On a déjà parlé vaguement de Probe Software dans le retro test d'Alien 3 sur Super Nintendo. C'est une société d'édition et de développement de jeux vidéo fondée en 1984 à Croydon, au Sud de Londres en Angleterre. Probe jouit d'une assez bancale réputation auprès des ''true gamer'' car très vite, la société se fait connaître pour ses portages entre les micro-ordinateurs et les consoles de salon ou inversement. Une méthode de travail très mercenaire qui leur garantie une rentrée d'argent conséquente. À cela s'ajoutent les jeux ''budget'' peu ambitieux, développés en quelques semaines et vendus à bas prix ; et les compilations de vieux jeux dont ils rachètent les droits pour une bouché de pain afin de les porter (bien souvent tel quel) sur les machines plus récentes. Puis lorsque la manne des jeux à licence se dévoile, Probe s'infiltre dans la brèche et tout explose. Le studio devient une véritable usine à gaz. Entre 1984 et 1994, période où le studio britannique est de loin le plus prolifique, Probe estime ses fonds propres à 1,4 milliards de dollars sur près de 400 titres (en comptant des versions de jeux édités sur plusieurs consoles). Le chef d'orchestre de tout cela se nomme Fergus McGovern, hélas décédé en 2016.
Les méthodes de travail de Probe étaient en phase avec l'époque où le milieux du développement de jeu vidéo n'était pas aussi professionnalisé qu'aujourd'hui. Carl Muller, un ancien programmeur de Probe explique : « Vous pouviez travailler sur un jeu pendant des semaines, puis découvrir que vous ne possédiez pas la licence car les termes du contrat n'avait pas été bien définis entre Probe et l'organisme qui faisait la commande du jeu. Ça nous obligeait souvent à mettre plusieurs semaines de travail à la poubelle. Nous avons alors appris à sauvegarder ce qui pouvait l'être dans ce genre de situation pour le réutiliser, avec quelques modifications au préalable, sur d'autres jeux. Sinon c'était du gâchis en permanence et Probe n'aurait jamais put sortir le moindre jeu. ». Un procédé qui de nos jours ferait certainement couler un petit studio, et même un gros éditeur. Muller poursuit : « Parfois, Fergus allait parler à ceux qui nous avait passé commande et quelques jours plus tard, il revenait au studio pour nous annoncer qu'on avait définitivement les droits, le travail pouvait alors continuer. Mais il avait aussi l'habitude de compter sur un coup de fil et une prière. Ce n'était pas rare d'apprendre que pendant plusieurs semaines, toute une équipe de développement produisait un jeu sur les fonds personnels de Fergus avant de seulement obtenir un financement de la part d'un éditeur ou d'un commanditaire. ».
David Perry, le futur fondateur de Shiny Entertainment et créateur de Earthworm Jim, MDK, Mesiah ou encore le très mal vu Enter the Matrix a commencé sa carrière chez Probe Software. Il raconte : « Chez Probe, on s'est transformé en usine à jeux. Il (Fergus McGovern) nous présentait un projet et il voulait avoir un jeu prêt à être vendu le plus vite possible. Au début des années 90, les temps de développement d'un bon jeu n'étaient pas aussi élevés qu'aujourd'hui, mais même à l'époque, notre temps de gestation d'un projet chez Probe était bien en dessous de la moyenne. Ça a vachement compté dans ma carrière, notamment sur Teenage Mutant Hero Turtles (ND Anakaris : un bon portage du hit Arcade de Konami transposé sur micro-ordinateur). ».
Même si plusieurs productions de Probe Software, et la politique éditoriale bariolée du studio ont de quoi faire grincer des dents (sans compter leur rachat par Acclaim en 1995, autres éditeurs dont la qualité de production est très variable), force est de constater que beaucoup de joueurs ont compté un jeu Probe dans leur collection un jour ou l'autre. Batman Forever, Alien Trilogy, Extreme-G, Primal Rage, Judge Dredd, Forsaken, Stargate... et bien entendu Die Hard Trilogy. Parmi ces jeux, tous ne sont pas exceptionnel, je vous l'accorde, mais ils faisaient partis de ces jeux extrêmement bien vendus envers et contre tout parce qu'ils étaient étrangement populaires malgré leur qualité parfois douteuse. Comme ces jeux qu'on a tous eux dans notre chambre même si ils nous faisaient hurler de rage à cause d'un gameplay cruel et d'une difficulté innommable (Tintin au Tibet, Pit-Fighter, Pac-Man 2 : The New Adventures...). Pas de doute, Probe Software savait vendre ses jeux. Tous les employés de Probe étaient des passionnés. Fergus McGovern lui-même aimait les jeux vidéo d'amour, mais il avait bien vite compris que le microcosme du jeu vidéo était sans pitié et était voué à devenir une véritable industrie. McGovern gérait donc Probe Software comme un homme d'affaire. Fantasque, certes, mais résolument génial.
D'ailleurs, l'histoire du développement de Die Hard Trilogy part d'une décision d'homme d'affaire déterminé à placer ses billes sur le projet qui lui semble le plus rentable. Le ''yes studio'' ami des grands du cinéma a déjà des contacts avec la 20th Century Fox (Alien 3) en 1994. À l'aube de l'ère 32-bits, la Playstation et la Saturn sont sur toutes les lèvres. Deux projets et la promesse d'un joli coup marketing s'offrent alors à Probe et la Fox. Alien Trilogy est lancé, regroupant les trois premiers long-métrages de la saga initiée par Ridley Scott. Pour le second projet, Fergus explique : « Fox propose alors de développer un jeu sur leur nouvelle série TV de science-fiction : Scavengers. On avait commencé à travailler sur le projet et j'ai vu le premier épisode. C'était épouvantable. Quand ils ont découvert les critiques sur la série la semaine suivante, ils ont décidé d'annuler le jeu. ». Qu'à cela ne tienne, la Fox a de la suite dans les idées et souhaite que l'argent investi dans l'adaptation de Scavengers soit transféré sur un jeu adapté de Die Hard with a Vengeance (Die Hard 3) qui doit sortir à l'été 1994. Ça ne laisse que quelques mois à Probe pour développer un jeu ambitieux pour les nouveaux hardware. Mais voilà, en parallèle, les négociations entre Probe et Acclaim pour le rachat du studio avancent bien. Si bien qu'en octobre 1995, Probe devient propriété d'Acclaim (Probe se fera nommer Acclaim Studios London en 1999). Electronic Arts obtient les droits de distribution du jeu Die Hard (le film quant à lui prendra du retard et sortira finalement en mai 1995). Contractuellement, beaucoup des retombées financières du jeu Die Hard reviendront donc à EA, Acclaim et Probe devront se contenter d'une partie minime des dividendes. Probe est absolument tenu d'assurer la commande et doit finir de développer le jeu Die Hard. Fergus décide alors de séparer l'équipe en deux. Les programmeur d'expérience et la plupart des gens de Probe s'occuperont de Alien Trilogy, Acclaim ayant gardé tous les droits d'édition et de distribution dessus. Tandis qu'une petite équipe de débutant est allouée à Die Hard avec un budget bien moindre. L'équipe B sera menée par les game designer et programmeur Simon Pick et Dennis Gustafsson.
La Fox revient vers Probe quelques temps plus tard. Le géant Hollywoodien est mécontent de ce qui a été fait sur l'adaptation de Die Hard with a Vengeance entre 1994 et 1995. À la décharge de la petite équipe chargée du développement du jeu, il faut savoir que le script du long-métrage ne leur a été rendu disponible que quelques mois avant la sortie du film sur grand écran. Difficile dans ces conditions de produire une adaptation de qualité. La Fox exige de tout revoir en profondeur, le prototype du jeu est mis à la poubelle. L'équipe se réunit pour trouver de nouvelles idées de game design. Simon Pick explique: « Un jour, en réunion, j'ai demandé "Et si nous faisions trois jeux en un ? Ce serait difficile selon vous ?", nous étions encore très naïfs. ». Développer un 3-in-1 comme pour Alien Trilogy avec une équipe de vétérans bien rodés, c'est faisable. Le faire avec une petite brochette de débutant, ça devient compliqué. Pick de rajouter à propos de cette idée saugrenue: « Avec le recul, je crois que je voulais juste impressionner Fergus ! ». N'empêche, cela suffit pour remotiver les troupes et repartir au travail. Le concept de Die Hard Trilogy était né.
