C'est quoi le comble d'un zombie qui regarde un film comique ?
Finir mort de rire...

Le 22 mars 1996 sort Resident Evil au Japon, dans la foulée aux USA et en août de la même année sur le Vieux Continent. C'est un succès retentissant. Le projet fut compliqué, de simple suite spirituelle avec pour but de tenter de nouvelles choses et d'explorer de nouvelles idées de game design, Resident Evil est devenu un monstre d'ambition et une source de conflit interne assez incroyable. Mettant en opposition son créateur, Shinji Mikami, avec d'autres têtes pensantes de chez Capcom comme le légendaire concepteur de Street Fighter II Yoshiki Okamoto, Resident Evil aura fait trembler les joueurs de peur, autant que les développeurs qui ont subit une pression comme jamais on pouvait en avoir une dans ce domaine professionnel. Resident Evil est le premier jeu Playstation à franchir la barre du million d’exemplaire au Japon. Toutes ses versions le front culminer à un peu plus de cinq millions d'unités vendus, aujourd'hui encore, on considère cela comme un score incroyable. Shinji Mikami devient quant à lui un des patrons de l'éditeur, il prend la place de producteur et troc son rôle de créatif pour celui de gestionnaire financier. Il nomme pour prendre sa suite directe un certain Hideki Kamiya car bien évidemment, la machine est déjà lancée et il est hors de question de s'arrêter en si bon chemin. Nous l'avions évoqué très subrepticement dans le test du premier volet : un projet nommé Resident Evil Dash est lancé. Des plantes mutantes, un manoir décrépi trois années avant le cauchemar de Chris Redfield et Jill Valentine, des monstres et des énigmes inédites... Mais le bébé est très vite étouffé dans son landau pour favoriser les ressources humaines, matérielles et économiques d'un plus gros morceaux : Resident Evil 2.
Mikami ne se plait pas dans son nouveau rôle. Il témoignera :
''J'ai rejoins Capcom en vue de créer. Je voulais élaborer des gameplay, chercher l’interactivité, mettre le joueur au centre du jeu. En devenant producteur, je n'étais plus impliqué au centre du processus de création. C'est comme si je voyais le tournage d'un film depuis le parking des studios. Ce fut un moment très difficile pour moi, j'ai failli quitter Capcom pour ça.''. Cette frustration le mènera à devenir encore plus exigeant et perfectionniste qu'à l'accoutumé. La gestation de Resident Evil 2 s'annonce déjà très dur et Mikami va mener la vie impossible à son équipe...

Hideki Kamiya est un personnage bien différent de l'irascible et pointilleux Shinji Mikami, mais il partage avec lui la passion pure du jeu vidéo. À l'excès même. Il est comme d'innombrables adolescents français et de tout horizon (oué, comme moi, comme toi peut-être également qui lis ces lignes), il est du genre à jouer toute la soirée et toute la nuit et faire ses devoirs le lendemain matin dans le bus ou le train, à l'arrache. Et puis tant pis si ça plait pas au prof. Il échoue dans son cursus universitaire la première fois, et obtiendra quand même un diplôme peu valorisant dans une structure scolaire de seconde zone. Bref, le Kamiya aime pas les études. Mais il manque pas d'ambition pour autant, il veut être game designer, rien que ça. Alors, quand Namco lui propose un poste de graphiste en 1994, il refuse et prend ses baloches comme un vrai pompier pour aller toquer à la porte de chez Maître SEGA, Konami, et même Sunsoft avant de déposer ses valises chez Capcom. Dés son entré dans la cour des grands, et encore plus lorsqu'il prend les commandes de Resident Evil 2, on constate ce qui nous a été démontré encore récemment et qui a défrayé la chronique avec la triste histoire de Scalebound. Le bonhomme est un stressé de la vie. Il est archi compétent, entendons-nous bien là-dessus. Mais il est émotif et n'est peut-être pas tout à fait à sa place en tant que véritable leader d'une équipe. Lors de son travail sur Resident Evil 2, il aura quelques soucis de santé, ne trouvera que difficilement le sommeil et de son propre aveux sera à la limite de l'alcoolisme ! Ses problèmes seront aussi d'ordre créatif car il a du mal à donner une direction à Resident Evil 2. Passionné en particuliers par les shoot them up comme Gradius ou Star Fox, il déteste les jeux ou les films d'épouvante. Si Shinji Mikami disait détester avoir peur avec amusement, et si lui arrivait à s'en servir pour créer un game design et une ambiance effrayante, Kamiya lui n'y arrive pas. Sa peur est sincère et son dégoût pour l'horreur bien réel. Mikami déclarera même
"le problème de Kamiya c'est qu'il n'aime pas du tout le gore. Difficile de travailler convenablement sur un sujet qu'on déteste''. Ainsi, la peur et l'horreur ne sont plus le centre des intentions de Resident Evil sous l'égide d'Hideki Kamiya, qui souhaite donner une dose d'action et de fun supplémentaire à son jeu.
