d'aisance et en défense il permet de sélectionner le joueur qu'on désire contrôler plus rapidement. Les passes rapides ainsi exécutées manque un brin de précision mais permette de dynamiter un peu l’action et prendre de vitesse les lignes de défense adverse. Ce qui n’est pas de trop car sans cela, le rythme global du jeu est assez lent, voire même trop lent. L’animation, de qualité, manque tout de même de fluidité. Les développeurs ont probablement dû faire des concessions entre le réalisme de l’animation en motion-capture et la fluidité de déplacement de tout ce beau monde. Heureusement, ce manque de punch est couvert par le panel de mouvement possible, entre 360°, dribles et autres passes dans le dos, le recours à la star Kobe Bryant pour la mo-cap n’est pas galvaudé et a réellement servi à quelque chose.
Terminons ce test par l’évocation du mode de création de joueur. C’est toujours un petit plaisir bonus dans un jeu de sport ou de combat que de pouvoir créer son propre avatar, à son effigie, ou pas du tout (quand on est moche comme Darksly par exemple, on préfère ne pas tenter le coup). C’est complet, on peut presque tout faire. Coupe de cheveux, forme du visage, couleur du maillot ou des chaussettes… il est même possible de créer une équipe entière de A à Z, composée uniquement de joueurs personnalisés. Ceci, en plus du fait qu’il est possible au cours des saisons de drafter certains joueurs d’une équipe à une autre, saura ravir les petits coachs en herbe qui sommeillent en chacun de nous.
Aux USA, la concurrence sur Gamecube comme sur toutes les autres machines 128-bits étaient déjà rudes en 2002. En effet, des cadors comme NBA2K2 et NBA Street figuraient déjà dans les rayons des magasins. D’ailleurs, NBA Courtside 2002 manque du panache d’un NBA Street et de la maniabilité précise de NBA2K2, mais il n’en reste pas moins un bon jeu de basket. Premier du genre sur Gamecube en Europe, il a un peu mieux réussi à faire son trou dû à l’avantage que lui offrait le calendrier des sorties, vierge de concurrence pendant quelques semaines. Riche en mode de jeu, il faisait très bien honneur au hardware de la Gamecube dans son premier cycle de vie. Joli et bien animé, il reste néanmoins un peu lent et capricieux à manipuler, les phases défensives n’étant pas toujours très propres ni très efficaces au contraire des actions offensives beaucoup plus amusantes à jouer. Ajouter à cela des petits détails qui font plaisir comme la motion-capture de qualité, la présence des franchises officielles de la NBA et de commentateurs de renom et on obtient un jeu de basket tout à fait correct pour qui je porte beaucoup de sympathie malgré quelques couacs de gameplay.
À la suite de la sortie de Star Ocean 2, la vie de tri-Ace ne fut pas de tout repos. À vrai dire, il y eu comme une sorte de malédiction qui plana au-dessus de la tête du studio. Star Ocean 3 fut le premier projet du studio sur Playstation 2 et l’ambition était de mise, puisqu’il avait choisi d’avoir recours à une 3D totale. Cependant, bien des problèmes techniques vinrent entacher un développement déjà long et difficile. En résultera un jeu buggué et des griefs qu’Enix (alors éditeur de tri-Ace) et Sony (constructeur de la Playstation 2) ne cessèrent de s’échanger avec parfois pas mal de vindicte. Le jeu souffrira de cela et ne se vendra pas si bien qu’espérer. Pour calmer la grogne montante des joueurs, Enix commandera une ‘’director’s cut’’ du jeu qui ne fera qu’ajouter quelques cent soixante mille ventes au compteur d’un Star Ocean Till the End of Time bien moribond. Depuis presque toujours, les créateurs de Star Ocean se sont mis d’accord pour dire que la série devait être une trilogie, ainsi, il n’est pas question d’en créer un quatrième pour tenter de réparer ce petit écueil. C’est pourtant ce qui sera fait et tri-Ace, en la présence de Yoshinori Yamagishi (producteur de la série qui quittera brutalement la société en 2017) travaillera sur Star Ocean : The Last Hope (le quatrième, donc) sous la contrainte. Le développement se fera davantage dans la douleur que le troisième qui n’était déjà pas une sinécure, pour finalement aboutir à la sortie du jeu le 19 févier 2009, exclusivement sur XBOX 360 dans un premier temps. Les ponts avec Sony auraient-ils été définitivement coupés depuis le désaccord entre Enix et la multinationale japonaise concernant Star Ocean 3 ? C’était peut-être le cas à l’époque mais l’avenir changera la donne. En fait, ce qui nous intéresse ne se situe pas tout à fait ici.
En 2003, la fameuse fusion entre Squaresoft et Enix, - qui est en fait plutôt le sauvetage d’un Square criblé de dettes malgré l’avalanche de fantastiques jeu commercialisés, par un Enix financièrement sain au catalogue de jeux beaucoup plus timide et indigent - chamboule un peu tri-Ace. Comment me demanderez-vous ? À cette interrogation je répondrais qu’il ne faut pas oublier qu’Enix était l’éditeur privilégié de tri-Ace depuis la naissance du studio en 1995, ceci incluant donc tous les Star Ocean mais aussi Valkyrie Profile en 1999. Aussi, lorsqu’Enix devint Square-Enix, un homme du nom de Yosuke Saito prit la tête de la dixième équipe chargée de gérer les relations avec les partenaires extérieurs, entre autres chose. Pour prospérer, quelques objectifs prépondérants sont fixés à Square-Enix, notamment l’utilisation de propriétés phares mais aussi l’expansion à l’étranger et le développement commercial des produits dérivés. Sur ce dernier point, on ne peut nier que Square-Enix s’en est très bien sorti de 2003 à nos jours. L’expansion à l’étranger fut plutôt bien tenue également. L’utilisation des séries phares fut en revanche rapidement synonyme d’usine à gaz où certaines IP devinrent littéralement surexploitées, essorées jusqu’à l’excès. Yosuke Saito suivi la tendance, peut-être malgré lui, mais tout de même, et de son impulsion naquit Star Ocean 4 alors que tri-Ace n’en voulait pas forcément.
Déjà du temps de la Playstation 2, un peu avant la naissance de l’ogre Square-Enix, tri-Ace cherchait à se renouveler, à créer du neuf. Lorsqu’on a su à quel point la venue au monde de Star Ocean : The Last Hope se fit dans a douleur, on comprend que tri-Ace ne cherchait pas simplement à se renouveler. Le studio cherchait carrément à retrouver son souffle, il cherchait même à reprendre vie. Cette démarche se matérialisa avec plusieurs projets. Valkyrie Profile Silmeria, bien sûr, mais surtout Infinite Undiscovery sur XBOX 360 qui voulait tenter des choses, tester en conditions réelles le nouveau moteur maison du studio, et qui avait pour vocation chez tri-Ace de servir de laboratoire à idée. Hormis ces deux jeux précités, il y en avait un troisième qui tenait assez à cœur à Yamagishi et qui cristallisé bien le souhait du studio de ne pas se rendre dépendant de Star Ocean : Radiata Stories. En effet, Radiata Stories devait être un jeu plus orienté grand public que Star Ocean, des dires de Yamagishi. "Nous voulons que Radiata Stories soit le pendant fantasy de Star Ocean, avec un ton plus léger, qui s’adresse à un public moins niche car plus proche des séries animées." Disait-il en fin d’année 2004 lors de l’annonce du projet.
La légèreté chères aux séries animées évoquées par Yamagishi, on la retrouve effectivement bien dans l’ambiance et le scénario du jeu. Le jeune héros, Jack Russell, dont le papa (prénommé Cairn, vachement classe) était un célèbre chasseur de dragon, désire suivre les traces de son paternel et cherche à s’engager dans les rangs des chevaliers de Radiata, la grande ville de la région. Cela étant dit, Jack est un peu un branleur, quand même, dès le début de son aventure, on le retrouve au pied du lit, avec un nounours en peluche dans la main, en train de se frotter nonchalamment les yeux comme une chouineuse. Sa grande sœur est carrément obligée de lui botter les fesses pour qu’il se motive et arrête de faire l’enfant pourri gâté. Tu parles d’un héros. Sa cancrerie sera sévèrement punie quand, lors de la finale des phases de recrutement des chevaliers de Radiata, il croisera la route de Ridley Silverlake, héritière d’une noble famille qui voue sa vie à servir Radiata et dont la mission d’appartenance à ses chevaliers est des plus sacrées. Vous imaginez bien que la jeune fille est donc bien mieux préparée à cette épreuve que ce blanc-bec de Jack, tire au flanc et bravache. Sans surprise, Ridley file une rouste à Jack. Serait-ce fini ? Bien sûr que non, sinon ce J-RPG n’aurait aucun sens. Mais au moment de déclarer les vainqueurs, stupéfaction ! Les deux sont admis parmi les chevaliers de Radiata. En effet, Jack, étant donné son accointance familiale (il est le fils d’un célèbre chasseur de dragon, on le rappelle) a une chance supplémentaire de faire ses preuves en rejoignant les rangs. Quel fils de… celui-là ! S’en suivra de folles aventures où les deux protagonistes aussi différents et opposés que le soleil et la lune serviront Radiata jusqu’à un incident diplomatique avec le peuple des elfes où Ridley s’en sortira indemne, mais de justesse. Jack, tenu pour responsable sera chassé des chevaliers de Radiata et devra s’en sortir au sein d’une guilde de mercenaire pour définitivement prouver qu’il n’est pas qu’un plouc tout juste bon à geindre dans les jupons de sa sœur.