Mais reprenons dans l'ordre. Die Hard expose la vie instable d'un lieutenant de police maladroit en ce qui concerne les relations amoureuses. Obnubilé par son boulot, sa famille en pâti, si bien qu'il passe son temps à tenter de se faire pardonner par sa femme. John McClane est un homme d'action et est probablement le flic le plus populaire du cinéma (bon, ok, avec Axel Foley, peut-être). Lorsque ce dernier rejoint sa femme à Los Angeles pour essayer de recoller les morceaux de leur histoire sentimentalement désastreuse, il se fait embarquer dans une folle prise d'otage au sein d'un building appartenant à l'employeur de la donzelle: le Nakatomi Plaza. La tour, toute de verre vêtue, le fameux Piège de Cristal est un endroit rêvé pour un jeu d'action explosif. Le but primaire de cette partie du jeu est de descendre tout les terroristes qui croiseront votre route à l'aide d'un arsenal digne d'un Rambo urbain. Le jeu prend l'apparence d'un furieux shoot 3D où le rythme et le tempo n'ont rien à envier à un run'n gun sur borne d'Arcade. Le jeu n'a rien d'un chef d’œuvre technique, mais son gameplay fun et sa cadence très proche du film en fait un jeu vidéo agréable à jouer. Globalement, la première partie du jeu à un bel impact en plein milieux de la mode des blockbuster d'action hollywoodien. La Playstation et sa 3D à portée de tous permet ce genre de folie, ce qui contribue à rendre le jeu vidéo de plus en plus populaire auprès du grand public. L'animation des personnages - ennemis aussi bien qu'otages - est assez étrange mais dans le carnage ambiant, on n'y fait pas réellement attention. Gustafsson explique: « C'était des sprites multicouches, pas de véritables modèles 3D. C'était moche, mais avec cette technique, nous pouvions afficher environ 16 personnages en même temps, contre 2 si ça avait été de vrais modèles 3D plus gourmands en ressource. » Bonne pioche. L'explosivité de l'action est garantie avec le nombre d'ennemis à dézinguer à la minute et leur rythme d'apparition soutenu. On se serait bien vite emmerdé avec deux pauvres criminels à combattre à la fois, aussi beau soient-ils. À la place, on fusille une troupe entière de méchant vraiment pabô pour le coup, et c'est amusant ! L'essentiel est là.
Techniquement, l'équipe rivalise d'ingéniosité pour palier au manque de moyen. L'équipe principale, les nabab de Alien Trilogy surnomment Pick, Gustafsson et les autres les "Try Harders". Pour améliorer la clarté des environnements de Die Hard 1, certaines parties du décors sont rendues transparentes dès qu'on s'en approche. Ceci afin de voir si des terroristes survivants se planquent ça et là. La transparence des décors ne se fait pas sur la Saturn mais uniquement sur Playstation, réputée plus à l'aise avec la 3D. De plus, l'équipe ne dispose pas des fonds nécessaires pour se payer Bruce Willis himself. Gustafsson raconte: « Je crois qu'on a été les premiers à faire de la motion-capture en Europe. Il n'y avait pas de studio fait pour à l'époque, alors on a pris nos balles de ping-pong, une caméra, et on a été tourner quelques trucs dans une église du quartier. Les animations étaient très bugguées, alors on a engagés deux gars de la BBC, ils étaient ravis de pouvoir travailler sur un jeu vidéo. Ils ont bossés plusieurs heures par jours dans un bureau minuscule sans fenêtre pour débugguer au mieux les animations. Les pauvres. » Les ''meatball men'' (homme-boulette de viande) comme les appellent l'équipe de Probe, les personnages curieusement animés du jeu, sont si moches que les programmeurs décident de coller leurs propres visages sur leurs têtes. Encore une ingéniosité technique que Gustafsson explique: « Un jour, Fergus est revenu du Japon avec un des premiers appareils photos numériques au monde. En vérité, c'était une brique, ça faisait très amateur. On est tous passé par des séances photos sous huit angles différents. C'était franchement moche, mais on s'en fichait, c'était génial de se voir dans le jeu ! Pour modéliser le personnage principal, on a prit ma tête avec les cheveux du programmeur Greg Modern. Greg avait plus de cheveux que moi, et John McClane en a dans Die Hard 1. Au fur et à mesure, il devient chauve dans les films, alors on a fait pareil dans les jeux. »
Le second film mène John McClane dans l'aéroport de Washington-Dules où il doit déjouer le plan d'autres terroristes (c'est un terme fourre-tout pour désigner ceux qui pètent les couilles) en tout juste 58 minutes. 58 minutes pour vivre. L'avion d'un général de guerre Sud-américain doit atterrir d'ici là, ce dernier doit être jugé pour trafic de drogue. Ainsi s'engage une terrible bataille entre le flic le plus teigneux des USA et des criminels toujours aussi moches mais toujours aussi fun à bousiller. Cette partie prend la forme d'un jeu de tir en vue subjective, un rail shooter. Un an après la sortie de Time Crisis (Namco) en Arcade, Die Hard n'a pas à rougir. L'action débute dans l'aéroport avant de se poursuivre dans la campagne enneigée environnante jusqu'à l'église de fin du film. C'est toujours aussi explosif et aussi bien rythmé et là encore, même si on dénote quelques faiblesses techniques (les voitures qui ont des roues plates comme des pizzas...), Die Hard Trilogy s'en sort remarquablement bien. Ça a le mérite de proposer des décors variés. Avec une équipe de développement dont la moyenne d'âge est de 22 ans, la production de Die Hard Trilogy vire rapidement au joyeux n'importe quoi. Une idée évoquée le matin se retrouve le soir même implémentée dans le jeu. Comme les films, le jeu s'évertue à ne laisser aucun répit au joueur. Encore une fois, les prouesses révolutionnaires de la Playstation permettent de briser les chaines des concepteurs de jeu. Les terroristes prennent feu. Les otages prennent feu. Et même les pigeons se transforment en boules incandescentes si vous parvenez à leur balancer quelques cartouches. James Duncan, 19 ans à peine, et modélisateur 3D de son état se justifie en disant: « Souvenez vous qu'on était qu'une bande de jeunes qui avaient l'opportunité de faire ce qu'ils voulaient avec un blockbuster hollywoodien. La Playstation a brisée des tabous, aussi bien sur le plan technique que culturel. On pouvait faire ce qu'on voulait. C'était libérateur, personne n'est venu nous calmer et nous dire d'y aller mollo. ». Toujours avec un seul et unique mot d'ordre: amusement, le carnage Die Hard Trilogy continue. Et la troisième partie du jeu est probablement la plus représentative de tout cela.
Le troisième film, le fameux Die Hard with a Vengeance pour lequel Probe a été initialement mandaté, raconte toujours les folles aventures de John McClane. Ça se passe cette fois-ci à New York, en 1995. Un magasin est soufflé par l'explosion d'une bombe. L'attentat est revendiqué par un inconnu se faisant appeler Simon. Celui-ci exige que le lieutenant John McClane se livre à un périlleux "Jacques a dit" à travers toute la ville, à défaut de quoi d'autres bombes exploseront. Mais McClane ne tarde pas à découvrir qu'il est en fait le jouet d'une vaste machination. C'est un prétexte de plus pour s'offrir un nouveau terrain de jeu cette fois-ci bien plus vaste que les précédents. Die Hard 3 ou Une Journée en Enfer vous propose de débusquer des véhicules piégés à travers la ville de New-York reconstituée pour le coup (avec en prime le quartier de Central Park), et ceci à toute allure. La sensation de vitesse y est grisante, et parfois, des courses-poursuites avec les autorités se déclenchent. C'est difficile. Très difficile. Mais bordel que c'est défoulant. Cette troisième partie de jeu est un summum d'extravagance et d'explosivité manette en main. Rarement un jeu aussi débridé n'aura fait vibrer le monde du jeu vidéo. En Allemagne, le jeu est interdit à la vente principalement à cause de la violence affichée dans cette troisième partie, où les piétons éclatent en gerbes de sang sur votre pare-brise si vous les percutez au volant de votre taxi. Petit détail qui a son importance - signe que les jeunes développeurs de Probe ont joué le jeu à fond -, les essuie-glaces s'activent pour dégager l’hémoglobine de votre champ de vision ! C'est outrageusement amusant et le concept rappelle furieusement un certain Driver, qui ne sortira pourtant que trois ans plus tard. Pick confirme « Ils ont largement affiné le concept, et Driver est un jeu époustouflant, bien mieux maitrisé techniquement que ne l'a jamais été Die Hard Trilogy. Mais je crois que notre influence est bien visible... ». Gustafsson est un peu plus modéré en ce qui concerne la première partie du jeu, celle dont le gameplay fut supervisé par lui-même. « Je ne pense pas que Die Hard Trilogy a eu un impact sur les shooters à la troisième personne qui ont suivis. Le jeu lui-même n'est pas vraiment original, c'est en gros un shooter isométrique. Tomb Raider est sorti quelques mois plus tard. Mais on ne le savait pas à l'époque, chacun travaillait dans leurs petits bureaux bien à l'abri des regards, comme des artisans. Tomb Raider a incontestablement été plus marquant, dans le monde des jeux vidéo et dans le monde des shooters. En tout cas, j'étais fier de ce qu'on avait fait. ».