Mikami est évidemment échaudé, même en tant que producteur, il ne peut s'empêcher de s'immiscer dans le processus créatif de Resident Evil 2. Vexé de ne pas pouvoir tenir les rennes comme il l'entend, il a l'impression qu'on fait n'importe quoi avec son œuvre. Il s'oppose fermement à Kamiya, comme un certain Yoshiki Okamoto avait put le faire en son temps... Décidément, il est ardu de travailler l'esprit serein avec ce genre de génie que personne ne semble comprendre ou être en mesure de cadrer. Mikami utilisera une analogie très parlante à ce sujet :
''j'éprouve le même sentiment qu'un père qui mari sa fille : j'y reste attaché mais la suite ne me concerne plus.''. Il tente de prendre du recul et laisse Hideki Kamiya gérer son affaire. Celui-ci n'est pas tout à fait incompétent, au contraire. Il a bien compris que pour faire peur aux gens, les protagonistes devaient ne pas être des super-héros, des êtres surdoués, et encore moins des visages familiers. En effet car Chris Redfield et Jill Valentine ont déjà vécus ce cauchemar, on sait désormais de quoi ils sont capables, ils ont survécus au manoir, alors ils survivront à tout le reste. En revanche, introniser une ou deux bleusailles sur qui on ne sait rien, et sur qui on ne peut pas compter faute de savoir qui ils sont, c'est une bonne méthode pour remettre le joueur les pieds sur terre et éviter qu'il ne se sente en confiance. Ainsi, les premières vidéo de Resident Evil 2, notamment au Tokyo Game Show 1996 montre de nouvelles têtes pour le moment anonymes. Kamiya saisi la corde par le bon bout et propose une direction intéressante. Il veut donner plus d'ampleur à la catastrophe et étendre la contamination du virus T à la ville de Raccoon City. Ça ajoutera une grosse dose de drame et d'emphase, en plus de renouveler intégralement le paysage. Et puis, en dehors d'un manoir somme toute tellement horrifique et à l'architecture tellement torturée qu'il ne pouvait venir que d'un songe, placée l'action dans une ville moyenne américaine tout ce qui a de plus réaliste pouvait faire naître un nouveau souffle de frayeur chez les joueurs. L'horreur aurait gagné en proximité, en concret et chaque joueur après avoir jouer à RE2 aurait vu un hôpital, un commissariat ou simplement une vulgaire rue mal éclairée d'une toute autre manière.
Seulement voilà, très peu de temps avant la sortie programmée du jeu en mars 1997, Shinji Mikami et Yoshiki Okamoto sont tenu de faire une conférence de presse. Environ 65% est développé, l'équipe est en retard, mais une décision fatale est prise : tout reprendre de zéro ! En effet, Mikami n'est définitivement pas satisfait du résultat. En cause, des décors trop répétitifs, des modèles 3D – notamment de zombies – trop médiocres (Kamiya voulait multiplier le nombre de zombie à l'écran pour simuler la population d'une véritable ville. Mais chaque zombie se devait d'être moins bien modélisé car le hardware Playstation n'aurait jamais supporté d'afficher autant de personnages en mouvement à l'écran d'un coup), une progression étrange qui avait l'air de chapitre segmentant clairement le jeu (un peu comme ce qu'on retrouvera avec les missions de Devil May Cry plus tard, conçu par … Hideki Kamiya, tiens dont...) et un rythme de jeu très mal fichu. Le projet est quasi intégralement mis à la poubelle et on l’appellera désormais Resident Evil 1.5. Quelques bonnes idées de base sont reprises, comme le changement de héros et Raccoon City qui restera le théâtre des opérations, et l'équipe se remet bon gré malgré au travail. Kamiya expliquera plus tard que selon lui, son erreur aura été d'avoir dit oui à tout ce qu'on lui proposait d'ajouter dans Resident Evil 2 sans se rendre compte si telle ou telle idée serait cohérente avec l'ensemble du jeu. Si bien que RE1.5 s'était vraisemblablement transformé en gloubiboulga indigeste et informe d'idée, de gameplay et d'expérimentation qui ne pouvait pas tenir la route.

Pour autant, et à la grande surprise de l'intéressé, Mikami reconduit Kamiya à son rôle de réalisateur. Analogue à cette déconvenue, Capcom doit faire face à une exode conséquente de sa force vive partie chez Squaresoft pour développer Parasite Eve. RE2 prend donc du retard mais Mikami et Capcom parviennent à trouver un palliatif pour contenter les fans. Resident Evil Director's Cut est proposé, censé présente une difficulté accrue, quelques changements d'ordre architecturaux dans le manoir et quelques menus détails supplémentaires. Malheureusement, et parce qu'un malheur n'arrive jamais seul, c'est un échec puisque les séquences cinématiques non censurées et quelques autres éléments bonus de la version Director's Cut ne seront jamais disponibles dans les versions occidentales du jeu. En cause, officiellement, une ''erreur humaine'', en effet, les fichiers bonus n'avaient pas été insérés dans le contenu du disque avant commercialisation... et à l'heure où les mises à jour ne se faisaient pas encore d'un simple clic sur Internet, en téléchargeant des fichiers lourds de plusieurs giga, c'était déjà trop tard. Viens ensuite Resident Evil : Director's Cut Dual Shock version, qui prend en charge la nouvelle manette de la Playstation à savoir celle avec les joystick et pourvue de générateur de vibration dans sa coque. Enfin, pour couvrir médiatiquement le terrain au maximum en l'attente de RE2, un portage de Resident Evil est commercialisé sur la Saturn de SEGA.