Dans leur relation et leur écriture, Jack et Ridley me font penser à Rue et Mint de Threads of Fate, déjà testé dans nos colonnes. À ceci près que Jack est un peu plus marqué en termes de caractère que la coquille vide et muette qu’était Rue. Il a une grande gueule le Jack, mais encore tout à prouver, ce qui donne souvent des scènes dynamiques et des échanges caustiques à mourir de rire entre les divers personnages. Des personnages, d’ailleurs, il y en a des tonnes dans Radiata Stories, et ce qui fait le sel du jeu, c’est qu’un nombre incalculable d’entre eux peuvent être recruté pour combattre à nos côtés. Bon, en fait, pas si incalculable que cela puisqu’on sait qu’il y en a 177, ce qui est impressionnant. Les Suikoden comportent 108 combattants, pour vous donner un point de comparaison. Évidemment, tous ne sont pas franchement digne d’intérêt, certains sont présents pour offrir au jeu une ambiance drôle et second degré, beaucoup de personnages puissants et charismatiques sont également difficiles à obtenir. Mais tout ceci, personnages faibles et ridicules comme véritables monstres de force servent un univers qui se veut incroyablement cohérent dans sa construction et dans sa gestion du temps. Car oui, le temps est primordial dans Radiata Stories, et les individus de ce monde féerique y sont pleinement soumis. Yamagishi disait que l’équipe désirait tenter de se rapprocher de quelque mode de fonctionnement d’un MMORPG, sous-genre ambitieux tant d’un point de vue narratif (direct ou indirect) que d’un point de vue jouabilité qui commençait à se faire entendre au milieu des années 2000. Ainsi fut offert à Radiata Stories un cycle de jour et de nuit qui commande aux agissements et comportement de quasiment l’intégralité du jeu.
Concrètement, vous pouvez vous balader dans la ville et simplement patienter pour voir comment tel ou tel PNJ se comporte selon le moment de la journée. Amusez-vous carrément à suivre un PNJ donné pour voir l’ensemble de son quotidien ! Un petit écolier sera en classe le matin, et ira s’amuser dehors dans l’après-midi, l’algorithme fera prendre toujours la même place aux enfants de l’école face à leurs pupitres, comme de véritables étudiants. Le marchand du coin fermera son échoppe le soir venu, comme dans Fable. Les gardes de la ville feront une ronde pour allumer les lampadaires de leurs lueurs rassurantes, tandis qu’on ne pourra pas rentrer chez n’importe qui comme on a l’habitude de le faire dans tous les RPG du monde pour piller armoires et coffres cachés. Il faudra attendre un certain moment de la journée que l’occupant de la maison s’éclipse pour vaquer à ses occupations afin de tenter quelque chose. Dans bon nombre des endroits à visiter du jeu se trouvent souvent un moyen de se renseigner sur l’heure qu’il est. Une horloge, un PNJ qui vous parle, la position du soleil tout simplement, ou au pire des cas, la touche L1 qui vous informera aussitôt. Se maintenir informé du temps qui passe est nécessaire à bien des égards car nul doute que si vous vous laissez happer par le merveilleux monde de Radiata Stories, vous ne verrez pas les minutes défiler. Et pourtant, c’est inéluctable, et parfois le temps passe si vite qu’il vous impose des évènements importants pour faire avancer le scénario, faisant réagir en conséquence presque tous les personnages non jouables alentours. Un véritable écosystème de vie simulée s’organise dès lors autour de Jack, c’est bluffant et incroyablement immersif. Cela a dut réclamer une masse de travail phénoménale afin d’écrire les routines comportementales et programmer les intelligences artificielles (sommaires, mais nombreuses) de chaque PNJ afin de donner vie au jeu. Il faut le voir de ses propres yeux pour parfaitement se rendre compte de la tâche accomplie. Félicitation tri-Ace !
Le temps qui passe sera un atout ou un obstacle pour le recrutement des nombreux personnages combattants du jeu. Cette quête annexe prendra d’ailleurs tant d’importance qu’en fin de compte, il se pourrait bien qu’elle constitue le gros du jeu. On prend en effet, et assez vite, un malin plaisir à essayer de recruter un guerrier, d’abord en se renseignant sur son mode de vie et ses habitudes, puis ensuite en tentant de répondre à ses besoins et ses exigences. Parfois, un personnage vous réclamera un service, un cadeau ou quelque chose comme cela pour rejoindre votre équipe. Parfois, il faudra lui botter le cul, genre littéralement, avec un gros coup de pied pour le provoquer, lui maraver sa tronche, et l’enrôler quasiment de force. Cependant, prenez garde, car bon nombre de PNJ n’ont pas l’air comme ça, mais ils peuvent vous surprendre. Un fanfaron de la garde de nuit en armure ploiera sous le poids de votre épée en moins de temps qu’il n’en faut à Voxen pour estimer le tour de poitrine de Lara Croft ; mais le grand prêtre Kain, que l’on pense pacifique et inoffensif car ecclésiastique, dispose de statistiques défiants toute concurrence et pourrait bien vous envoyer ad patres !
C’est une occasion supplémentaire de dire que le monde de Radiata Stories et bourré de personnages sympathiques et très différents les uns des autres. Des estudiantins en magie, des chevaliers ratés, des adeptes de la flagornerie en toutes circonstances, des casse-cous qui ne réclament que d’être remit gentiment à leur place, des moines, des savants, des aristocrates menteurs et tartufes, des ivrognes, des cuistots et des fermiers… bref, c’est une véritable brochette multicolore que nous propose de découvrir le jeu. D’ailleurs, l’embrigadement de tout ce beau monde vous tiendra d’autant plus en haleine que tout ne pourra se faire au début du jeu. En effet, puisque Jack n’est qu’un marmouset au début de son aventure, il lui faudra accomplir des actes de bravoure retentissants dans tous le royaume pour se tailler une réputation de bonhomme poilu et viril, histoire d’attirer à lui autre chose que les péquenauds et les faibles d’esprit. Recruter le puissant chef d’une guilde adverse à l’autre bout du monde ne se fera pas d’un claquement de doigt ! Bref, un véritable jeu dans le jeu, passionnant et véritablement plaisant à jouer.
Jack a un comportement bien déterminé et un caractère propre, ça, on le sait désormais. À tel point que ce freluquet n’a de cesse de filer des coups de tatane dans tout et n’importe quoi pour examiner son environnement ou simplement s’adresser à quelqu’un. C’est rigolo, multifonction, et ça colle bien à l’ambiance générale du titre. C’est aussi ce qui mènera bien souvent aux combats, dont nous allons d’ailleurs parler dès à présent. Parce que bon, quand même. Radiata Stories prend la forme d’un Action-RPG, relativement similaire à Star Ocean 3, au moins de loin. Malheureusement, on va immédiatement évoquer un petit bémol avant d’entrer en profondeur dans le système de jeu. Les 177 personnages qu’on peut recruter dans notre équipe ne sont pas jouables, ils ne feront qu’assister Jack dans les combats, ils seront gérés par l’intelligence artificielle. Seul Jack reste l’avatar privilégié du joueur. Quand on a la possibilité d’enrôler des acteurs aussi remarquables que Caesar, Dynas, Morgan ou encore Nyx, c’est tout de même fâcheux de n’en profiter qu’au travers d’une utilisation automatisée et sur laquelle nous n’avons aucune influence. Heureusement, le système de combat est suffisamment dynamique et intéressant pour qu’on n’ait pas l’impression de s’ennuyer aux seules commandes de Jack. Ce dernier, aussi gringalet semble-t-il est capable d’apprendre. Un vaste panel d’arme est utilisable, de l’épée classique à la grosse hache en passant par la fourche de fermier. Mais au début, Jack ne maîtrise qu’un seul genre de coup, qu’on appellera coup numéro 1 pour les besoins de l’explication qui suit.