Et sincèrement, il y a de quoi être fier. Car toute cette avalanche de fun et de prouesse technique n'a pas été gratuite. Le développement de Die Hard Trilogy fut un véritable sacerdoce pour les jeunes recrues de Probe. Simon Pick raconte ses craintes au tout début du développement: « On ne comprenait pas vraiment ce qu'impliquait de faire un jeu en 3D. On n'avait fait jusque-là que des jeux en 2D avec sprites. On a eu la Playstation à peu près un an avant sa sortie. On avait vu aucun autre jeu tourner sur ce support et on n'avait pas la moindre idée de ce à quoi on allait se frotter. C'était flippant. ». Quand Gustafsson parle d'ambition quand il évoque le 3-in-1, Pick parle de stupidité: « Trois fois plus de travail, trois fois plus de code, trois fois plus d'emmerde. On a eu les yeux plus gros que le ventre et on a surestimé nos capacités... ». Pire encore, Pick rajoute: « J'ai littéralement fais une crise de nerfs. On travaillait tellement, c'était horrible. Je détestais Die Hard Trilogy, je voulais tout balancer par la fenêtre. ». Mais il tempère ses propos en ajoutant: « Ça aurait put être pire. Ça aurait put être catastrophique, mais Die Hard Trilogy a un bon fond. C'est un peu limite sur certains aspects, parce qu'on a eu les yeux plus gros que le ventre, mais je crois que le jeu reflète notre passion. ». Pour rendre une copie un minimum ambitieuse faite avec les moyens du bord, il faut accepter quelques compromis. Pour Die Hard 3, la ville était trop grande pour être entièrement modélisée. La Playstation n'était pas capable de générer l'ensemble du terrain de jeu en une seule fois. Alors, Duncan, Pick et les autres ont simplement modélisé la ville par petite section et ont programmé un outil qui devinerait par de savant calcul dans quelle direction le joueur se rendrait seconde après seconde afin de générer la section de ville correspondante. Une sorte de niveau en streaming, si l'on peut dire. C'était efficace mais ça engendrait des erreurs comme des portions de ville qui se dédoublaient (rendant ainsi les rues et avenues atrocement identiques pendant des heures ! ) qu'il fallait corriger manuellement.
Au final, que retenir de ce Die Hard Trilogy ? Un jeu moche, techniquement instable, avec plusieurs bug de collision notamment, des animations étranges et une modélisation 3D qu'il ne vaut mieux pas contempler dans les détails. Mais un gameplay varié, fignolé et dont le seul mot d'ordre lors de son élaboration fut le fun. Il n'a peut-être pas le patronyme de l'autre jeu Die Hard a être sorti dans la même période sur Saturn (le Die Hard Arcade de SEGA, renommé Dynamite Deka au Japon), mais il a assurément toute la simplicité et l'explosivité d'un soft Arcade. Bien que sorti six moi avant, Alien Trilogy n'aura pas sut laisser un aussi bon souvenir que l'exubérance jouissive et sans prétention de Die Hard Trilogy dans la tête des joueurs. La folie de la jeunesse bouscule un jeu certes de qualité mais probablement un peu trop sage et un peu trop traditionnel pour marquer durablement les esprits, surtout en plein milieux de la vague Doom-like des années 90.
Les ventes de Die Hard sont bonnes, surtout au vu de l'investissement dérisoire. Mais Probe n'en profitera guère. Tout d'abord, comme expliqué plus haut, Electronic Arts prendra une bonne part sur l'édition et la distribution, contractuellement. Puis Acclaim se verra mettre dans l’embarras. Il fut révélé que l'éditeur ne versait pas de royalties (pourtant garantis par des contrats) à ses commanditaires divers et variés. La Fox réclamera plusieurs millions de dollars pour des jeux à licence tels que The Simpsons: Bart's Nightmare sur SNES, True Lies sur SNES et Megadrive ou le fameux Alien Trilogy. Fer de lance du catalogue de Probe qui leur coutera cher. Le peu de dividende que Probe arrive donc à se dégager avec Die Hard part immédiatement en fumée pour éponger les dettes de l'éditeur américain. Autant dire que quelques mois après leur rachat, les relations entre Probe et Acclaim n'étaient déjà plus au beau fixe, et le studio londonien aurait certainement mérité mieux que cela...
Au delà du génie cinématographique de George Lucas, c'est surtout un génie marketing qui est né en 1977, lorsque le tout premier film de la franchise Star Wars fut sorti au cinéma. En effet, le cinéaste de Modesto en Californie avait bien compris ce qui fonctionnerait dans la fabuleuse histoire qu'il s'apprêtait à raconter. Outre les planètes exotiques et les vaisseaux de guerre impressionnants, il avait conscience que des personnages au caractère universel et un sens limpide à ses propos (l’éternel Bien contre le Mal) contribueraient à rendre son œuvre intemporelle et appréciée de tous selon différents niveaux de lecture. Le plus dur était de capter l'attention du public, accrocher la sympathie des spectateurs envers les protagonistes de La Guerre des Étoiles. Une fois ceci fait, la création graphique et sonore de l'univers Star Wars se ferait en un tour de main, et en découlerait une machine à pognon productrice de figurines, comics, jeux vidéo et autres contenus multimédias. Ainsi, Lucas a très vite accordé un deal de production de jouet à un grand d'époque Kenner Products (filiale de General Mills, puis racheté en 1991 par Hasbro). Côté jeux vidéo, Parker Brothers et Domark furent deux des premiers privilégiés pour tâter du pactole Star Wars, chaque studio réalisant leur propre adaptation de Empire Strike Back et Return of the Jedi entre 1982 et 1985. Quand bien même la branche jeu vidéo de Lucasfilm était officiellement créée depuis la moitié des années 80, les projets vidéoludiques gravitant autour de Star Wars étaient pour la plupart confiés à des prestataires extérieurs. Au début des années 90, lorsque l'idée d'une nouvelle trilogie germe tout doucement dans l'esprit de Lucas (en vérité, Star Wars était depuis toujours un projet bâtit sur la longueur, Lucas voulant raconté la genèse du personnage de Vador avant sa chute vers le Côté Obscur), il est décidé de commander une série de jeu vidéo afin de retracer les événements de la trilogie originelle et la mettre à la portée de tous. En particuliers des plus jeunes. Quoi de mieux alors que de viser la console d'époque la plus populaire auprès de la famille, surtout aux USA : la Super Nintendo. Le studio choisi pour développer ce qui restera une de leur rare création originale (ils étaient plutôt habitués aux portages) sera Sculptured Software. Ils se feront connaître un peu plus tard pour avoir porter Mortal Kombat I, II, 3 (et Ultimate Mortal Kombat 3) ainsi que Doom sur console 16-bits.
Super Star Wars, le premier d'une trilogie de jeu donc (parce que trois films, donc trois jeux, suivez un peu ! ), se veut être autant une vitrine technologique pour la console qu'un panorama enjôleur du film en rappelant à la mémoire des nostalgiques tout ce que le film avait eu de merveilleux. La fidélité au matériaux d'origine est présente autant que faire ce peu pour un jeu Super Nintendo et Sculptured Software a bien adapté la folle aventure spatiale de Luke Skywalker. Ajoutant ça et là quelques détails pour transformer une séquence anecdotique du film en level entier, le studio s'en sort avec les honneurs. Super Star Wars prend la forme d'un run'n gun mâtiné de plate-forme pour un cocktail explosif. L'influence de Contra III (Super Probotector chez nous) est palpable et même si les puristes remettront probablement en question l'ajout de certaine chose de la part de Sculptured Software, leur créativité pour combler les manquements et faire de ce Super Star Wars un véritable jeu vidéo, fun et cool est à saluer. Ça commence dés le premier niveau où on prend les commandes du jeune Skywalker (après un générique calqué sur ceux des films, à base de résumé défilant vers le haut sur un fond étoilé). En plein milieux d'un désert de dune sur l'aride planète Tatooine, on court et on canarde tout ce qui vient : scorpions-laser, chauve-souris géantes, serpents à tête de faucon qu'on croirait tout droit sorti d'une quelconque mythologie (chimère, tout ça...). Même les placides Bantha et les d'ordinaire amicaux mais notoirement roublards Jawa ont droit à leur rafale de tir de blaster dans les dents ! Le film est décomplexé et les affrontements, relativement rares dans le long-métrage pour se concentrer sur l'émotion et la dramaturgie, sont dopés à grands coups de pixels. La visite du désert de Tatooine se conclut par un surprenant combat de boss où on croise le terrible monstre du Sarlacc, ici véritable ver de sable colossal avec une gueule pleine de crocs et une sévère envie de vous bouffer tout cru. Les boss sont nombreux et presque aucun d'entre eux ne fait réellement référence au film mais qu'importe. C'est un pur plaisir que de croiser un bestiaire si vaste et si impressionnant pour épicer les choses. Le boss de la cantina, que l'ont doit affronter avec ce bon vieux Chewbacca (qui remplace la Leia jouable dans le Star Wars de 1991 sur NES) ressemble plus ou moins à un Rancor tout de cuir vêtu ; tandis que Han Solo – le troisième et dernier protagoniste jouable du jeu – devra en découdre avec un imposant droïde de défense impérial dans les hangars de l’Étoile Noire. Un robot de combat qui rend clairement hommage à Robocop et Aliens, par ailleurs (ou peut-être n'est-ce qu'une coïncidence...).