Dans le renouveau de Resident Evil 2, Leon est conservé, mais Elza est remplacée par Claire Redfield qui de toute façon garde les caractéristiques fondamentales du personnage : biker, jeune, et qui n'a pas froid aux yeux. Afin d'étoffer le scénario et les enjeux, il sera décidé d'en faire la sœur du héros masculin du premier jeu. Les environnements trop ternes et trop modernes de Resident Evil 1.5 sont échangés par une Raccoon City plus authentique, au style architecturale gothique se rapprochant du manoir Spencer. Pour se faire, l'équipe de développement se met à explorer de vieilles battisses de type occidentale éparpillées sur l'archipel nippon. Souvent délabrées et abandonnées, cela donne une bonne inspiration aux graphistes. Le rythme et la progression sont revus et quitte à plonger le joueur au cœur d'une action plus riche que dans le jeu précédent, il est décidé de faire débuter Leon dans une rue infestée de zombie. Cash ! Alors que dans RE1.5, il débutait à l'abri, sur le toit du commissariat. L'inventaire restreint est conservé alors qu'il avait été étendu dans RE1.5 et des moreaux d'armure qu'on pouvait octroyer à ses personnages sont finalement mis de côté pour les laisser toujours plus vulnérables. Pour aider Kamiya à élaborer un rythme de jeu plus consistant et un background moins diaphane, Yoshiki Okamoto, encore lui, fait écrire le scénario du jeu via la société qu'il a fondé en 1997 : Flagship.
Flagship, fermé en 2007, n'était de prime abord pas un studio de développement à proprement parlé. Fondé par des employés de Capcom, SEGA et Nintendo et financé de façons diverses, c'était surtout un groupement d'artistes qui produisait du contenu et du matériel afin d'aider à la pré-production de jeu. Une équipe d'artistes s'occupait des artwork et des concept art, tandis que des scénaristes jetaient les bases et les grandes lignes des histoires à raconter. Seulement ensuite, les éditeurs et développeurs programmaient et codaient les jeux en se basant sur les bases produites par Flagship. Le scénariste Noboru Sugimura, écrivain de son état, incorpore ainsi à la recette Resident Evil divers éléments qui feront les fondements de la mythologie de la série, au même titre que les virus et les manoirs. Les espions travaillant pour des sociétés secrètes, parfois plus ou moins rivales d'Umbrella (Ada Wong), les milices militaires privées (Hunk & Carlos) et les scientifiques fous en conflit avec leur ancien employeur (William Birkin) sont ainsi de son fait. C'est aussi grâce à lui qu'on découvre l'aspect tentaculaire d'Umbrella, ayant pris le contrôle économique, sociale et politique de la région de Raccoon City. Resident Evil 2 prend place très peu de temps après le premier volet. William Birkin, savant psychologiquement instable fini de développer le virus G, version encore plus agressive et pathogène que le virus T dont on a déjà vu les œuvres au manoir. Mais il se sait trahi par Umbrella qui entend bien le liquider et s'approprier sa création. Le chef de la police, qui était de mèche avec Umbrella, accepte de l'aider car lui aussi fut trahi. Entre temps, les survivants du manoir parmi les STARS tentent de réveiller les foules et de dévoiler la vérité sur Umbrella, mais c'est peine perdue, la société dispose de bien trop de puissance financière et politique pour être inquiétée par les élucubrations de quelques malheureux qu'on ne tarde pas à désigner en paria de la société. Chris Redfield et Barry Burton ont mis les voiles jusqu'en Europe pour enquêter sur Umbrella et essayer de trouver un moyen de mettre hors d'état de nuire cette horrible multinationale. Tandis que Jill Valentine a préféré rester aux USA pour investiguer de son côté. Quelques temps après l'épisode du manoir, la ville entière de Raccoon City est contaminée.

Dans ce cadre peu propice au bain de soleil et à la rigolade, Leon Scott Kenedy fait ses premiers pas au sein de la police locale et Claire Redfield débarque dans une ville assiégée à la recherche de son grand frère, de qui elle n'a plus de nouvelle depuis trop longtemps... Très vite, les deux protagonistes obligés de faire équipe font face aux monstres d'Umbrella, notamment le T-00, sorte de Tyran aperçu dans le premier jeu mais amélioré et bien plus résistant. Sa mission : éliminer les témoins qui en sauraient un peu trop sur Umbrella et récupérer l'échantillon du virus G que William Birkin a caché quelque part en ville. L'échantillon en question, c'est la petite Sherry qui le détient, dans une capsule contenu dans son pendentif. Cette jeune fille n'est autre que l'enfant de William, et Leon et Claire vont devoir la protéger tout en essayant de découvrir comment tout ceci est arrivé, avant de trouver un moyen de sauver leur peau et de filer hors de cette ville maudite … S'entremêle alors les actions énigmatiques d'une certaine Ada Wong qui croisera à maintes reprises la route de Leon. Cette dernière, espionne à la solde d'un concurrent d'Umbrella tente de mettre la main dans ce moment crucial sur les secrets les plus inavouables d'Umbrella. Business is business. Enfin, le commando d'élite Hunk, à la solde d'Umbrella parcours lui aussi la cité en proie à l'invasion zombie pour dénicher un échantillon du virus de Birkin. Chose qu'il parvient à faire avant de quitter les lieux tandis que le scientifique, paranoïaque, s'injecte à lui-même sa substance pour se transformer en épouvantable créature difforme...