Parmi les trois caractéristiques d’une arme, il y a les CP, variables selon l’arme et la maîtrise de cette catégorie d’arme par Jack. Chaque coup consomme un certain nombre de CP, sachant que de toute façon, un combo ne pourra contenir que cinq coups au maximum. Si le seul et unique coup que Jack maîtrise consomme 1 CP, et que son épée en possède 10, il ne consommera de toute façon que 5 CP (5 coups, multipliés par le coût en CP de chacun, soit 5 CP). Maintenant, prenons l’exemple de l’apprentissage d’un nouveau coup qui coûte 3 CP. On pourra configurer dès lors une suite de coup automatisée que Jack assènera à sa cible selon plusieurs variantes, comme par exemple : coup numéro 1 (1 CP), coup numéro 2 (3 CP), coup numéro 2 (encore 3 CP), suivi d’un ultime coup numéro 1 pour un total dépensé de 8 CP. Cela à ses défauts et ses avantages. Tout d’abord, il faut savoir que Jack se dirige vers la cible sélectionnée automatiquement dès lors qu’on enclenche une succession de coup et que celui-ci ne s’arrêtera que de façon très spéciale. Soit il prend un coup suffisamment puissant pour le stopper dans son élan, soit il rate sa cible, soit on intervient pour lui donner une toute autre directive. Car oui, il peut rater sa cible, selon le coup porté notamment. Si le coup numéro 2 repousse le monstre adverse en arrière, Jack n’aura pas le réflexe de revenir au contact avant de porter le coup suivant qui de ce fait portera dans le vide et cassera le combo en cours ! Il faut donc veiller à configurer l’enchaînement de manière à ce que les coups qui propulsent les adversaires au loin se fassent en bout de chaîne ! C’est con, mais ça peut être déterminant dans la maîtrise du système de combat et éviter bien des frustrations.
Outre cela, et puisqu’on est dans un digne J-RPG, les armes ont souvent des effets notoires tels que le poison, le gel ou la brûlure, afin d’ajouter un peu de piment et de stratégie autour des caractéristiques élémentaires de chaque monstre. Aspect stratégique suppléé par le sempiternel lot de compétences passives et actives (protection contre le poison, soins plus performants, etc.) que Jack apprend au fur et à mesure. Deux autres types d’attaques spéciales sont disponibles. D’abord le Volty Blow qui consomme 10 points d’une jauge spécifique à celui-ci, et qui occasionne des dégâts modestes mais pas inintéressants. La seconde technique est le Volty Break, qui consomme l’intégralité de la jauge qu’on remplit au fur et à mesure des coups classiques portés. Pour maîtriser un Volty Break, il faut également et impérativement maîtriser la catégorie d’arme qui lui est affiliée. Une fois toutes ces sujétions accomplies, on débloque une attaque dévastatrice. Enfin et pour finir, il existe des attaques appelées Links. Ces Links sont des attaques unifiées réunissant les quatre combattants présents sur le champ de bataille à l’instant T et ont des effets assez variés pour un finish souvent impressionnant. Soigner un allié en mauvaise posture, changer de formation pour favoriser la défense, charger l’ennemi le plus fort du groupe adverse, déchaîner les éléments, attaquer et se téléporter pour se mettre à l’abri, etc. Bref, les Links sont certainement les attaques les plus efficaces du jeu.
Ces Links sont d’autant plus intéressants qu’on en débloque selon les personnages qu’on arrive à embarquer dans notre aventure. Encore une bonne raison de s’improviser agent pôle-emploi de Radiata en essayant de recruter un max de protagonistes divers et variés. Globalement, le jeu est fun, suffisamment énergique et facile d’accès pour contenter bien des joueurs et ne pas lasser au bout d’une quarantaine d’heures de jeu. Heureusement, car il faut avouer que certaines quêtes et missions qu’on vous refilera dans les guildes de mercenaires ne sont pas des plus passionnantes, même si elles vous feront voir du pays.
Transition toute trouvée pour vous parler des graphismes du jeu. Avalanche de superlatifs et de compliments en approche, mon capitaine. Accrochez-vous à vos slips. Radiata Stories est le plus beau jeu de la Playstation 2 ! Boum, voilà, c’est dit. Bon, j’exagère, comme souvent, ce n’est peut-être pas le plus beau, mais on ne peut décemment pas nier qu’il bénéficie d’une plastique extrêmement avantageuse. Raccord avec les déclarations de Yamagishi et son souhait de faire de Radiata Stories un jeu à la bonne ambiance communicative, le soft se pare d’une direction artistique léchée à souhait. La splendeur de l’aspect cel shading répond haut la main aux productions de Level 5 parut dans les mêmes eaux, lui octroyant cette parenté avec les animés évoqués par le producteur. Les environnements de Radiata Stories se constituent principalement de décors naturels à l’aménité évocatrice puissante. Il suffit de gambader dans les plaines, de franchir une rivière aux friselis purs et innocents à l’aide d’un tronc d’arbre vermoulu et de côtoyer le soleil couchant en fond pour se convaincre de la beauté graphique du titre. Le cycle jour/nuit apporte en sus une variété de ton et d’ambiance dans chacun des décors qui n’est pas pour déplaire. La douceur vespérale qui couvre la ville de Radiata a ce petit quelque chose de chaleureux et de confortable qui fait du bien. On tombe en pâmoison devant chaque ornement. Les animations rigolotes et parfois très caractéristiques des nombreux PNJ donnent vie à un panorama brodé avec passion. Les PNJ qui, par ailleurs, ont tous un design unique. Aucun n’est le clone d’un autre, ce qui, en 2005 ou en 2020, reste relativement rare et donc assez plaisant pour être souligné. Et comme le diable se cache dans les détails, on est heureux de constater que les armes et armures qu’on équipe à Jack contribuent à son design puisque le tout s’affiche en direct sur le personnage. Là encore, c’est tout bête, mais finalement, si peu de RPG le font que ça en devient une belle surprise à mettre au crédit de celui qui ose !
L’épuration côtoie le pastel. Les intérieurs essayent d’être vrais, car pleins de petits objets sont disséminés dans les salons des maisons pour représenter la vie des individus peuplant Radiata. Les châteaux et palais rivalisent de dorures, de motifs et de fastes. Les modélisations 3D, même celles des plus anodins badauds non jouables sont autant d’actes d’ostension de la maîtrise absolue de tri-Ace du hardware Playstation 2. Les ralentissements se font rares, pour ne pas dire inexistants, y compris durant les joutes les plus explosives. Et si on peut éventuellement reprocher un timide effet de crénelage typique du monolithe noir de SONY, ainsi qu’un certain vide dans les arènes de combat, on ne peut définitivement pas faire la fine bouche devant tant de prestance. Radiata Stories est somptueux. Tel un trésor immarcescible, exposant ses effets spéciaux, ses paysages grandioses et ses personnages chatoyants comme autant de feuilletis de diamant finement ciselés, le one shot de tri-Ace brille véritablement de mille feux.
Face à cet amoncellement de qualificatifs dithyrambiques, on se demanderait presque si Radiata Stories ne serait pas le meilleur jeu de la Playstation 2. Bien sûr que non, d’abord parce que tout est relatif et il serait objectivement très difficile d’élire un titre à ce rang. Et puis aussi parce que ces magnifiques graphismes et son ambiance enjôleuse cache bien des petits tracas. Le gameplay décrit plus haut, - notamment celui englobant les combats - peut être vu comme un prototype de Star Ocean 3 (paradoxale, puisque ce dernier étant sorti avant) car un peu moins profond. Le scénario a tendance à se tasser à partir du premier quart du jeu pour se placer en filigrane. Comme si la quête annexe du recrutement des innombrables protagonistes tentait de se suffire à elle-même et que l’histoire véritable ne parvenait pas à tenir son rôle. Dommage, car on peut y voir un potentiel énorme. À la suite de l’accident que subira Ridley lors d’une mission avec Jack par exemple, on assiste à des mystifications politiques entre les puissants du monde de Radiata Stories. Des querelles aux acres relents de guerre ethnique avec des notions de racisme latent, de quoi nous rappeler d’autres genres de scénario aux facettes adultes et intéressantes comme celui de Tales of Symphonia, usant des mêmes ficelles et même thèmes avec néanmoins beaucoup plus de volonté. Dommage que le scénario de Radiata Stories n’aille pas au bout des choses et se contente de couler doucement sans faire de vague jusqu’à la fin, en dépit d’un embranchement scénaristique en deux parties distinctes vers la moitié du jeu qui encourage à la rejouabilité. Quand on termine Radiata Stories, on a un goût d’inachevé en bouche. On se rend compte qu’il a un début, une fin, mais pas de milieux !