Disposant de quatre degrés de puissance, les blaster des héros (à l'apparence là encore fidèle à ce que les personnages manipulent dans le film) sont à upgrader au grès des bonus trouvés. Chewie, qui dispose de sa célèbre arbalète Wookie est un peu plus puissant que la moyenne et c'est par ailleurs le perso idoine pour les débutants puisqu'il dispose d'une meilleure jauge de vie. Enfin, c'est vrai si seulement vous arrivez à vous en sortir avec les phases de plate-forme qui compose la seconde grosse moitié du jeu. Un brin problématique, ces dernières souffrent d'un saut délicat où la pesanteur semble gérée de façon maladroite. La hitbox de certaines plate-formes, pas très précise, peut faire glisser votre personnage dans le vide et faire perdre une vie bêtement. Tandis que quelques passages ardus ne proposent que des plate-formes un poil trop étroites pour donner une séquence de saut intuitive et abordable, même pour les joueurs confirmés. Ajouter à cela les ennemis qui vous bouscule vers le bord de la plate-forme quand vous entrez en contact avec eux, et vous obtiendrez quelques passages casse-pied. Le level-design est par ailleurs ennuyeux. C'est beau, mais on passe son temps à foncer tête baissée tout droit devant, et à franchir des gouffres. Il n'y a aucune bifurcation possible, pas plus que de secret zone et le soft abuse parfois des trous impossibles à franchir en sautant sans se cogner le haut de notre tête pixelisée sur un élément du décors situé au dessus ; provoquant ainsi la chute inexorable et exaspérante. Finalement, Luke reste le personnage de base le plus agréable à jouer car grâce à son sabre-laser, obtenu un peu plus tard dans le jeu, vous pourrez atteindre facilement les ennemis dans un angle jusqu'à présent impossible à atteindre avec un fusil. La frénésie est souvent de mise, c'est explosif et la difficulté est bien réelle. Mais au final, on retient une forte notion d'amusement car même si le jeu paraît rude à certain moment, on finit toujours par franchir un cap et voir le bout du passage corsé qu'on est en train de traverser. Le jeu n'est pas cruel avec le joueur, il ne tient pas abusivement prisonnier celui qui s'y essaye en lui matraquant la tête des heures durant avant qu'il ne puisse enfin franchir un obstacle à la sueur de ses pouces endoloris. Sculptured Software a bien dosé le challenge de son jeu, son gameplay nerveux reste assez bien étudié et finalement, on se dit que c'est dans la norme des jeux d'époque.
Cerise sur le gâteau de ce gameplay enthousiasmant : les phases en mode 7. L’exclusivité Super Nintendo se justifie dès lors avec une séquence vidéoludique de rêve. Tout bonnement. Pour qui n'avait pas les moyens de s'offrir un ordinateur qui tienne la route afin de faire tourner un jeu comme Star Wars: X-Wing en 1993, Super Star Wars reste l'alternative bon marché. L'assaut sur l’Étoile Noire donne lieux à un level entier où, à la manière d'un Fox McCloud dans son Arwing (très inspiré du X-Wing d'ailleurs, ce n'est un secret pour personne), avec la technique d'affichage popularisée par Super Mario Kart et F-Zero, on dirige un vaisseau spatial en pleine bataille de canon laser. Un peu plus tôt dans le jeu, Super Star Wars propose une séquence similaire où à bord du landspeeder de Luke il faut rejoindre la forteresse des ferrailleurs des sables Jawas. Presque du Star Wing avant l'heure et sans Super FX. Bluffant, sensationnel, c'est pour ce genre de moment inoubliable dans l'enfance d'un joueur né dans les années 80-90 que Super Star Wars sur SNES figure parmi les jeux vidéo qui déclenchent le plus de nostalgie vingt ans plus tard.
Transition faite pour vous parler de la technique. Et si les jeux de Sculptured Software ont fait polémiques (notamment les Mortal Kombat, que beaucoup n'ont pas jugés très agréables à regarder), Super Star Wars ne suit pas la tendance. Bien au contraire. Comme je le sous-entend plus haut avec les boss, nombreux, Super Star Wars est généreux. Il nous offre 15 level et dans l'ensemble, leur palette de couleur est très bien adaptée. On reconnaît aisément les décors centraux du film. Si les cut-scene, quasi systématiques à chaque fin de niveau font dévier le scénario de façon surprenante (la rencontre avec R2-D2 qui ne se fait plus dans les canyons de Tatooine mais dans le sandcrawler gigantesque des Jawas), elles n'en sont pas moins très sympathiques à contempler. Tout de pixel fait et ne durant rarement plus qu'une minute, elles garantissent un rythme soutenu et certaines représentations (Vador contre Kenobi...) parviennent à nous tirer un frisson de nostalgie le long de l'échine ! On pourrait également évoquer une certaine interactivité avec le décor (particulièrement éclectique, ça fait plaisir ! ), il y a souvent des blocs ou autres éléments à détruire, ou encore du sable qui se détache des murs lorsque l'on tire dessus. Les animations dont disposent Luke et Han sont fluides et les effets spéciaux (des clignotements lumineux, des explosions...) sont suffisamment dynamiques pour réellement filer la pêche au soft sans ralentir l'action. Le long métrage de Lucas faisait preuve d'une inventivité artistique extraordinaire pour l'époque et embarquait avec force le spectateur dans une galaxie lointaine, très lointaine, et le jeu ici présent exploite les atouts de son modèle avec brio !
Le graphiste à qui l'ont doit ce très bon Super Star Wars est nul autre que Harrison Fong (non, pas Harrison Ford ! ), un ancien de chez LucasArts. Il était déjà connu pour les graphismes de Maniac Mansion qui ont bousculés le petit univers des micro-ordinateurs (Amiga, Atari ST...) en faisant briller le MS-DOS, la version de Microsoft du système d'exploitation PC créé par IBM en 1981. C'est entre autre avec Maniac Mansion que le PC commencera à rouler sa bosse pour devenir un support de jeu vidéo intéressant et remplaçant peu à peu le secteur des micro-ordinateurs au début des années 90. Par la suite, Fong se fera connaître pour l'excellent mais confidentiel Metal Warriors sur SNES et plus récemment les concept art de … Titanfall. Il a rejoint la bande à Tim Schafer pour remasteriser Full Throttle sur lequel il avait déjà été engagé comme graphiste additionnel en 1995. Joli CV, donc.
Côté son, ça suit l'enrobage visuel de qualité. Bien que peu nombreuses, les musiques reprennent bien évidemment les grands moments d'orgasmes auditifs symphoniques qu'aura sut nous transmettre sieur John Williams. Les puristes hurleront en entendant certains thèmes précis qui n'accompagnent pas forcément la bonne scène, mais qu'importe. Le midi ne dénature pas la musique. Les bruitages sont quant à eux dans l'ensemble satisfaisants même si certains ont put se plaindre de quelques sonorités agaçantes (les cris des Jawa, certaines armes...). La SNES commençait à en avoir l'habitude (Mortal Kombat, Dragon Ball Z Super Butoden, Mega lo Mania, Axelay...) mais c'est toujours un délice que d'entendre des voix digitalisées bien fichues. Surtout quand c'est celle du vieux Ben Kenobi qui en plein milieux du niveau de la tranchée de l’Étoile Noire - défi coriace mais ô combien palpitant pour un jeu de 1992 – déclare le mythique ''Use the Force, Luke'' !
On l'a suffisamment répété depuis des décennies, tout le monde connait l'adage selon lequel un jeu vidéo adapté d'un film est mauvais. D'autant plus si c'est adapté d'un mauvais film. Les exemple ne manque pas, sur Super Nintendo ou ailleurs. Mais quand on assimile la plus fabuleuse saga cinématographique à la plus fabuleuse console 16-bit (la plus fabuleuse console Nintendo, autant le dire), qu'est-ce que cela peut-il bien nous procurer ? Un bon jeu Star Wars, pardi. Que dis-je, un Super Star Wars ! Que l'ont soit un fana invétéré de la vaste saga aux Ewok et aux Wookie ou simplement un amateur de jeu d'action fun à souhait, on ne peut que saluer la qualité ludique et intrinsèque de ce Super Star Wars. Fait étonnamment rare, Sculptured Software et LucasArts parviendront à réitérer la prouesse par trois fois (le hat trick, comme on dit au football). Rares sont les soft à avoir sut si bien cultiver leur glorieuse inspiration pour constituer un jeu de premier choix. Star Wars est d'autant plus un défi casse gueule pour n'importe quel développeur que la série de films réclame de la démesure, de la magnificence, de l'ambition et de la folie pour en faire un bon jeu. On aurait pardonné un gameplay un peu morne, une difficulté hasardeuse et des graphismes dans la moyenne à presque n'importe quel autre run'n gun du marché. Mais avoir le privilège absolu de voir figurer le titre de Star Wars sur sa jaquette implique d'être prodigieux. Sculptured Software n'a pas tremblé et a sut endosser la lourde responsabilité d'une telle production. En résulte un jeu récréatif, complet, qui n'a pas à rougir face à ses contemporains tel Turrican ou Probotector et qui s'offre le luxe que finalement bien peu de jeu ont put se permettre : mode 7 maitrisé, voix digitalisées pour entretenir le rêve, déviance de scénario pour mieux servir le gameplay...