Oui, disons le tout de go, le scénario est infiniment plus dense que celui de Resident Evil premier du nom. On peut même dire que ça part dans tous les sens ! Mais ça a ses avantages. En concordance avec la variété et l'espace de jeu offert par la ville de Raccoon City, des enjeux multiples et de la belle brochette de personnages très variés qui entrent en scène, on bénéficie d'une durée de vie exceptionnelle. Pas moins de deux scénario distincts par personnages (soit quatre cheminements en tout) nous sont proposés. Chacun des parcours des deux héros présentent des particularités et s'entrecoupent de façon aussi cohérente que possible, malgré quelques détails qui gâtent le bilan, mais sur lesquels je ne vais pas revenir, car ce serait faire la fine bouche. Si Claire ne fait face, pour ainsi dire, à aucun boss hormis celui de fin, elle doit se farcir le T-00 tout le long de son périple, ce qui n'est pas aisé. En revanche, Leon aura fort à faire avec le musée des horreurs et se confrontera à plus de boss traditionnels que sa pendante féminine. Alligator titanesque, insecte visqueux, et surtout les innombrables mutations de William Birkin... c'est en tout cas un réel plaisir de parcourir les différents itinéraires et de voir s'imbriquer les événements au fil de la progression. Petite cerise pourrie sur ce gâteau dégueulasse : choper une arme ou un paquet de munitions dans certaines salles dans le scénario A, les fera disparaître pour l'autre personnage dans le scénario B ! Il convient dés lors de ne pas tout rafler comme un mort de faim sous peine de voir votre second personnage complètement désemparé ! Pour finir, un dernier scénario, bien plus court celui-ci et secret de surcroît, met en scène le Hunk précédemment évoqué et prend des airs de mini jeu. Il vous faudra vous échapper de la ville en suivant un parcours bien ordonné, avec très peu de munitions, beaucoup plus de monstres à la ronde, et aucune énigme à résoudre. Seul compte ici les réflexes, l'esquive, la gestion de l'espace, la rapidité, la maîtrise de soi, pour ne jamais finir coincé dans une impasse face à une horde de zombie. Une sorte de run and gun, mais sans le gun, en somme. Tensiomètre explosé, des frissons partout, ce genre de mini jeu qui deviendra parti prenante de l'identité de Resident Evil ajoute un réel avantage à la durée de vie déjà conséquente du soft, en plus d'être un challenge très intéressant.
L'identité de Resident Evil devient clairement plurielle et décuple les inspirations cinématographiques, entre films de zombie, thriller et long-métrage d'espionnage, et même blockbuster militaire typique des années 80. Dans la suite, Resident Evil 3, on croirait presque à l'arrivé héroïque d'un Sylvester Stallone en grande pompe dans certaine scène ! Si Resident Evil premier du nom portait ses thème vers un cadre plus cloisonné, s'occupant plus de gérer les peurs que des conséquences des événements, Resident Evil 2 élargit énormément le spectre des possibilités et donne aux actes et aux événements bien plus d'ampleur. Sans le savoir, les développeurs posent les prémices de ce que deviendrait, thématiquement, la suite de la série, notamment lorsqu'elle entame son ère moderne : bioterrorisme, lutte internationale et guerre de multinationales crapuleuses, dont le summum se trouvera dans le sixième opus de la saga. Coïncidant d'ailleurs avec un autre sujet d'actualité effrayant de notre monde (la contamination à la salmonelle de The Dalles en 1984 ; les multiples tentatives d'attentats bactériologiques menées par la secte Aum Shinrikyo au Japon dans les années 90...), Resident Evil se montre toujours, consciemment ou non, étrangement lié à notre quotidien, horrifique à sa façon.

On l'a vu dans le premier test, Resident Evil est fortement inspiré de la cinémathèque de Shinji Mikami, il en sera de même pour RE2 avec Hideki Kamiya.
''J'ai participé au développement du premier Resident Evil, à ce moment, Shinji Mikami m'avait tendu une liste d'une quarantaine de films que je devais absolument voir. C'était un ordre ! Il adorait les films d'horreur, alors que moi, je préférais les films d'action. Je me suis plié à sa volonté et j'ai notamment découvert le film Zombie (ND Anakaris : Dawn of the Dead en 1978, second film de la trilogie fondatrice de Romero),
un film qui m'a profondément déprimé. Il était tellement différent de ceux que je regardais habituellement. Sans aucun dénouement heureux, il m'a fait me sentir mal.'' Nul doute que cette expérience sera essentielle à Kamiya pour comprendre les enjeux de produire un soft comme Resident Evil 2. Aussi, l'idée de l'absence de fin heureuse sera ancrée dans son esprit, analysé et digéré afin de donner la séquence désormais légendaire de la destruction complète de Raccoon City à grand renfort de missile atomique.

