Pour ce premier retro test de l'année 2017 sur Retro Gamekyo, nous allons inaugurer une nouvelle section en abordant une console discrète, peu connue, qui n'a eu que peu de succès, souvent mal aimée, mais qui mérite tout de même qu'on s'y attarde un petit peu : la Lynx d'Atari !
Tout commence par Epyx, célèbre développeur américain (Winter Games, California Games, World Games, Summer Games, bref tout à base de games en fait...), qui crée un pôle de développement console. Celui-ci est constitué en grande partie par les ingénieurs ayant donné naissance aux coprocesseurs de l'Amiga (Portia, Agnès et Daphné). Le temps passe, nous sommes en 1988 et la machine est fin-prête. Elle a pour nom : Portable Color Entertainment System (PCES). Malheureusement, suite à l'effondrement du marché américain de software micro et à quelques développements stratégiques hasardeux la firme a perdu une grande partie de ses assises financières. Entre temps, le projet change de nom et devient la Handy.
En parallèle, Atari cherche à renouer avec le succès à la fin des années 80. Le marché des micro-ordinateurs ne cesse de se faire grignoter par celui des consoles de salon traditionnelles. La concurrence des japonais dans le secteur, Nintendo en tête, est de plus en plus handicapante pour les firmes américaines qui n'arrivent pas à lutter. La faute à un tarif hardware trop élevé et à des licences trop vieillottes, qui ne fédèrent plus comme le feraient les Mario ou les Zelda. De plus, l'arrivé de Windows 3.0 pour les PC sera une raison supplémentaire du déclin des machines d'Atari et Commodore/Amiga. Qu'à cela ne tienne, Atari veut tenter de prendre le wagon en marche et désire s'installer à son tour avec une console, pour épouser les dérives du jeu vidéo à l’orée d'une nouvelle décennie. L'accord est donc conclu, Atari prenant des parts chez Epyx tout en versant des royalties sur chaque machine vendue. Pour l'occasion, la PCES est rebaptisée Lynx. Parce que bon, PCES, c'est pas vendeur du tout. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le fauve en a dans le ventre.
Commercialisée en octobre 1989, soit six mois après la Gameboy, la Lynx se trouve en petite quantité aux USA et au Japon pour un prix de 190 $. C'est cher. Mais dés le début, Atari ne s'en cache pas et veut clairement concurrencer la brique grise de Nintendo. Son hardware est phénoménal et là où la Gameboy dispose d'un écran pauvre, monochromatique et de composants bon marché (une volonté de son concepteur, Gunpei Yokoi afin de garantir l'accessibilité de la console à toutes les bourses), la Lynx gonfle immédiatement les pectoraux. Son fabuleux coprocesseur graphique, nommé Mickey, carbure à 16 Mhz. Sa palette de 4096 couleurs, dont 16 affichables simultanément, et sa définition de 160*102 avec écran LCD rétro-éclairé rétament littéralement la pauvre Gameboy. De plus, les cartouches Lynx sont costauds, avec des premiers modèles allant de 128ko (contre seulement 32 pour la console de Big N) à 1mo de mémoire, ce qui permet à la console américaine d’accueillir des portages d'Arcade assez intéressants et sans gros compromis graphique.
On passera rapidement sur les filouteries marketing d'Atari qui vendait sa console en bundle avec pas moins de quatre jeux. En réalité, seule la cartouche de California Games était livrée avec la Lynx. California Games qui proposait quatre épreuves sportives différentes en guise de mini-jeu dans le jeu (une version tronquée donc, vu que l'originale sur Commodore 64 proposait six épreuves), Atari camouflera cela en essayant de faire passer les quatre épreuves en jeux à part entière. Atari était coutumier du fait en ayant inscrit sur le packaging de Space Invaders sur Atari 2600/VCS qu'une seule et même cartouche contenait pas moins de 112 jeux, en réalité il s'agissait des 112 stages du jeu de Taito … On suppose que c'est le hardware impressionnant et ce genre de tromperie qui fera de la Lynx un gros succès commercial dés le début, avec prêt d'un million d'exemplaire vendu très vite. Mais le soufflet retombera presque aussi vite que la console vit son succès arriver, Atari peinant à l'alimenter en jeu contrairement à la Gameboy qui engloutissait des tonnes de soft venus des plus gros éditeurs d'époque.
L'été 1987 fut survolé par le premier jeu de SEGA à exploiter une nouvelle version de son célèbre hardware Arcade, le Super Scaler : After Burner. Atari sachant pertinemment qu'une console n'est rien sans jeu (même si ils auront énormément de mal à en développer pour leur Lynx après son lancement), ils chargent le graphiste Arthur Koch et le programmeur Stephen Landrum de développer un jeu en 3D pour être une vitrine technologique. Ce jeu, ce sera Blue Lightning. Très vite, le choix de réaliser un After Burner-like est fait, les salles d'Arcade aux USA étant encore très populaires à cette époque, l'inspiration vient d'elle-même. Koch nous raconte ''After Burner est probablement le jeu qui m'a poussé à conceptualiser un jeu de combat aérien en vue à la troisième personne plutôt qu'en vue subjective. Stephen était plus influencé par des simulations en vue cockpit comme Falcon sur Atari ST et Amiga. Falcon était une vrai simulation hardcore, difficile d'accès, et je voulais quelque chose qui soit plus dans la tradition de l'Arcade tant du point de vue du gameplay que de l'habillage visuel.''