Aussi, le système qui régit la vie dans le jeu peut être déroutant. Le cycle de jour et de nuit permet l’animation des PNJ et l’immersion dans un monde vrai, mais cela occasionne quelques soucis avec les missions proposées par les guildes et surtout notre gestion du jeu. Il m’est arrivé par exemple de déclencher l’avancement du scénario principal par inadvertance (il suffit parfois d’aller dormir une nuit, ou de parler à un PNJ clé sans qu’on sache réellement si ça va faire subitement bouger les choses ou non) pour ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire. Se faisant, les missions annexes proposées par les guildes de mercenaires ne sont plus disponibles et on loupe l’occasion d’assister à quelques cut-scene ou de gagner des équipements intéressants. Parfois, l’avancement forcé du scénario perturbe également tout ce qui concerne les PNJ, leurs habitudes, leurs emplacements, la façon dont on peut les recruter, etc. En soi, ce n’est pas un mal si on se prête au jeu et si remuer ciel et terre pour convertir chaque PNJ à notre cause nous plaît. Mais si cela nous effraie à chaque seconde d’entamer la moindre action ou conversation sous peine de faire avancer de force le scénario, ce qui ruinerait une partie des quêtes annexes qu’on n’a pas encore eu l’occasion de découvrir, ce n’est pas la peine. Dans un RPG, le joueur aime souvent prendre son temps pour découvrir, s’immerger. Mais quand le scénario impose sa progression au détriment des quêtes annexes et des besoins élémentaires du joueur de s’installer dans son univers, ça peut devenir problématique.
Autre petit point qui peut déplaire : les musiques. Elles ne sont pas atroces, bien au contraire. Le compositeur qui s’en assure n’est pas le célèbre Motoi Sakuraba, bien connu chez tri-Ace et ailleurs (Star Ocean, Valkyrie Profile, Baten Kaitos, la majorité des Tales of, Eternal Sonata, Dark Souls, et une douzaine de tonnes d’autres soft) mais Noriyuki Iwadare dont on a déjà parlé puisqu’il s’agit de l’homme derrière les musiques de Grandia. Les travaux d’Iwadare sont de qualités mais probablement pas aussi inoubliables que sur Grandia. Les thèmes sont raccords à l’ambiance, souvent enjoués et agréables à l’écoute ingame, mais sans plus. Ça manque de pêche, de grandiose, et ce malgré un sound design très drôle à base d’onomatopées et de divers bruitages accentuant chaleureusement le comique du jeu, qu’il soit de situation ou visuel. À noter, qu’il y a trois reprises de Sakuraba, arrangées par Iwadare, dont les traditionnelles "Mission to the Deep Space" et "The Incarnation of Devil" déjà entendues sous diverses formes dans Star Ocean 2 et 3 puis dans Valkyrie Profile. Radiata Stories ne dément pas son affiliation à la belle et grande famille vidéoludique de tri-Ace puisqu’il est également possible de croiser Lenneth et Gabriel Celesta, très bien cachés, tandis qu’on peut se procurer les costumes de Fayt Leingod (Star Ocean 3) ou Claude C. Kenni (Star Ocean 2). Des clins d’œil qui feront plaisir aux fans, assurément.
Bilan de ce Radiata Stories ? C’est un jeu surprenant à bien des égards. La volonté d’accomplir un one shot, ou à tout le moins de sortir du carcan Star Ocean pour le studio tri-Ace est ici manifeste. Ce n’est pas déplaisant, d’ailleurs. Les promesses, si tant est qu’il y en ait eu, sont tenues. Le jeu est nécessaire dans la ludographie de tri-Ace qui montre que leur talent peut se conjuguer de bien des façons et que Star Ocean n’est définitivement pas la seule étoile de leur catalogue.
tri-Ace porte au périgée de son hardware une Playstation 2 qui compte à sa déjà exceptionnelle ludographie un bijou supplémentaire en la présence de Radiata Stories. Plus tendre, plus intimiste que les grandes épopées explosives et grandiloquentes de Star Ocean ou Final Fantasy, Radiata Stories expose surtout sa fraîcheur et son ambiance succulente servant un scénario certes en retrait mais aussi un gameplay efficace quoique manquant sûrement d’un peu de profondeur. L’expérience est en tout cas très agréable à vivre, l’immersion est extrêmement soignée via une foultitude de détails, le comique et le soin apporté au jeu sont communicatifs. Et malgré ses quelques couacs et éléments perturbateurs (une bande-son pas si délectable que cela, un cycle de temps qui presse un peu le déroulement de l’aventure, un scénario intéressant mais un peu feignant…), Radiata Stories a une aura et un attrait inexplicable. Il empli de joie et d’entrain le cœur du joueur, on prend un réel plaisir à y jouer. Sans prise de tête, sans superflu. À tel point qu’on parvient à lui pardonner bien des choses.
tri-Ace devrait renouer avec ce genre d’univers bon enfant et sucré, plutôt que de persister avec notamment un Star Ocean V aussi froid qu’impersonnel, dut à une mise en scène inexistante et à des personnages si pas antipathiques, en tous les cas plutôt inintéressants. On n’en a rien à foutre de ce que l’ont fait dans Star Ocean V puisque de toute façon l’histoire est exposée de telle sorte que le joueur ne se sente à aucun moment intégré à celle-ci, d’aucune façon. L’immersion et les petites choses qui font vivre le monde de Radiata Stories sont l’exact opposé de l’échec de Integrity and Faithlessness (paye ton nom de pédant en plus de ça !). Alors si jamais vous me lisez, messieurs de chez tri-Ace (lol), réfléchissez à ce qu’offrait Radiata Stories en 2005, peut-être que la clé est là.
De très nombreuses fois, et régulièrement, bons nombres d’entre vous sur Gamekyo vantaient les mérites de The Legend of Dragoon. Lorsqu’un article believe du genre ‘’quelle suite souhaiteriez-vous ?’’ ou encore ‘’Sony prépare plusieurs annonces secrètes’’, c’est infaillible, The Legend of Dragoon (un second opus ou un remake du premier) montrera le bout de son nez aux côtés d’autres fantasmes vidéoludiques comme Resident Evil 2 remake (ah bah non, on l’a déjà lui), Final Fantasy VII remake (ah, on l’a aussi…) ou encore Half-Life 3 (ah, lui c’est sûr on ne l’a pas, hein Shanks ?!). C’est vraiment un des immanquables qui prend souvent rendez-vous lorsqu’il s’agit de titiller la fibre nostalgique et qui cristallise bien des utopies. Mais alors que l’on sait très bien qu’un Final Fantasy VII ou un Resident Evil 2 mérite haut la main ce genre d’insistante petite lubie de fanboy en manque, qu’en est-il de The Legend of Dragoon ? Mérite-t-il vraiment qu’on réclame autant à cor et à cri un remake ou une suite de ce jeu produit par Sony, qui semble depuis perdu dans les limbes des productions uniques n’ayant jamais eu la chance de voir quelconque descendance arriver dans nos magasins de jeux vidéo favoris ? La question mérite clairement d’être posée !
On ne le répétera jamais assez, mais quand Final Fantasy VII est sortie en 1997, c’était un séisme dans le monde du jeu vidéo et plus particulièrement dans le domaine du RPG japonais. Il me faudrait un article complet (et très long) pour parler de l’impact qu’a eu FFVII, d’un point de vue symbolique autant que commercial et créatif sur toute l’industrie. Aussi, là n’est pas tout à fait le sujet. Toujours est-il qu’à l’instar d’un Super Mario Bros., qui dès 1985 commençait à faire beaucoup d’envieux qui tentèrent de créer leurs petites mascottes rigolotes/anthropomorphes/cartoonesques pour essayer de rafler la mise, beaucoup de studios (et parmi les plus renommés) ont flairé la bonne affaire très en vogue à la fin de la décennie 1990, à savoir le RPG. Capcom avait déjà pris le train en route il y a plusieurs années avec Breath of Fire ; Konami et Namco un peu plus tard avec respectivement Suikoden et Tales of Phantasia ; SEGA avait déjà financé un vaste programme de ‘’réarmement’’ en matière de J-RPG de sa Megadrive, désavantagée dans ce secteur face à la Super Nintendo. Même Sony, qui pourtant avait déjà de nombreux gros titres tiers dans son giron mettait la main à la pâte et n’hésitait pas à éditer des projets en occident (Final Fantasy VII, justement) ou carrément les produire (Wild Arms, Arc the Lad). De là à dire qu’à la fin des années 1990, la tête de Squaresoft, roi du monde, avait été mise à prix, il n’y a qu’un pas. Tout le monde voulait se payer une part du gâteau. Il n’y a guère que Nintendo, comme d’habitude, qui allait à contre-courant avec leur Nintendo 64 assez peu pourvue en J-RPG.