Kamiya implante dans la recette ses propres références culturelles testostéronées. Naquit alors un rythme de jeu plus soutenu, marqué par des séquences chocs parsemant l'aventure de façon plus intensive et divers artifices de mise en scène afin de garantir si pas la peur, au moins une tension constante. Le coup des dobermans qui fracassent les vitres pour entre dans l'étroit couloir dans RE se transforme ici en zombie qui traversent les fenêtre barricadées pour envahir le commissariat. Ils défoncent les grillages et régulièrement, des scènes cinématiques en image de synthèse d'une beauté à couper le souffle introduise une nouvelle menace, comme pour dire au joueur de ne pas trop prendre la confiance car d'autres créatures encore plus féroces le guette. On se souvient tous, notamment, de l'apparition spectaculaire du T-00, largué tel une bombe par un hélicoptère au-dessus de la ville en flamme. Globalement, Resident Evil 2 et 3 reprennent les même ficelles de mise en scène, de cadrage et de prise de vue hitchcockiennes que leur aîné en y ajoutant une ration d'oppression et de frayeur par le nombre (les zombies beaucoup plus nombreux occupent un champ spatial toujours aussi étroit) et par la répétition des drames qui se jouent autour du joueur (au détour d'une ruelle un malheureux qui se fait dévorer en hurlant de douleur, s'ensuit une explosion qui libère un groupe de zombie qu'on doit fuir, jusqu'à arrivé à un endroit d'apparence calme où il se passera de nouveau quelque chose de dangereux et d'effrayant...).
Selon Kamiya, Resident Evil 2 est à Resident Evil - ou du moins il le voulait à l'époque -, ce que Aliens (le second opus donc) est au premier film de Ridley Scott. Plus gros, plus badass, bourré de plus d'action. C'est un Resident Evil burné, enveloppé d'une couche de virilité et de poils saillants. Quant bien même, il n'en oublie pas ses racines, par exemple avec cette ambiance suffocante à huit-clos lors de la visite du commissariat ; ou cette ignoble sensation de danger permanent et d'incapacité à se défendre lorsqu'on croise le T-00, Resident Evil 2 s'émancipe de façon très intéressante de ses origines. Il se permet également de faire des ajouts mémorables dans un bestiaire jusque là horrible, certes, mais relativement conventionnel. Kamiya, qui avait déjà donné l'idée des chimères (ces espèces de mouches géantes répugnantes hantant le laboratoire souterrain du premier jeu) se sert de ces propres phobies pour concevoir les chenilles de RE2. S'ajoutent à cela deux monstres remarquables en la présence de l'alligator géant des égouts, évolution logique dans sa thématique des précédentes araignées, requins et serpents colossaux du manoir. Simple mais efficace. Le second sera le Licker, véritable spécimen parmi les pires, s'écartant allègrement de la simple bestiole contaminée par un virus qui aurait grandi un peu et gagné en appétit, pour se rapprocher plus de la véritable vision de cauchemar. Surréaliste, ignoble écorché capable de vous découper en rondelle à coup de griffe et de langue s'apparentant à un fouet, le Licker confère au bestiaire de RE2 un morceau de choix. Car si cela s'avère angoissant de se dire que des petites créatures de l'ordinaire peuvent se transformer en monstre une fois contaminées, c'est aussi angoissant de se demander comment une telle immondice qui ne ressemble à rien de connu a put voir le jour …

L'émancipation et la prise d'ampleur de Resident Evil 2 se traduit par les environnements qu'il nous propose de parcourir. Graphiquement, on fait face à un réel bond en avant. Si dans la version préliminaire et abandonnée de RE2, le fameux Resident Evil 1.5, Shinji Mikami se plaignait de la mauvaise modélisation des ennemis, ici, on constate que les graphistes se sont surpassés. Les nouveaux monstres apportent leur lot de muscles et d'éléments imposants engoncés dans des décors tantôt étroit, tantôt un peu plus ouverts afin de varier les prises de vues. S'ajoutent à cela des effets spéciaux inédits ou en tout cas trop peu exploités dans le cloisonnement du manoir du premier jeu, comme les flammes, les explosions et l'eau croupie qu'on doit parcourir dans les égouts. Les zombies explosent en bouts de viandes putrides quand on les attaque à bout portant avec un fusil à pompe, et les personnages se mettent à boiter ou à se tenir les côtes lorsqu'ils sont blessés, occasionnant ainsi de nouvelles animations. Double avantage : ça amplifie le stress car dans cette situation, chaque affrontement avec un adversaire rapide est très mal appréhendé par le joueur.
L'ajout de scène cinématique en image de synthèse donne un luxe à la performances graphiques de Resident Evil 2, bouleversant drastiquement le côté kitsch de l'introduction live du premier jeu. Le peaufinage de la 3D polygonale et la mise en place de l'action dans un environnements aussi vastes qu'une ville permet également une variation plus satisfaisante des zombies que dans le manoir isolé du premier jeu. On y croise des civils vêtus différemment, des policiers, des ouvriers et des scientifiques, entre autre, tout au long du jeu. L'heure n'est pas à la remise en question totale de la franchise Resident Evil (qui interviendra plutôt, dans un premier temps, avec Code Veronica, puis avec le 4). Ainsi, l’astucieux compromis entre décors précalculés fourmillant de détails et 3D polygonale pour les éléments en mouvement continue de très bien fonctionner. Le cadrage se permet de rendre plus large son champ de vision afin de proposer des environnements avec plus d'espace, dans le but d'optimiser la dramaturgie des événements. C'est mieux de voir en plan large un incendie qui balaye une rue, à grand renforts de flammes et de hurlements, que de braquer la caméra en champ très étroit sur les pieds du protagoniste. C'est cela qui en bonne partie donnera cet aspect encore plus cinématographique et hollywoodien à Resident Evil 2.