La Super Nintendo tient là une trilogie d'exclusivité de qualité à commencer par ce Super Star Wars remarquable. Nul doute qu'on devra bientôt aborder les deux opus suivants sur Retro Gamekyo. Histoire de voir si la Force était définitivement avec la machine de Big N ou pas.
Alien 3 était un film sombre, jouant patiemment avec la claustrophobie latente chez chacun d'entre-nous, exceptionnel dans son ambiance. C'était un très bon film, bien que le début de l'intrigue qui fait disparaître une des personnages les plus importants aux yeux de Cameron (la petite fille, Newt) ai déplu à beaucoup de monde. Mais tout aussi bon que soit le film, il n'était pas facile de l'adapter en un jeu vidéo d'action, contrairement à son prédécesseur plus martial, le Aliens de James Cameron. C'est pourtant ce que décidèrent de faire Acclaim en s'adressant au jeune studio Probe Software, déjà connu pour diverses choses comme les conversions de Mortal Kombat sur micro-ordinateur, le médiocre Robocop 3 ou encore le jeu Terminator 2 : The Arcade Game. Autant dire que ça souffle le chaud et le froid avec une nette propension à se faire du blé sur le dos des quelques licences cinématographiques juteuses du moment. Pourtant, on comprend vite pourquoi Probe fut sélectionné par Acclaim. Tout d'abord, car ils étaient déjà très proches d'Acclaim, cela ne fait aucun doute. Mais aussi car c'est un développeur qui avait l'habitude d'une certaine technique de développement qui il faut l'avouer fonctionnait bien pour retranscrire le visuel d'un film comme celui d'Alien 3. Cette technique, on l'a tous connu sur des jeux comme Mortal Kombat ou Batman Forever (du même studio, d'ailleurs), la digitalisation.
Ce n'était pas tout à fait le même procédé popularisé par Acclaim et Midway qui consistait à photographier de véritables acteurs dans différentes poses afin de digitaliser leur image pour les transformer en pixels. Mais on en était très proche tout de même. Pour autant, est-ce qu'un jeu qui respecte l'ambiance visuelle de son matériaux d'inspiration est à considérer comme un bon jeu ? Pas sûr, pas du tout même.
Pour rappel, l'histoire débute quelque temps après qu'Ellen Ripley ai réussie à s'échapper de la planète LV-426 où elle a affrontée une horde d'Alien. Mais un œuf Alien éclot à l'intérieur du vaisseau dans lequel elle s'est enfuie. Le facehugger endommage l'appareil qui est forcé d'évacuer ses passagers, placés en état de cryostase. La capsule de sauvetage quitte le vaisseau et s'écrase peu après sur Fiorina 16, planète où est installé un pénitencier de haute sécurité. La planète, balayée par des vents puissants est très inhospitalière, et le centre carcéral est un des pires de l'Humanité à travers les mondes colonisés. Il abrite les criminels les plus dangereux que la race humaine ai comptés... Très vite, les lieux sont rendus encore plus dangereux avec l'apparition d'une nouvelle créature xénomorphe avide de chair fraiche. Il est temps à Ellen Ripley de reprendre du service pour exterminer la menace intergalactique...
Comme dit plus haut, l'une des qualités du titre est qu'il était assez fidèle au film, visuellement parlant. Bien enrobé, Alien 3 avait des atouts graphiques à faire valoir. Le début du jeu nous présente une saynète en pixel art du plus bel effet (absente de la version Megadrive, sortie un an plus tôt). Les décors sont relativement détaillés tandis que l'animation est très satisfaisante (sauf quand Ripley saute, avec son cul en arrière, on dirait une putain d'autruche hyperactive). La démarche de l'Alien est fluide et constituée de suffisamment de frame pour rendre la bête menaçante. De plus, les décors ne sont pas aussi répétitifs qu'on pourrait le craindre. Puisqu'on peut visiter à travers la prison, outre ses sombres couloirs, le fourneau – lieux d'une scène marquante du long-métrage -, ses extérieurs brumeux sous la pleine Lune digne d'un véritable cimetière loin dans l'espace, ou encore ses égouts verdâtres remplis d’œufs de facehugger comme un champ de mines xénomorphiques. On retrouve l'ambiance oppressante du film. La technique de digitalisation de Probe fait ses preuves avec un tel univers graphique, obscur mélange entre le biologique et la mécanique tout droit tiré de l'esprit fertile mais étrange de H.R. Giger (rip). Probe a même pensé à quelques astuces visuelles pour renforcer l'ambiance claustrophobique de son soft et garantir une immersion optimale au joueur. En atteste les bords de l'écran volontairement obscurci de façon diffuse comme pour faire comprendre au joueur qu'au-delà de la pénombre qu'il faudra irrémédiablement explorer se trouve le danger. Effet très réussi d'autant qu'il ne gêne pas la lisibilité ni la maniabilité.
L'ambiance du soft, saisissante grâce à de bons graphismes l'est tout autant grâce à la bande-son. D'aucun dirait que les musiques sont lentes et ennuyeuses, elles sont surtout, selon moi, très bien adaptées. L'OST comporte autant de musiques atmosphériques comme on pourrait l'entendre dans les deux premiers films, que de musiques d'action signées Elliot Goldenthal pour Alien 3. Certaines même sont des reprises étonnamment bien fichues du film. Les bruitages ne sont pas en reste puisqu'ils ajoutent de la percussion à l'action. Le hurlement d'agonie du xénomorphe lorsqu'on lui explose le crane à coup de grenade est particulièrement jouissif, tandis qu'il éclate dans une gerbe de muscle et d'acide devant nos yeux !
Avec le temps, il parut clair que Probe faisait parti de ses studios de développement doué avec la technique, disposant de graphistes compétents, mais n'ayant aucun don pour le ludique. Ses gameplay étaient souvent tordus, mal calibrés et parfois même mortellement ennuyeux, difficiles et frustrants. Malheureusement, si Alien 3 est beau, il ne déroge pas à la règle.
Le jeu se découpe en série de missions qui reprennent fidèlement ce qu'on peut y voir dans le film. Ou à tout le moins, les objectifs de missions proposent de réaliser des actions qui iraient très bien dans un long-métrage typique de la série. À savoir souder des portes et colmater des brèches pour barrer le chemin des xénomorphes, sauver des prisonniers, bricoler des machines diverses, ou encore – ça reste un jeu vidéo – l'extermination pure et simple des créatures belliqueuses d'une zone donnée. Seulement voilà, la variété de tout cela n'est qu'illusoire. Pour chacun des six stages, vous devrez réaliser chaque objectifs de mission une fois dans l'ordre que vous voulez. Et à terme, la répétitivité se faire sentir. Il y a toujours eu une certaine tendance dans l'adaptation vidéoludique de film. Cette tendance, c'est de vouloir à tout prix exploiter une scène de dix malheureuses secondes dans le film pour en faire un niveau de jeu tout entier, parfois plus encore, ceci afin d'allonger artificiellement la durée de vie. Pour Alien 3, c'est de cela dont on parle, mais à son paroxysme. Son nombre de mission élevé garanti bien entendu une durée de vie conséquente (on dépasse allégrement les cinq ou six heures, ce qui pour un jeu d'action de cette époque est pas si mal que ça, au contraire), mais les allers-retours (le niveaux 3... bordel!) qui trainent en longueur de façon abracadabrante font énormément de tords au jeu de Probe.