D’ailleurs, The Legend of Dragoon, dont le développement débute en cours d’année 1996 est dirigé par un ancien de chez Squaresoft : Yasuyuki Hasebe, ayant déjà tenu quelques rôles mineurs sur Super Mario RPG et Final Fantasy VI. Cet homme, à la tête d’une petite équipe verra rapidement ses effectifs croître jusqu’à atteindre la centaine d’employés. Pour l’époque, c’est assez exceptionnel, y compris chez un éditeur/constructeur tel que Sony. Encore une fois, seul Squaresoft été capable d’une telle démesure pour produire un J-RPG en ces temps. D’ailleurs, l’analogie avec les jeux de Squaresoft ne s’arrête pas là. Et quand on a connaissance de ce qui fait les éléments constitutifs de The Legend of Dragoon, on comprend pourquoi il fut tant apprécié par un noyau dur de fans, occidentaux en particulier. Pour commencer, le scénario ne tarit pas de moments épiques, il garantit un rythme de tous les instants et dissémine un joli lot de scènes cinématiques en images de synthèse toujours très impressionnantes. Le total en minute n’est pas à la hauteur de l’heure de cinématique d’un Final Fantasy VIII ou IX, mais la qualité cinématographique est au rendez-vous. Le scénario, dans les grandes lignes, est particulièrement convenu et là encore, on n’a aucun mal à faire le parallèle avec presque n’importe quel Final Fantasy sorti entre 1991 et 1999. Shana, la meilleure amie du héros, Dart, est enlevée par l’empire Sandor, qui a tout d’un empire puisqu’il est totalitaire, tyrannique et mené par des êtres assoiffés de pouvoir prêts à toutes les destructions pour assouvir leurs fantasmes. J’en veux pour preuve qu’ils n’ont kidnappée qu’elle, mais qu’ils n’ont tout de même pas omis de foutre le feu au village de Dart en guise de cadeau bonus, totalement gratuit. Dart, qui possède une relique renfermant les pouvoirs du dragon aux yeux rouges (non, non, rien à voir avec Yu-Gi-Oh !) et n’écoutant que son courage décide de voler au secours de son amie. Sur le chemin, il devra bien entendu découvrir jusqu’à six autres artefacts pour réunir les dragons de la légende et vaincre l’empire maléfique.
Tout y est, ou presque. Les méchants contrôlés par un méchant encore plus méchant (comme Vador qu’on découvre guidé par l’Empereur, ou Golbeze dont l’ombre ne cache que Zeromus, le véritable mal absolu de Final Fantasy IV) ; le village en feu qui marque le point de départ de tout voyage initiatique (manquerait plus que Dart soit amnésique) ; le protagoniste dont on attend le ‘’je suis ton père’’ (ou en l’occurrence le grand-père, avec Haschel et Dart) à tout moment ; l’ami qui se sacrifie en plein milieux de l’aventure à la manière d’une Aerith… Cependant, force est de constater que The Legend of Dragoon fait bien les choses. Les enjeux sont régulièrement renouvelés et l’aventure demeure tout à fait palpitante. C’est une grande épopée, plein de poncifs mais dont le sens du rythme a de quoi toiser du regard même les plus grands.
La représentation graphique reprend le même schéma que celui établi par la saga au double F. Des personnages en 3D dans des décors en 3D précalculée (ou 2D si vous préférez). La Playstation en a fait son fer de lance pour beaucoup de jeux très ambitieux qui en 3D auraient été beaucoup trop lourds et coûteux à modéliser. Les Resident Evil notamment ont très bien sut tirer parti de cette technique. Tandis qu’Enix s’essayait à la full 3D avec son Dragon Quest VII, à ses risques et périls. Outre une mise en scène grandiose, The Legend of Dragoon propose des décors vraiment soignés et une modélisation tout à fait honorable. Sony maîtrise son sujet et sa console, l’exigence d’un visuel fignolé, digne d’un AAA (même si à cette époque, le terme n’était pas employé) était déjà présente. Malheureusement, la technique de haute volée ne côtoie hélas qu’un gameplay sympathique, abordable, mais relativement creux sur la durée et plein de fausses bonnes idées.
Qui dit RPG dit combat, des tonnes de combat en l’occurrence, dans un J-RPG, c’est la norme. Les combats se déroulent au tour par tour sans aucune jauge qui se rempli au fur et à mesure du temps qui passe, on est sur du Final Fantasy X avant l’heure si vous préférez. Deux choses vont vous sauter quasi immédiatement au visage dès les premiers combats. Tout d’abord, l’absence d’une option magie. En effet, aucun personnage ne peut en maîtriser d’ordinaire. En lieux et place, vous pourrez balancer des objets offensifs qui utiliseront les éléments (eau, feu, vent, terre, lumière, ténèbres, foudre et néant), mais de véritables magies pourront tout de même être utilisées, j’y reviens un peu plus tard. La seconde chose qui frappe et qui offre un peu de saveur à ce système de combat simpliste, ce sont les combos. En fait, en choisissant l’option d’attaque classique, vous ne resterez pas passif tant que l’animation d’attaque se fera, sous peine d’occasionner des dégâts assez minimes à votre adversaire ! Au lieu de cela, le jeu vous demandera d’appuyer au bon moment sur les touches adéquates de votre manette pour valider un enchaînement de coups qui gonflera le montant des dégâts réalisés. C’est simple et efficace, ça donne lieu à de belles animations rappelant le furieux Renzokuken de Squall dans Final Fantasy VIII. Plusieurs combos, de 3 à 7 selon les protagonistes seront à débloquer au fur et à mesure du gain d’expérience et ceux-ci se feront plus complexes en fonction de leur puissance. Expérience qu’il faudra d’ailleurs collecter principalement via les boss, en général relativement aisé à appréhender mais généreux en xp, plutôt qu’avec les monstres ordinaires qui ne donnent que peu de récompense. Les monstres faibles servent en revanche à autre chose et là entre en compte une autre petite singularité du système de jeu : le mode défense. Ce n’est pas tout à fait inédit car les FF ou Breath of Fire le font déjà, mais pas de la même façon. Se placer en mode défense dans The Legend of Dragoon divise les dégâts reçus par deux, invariablement, et en plus régénère une petite somme de point de vie. Utile lorsque vous êtes à cour d’objet curatif et que vous devez recharger les batteries. Cette tactique est à utiliser contre des monstres faibles, donc, puisque le boss vous occasionnera généralement trop de dégâts pour que le petit soin soit réellement efficace.
Le dernier morceau du système de combat qui a clairement fait son effet à l’époque, ce sont les transformations en Dragoon, ces chevaliers mythiques habités par les infernales puissances magiques de dragons ancestraux. Dès lors qu’on opte pour cela, notre combattant se meut en une entité tout en armure du plus bel effet, la direction artistique est encore aujourd’hui agréable à l’œil. Ça leur donne l’air de véritable chevalier d’Athéna en armure divine, ou en tout cas, on se plaît à le croire. Revêtu de cette armure, Dart, Rose et consort obtiennent une puissance dévastatrice et maîtrisent enfin de véritables magies, malheureusement en nombre très limité. Les magies épuisent vite les réserves d’énergie du personnage et au bout de deux ou trois sorts, il faudra donc se rabattre sur les attaques physiques.
The Legend of Dragoon désire en foutre plein les mirettes. D’abord avec des graphismes haut de gamme et un déluge d’effets spéciaux de tous les instants (bordel, les transformations en Dragoon, ou les super magies qu’on peut balancer sous cette forme…) mais aussi avec un système de combat facile à assimiler, avec quelques commandes claires et surtout un éventail d’action qui dynamisent énormément les combats. En soi, l’idée des combos est bien pensée, ça contribue à donner une sorte de chorégraphie aux joutes qui s’en sortent électrisées et visuellement épatantes. Mais dans le fond, et après quelques dizaines d’heures de jeu, on déplore quelques couacs. Ce sont les fausses bonnes idées dont je vous parlais plus haut. D’abord, les nouveaux combos s’apprennent à mesure que vous maîtrisez et répétez les anciens. Si bien que si vous ne parvenez pas à correctement enchaîner les touches qu’on vous demande, vous ne verrez jamais le combo suivant. Certains combos parmi les plus complexes peuvent donc être pénibles à réaliser à répétition pour avoir le droit d’utiliser le suivant, et après avoir utilisé 25 fois le même enchaînement, on comprend qu’on puisse être lassé. La solution la plus évidente aurait été de rendre disponible au moins deux ou trois combos différents par pallier, histoire de ne pas tourner sur le seul et unique combo du niveau pendant des heures. Heureusement, chaque personnage aura sa manipulation et son rythme propre, ce qui casse la monotonie des enchaînements.
Cependant, et on s’en rend compte bien vite, c’est presque l’intégralité du système de combat que je vous ai décrit dans ces quelques derniers paragraphes. The Legend of Dragoon repose sur ses combos et ses Dragoon. Plutôt faibles comme panel d’option. Les armes upgraderont vos statistiques de façon très classiques et seront à acquérir régulièrement au marchand du coin, mais ne comptez pas sur une forge ou tout autre moyen de craft pour vous procurer une épée qui sorte un peu de l’ordinaire : ça n’existe pas dans The Legend of Dragoon. De plus, étant donné que les personnages ne maîtrisent aucune magie hormis avec un objet et leurs capacités de Dragoon, il n’y a aucun sortilège de soutien ou de défense. Pas de bouclier, ou de maléfice pour rendre confus ou aveugle le monstre d’en face, ce qui réduit considérablement l’approche tactique de tous les combats du jeu, surtout ceux contre les boss. D’ailleurs, souvenez-vous, je vous ai dit que les magies qu’on pouvaient utiliser s’utilisaient comme des objets. Autre idée qui brille par son incohérence et la frustration qu’il évoque en nous : l’inventaire extrêmement restreint. 32 objets au total pourront être transportés à la fois, si bien que les objets de magies côtoieront une paire d’objets curatifs (qui seront naturellement prioritaires, puisqu’il n’y a que comme ça qu’on peut se soigner efficacement entre deux combats). Le manque de place inexplicable de l’inventaire se fera bien souvent en dépit des objets magiques si bien que vous ne risquez pas réellement d’utiliser les magies très souvent, vraiment dommage !