Les décors, toujours en 2D du plus bel effet, semblable à des peintures traditionnelles sur lesquelles se baladeraient des poupées en patte à modelé cubiques, ont bénéficié d'un soin épatant. Il est drôle de constater notre plaisir coupable et notre macabre fascination devant le niveau de détails des ordures et des détritus dessinés au fond d'une ruelle putride de Raccoon City. Ou le fatras d'objets en tout genre qui trônent en désordre sur le bureau des membres des STARS qu'on a l'occasion de visiter au sein du commissariat de police. On se prendrait presque au jeu d'ouvrir l’œil, et le bon, afin d'y dénicher un éventuel easter egg ou un élément décoratif curieux, à l'instar de la photographie de groupe de l'équipe de Chris Redfield et Jill Valentine qu'on peut dénicher dans la pièce.
Symboliquement, Resident Evil a toujours sut jouer sur les peurs ataviques et universelles de tous pour fabriquer des décors qui n'ont rien d'extraordinaire, mais qui, une fois pervertis par le prisme propre à la saga, en deviennent hautement hostiles. Un jardin qu'on imagine autrefois luxuriant et agréable devient un véritable limon à cauchemar tandis qu'on s'aperçoit de la présence d'un cimetière et d'une sombre crypte qui lui sont annexés. Mais là où Resident Evil 2 joue un coup magistral, c'est qu'il arrive à transposer la peur dans des environnements qui devraient nous sembler plus familiers, et de facto en aucun cas effrayants. Ainsi, le centre-ville d'une petite bourgade comme Raccoon City devient un champ de bataille ; et un commissariat au allures de véritables château fort, aux dimensions écrasantes et à l'architecture gothique qui en théorie devrait nous inspirer la sécurité, la loi et l'ordre, devient dans Resident Evil 2 un véritable enfer. Grosse partie de la toile de fond qui compose l'aventure de ce second opus, le commissariat, énorme, parfaitement disproportionné pour ce genre de bâtiment aux fonctions utilitaires manifestes, volerait presque la vedette aux monstres et à la peur elle-même. Sa figure, qu'on ressent étrangement en inadéquation avec sa nature et son rôle, ou plutôt ce qu'ils devrait être, a marqué les esprits. D'aucun dirait qu'il s'agirait d'un manoir bis, et ils n'auraient pas forcément tord. Mais force est de constater que l'efficacité de la représentation d'un tel décors, sa construction et l'assemblage de ses pièces, toutes possédant une importance capitale dans la progression du joueur, n'a d'égal que la simplicité de sa symbolique.
Le constat était simple, et Shinji Mikami nous l'explique en ces mots :
''Dans Resident Evil, nous avons choisi de situer l'action à l'intérieur d'un vieux manoir de style européen, isolé au milieu des montagnes. Cela nous a permis de créer une atmosphère angoissante, car il était difficile de s'en évader pour aller chercher des secours. Dans Resident Evil 2, je désirais partir d'un contexte différent tout en conservant l'idée de lieu clos. De plus, notre objectif principal était de faire croire au joueur que sa vie pouvait basculer du jour au lendemain, qu'une catastrophe comme ce que Raccoon City traverse pouvait arriver dans la ville qu'il connait tant, chez lui. C'est pour cela que les environnements de Resident Evil 2 sont ancrés dans une forme de réalisme moderne. Nous avons opté pour un commissariat, qui est censé offrir une protection, mais qui a malheureusement perdu sa capacité à fonctionner comme un lieu sûr. C'est pour faire comprendre que le joueur est cerné par le mal, malgré le commissariat, malgré ses armes et ses munitions...''

En adéquation avec son rythme, ses ambitions narratives et sa mise en scène plus musclée, la bande-son de ce Resident Evil 2 gagne une facette spectaculaire non négligeable. Le compositeur indépendant Koichi Hiroki ne reprend pas la baguette ici, mais Masami Ueda, déjà présent sur le premier jeu, est de retour en compagnie d'une nouvelle équipe constituée de Shusaku Uchiyama et de
Syun Nishigaki. Notons également la présence, succincte d'un certain Naoshi Mizuta, qui était plutôt connu pour avoir travaillé sur l'OST de Street Fighter Alpha avant de quitter Capcom pour rejoindre son ancienne collègue Yoko Shimomura (Street Fighter II, puis Parasite Eve) chez Squaresoft.