Alien 3 tient de Super Metroid pour l'exploration et pour certains passages bien retranscrit où Ellen se retrouve cruellement seule dans des coursives froides et sombres ; et de Super Probotector pour l'aspect shoot'n run. Mais tout cela, en moins bon que les originaux, évidemment. Certain level d'Alien 3 sont de sacrés labyrinthes assez mal fichus qui se plaisent à énerver le joueur, bien loin du level design tortueux mais étudié de l'aventure de Samus Aran. Surtout qu'Ellen (qui a d'ailleurs largement inspirée le personnage de Metroid), ne dispose pas de son arsenal de gadget pour débloquer passage secret et chemin de traverse à travers la map. L'exploration en devient aussitôt bien plus monotone. On soupçonne les concepteurs d'avoir volontairement omit quelques facilités d'indication (des panneaux, des terminaux informatiques pour afficher la carte plus fréquents, etc) pour faire perdre du temps au joueur. Et si ce n'est pas les niveaux mal conçus qui auront raison de votre patience, ce sera les vagues d'Aliens à exploser au fusil mitrailleur. En cela, le soft se fait subitement bien moins fidèle au film dans lequel la partie de cache-cache avec la créature durait du début à la fin. Ici, c'est des vagues de dizaines de créatures qu'il faut atomiser à l'aide de trois (seulement, aie!) armes : fusil d'assaut, grenade et lance-flamme. Mais le bât blesse lorsqu'on se rend compte que les cohortes d'Aliens sont aussi faciles à être éradiquer qu'une tribu de moucherons à la bave légèrement vinaigrée. L'action gagne en brutalité ce que l'ambiance perd en authenticité car le jeu devient parfois une véritable promenade de santé à coup d'explosions et de fusillades tonitruantes, ce qui est totalement absent du film. Cerise sur le gâteau de l'incohérence, les grenades qui, si elles faisaient des dégâts impressionnants armées dans un lanceur approprié dans Aliens (Alien 2), ici ne font pas plus de bobo qu'un Chamallow lancé à la tronche de votre petite sœur.
Dommage, car les grenades auraient put être salvatrices contre les facehugger, notamment. Car ces bestioles sont plus petites que les autres, ainsi, elles sont plus difficiles à viser. Sauf que la maniabilité bancale n'aide pas. Il n'est possible de tirer en diagonale qu'en courant (là où Super Probotector le permettait en station fixe). Vos chances de toucher correctement au but est assez faible et il vous faudra balayer l'écran comme un demeuré pour espérer toucher une créature de quelques pixel de haut. Heureusement, les bonus en vie et en munition sont suffisants et réapparaissent régulièrement dans les portions de niveau pour ne pas tomber à court trop régulièrement. Autre soucis qui pourtant découle d'un bon point, initialement. L'animation. Comme dit plus haut, elle est satisfaisante, Ripley est réellement bien animée et dispose d'une palette de mouvement agréable à voir. Cependant, tout cela se fait avec une certaine lenteur, si bien que votre réactivité sera mise à rude épreuve pour affronter les garnisons d'Aliens qui vous tomberons sur le râble. La gestion des sauts passablement approximative, rend finalement la progression aussi pénible que frustrante. Il vous arrivera régulièrement de sauter trop tard pour esquiver un monstre, ou louper une corniche car la frame d'animation de trop aura trompé votre timing. Dernier soucis de maniabilité et pas des moindres, l'utilisation curieuse des boutons de la manette. Comme si le pad SNES ne comportait pas suffisamment de bouton pour pouvoir gérer toutes les actions possibles dans le jeu. Ainsi, si X, Y et A sont alloués à la gestion des armes, le bouton Y le sera aussi pour la touche d'action comme le saut évoqué plus haut ou l'examination d'un écran informatique. Alors, pour dissocier l'utilisation du lance-flamme attribué à Y et le saut, lui aussi attribué à Y, les développeurs ont ajouté une fonction de menu défilant à L et R. Pour faire simple, il faut d'abord appuyer sur L ou R pour sélectionner le lance-flamme et une double pression rapide sur Y sera requise pour pouvoir utiliser l'arme. Autant dire que l'intuitivité de tout ce joyeux bordel est réduit à néant et bien souvent, l'Alien ne vous laissera pas le temps de bidouiller vos boutons avant de vous sauter au visage ! Quant au bouton Select, il ouvre un radar pas franchement nécessaire qui s’éteint aussitôt qu'on ouvre le feu avec son arme. Il faut alors sans cesse presser Select pour bénéficier du radar, alors qu'il aurait put facilement être placé en transparence sur l'écran pendant qu'on se déplace et qu'on tire...
Malheureusement, la fluidité, le fun et l'intuitivité d'un gameplay nerveux comme celui de Super Probotector est mal maitrisé par les gens de Probe. Avoir un grand modèle ne suffit pas pour faire un grand jeu.
Alien 3 est un drôle de jeu, dans le mauvais sens du terme. Il est traitre. Son bel enrobage est trompeur. Il est un peu comme ces saloperies de tête à claque qu'on avait tous comme camarade à l'école. Avec son joli sourire enjôleur, sa petite chemise bien taillée, et qui par derrière insultait ta mère, volait ta carte Pokémon préférée et renversait ton assiette à la cantine et qui allait quand même chouiner à la maitresse pour que tu te fasses punir. La maniabilité réclame de la persévérance et quoique vous fassiez, vous ferez toujours une bêtise regrettable qui ne sera que très rarement pardonnée par le jeu. Le game over, cruel, vous renverra au début du niveau avec sa ribambelle de mission répétitive à recommencer tandis que le level design se plaira à vous voir déambuler dans des zones affreusement vides avant de vous noyer dans un assaut de monstre. Alien 3 est un cauchemar qui joue bien son jeu, il fait attention à ne pas abusivement réduire votre plaisir de jeu en cendre par un subtil mélange de passage correct et de passage à s'en arracher les cheveux. Ça fait illusion pendant un temps, notre attention est comme aspirée et la lenteur de l'action va de paire avec l'épuisement moral qu'on éprouve en s'ennuyant ferme dans les coursives de la prison de Fiorina 16. Mais vu d'ensemble, Alien 3 reste bel et bien un jeu très moyen. Joli, mais excellent diffuseur de poudre aux yeux pour cacher son absence quasi total de consistance et de profondeur, tout autant que de fun. Fun qui, je le répèterais probablement jamais assez, est un aspect selon moi primordial dans un jeu vidéo, en particuliers sur des machines aussi désuètes que la Super Nintendo.
Tenchu fut créé par le studio Acquire avec un postulat de départ fort ambitieux, celui d'exploiter pleinement les véritables caractéristiques d'un ninja tels qu'ils étaient décrit dans les histoires et légendes : agiles et furtifs. C'est surtout l'occasion à Acquire de damer le pion de quelques mois au mastodonte qui prépare son arrivée dans le genre infiltration en 3D : le Metal Gear Solid de Konami. Tenchu : Stealth Assassins bénéficie aussitôt d'une certaine popularité car sachant réaliser les fantasmes de toute une génération de joueur que des séries comme Shinobi ou Ninja Gaiden, au demeurant excellentes n'avaient pourtant pas put assouvir. Dans ces dernières, outre l'utilisation des shurikens, des sauts périlleux et des bonds contre les murs, le style de jeu se faisait surtout action et rentre-dedans à grand renfort de tranchant de sabre. La furtivité n'était jamais de mise.
Tenchu nous embarque pour le Japon féodal, au XVIème siècle, probablement dans l'ère Sengoku, la plus emblématique et à coup sûr la plus guerrière de l'histoire ancienne du Japon. Tandis que le pays est sans cesse déchiré par les guerres de pouvoirs (Oda Nobunaga, Tokugawa Ieyasu...), un seigneur refuse de prendre part aux conflits et favorise la paix. Cet homme sage, c'est Matsunoshin Godha. Pour maintenir la paix dans ses contrés, il s'entoure d'un clan de ninja fidèle commandé par deux guerriers de l'ombre : Rikimaru (力丸) et Ayame (彩女). Ensemble, ils vont déjouer les plans de marchands d'armes prêts à tout pour l'argent, traitres complotant contre leur daimyo et lutter dans les ténèbres pour éviter que leur province ne sombre dans la folie de la guerre. Mais quand le diabolique sorcier Mei-Oh cherche à détruire Godha à l'aide d'un guerrier-démon légendaire, Onikage, Rikimaru et Ayame doivent faire appel aux secrets ancestraux de leur ancêtres ninjas pour combattre les forces du mal...
Déplacement silencieux, bondir sur les toits, passer d'une zone d'ombre à une autre, manier habilement le ninjato (un sabre plus court qu'un katana afin d'être dissimulé et transporté plus facilement par les ninjas. Sa lame est par ailleurs droite au lieux d'être incurvée afin que celle-ci ne s'accroche par dans les vêtements), et surtout égorger sans pitié ses adversaires... tout cela est possible dans Tenchu. Immédiatement, il en ressort deux aspects essentiels du gameplay du soft. Tout d'abord le plaisir de se sentir tel un nuage ténébreux qui se ballade au nez et à la barbe des gardes pour venir les empaler un à un sans que ceux-ci ne se rendent compte du terrible massacre qui a lieux. Rarement un jeu n'aura donné autant de satisfaction lorsqu'à la fin d'une mission, en se revoyant assassiner l'ensemble des ennemis de la zone en toute discrétion, on obtient le rang suprême et le high score le plus valorisant qui soit. On se sent invulnérable. La faute à une ambiance et un travail d'immersion exceptionnel dont nous reparlerons un peu plus bas.
La seconde chose à noter dans le gameplay est son exigence, car se faire plaisir à rependre entrailles et viscères sur les murs ne s'obtient pas si facilement. En 1998, Tenchu offrait des sensations inédites en pénalisant le joueur impétueux par des joutes difficiles contre les adversaires alertés ; et qui devenaient carrément impossibles une fois que vos adversaires se faisaient au nombre de trois ou quatre. Tous était fait pour favoriser le jeu de l'infiltration, Tenchu assume son gameplay avec brio et les développeurs n'ont fait presque aucune concession.