Le soft de Sony ne comporte pas non plus d’attaques combinées, alors que cela aurait été de bon ton puisqu’on dénombre dans notre équipe beaucoup de protagonistes partageant des pouvoirs de même nature (les Dragoon). Puisqu’il n’y a pas réellement de magies ou de compétences, il n’y a guère d’option d’exploration non plus. Pire, l’open world cher à bon nombre de puristes du RPG n’est en fait ici qu’un tracé en pointillé qu’on nous impose entre deux lieux clés. Autant dire qu’on n’est jamais perdu, guidé de façon machinale d’un évènement à un autre sans possibilité de découvrir en profondeur le monde qui nous entoure. Particulièrement frustrant car on sent que le jeu aurait pu nous offrir des quêtes annexes foisonnantes et intéressantes si ce point de détail avait été convenablement abordé par l’équipe de développement. The Legend of Dragoon propose un système de combat en phase avec ses graphismes : époustouflants sur la forme, mais creux dans le fond, sans évolution et sans aspect stratégique suffisamment profond pour tenir le joueur en haleine durant soixante heures. Quand il passe après Final Fantasy VII et ses combinaisons de matéria, nombreuses et intelligentes pour obtenir des effets étonnants ; ou quand il passe après Final Fantasy VIII et son système ultra complet d’association de magie aux statistiques couplé à la foultitude de compétences passives fournies par les G-Force, The Legend of Dragoon fait office de jouet pour enfant.
Un J-RPG simplifié pour plaire à l’occident ? C’est insultant mais on ne peut s’empêcher d’y penser. Le constat est brutal mais réaliste !
Dans l’introduction du test, on se posait la question de savoir pourquoi The Legend of Dragoon était tant aimé, surtout par une fanbase occidentale encore vivement présente sur l’Internet. Désormais, je comprends. Dans sa mise en forme, le soft de Sony est de loin la meilleure réponse aux stars qu’étaient les Final Fantasy de la Playstation. Dans son intention, The Legend of Dragoon répond de façon idoine aux avalanches de CGI et de scénario grandiloquents des œuvres de Squaresoft. Et pour cause, puisqu’il utilise les mêmes armes, les mêmes topiques. Un empire du mal, une troupe de valeureux héros aux pouvoirs mystiques dont ils héritent via une prophétie antique, quelques retournements de situations savamment distribués tout au long de l’aventure – quand bien même aucun d’entre eux n’est inédit ou avant-gardiste -, le tout enrobé dans un écrin graphique qui flatte la rétine. C’est beau, mais, comme je l’ai longuement expliqué dans ce test, ça manque un peu de fond. Une sauce béchamel un peu farineuse quoi.
Dès lors, on comprend pourquoi ce jeu a tant plu au Ponant. Les Etats-Unis étaient déjà un peu plus habitués à recevoir des J-RPG que nous à cette époque. Certains parvenaient à franchir les frontières en étant traduits, comme Vagrant Story, au système de combat bien plus élaboré que ce TLOD, mais d’autres demeuraient malheureusement en anglais comme l’excellent Front Mission 3 (à noter qu’il s’agit là encore de jeux de Squaresoft). Si bien que cette pénurie de J-RPG dont les européens et français commençaient à devenir particulièrement friand me fait penser que TLOD est arrivé au bon moment pour bénéficier de la popularité du genre afin de gonfler un peu son chiffre de vente. Ce n’est pas totalement immérité puisque le jeu est bon, quand bien même il a des défauts et a mal vieilli sur certains aspects, mais nul doute que si le jeu n’a pas si bien fonctionné que cela au Japon, c’est que le public cible de l’archipel du Soleil Levant détenait un degré d’exigence nettement plus élevé que nous en la matière à la fin des années 1990. Eux ont été nourris au sein du J-RPG pendant une décennie et demie et de très nombreux prétendants ont tenté de bousculer les codes pour innover dans son système d’exploration ou de combat, tandis que nous en Europe manquions cruellement de point de comparaison. Un The Legend of Dragoon, aussi simpliste soit-il, qui débarque dans ces circonstances aura donc eu toutes les chances de plaire à la masse mal informée et peu sourcilleuse que nous étions en 2000.
Ce n’est pas insultant que d’y consentir, et au fond, ce n’est pas un problème puisqu’encore une fois, The Legend of Dragoon reste un jeu très correct et qui garde un charme tout à fait appréciable même avec vingt ans dans la figure !
(Quand j'vous dis que le believe est puissant autour de The Legend of Dragoon sur Gamekyo )
Au début des années 1990, il y avait deux eldorados dans le monde du jeu vidéo. Le premier, c’était le jeu de plate-forme, de préférence avec une petite mascotte rigolote et dans un monde chatoyant, coloré, pour les n’enfants. Ça, Capcom l’avait bien compris. Non seulement ils s’étaient bien installés là-dessus avec leurs Megaman, mais ils s’étaient carrément offert les services des meilleures mascottes pour enfants d’époque : Mickey Mouse et les p’tits potes de la Bande à Picsou. La seconde cocagne fut les RPG. Toutes les consoles du moment se devaient de détenir une armada de RPG japonais (sur PC et micro-ordinateur, c’était différent) car c’était un véritable argument de vente. Le RPG était souvent synonyme d’aventure longue, de système de jeu riche et d’histoire sophistiquée. Ça tombe bien, ça aussi, Capcom l’avait compris, c’est ainsi qu’il se sont lancé dans l’aventure pour concurrencer Dragon Quest, Final Fantasy et consort en alignant dans les boutiques nippones en 1993 un certain Breath of Fire.
Breath of Fire nous raconte l’histoire d’un immigré clandestin d’origine portoricaine qui dans le Los Angeles des années 1970 décide de jouer le tout pour le tout et de bâtir son empire du crime. Non, bien sûr que non. On nous présente en vérité Ryu (pas celui qui gueule Hadōken, mais l’autre), descendant du peuple des dragons de lumière, ceux-là même ayant vaillamment lutter contre les dragons noirs par le passé. Dans le temps, les peuples dragons cohabitaient ensemble mais vint une déesse nommée Tyr, affiliée au désir et à la passion. Celle-ci promit à ses ouailles le pouvoir et la richesse, et les guerres se succédèrent. L’empire des dragons finit par s’effondrer tandis que le monde, voué au Chaos était au bord de la destruction. Un héros fit son apparition, aidé de ses sept compagnons, il entrava les pouvoirs de la déesse avec six clés ensuite éparpillées aux quatre coins du globe. La paix revint, le clan des dragons de lumière, meurtri mais survivant put perdurer. Mais de longues années plus tard, l’ombre des ténèbres revint à la surface, un seigneur nommé Zog, à la tête du clan des dragons noirs revenus à la vie se manifesta, de nouveau la destruction et la désolation commençait à envahir le monde. Les quelques dragons de lumière restant n’ont malheureusement plus les pouvoirs nécessaires pour lutter contre leurs ennemis ancestraux, d’autant qu’on murmure qu’une déesse leur insuffle des pouvoirs terrifiants. Dans le village de Drogen, premier à subir la soif de destruction des dragons noirs, Ryu se réveille une nuit d’incendie. Son village en proie aux flammes est ravagé par l’assaut des dragons maléfiques. Ryu sent qu’il porte en lui une entité surnaturelle, un dragon bien sûr, mais pas n’importe lequel, probablement le plus puissant de tous, le roi des dragons, et il se sait porteur d’une destiné hors du commun. Il quitte les ruines fumantes de son village à la poursuite des dragons noirs pour lutter et ramener la lueur de paix à travers le monde.
Ryu est la réincarnation du dragon ultime, donc. Mais ça, en vérité, on ne le sait jamais, en fait, le jeu ne nous donne pas naturellement la possibilité de profiter des formidables pouvoirs dragoniques (Dragonesques ? Dragoniens… bon, bref. Of fire. Bref of Fire. Non ? Ok, j'arrête. ) du personnage central. On peut passer complètement à côté sans jamais se douter que la particularité de la saga Breath of Fire est de pouvoir changer son héros en dragon destructeur lors des combats. On passe à côté de beaucoup de chose dans Breath of Fire, en fait, si on n’y fait pas attention. Car le jeu est cryptique et très ‘’roots’’ dans sa façon d’accompagner le joueur. Mais je manque à toutes mes obligations les plus élémentaires, avant de parler de tout ceci, intéressons-nous plutôt aux bases du système de jeu.