Les samples du genre lancinants et morbides de RE1 sont conservés mais sont bien mieux travaillés cette fois-ci, et sont surtout accompagnés d'une rythmique de blockbuster cinématographique afin d'accompagner les scènes d'action plus nombreuses. Des thèmes comme The Beginning of the Story sont chargés de suspens et de malsain, sa relative simplicité parvient tout de même à raconter quelque chose. L'utilisation d'un sample de bruitage faisant étrangement penser au battement d'un cœur à découvert a de quoi dégoûter, mais c'est ce qui rend les touches horrifiques de la bande-son de Resident Evil si géniales, si uniques. D'autre piste comme la sobrement intitulée Raccoon City apporte un ton fataliste impitoyable à une composition rythmée mécaniquement, accompagnant une scène de chaos et de destruction pure où la civilisation même s'effondre sous nos yeux. The Front Hall, la magnifique musique du commissariat se pare de ses plus beaux atours d'ambiance pour nous envelopper de mystère et d'étrange. Ses sons cristallins résonnant et ses sortes de pianos ou d'orgue discrets en fond donne une dimension presque cathédralesque à l'enceinte de ce lieux d'ordinaire très animé et surtout moins solennel, plus brut. Enfin, Escape from Laboratory, par exemple, ajoute à la formule des élans héroïques conjugués à l'urgence d'une situation dangereuse, à grand renfort de percussions très martiales, contribuant à orienter ostensiblement l'identité de Resident Evil 2 vers le blockbuster d'action hollywoodien.
Et parce que tout entre en concordance avec tout dans Resident Evil 2, le gameplay s'adapte aussi. L'heure n'est plus à l'apprentissage, les routines de gameplay, qu'on le veuille ou non, sont considérées comme assimilées par le joueur et l'équipe de développement ne perd pas son temps à vous prendre par la main. Dans un soucis d'immersion et de rythme, encore une fois, l'aventure débute sur les chapeaux de roues en plein milieux d'une Raccoon City embrasée et envahie de zombies. Le joueur doit réagir très vite et savoir se déplacer avec les contraintes qu'on connait bien, inhérentes à la saga toute entière sous l'ère Playstation. Les quelques autres mécaniques typiques de Resident Evil sont de retour : coffres communicants, rubans de sauvegarde limités, herbes de soin à assembler pour plus d'efficacité et énigmes à tiroir alambiquées sont envoyés à la figure du joueur sans une once d'avant-propos. Quelques innovations sont tout de même présentes, dont la santé physique des personnages directement visible à l'écran cette fois-ci, une astuce plus ou moins efficiente pour communiquer le stress chez le joueur qui passera son temps à s'enquérir de la santé de son personnage dans la crainte de croiser un monstre coriace ou pire, un boss... Les nouveautés de gameplay se marient avec une narration plus complexe notamment avec le système de zapping entre les personnages, où deux histoires se déroulent en parallèle l'une de l'autre. S'accaparer une arme ou un objet de soin dans le premier cheminement, privera le second personnage dans sa propre aventure. Ce qui, une fois qu'on saisit toute l'importance de cette information et une fois qu'on connait l'emplacement de tel ou tel danger, revêt une importance stratégique cruciale.
Il est également possible de customiser ses armes. Des kits d'outillage, généralement très bien cachés, vous permettrons ainsi d'augmenter l'efficacité du pistolet, du fusil à pompe et du magnum. Précision, souplesse d'utilisation ou puissance, ces kit améliorent réellement les armes. Et comme pour enfoncer le clou avec l'aspect action du jeu, un petit détail qui pourtant aura son importance dans la série et qui cristallise à lui seul toute l'influence de l'esprit d'Hideki Kamiya sur le jeu : la note finale. En effet, lorsque vous finissez le jeu, vous obtiendrez une note alphabétique selon différents critères, qualifiant votre habilité et votre skill manette en main. Une dimension scoring se rapprochant des jeux d'arcade et forçant donc le joueur à surmonter sa peur pour finir le jeu plus vite, se défendre au mieux pour éviter de dépenser trop d'objet de soin, ou d'économiser au mieux ses balles en augmentant la précision de ses attaques. Ce système viendra poser sa touche arcade dans un autre jeu de Kamiya, lui résolument orienté action folle furieuse : Devil May Cry, dans lequel exterminer les démons de la façon la plus cool et la plus dynamique possible donnera au joueur les meilleurs bonus.
La mutation, douce mais réelle de la saga vers le jeu d'action brut, presque trop, que sera Resident Evil 6 en 2012 est déjà en cours. Faisant écho aux nouvelles ambitions commerciales et stylistiques qu'a Capcom pour sa toute jeune poule aux œufs d'or, le gameplay de Resident Evil 2 tente d'équilibrer ses performances entre énigmes, phases d'exploration, gunfight et moments de stress intenses où le joueur doit surréagir et bondir dans le décors afin d'éviter le game over. Si cela aura tôt fait d'atténuer la sensation de frayeur pure et de malaise, ainsi remplacée par l'injection régulière d'adrénaline dans l'organisme du joueur qui se sentira parfois poussé des ailes, cela contribue aussi à renouveler l'expérience de jeu de bien belle manière. La proposition de Resident Evil, qu'on le veuille ou non, et qu'on considère cela comme contre-nature face à ses fondements, est admirablement bien ravivée. Préfigurant le carnage total et sans plus aucune barrière que sera Resident Evil 3, pourtant toujours engoncé de force dans l'ancienne formule Resident Evil, RE2 s'assouplit, ouvre des portes, ne renie pas ses racines, en somme : il établi un équilibre quasi parfait. Conceptuellement et concrètement, Resident Evil 2 marque d'un point de vue du gameplay, peut-être ce qui se fait de mieux dans la série, si on considère uniquement sa période old school.