Pour pallier aux limites technique de la Playstation, les concepteurs ont eu la bonne idée d'ajouter un petit système qui aide les joueurs à savoir comment se comportent ses ennemis. En effet, la visibilité n'étant pas très étendue, la caméra ne pouvant pas afficher le décors sur des kilomètres de panorama comme dans un Uncharted – en sus du fait que les décors étaient souvent sombres, un ninja agissant presque toujours la nuit -, il devenait délicat de se repérer. Ainsi, une petite icône avec un chiffre suggère au joueur à quelle distance se trouve l'ennemi le plus proche de lui afin qu'il puisse se mouvoir, se dissimuler au besoin et le contourner ou lui tendre un guet-apens dans son tour de garde. Ainsi, l'étude des environs est nécessaire pour tout d'abord dénombrer les ennemis (car il n'y a rien de pire que de se faire repérer en pensant avoir affaire à un ou deux adversaires, et en voir le triple débouler ! ). La disposition des map offrent régulièrement des passages plus sûrs que d'autres mais si vous voulez obtenir un high score intéressant (ce qui offre des objets bonus à chaque fin de missions, réutilisables pour les missions suivantes, un bon moyen de pousser le joueur à jouer le jeu au maximum) vous devrez prendre des risques et alignés les assassinats silencieux.
Avec le temps, on ne peut nier que Tenchu souffre malheureusement de son âge. Face à son rival d'alors, Metal Gear Solid, Tenchu ne tient pas la comparaison de l'intelligence artificielle très sommaire des ennemis. Dans l’œuvre de Hideo Kojima, les soldats ennemis savent vous rechercher, vous contourner, ouvrir les casiers dans lesquels vous vous cachez, taper dans les cartons sous lequel vous avez trouvé refuge. Et parfois même, ils se servent de gaz lacrymogène pour vous faire sortir de votre planque ! Dans Tenchu, les bougres opèrent un travail d'équipe dérisoire, ne communiquent pas entre eux, jette un coup d’œil très fugace quand ils pensent vous avoir aperçu et vous oublie aussitôt après.
Environnement 3D sur Playstation oblige, les problèmes de caméra hasardeuses et peu dociles sont légions. Il n'est pas rare de la voir s'affoler dés lors qu'on pénètre dans une portion du décors un peu trop étroit. Aussi, la rigidité manifeste du déplacement du personnage nous fait désagréablement nous souvenir que malgré le gameplay bien pensé et les égorgements jouissifs qu'on est capable de faire, on n'est jamais en présence que d'un jeu sur Playstation en 1998. Oubliez la souplesse d'une Lara Croft ou la sensation de force d'un Dante armé de sa fidèle Alastor. Les personnages de Tenchu sont un tantinet lents, et s'il vous prend l'envie de tester leurs capacités de combat face à un adversaire alerte et en pleine possession de ses moyens, il vous en coûtera !
Pour autant, la variété des outils qu'on a à notre disposition offre des sensations particulièrement rafraichissantes. Dans cette période de la vie du jeu vidéo, au sens global du terme, nous avions déjà grande habitude des fusils de toutes sortes, des épées et des boules de feu magiques. Et même avec les Shinobi et Ninja Gaiden sus-mentionnés, certains objets, ici transformés en véritables armes étaient des plus exotiques. Boulette de riz empoisonné à disséminer sur le parcours de ronde des gardes ; shuriken à envoyer dans la tempe des soldats à partir d'un abri ombragé ; makibishi (sorte de clous assemblés par paire de deux ou trois pour former un tétrapode) à lâcher au sol afin que les gardes à votre poursuite se plante les orteils dessus et ne puisse plus vous courir après (on appelle ça le ''Tonso-jutsu'' ou art de la fuite. Contrairement aux nobles samouraïs, les ninjas apprennent ce genre de chose très tôt dans leur formation) ; appeau pour imiter le son d'un animal et distraire l'attention des ennemis ; potion de sommeil qui à l'instar des boulettes de riz sera à déposer prêt d'un garde pour qu'il s'en empare, pensant avoir à faire à une bonne bouteille de saké avant de faire un p'tit somme... Et je ne parle que des outils ''réalistes''. La magie obscure du clan Azuma, celui auquel appartient nos deux valeureux combattants entre aussi en compte. En vrac, on peut citer le sort de double ténébreux qui fera apparaître un sosie tout d'ombre recouvert de votre personnage, lequel s'occupera d'attaquer les gardes pendant que vous continuerez votre chemin vers votre objectif sans devoir combattre.
Au final, si la rigidité des personnages est dommageable (Ayame est un peu plus svelte que Rikimaru, c'est à noter), la variété impressionnante des techniques mises à notre disposition induit le fait qu'on peut très bien s'en sortir. Il suffit de prendre le temps d'analyser les environnements, ils offrent souvent plus d'une échappatoire et beaucoup de possibilités de gameplay. Observer le trajet de ronde des gardes et ne pas hésiter à fouiller dans son inventaire et tenter des choses. Parfois, on a de bonne surprise et on découvre quelques astuces de jeu pour se défaire de sentinelles un peu trop attentives. Tout cela apporte un côté réellement jouissif. On se sent irrémédiablement malin et créatif lorsqu'on parvient à user de tous ces objets différents afin de tracer notre route au travers des ennemis sans même qu'il nous remarque. C'est un feeling plaisant que seul un bon jeu d'infiltration peut nous procurer.
Au delà de son gameplay riche de découverte, c'est l'aspect artistique sous toute ses formes qui a rendu Tenchu aussi attachant et remarquable. Dés le début, le jeu nous sert une scène d'introduction fantastique accompagnée d'un chant lyrique au possible de Yui Murase. Le compositeur, le génial Noriyuki Asakura ne s'est pas trompé en faisant appel à la vocaliste née en 1954 car il savait déjà de quoi elle était capable. En effet, ils ont tout deux travaillés auparavant sur la bande-son de l'anime Kenshin le Vagabond. Comme le remarque justement notre expert en retro gaming Alexkidd (il a écrit son test de Tenchu en 2007, dix ans déjà!), Asakura a produit une OST qui restera dans les annales. Une des plus belles jamais entendues sur Playstation, et je pèse mes mots. La concurrence est pourtant rude dans ce secteur sur la console de Sony ! La qualité acoustique, la richesse des mélodies et l'ambiance travaillée que les musiques sont capables de distiller sont un tout définissant l'incroyable qualité de la BO de Tenchu. Rien ne va sans l'autre. Entre chant traditionnel, volute d'instrument asiatique à la douce mélopée, partition martiale et composition aux accents de mysticisme, crépusculaires à souhait, la bande-son de Tenchu est complète. Parfois, même le silence devient un instrument de musique surprenant, mais qui contribue à rendre une ambiance folle au titre de Acquire. Comment ne pas se souvenir de ce niveau dans un temple religieux sombre, cerné par des adeptes si endoctrinés qu'on croirait voir des zombies. Une véritable secte aux habitudes effrayantes que le seigneur Godha nous charge d'éliminer afin de rétablir la paix dans sa province. Une atmosphère aussi puissante et unique n'est pas donné à tout les jeux vidéo !
Graphiquement, le jeu se présente en full 3D. Avec tous les problèmes de caméra symptomatiques de l'ère Playstation. Le visuel contribue grandement à l'ambiance viscérale évoquée plus haut. C'est au travers d'environnements assez variés (village, pagode, temple, caverne, forêt...) la plupart du temps engoncés dans leur écrin nocturne qu'on évolue. Le gameplay riche est ici servit à merveille grâce à un level design ingénieux qui donne naissance à des décors vastes où plusieurs chemins s'offrent au joueur. Tout est conçu au maximum pour favoriser la ruse et l'infiltration, l'utilisation de tout l'arsenal du ninja devient vite indispensable et jubilatoire. En ce sens, Tenchu ne dénote pas au milieux des autres jeux du genre et il représente très bien l'ère de la 3D naissante sur console de salon. Pour autant, on déplorera, déjà à l'époque une modélisation assez cubique des personnages, surtout face aux ténors du genre action-aventure-combat d'époque tels que Dead or Alive, Metal Gear Solid (tiens, le revoilà, lui), Medievil, ou encore Star Wars : Masters of Teräs Käsi (non, je déconne...).