Breath of Fire est un RPG japonais au tour par tout des plus classiques. Tous les codes du genre sont là, jusqu’à quatre guerriers sur le terrain de combat, des rencontres aléatoires sur le map ou dans les donjons, des menus donnant accès aux sempiternelles attaques-magies-objets-fuite, des points de vie et des points d’aptitudes pour envoyer des techniques spéciales apprises au fur et à mesure du gain de niveau et d’expérience. L’équipement, généralement acquit en échange de pièces sonnantes et trébuchantes dans les échoppes de chaque villages (parfois également dans les donjons) est le meilleur moyen de procurer à nos personnages un petit up de statistiques. Salvateur avant de se lancer à l’aventure dans un nouveau donjon, car sans se montrer aussi impitoyable qu’un Dragon Quest à l’ancienne, Breath of Fire peut parfois vous opposer une belle résistance si vous commencez à vous balader n’importe où, n’importe quand. Et le problème, c’est qu’on en arrive vite à se balader n’importe où, n’importe quand, dans ce jeu. En effet, le triangle d’or du J-RPG basé sur l’alternance village-donjon-exploration est bien entendu ici de mise. Mais là où dans un Final Fantasy par exemple, l’aventure est déjà à l’époque très ‘’story driven’’, dans Breath of Fire, le joueur-aventurier est laissé pour compte, avec sa carte en papier, son baluchon et sa quéquette sous le bras. Breath of Fire est brut de décoffrage, son aventure se vit pleinement, les longues heures à tourner en rond à la recherche d’un indice sur la prochaine destination qui vont avec.
Deux ou trois exemples concrets sont nécessaires pour bien comprendre de quoi je parle. Le premier, est le moindre d’entre eux. Au début du jeu (disons dans les cinq premières heures), l’accès à une forêt (qui est en fait un petit donjon) nous est interdit. La cause étant qu’un gros arbre nous barre le passage. Un arbre qui bloque l’accès à une forêt, en soi c’est déjà assez con, pas la peine d’en rajouter. Que faire, alors ? Eh bien aller à la rencontre du forgeron du village d’à côté afin de lui donner un matériau métallique, trouvé au préalable dans un coffre random du donjon d’avant, pour qu’il vous fabrique une scie, nécessaire pour couper l’arbre et ainsi libérer la voie. On peut se poser la question de savoir pourquoi le héros ne lui a pas foutu un méchant coup d’épée dans l’écorce, à ce satané chêne, ou pourquoi il n’a tout simplement pas été possible de contourner le vénérable édifice boisé. Mais bon, on est dans un jeu d’aventure, la logique n’a plus beaucoup de sens et il faut garantir au joueur une durée de vie convenable sous peine de finir au bûcher. D’ailleurs, la durée de vie est garantie, Breath of Fire, puisqu’il multiplie les coups tordus et les courses à l’indice improbable de ce genre nous permet de voir les heures facilement défiler au compteur. Le protagoniste qu’on récupère dans l’équipe juste après ce passage, du nom de Bo, est d’ailleurs capable de faire franchir au groupe tout entier les forêts sur la map, si seulement celui-ci est placé en position de leader. Vous ne le saviez pas ? C’est normal, en fait, personne ne vous le dit, et c’est pourtant bien utile pour continuer l’aventure. Plus tard dans le jeu, Nina, l’héritière du peuple des Ailés souffrira d’amnésie, il faudra dès lors récolter des ingrédients pour la soigner. S’ensuit une chasse au trésor afin de réunir divers objets bien planqués un peu partout pour concocter une potion de mémoire. Si globalement, tous les objets réclament recherche et jugeote pour être déniché, un en particuliers demande de la ténacité. Un poisson, dont la chair est utile pour la potion de mémoire (sacré mixture, ça doit être dégueulasse à boire ) doit être péché dans un courant d’eau empoisonné. Si vous ne trouvez personne pour vous le dire, jamais ça ne vous viendrait à l’esprit d’aller pécher un poisson dans un fleuve que vous savez empoisonné pour guérir un de vos compagnons. Mais là, c’est ce qu’il faut faire.
Ça me rappelle le déroulement de Dragon Quest II qui prenait la notion d’aventure et d’exploration probablement un peu trop au pied de la lettre. Breath of Fire est du début à la fin perclus de ce genre de situation où rien ne nous est clairement dit et où on prend un malin plaisir à brouiller les pistes. Cependant, si la chasse aux objets pour fabriquer une potion de mémoire peut paraître sympathique, par principe, d’autres situations sont autrement plus agaçantes. Effectuer un long troc d’objet à travers le monde - à tel point qu’au bout de quatre heures à farfouiller tous les villages à la recherche d’un péquenaud qui veut bien nous échanger un bidule contre notre machin, on en oublie ce qu’on recherchait à la base -, c’est naze. Devoir faire l’aller-retour dans une cité entre le jour et la nuit (oui, car BoF gère le jour et la nuit, tiens) juste pour transmettre des messages inintéressants à deux PNJ à la con qui peuvent très bien se rencontrer eux-mêmes puisqu’ils habitent dans la même putain de ville, c’est également énervant. On sent clairement que certaines quêtes et péripéties, souvent obligatoires car ancrées dans l’aventure principale du jeu d’ailleurs, ont été fait de telle façon à ce qu’elles étirent la durée de vie artificiellement. Pire. Perdu dans ce flot de sous intrigues et de péripéties contraignantes, certaines choses très importantes et qui peuvent réellement donner de la saveur au jeu se noient et passent inaperçues. Comme les fameuses facultés de se transformer en dragon du héros que j’évoquais plus haut, et qui sont totalement optionnelles, un comble pour celui qui est censé porter la force du dragon ultime.
D’autres petits couacs, notamment d’accessibilité et de lisibilité sont à mettre au crédit de ce Breath of Fire. Si c’est Capcom qui l’a développé au Japon, c’est Squaresoft qui l’a édité aux États-Unis. Déjà désireux de s’exporter à travers le monde (choses qui leur sera réellement permis avec l’aide de Sony et de leur Playstation), on ne peut que saluer la volonté des papas de Final Fantasy. Malgré cela, on ne serait que trop leur prier, la prochaine fois, de garder leur traduction boiteuse qui handicape franchement pas mal la compréhension du jeu par endroit. Pour cause de problème technique ne permettant pas l’affichage de nombreux caractères alphabétiques dans les cadres de dialogue ou les menus, on se retrouve ainsi avec énormément d’objets, de noms ou d’appellations tronqués ou abrégés de façon incompréhensible. Bronze Shield devient dès lors BShield, ou Coconuts se change en C.Nuts. Et encore, ce n’est pas si grave que cela puisqu’avec la fonction qui permet d’analyser chaque objet de votre inventaire (et même ceux des étals de marchand, précieux afin de savoir ce qu’on doit acheter ou pas), on peut éclaircir un peu tout ce merdier. Ce n’est pas de trop car l’inventaire, avec jusqu’à huit personnages à gérer, devient facilement bordélique. Une autre idée à la con, que je ne parviens pas à m’expliquer, et cette manière de ranger les objets par paquet de neuf. Lorsque vous avez dix herbes de soin (et vous en aurez vite besoin), neuf sont rangées ensembles sur une ligne (avec ‘’x9’’ écrit à côté pour bien signifier que c’est un paquet de neuf items d’un même genre) et le dixième est rangé sur une seconde ligne (avec cette fois-ci le ‘’x9’’ qui devient ‘’x1’’). Plutôt que de faire comme dans à peu près tous les autres J-RPG du moment qui classaient les objets par paquet de 99 (souvent le maximum que l’on pouvait stocker d’un même objet dans notre inventaire), les concepteurs de BoF ont préférés multiplier les lignes d’objets d’un inventaire déjà pas très limpide même sans cela. Vous comprenez donc qu’avec des abréviations pas toujours très pratiques et une traduction US foireuse, le jeu peut s’avérer pénible dans ces phases de micro gestion et de changement d’équipement pour upgrader ses personnages. Et c’est un RPG, donc par définition, il y a régulièrement ce genre de phase de rangement et de micro gestion de son inventaire. Bref.
Avec tout cela on pourrait croire que Breath of Fire est un mauvais jeu. Il est vrai qu’on aborde de façon très directe les défauts de conception et ce qui fait l’agacement du joueur lors de son aventure avec Ryu, Nina et consort. Mais au fond, et avec un regard rétrospectif, on se rend compte qu’à l’époque, tout cela n’était peut-être pas si invalidant que cela. On a tendance à dire qu’avant, les gamins que nous étions étaient plus enclins à errer de longues heures dans un monde inconnu à la recherche d’on ne sait quoi, à essayer tous les trucs possibles, même ceux qui n’avaient pas le moindre sens, pour trouver la solution à une énigme. Et ceci sans jamais perdre une once d’amour ou de passion pour le jeu qui nous subjuguait, sur le moment. C’était dans l’air du temps, les solutions ultra complètes sur Internet n’existaient pas et rentabiliser une cartouche ayant coûté quelques quatre ou cinq cents francs étaient plus une mission qu’une volonté de la part des jeunes joueurs.