Après un développement incroyable de difficulté et bien des efforts, Resident Evil 2 voit le jour le 29 janvier 1998 au Japon, le 29 avril de la même année chez nous. Environ 4,96 millions d'exemplaires trouvent preneurs, et le jeu réussi à faire en seulement quatre jour ce que Resident Evil premier du nom a mit des mois à réaliser sur le sol nippon. C'est un carton plein amplement mérité car Resident Evil 2 est ce qui se fait de mieux en terme d'immersion et de graphismes soignés sur Playstation à l'époque. La faible durée de vie est habilement compensé par l'orientation différente des scénarios liés aux deux personnages jouables, et le jeu étend son univers scénaristique de bien belle manière. Le succès du jeu, intimement lié à celui de son support d'origine, trouve écho à la croissance de la branche gaming de Sony qui aura bouleversé le jeu vidéo en 1998. Proposant une quantité incroyable d'oeuvre culte en cette année de coupe du monde de football (Gran Turismo, Tekken 3, Crash Bandicoot 3, Metal Gear Solid, Tomb Raider III...), la Playstation de Sony verra Resident Evil 2 être un de ses fers de lance, resplendissant et valeureux.
En outre, Resident Evil 2 marque l'avènement de plus en plus populaire du genre survival-horror. De nombreux concurrents capables plus ou moins de s'émanciper de l'imposante figure de patriarche de Capcom en la matière se manifestent. Deep Fear de SEGA pour sa Saturn par exemple, s'inspire de Abyss de James Cameron, lui-même se nourrissant au sein d'Alien. Il reste fondamentalement très similaire à Resident Evil, ne surprend pas par son génie ou sa prise de risque outrecuidance hormis une maniabilité plus permissive et plus dynamique notamment lors des combats. Et si au final Deep Fear n'est pas un monument, il n'en reste pas moins un sympathique jeu du genre. Expérimental, Parasite Eve de chez Squaresoft, qui aura accueilli dans son équipe de développement de nombreux géniteurs de Resident Evil d'ailleurs, proposera également sa vision du survival-horror. Hybride entre le RPG que le studio connaissait bien et le système de jeu de Resident Evil, le jeu de Takashi Tokita demeure probablement le représentant le plus intéressant de cette toute première vague de ''clone'' de l'oeuvre de Capcom. Galerians ajoute à la recette traditionnelle une intrigue à base de manipulations psychiques, pouvoirs extra-sensoriels et complots militaro-scientifiques du gouvernement fortement inspirés du manga culte Akira. L'illustre modèle Alone in the Dark lui-même s'inspirera généreusement de Resident Evil, juste retour des choses, et se présentera avec un autre très bon jeu du genre : A New Nightmare en fin de vie de la Playstation. Même le PC n'est pas imperméable à la folie du survival-horror et se procure un titre exclusif haut de gamme avec Nocture en 1999, à mi-chemin entre le hit de Kamiya et X-Files pour le scénario.
Silent Hill, quant à lui est probablement celui qui tente le plus (et le mieux) de se différencier du mentor. Désireux d'explorer davantage les versants psychologiques d'une horreur en quelque sorte plus brumeuse, moins concrète, mais également plus dérangeante et plus complexe à comprendre, Silent Hill travaille l'esprit du joueur à grand coup de symbolismes et de non-dits fascinants. Bénéficiant d'une mise en scène – notamment 3D – un peu plus moderne avec des travelling de caméra en temps réel lors des phases d'exploration, ainsi que d'un maniement du personnage globalement plus souple, Silent Hill ne singe pas vulgairement Resident Evil mais peu tout de même le remercier d'avoir placer de façon aussi magistrale le survival-horror sur le devant de la scène.
Fortement influencé par le cinéma notamment, Resident Evil devient influenceur à son tour. Allant jusqu'à bouleverser la culture d'entreprise même de Capcom qui devra gérer Resident Evil comme un manager gère une rockstar. Dès la fin du cycle initial de la série, une pléthore de projet annexes seront mis en chantier, constituant une vaste famille de produits dérivés. Capcom met un pied dans le marché moderne du jeu vidéo. Opportuniste, Capcom externalise, diversifie et met au pluriel sa saga déjà si juteuse. Hormis les dérivés vidéoludiques, c'est une série de films, live ou d'animation, de romans et même un bar-restaurant à thème dans le quartier de Shibuya à Tokyo qui sont proposés aux fans. Tout cela rencontrera plus ou moins bonne fortune et participera, en bien ou en mal, à inscrire durablement Resident Evil dans l’inconscient collectif comme bien plus qu'un simple jeu vidéo, aussi fondateur soit-il.
Sources:
www.nowgamer.com/the-making-of-resident-evil
Resident Evil Archives. BradyGames Publishing. November 9, 2005. ISBN 978-0-7440-0655-1
Research on Biohazard 2 final edition (japonais). Micro Design Publishing Inc. September 1, 1998. ISBN 978-4-944000-77-7
Hodgson, David (1997). Resident Evil 2 Survival Guide. Gamefan Books. 106A–108A
http://www.gamasutra.com/view/feature/3148/postmortem_angel_studios_.php