Certaine textures sont assez pauvres, tandis que la distance d'affichage est peu étendue. C'est à double tranchant car évidemment, la performance technique de Tenchu en pâtit, mais ça force le joueur à se servir de ses méninges et à observer son environnement avec patience avant de foncer tête baissée dans le combat. En revanche, l'animation est très satisfaisante et fluide (sauf lorsque plusieurs ennemis s'accumulent à l'écran autour de vous. Mais si de telles conditions arrivent, c'est que vous avez merdé dans votre infiltration, prenez-vous en qu'à vous-même). Les assassinats silencieux qui rapportent le plus de point en fin de mission, accompagnés d'une gerbe d'hémoglobine particulièrement cinématographique font vraiment plaisir à voir. Rikimaru et Ayame transpirent la classe, à n'en point douter. Les modèles d'ennemis sont par ailleurs, à l'image des décors, assez variés. Mention spéciale aux chiens de garde (rarement vu dans un jeu d'action à l'époque) et à Onikage, dont le design lui assure un charisme mémorable.
Originalité, forte personnalité et gameplay exaltant font de Tenchu un jeu qui a marqué sa génération. Défrichant le genre infiltration 3D, quelques mois avant la bombe de chez Konami, Tenchu apporte un concept intéressant secondé par un gameplay créatif et surprenant. Qu'importe si aujourd'hui il accuse son âge aussi bien d'un point vu technique que d'un point de vue maniabilité, Tenchu reste une surprise et un soft unique dans la vaste ludothèque Playstation. Il a ceci de remarquable qu'il est un des trois premiers jeux de la série, riche en suite, et un des meilleurs surtout. En effet, Tenchu est par ailleurs une saga qui aura perdu de sa valeur au fil des années. Accumulant suites médiocres ou tout juste dispensables, la série ne se relèvera pas du traitement désastreux que lui a fait subir From Software en 2009 avec Tenchu : Shadow Assassins sur Wii et Playstation Portable. Le mariage avait pourtant bien débuté puisque c'est les futurs créateurs de Dark Souls qui avaient déjà conçus l'honnête Tenchu 3 : Wrath of Heaven à l'orée de la vie de la Playstation 2. Comme quoi, un bon coup d'essai ne garanti pas toujours le triomphe total.
Quand on évoque la Gameboy, on pense immédiatement à The Legend of Zelda : Link's Awakening, Super Mario Land, Castlevania II : Belmont's Revenge ou encore l'énorme Pokémon, celui qui changea à jamais la face du monde vidéoludique en 1996. C'est tout à fait légitime. Mais avant tout cela, à la sortie de la brique grise et portable-mais-pas-trop de Nintendo, il y avait Pinball : Revenge of the 'Gator. C'est un des tous premiers jeux de la console. Le 12ème, pour être précis. Ce petit programme électronique destiné à amuser petits et grands est d'une simplicité incroyable. Un pur produit du début des années 90. Du temps où le jeu vidéo, encore poupin et jeune média incompris, n'avait besoin que de quelques kilooctets de mémoire informatique pour vendre des heures de fun. Les créateurs de cette cartouche, c'est HAL Laboratory, deux années seulement avant Kirby et presque une décennie avant Super Smash Bros. Les p'tits gars de chez HAL (Kabushikigaisha HAL Kenkyuujo, parfois appelé HALKEN) sont déjà loin d'être des amateurs dans le domaine du jeu vidéo. Le studio est né en 1980 d'une alliance entre quelques passionnés d’électronique qui avaient l'habitude de squatter les enseignes d'informatique nippones commercialisant Apple II et autre VIC-1001 (la version japonaise du VIC-20 de Commodore). Ces passionnés - parmi lesquels on compte entre autre Masahito Tanimura (qui deviendra responsable hardware avec diverses responsabilités au sein de HAL et de Nintendo) et Satoru Iwata (feu président de … Nintendo entre 2002 et 2015, sacré promotion!) - avaient une certaine tendresse pour leurs jeunes années passées à écumer les cafés pour dessouder le records du voisin sur les flipper et autres machines de jeu électroniques. Aussi, lorsque le jeu vidéo débarque dans les chaumières et devient petit à petit une bonne source d'amusement alternative, les exploitants de flipper voient cela d'un très mauvais œil. En effet, d'Est en Ouest, la nouvelle naissance des jeux vidéo, après le krash de 1983, mené par un Nintendo ambitieux et méthodique fera fondre la popularité des pinball de café comme neige au soleil. Les bornes d'Arcade et autres jeux électroniques de bar restent vivaces aux USA jusqu'au début des années 90. Les centres de jeu bourrés de pachinko et pinball sont devenus des piliers culturels de l'amusement au Japon. Mais en Europe, le jeu vidéo aura bel et bien triomphé intégralement. HAL Laboratory, eux, auront très vite dans leur histoire décidé de tenter le mariage de ces deux univers ludiques en développant tout d'abords Rollerball en 1985 sur micro-ordinateur et plus tard sur Famicom. Leur premier vrai bon jeu, pourrait-on dire, d'ailleurs.
Revenge of the 'Gator se revendique de Rollerball et le studio prouvera son amour pour ce genre de jeu à mainte reprise : Kirby's Pinball Land en 1993, Pinball Spectacular en 1983, Pinball en 1984... Ce qui le démarque de Rollerball et de la plupart des productions du même genre à cette époque, c'est le ton décalé qu'on lui a donné. Limite cartoonesque, Revenge of the 'Gator est un peu plus qu'un banal jeu de flipper car il s’accommode d'un petit personnage sympathique. Vous l'aurez deviné, un alligator. Ce dernier, dés la courte séquence d'introduction exécute un pas de danse avant de présenter l'écran titre. La frimousse rigolote du saurien borde l'intégralité du soft, lui donnant ainsi une identité visuelle propre et un look qui sied à merveille à la Gameboy. La simplicité fondamentale des graphismes - Gameboy oblige, en noir et blanc - qui parfois peut être vraiment péjorative est ici adoucie par ces petits protagonistes reptiliens aux mimiques déjantées. Il n'y a qu'à voir la face inexpressive, yeux semi-clos de celui qui se place au-dessus de vos clapets pour gober la bille qui y tombe parfois. On croirait voir Droopy, le chien sous tranxen 500 réincarné en bestiole à écaille ! Les lézards sont les vraies petites stars de Revenge of the 'Gator et le soft n'a aucune prétention. Pourtant, l'alchimie fonctionne, accompagnée par quelques modestes pistes sonores très jazzy-cool pour garantir une ambiance détendue.
C'est très particuliers à décrire et fortement paradoxal, mais de son classicisme, Revenge of the 'Gator tire beaucoup de son âme. Car c'est un jeu qui en possède une, assurément. En outre, classicisme ne rime pas forcément ici avec pauvreté ou inintérêt. Revenge of the 'Gator est dans son principe un jeu de flipper tout ce qui a de plus banal. Trois billes à faire rebondir partout, quatre écrans reliés entre eux pour ne former qu'un grand tableau (mais un seul, c'est dommage), et un objectif unique : le highscore bien entendu. Simple comme bonjour. C'est universel, les règles d'un jeu de flipper sont connues de tous. Des zones secrètes à dénicher au gré des rebonds hasardeux de votre bille existent, au nombre de trois. Globalement, ça fait très peu de surprises à découvrir et on fait vite le tour de l'ensemble des tableaux. On peut tout de même noter que les bonus room disposent de plusieurs portes d'entrée et de sortie différentes, elles-même autant de passages dans les tableaux classiques. Ils sont parfois visibles seulement quand on les emprunte et sont à fortiori très peu devinables. Notre partie peut durer pas mal de temps selon la chance et la maîtrise que vous avez de vos clapets. Maîtrise, maîtrise, tout est relatif, cela va de soi. Ceci dit, il faut avouer que la physique de la boule est vraisemblable et les rebonds sur les bumpers et autres obstacles sont programmés avec précision. Nous ne sommes pas là face à la meilleure simulation jamais vue, Revenge of the 'Gator n'en a certainement pas la prétention. Mais le comportement de la bille est suffisamment cohérent pour rendre le jeu aisé à prendre en main et occasionner quelques jolis combos de rebonds afin de multiplier vos points. C'est suffisant pour le rendre un minimum addictif. Rollerball était déjà reconnu pour sa physique de bille fichtrement bien programmée.
Jeu modeste mais agréable, Revenge of the 'Gator est un titre taillé pour le line-up de la Gameboy. Petit projet sans fioriture de la part de HAL Laboratory entre deux autres jeux de plus amples envergures comme Air Fortress et Mother sur Famicom. Son principe simple a de quoi séduire. Un jeu de ce genre remet les notions de fun et d'accessibilité au centre du débat, à l'aube de l'ère 16-bits où les soft devenaient déjà de plus en plus technique. Néanmoins, on ne peut passer outre son gros défaut : il n'y a qu'une seule table de flipper. Composée de quatre écrans, certes. Mais cela fait trop peu, même en 1990. Sauf pour les férus du genre et les amateurs d'explosion de highscore, Revenge of the 'Gator atteint donc bien vite ses limites. D'autant qu'à peu prêt à la même époque, d'autres soft de pinball proposaient une expérience plus riche, comme Devil's Crush (PC-Engine, Megadrive) ou le fameux Pinball Dreams (Amiga, Atari ST, PC) développé par Digital Illusions (qui deviendra plus tard un certain DICE, créateur de Battlefield... hé oué!).