Pour autant, Breath of Fire, ce n’est pas que cela. Car le jeu, s’il souffre de quelques mauvaises idées et de défauts qu’on pourrait rattacher au manque d’expérience dans le domaine de Capcom (ou aux codes poussiéreux du genre, ankylosant dans une lourdeur conceptuelle le J-RPG, qui a besoin de modernisme et de fluidité pour se rendre plus agréable à jouer), possède également plusieurs bons points. D’abord son univers qui fut l’objet d’un travail semble-t-il assez passionné de l’équipe de développement. Cette dernière a conçu un monde qui se veut cohérent, avec ses races et ses légendes. Breath of Fire se pare d’atours d’heroic-fantasy classique mais n’use pas pour autant de ficelles élimées a maintes reprises par le genre. Ici, pas de nain ou d’elfe. Des dragons, certes, mais également des hommes-bêtes, qui constitueront une des principales caractéristiques rendant les jeux de la saga unique. Malgré les errances et la pénibilité de certaines péripéties évoquées plus haut, on ne peut nier que le jeu est riche en aventure. Il y a beaucoup de choses à faire, d’étapes à franchir, et même si on a l’impression que le scénario ne décolle pas réellement avant plusieurs dizaines d’heures, on peut remarquer que le jeu nous pousse presque toujours en avant. Peut-être un peu trop, même, car lorsqu’on résout un problème (tous les villages en ont un, la rencontre de chaque personnage occasionne la naissance d’une sous-intrigue qu’il faudra parcourir avant de rejoindre le tronc scénaristique central) ou qu’on rencontre un compagnon inédit prêt à se joindre à vous dans la lutte contre les dragons noirs, on a la fâcheuse impression que tout est expédié trop vite. On boucle un donjon en sauvant un otage, on croise un personnage qui décide d’une phrase à l’autre, quasiment sur un coup de tête, qu’il va vous accompagner dans le danger et l’adversité parce que ‘’les méchants dragons sont méchants’’. Les émotions, leitmotivs, caractères et pensées des trois quarts des personnages manquent d’exposition et le tout manque de consistance.
Mais qu’importe puisqu’on va soigner un roi mourant ; on va réanimer un robot de pierre géant ; on va assister à une super fête donner en notre honneur à Camlon ; on va explorer la profondeur des océans et plein d’autre chose. Le déroulé de l’aventure est pleine de petits évènements pour donner du rythme autant que faire se peut. Capcom a tout essayé pour faire en sorte que l’aventure ne soit pas ennuyeuse et déjà-vu.
Ceci passe également par les graphismes et surtout la représentation des combats. Dragon Quest avait repris le modèle des RPG occidentaux en ne faisant voir que les monstres comme si on assistaient au combat au travers des yeux du personnage ; Final Fantasy optait pour une vue intégrale de côté. Breath of Fire lui préfère une vue de trois quarts, de dos. Une autre façon de mettre en scène les joutes qui apporte un peu d’identité à la future série de Capcom. Salutaire quand on sait que les combats de ce premier Breath of Fire se font assez statiques. En effet, les animations sont relativement minimalistes mais les sprites sont jolis. Pas mal de monstres ont un design qui contribue à la personnalité du jeu. Des cavaliers squelettiques, des lézards humanoïdes et épéistes, des espèces de petites bestioles courtes sur pâtes, si bien casquées d’un gigantesque heaume d’acier que cela recouvre l’ensemble de leur tête ; des cactus mutants cyclopéens, des scorpions à crâne humain particulièrement effrayant, des monstrueuses fleurs maléfiques… bref, un joli bestiaire qui, s’il ne comporte pas de mascotte comme dans Dragon Quest a au moins le mérite d’être suffisamment varié et cohérent pour accompagner le jeu sur la longueur.
Le design des personnages répond également au critère de la variété. Dans le souci de construire un monde vaste et différent du reste de la production japonaise d’époque, les développeurs ont inventé un tas de races mi-homme mi-bête. Ça a déjà été dit, mais il est important de le rappeler pour souligner son avantage dans le cadre d’un visuel riche et non redondant. Malheureusement, dans sa globalité, Breath of Fire n’impressionnait guère d’antan, et encore moins aujourd’hui. Coloré, certes, les graphismes sont cependant simples. Pas simplistes, juste simples. De bonne facture lors des combats, ils sont ternes sur la worldmap (pas si grave que cela, les Final Fantasy ne faisaient guère mieux) et carrément répétitifs en ville. Les donjons quant à eux manquent d’envergure, de détails et on a trop souvent l’impression d’errer dans des couloirs maussades et gris, beaucoup trop carrés et trop bien rangés pour faire véritablement croire à un donjon crasseux et hanté.
L’effort de faire un jeu qui essaye de se démarquer, au moins visuellement et intrinsèquement de la part de Capcom ne se retrouve hélas pas dans le gameplay. Ses rouages sont solides et tournent correctement, bien qu’ils soient encrassés par de la vétusté et une sensation de déjà-vu évidente. Le tour par tour est classique mais efficace et l’interface, à noter, est d’une limpidité universelle. Par icônes, le jeu nous propose donc d’utiliser des attaques physiques classiques, des objets ou des techniques et magies spécifiques. Une option, bienvenue lors des combats les plus faciles et les plus ennuyeux nous propose de faire attaquer nos combattants automatiquement durant un certain nombre de tour sans qu’on ait à toucher la manette. Une sorte de mode automatique comme dans Final Fantasy XII, en beaucoup plus archaïque. D’autres idées bien pensées améliorent la simplicité d’accès comme la possibilité de constater les améliorations d’un équipement neuf qu’on s’apprête à acheter au marchand d’un simple coup d’œil avant même de mettre la main au portefeuille. Pratique pour éviter d’acheter n’importe quoi, qui par mégarde affaiblirait d’une quelconque façon notre guerrier ! On peut également paramétrer quelques boutons comme on le désire pour que ceux-ci nous donnent rapidement accès à notre inventaire ou le menu des statuts de notre équipes. C’est toujours un plus.
Doté de qualités aussi évidentes que de défauts, ce Breath of Fire dénote surtout de la volonté de Capcom de faire de son RPG un jeu bien de chez eux. Prenant naturellement modèle sur deux des cadors du genre, Capcom disposait de suffisamment de ressource créative pour donner de la personnalité à son jeu. À l’époque, c’était donc un jeu très décent, parfait pour débuter une série, pour bâtir le socle d’une saga prospère dans le temps. Beaucoup d’éléments identitaires de la saga sont déjà installés et quand bien même le jeu a largement souffert du temps, Breath of Fire offrait une alternative très honnête aux Dragon Quest et aux Final Fantasy. Son classicisme pouvait être synonyme de solidité et de qualité en 1993 mais ses mécanismes ont hélas mal vieilli et on ne pourra désormais en tirer qu’une relative satisfaction de simplicité d’accès. L’histoire se laisse néanmoins parcourir avec plaisir, bien que parfois, on a tendance à s’ennuyer un peu et à sacrément tourner en rond. Une frustration décidément propre aux J-RPG old school. Si on prend un peu de recul, on peut constater que Capcom a fait des efforts pour garnir généreusement son aventure de moult péripéties. Le déroulé du scénario manque certainement d’envergure et d’envolée épique comme l’auraient proposé Final Fantasy IV et V par exemple, mais l’univers accrocheur et personnel de Breath of Fire fait sensiblement pencher la balance vers une appréciation plus complaisante du soft.
À noter également la bande-son, pas évoquée dans le corps du texte mais qui est digne d’intérêt. Signée de la jeune Yoko Shimomura (ayant déjà travaillée sur les mythiques mélodies de Street Fighter II, et rejoignant plus tard Squaresoft pour Parasite Eve, Kingdom Hearts, et bien plus tard Final Fantasy XV), elle comporte quelques pistes sympathiques et s’accorde à merveille avec les graphismes et la direction artistique.
Et même si avec un regard analytique plus performant qu’à l’époque on note de gros manquements et certains aspects pénibles ou vieillots au sein du soft, on arrive aisément à comprendre pourquoi il pouvait être considéré comme un bon, voire très bon jeu dans son domaine en 1993. Pour bien apprécier Breath of Fire, définitivement, il faut garder à l’esprit qu’il s’agit là d’un jeu honnête, avec un bon fond et qui sert d’apéritif pour lancer une saga qui ne fera que se bonifier avec le temps.
Il faut bien commencer par quelque chose, comme le dit le dicton.