Le jeu se paye le luxe d'avoir une petite histoire, quand bien même cela n'aurait aucune importance dans un jeu de ce type. Le diabolique général Drako, dont on nous ne dit pas la provenance ou la nationalité, sème le chaos et repend la guerre à travers le globe. Vous incarnez un pilote de chasse des Nations Unies membre de la fameuse Lightning Squad. Un peu le Rogue Squadron à la sauce Top Gun quoi. Et c'est bien entendu à vous qu'incombe la tâche de faire foirer les plans de ce fils de renard de général Drako. Oué, bon, fallait pas s'attendre à un roman de Isaac Asimov non plus hein.
Ce qui marque surtout, dans Blue Lightning, c'est indubitablement ses graphismes. After Burner était réputé en Arcade pour sa technique de scaling spectaculaire (zoomer/dézoomer, orienter et faire changer de direction différents sprites du jeu en même temps que celui contrôlé par le joueur) et la Lynx est aussi capable de cela. En découle beaucoup de dynamisme à l'écran, avec des cibles qui n'hésitent pas à changer d'axe pour tenter d'esquiver vos tirs. Le sprite de l'avion qu'on dirige a bénéficié d'un soin tout particulier de la part de Koch qui a bien failli voir son travail partir à la poubelle. En effet, Stephen Landrum et lui ont mis longtemps avant de tomber d'accord pour faire apparaître le chasseur F-16 à l'écran. De base, Blue Lightning devait se jouer avec une vue de cockpit. Mais c'est l'apport de quatre fois plus de couleurs possible en même temps à l'écran que sur les PC d'époque (sauf ceux équipés d'une très coûteuse carte EGA de chez IBM...) qui fera toute la différence. Le travail de Koch ne pouvait pas finir aux oubliettes de la sorte, cela aurait été du gâchis. Un cockpit gris et terne aurait été insultant pour le hardware de la Lynx. Là encore, le foisonnement de couleur dont était capable la console, impressionnante à côté des dérivés de vert de la Gameboy, ont permis de créer des environnements riches. Bien moins monochromes que ceux du portage d'After Burner sur Master System par exemple, ils sont en plus de cela variés : plaine, montagne, au dessus de l'océan ou dans un canyon désertique, on voit du pays. Il y a même des variantes de nuit du plus bel effet !
Arthur Koch nous explique à propos de son ambition graphique sur Blue Lightning : ''Il y a plein d'éléments graphiques, comme des tiles de décors ou des sprites d'arbres, qui ne se répètent pas aussi fluidement que je l'aurais voulu. C'est à cause de la limite de mémoire. On a donc dut limiter l'affichage et faire des concessions. Soit le jeu devenait ultra fluide mais avec des sprites peu détaillés et très nombreux, soit l'inverse. J'avais aussi fait bien plus d'éléments graphiques différents que ce qu'on a put exposer dans le jeu. Notre base de donnée sur Blue Lightning comprenait au moins dix modèles d'arbres différents supplémentaires. Quelques années plus tard, lorsque j'ai travaillé sur Soviet Strike (ND Anakaris : Saturn et Playstation, 1996), je n'avais plus ce problème de limitation de mémoire. J'ai donc put créer librement une grande texture de terrain basée sur des photos aériennes pour un rendu bien plus réaliste. Je suis tout de même fier de ce que j'ai fais sur Blue Lightning, c'est un titre sur lequel je me suis beaucoup investi. Il y a des jeux sur lesquels j'ai travaillé avec plus de facilité notamment grâce aux capacités hardware de plus en plus sophistiquées, mais sur lesquels j'ai pris moins de plaisir, paradoxalement.''
En terme de gameplay, Blue Lightning est convaincant aussi, quoique pas exempt de petits couacs. Tout d'abord, on constate qu'il est l'évolution logique d'After Burner, son modèle. Les concepteurs d'Epyx ont eu le bon goûts de ne pas faire un vulgaire copier/coller et ont ajouté différents types de missions. Outre les classiques dogfight, on a donc droit à du slalom de l'extrême entre les montagnes pour rejoindre un point précis de la map le plus vite possible. Les incontournables phases d'escorte où vous devrez protéger coûte que coûte des transports non armés, séquence particulièrement tendue d'ailleurs. Il vous faudra aussi viser et détruire certaines cibles précises au sol (hangar d'armement, usine, base ennemie...) ou encore éviter de se faire abattre (un véritable mode survival) alors qu'on transporte des documents top-secret très importants.
Mais comme pour honorer la mémoire de son illustre mentor, Blue Lightning reproduit en partie les problèmes de gameplay d'After Burner. La difficulté, principalement en cause, y est mal dosée. Les concepteurs ont été dans l'incapacité la plus complète de proposer un niveau de difficulté cohérent. Les premières missions sont faciles, voir très faciles, mis à part une ou deux à l'objectif bien spécifique qui entrainera une phase de gameplay particulière auquel les joueurs ne sont pas habitués (le rodéo entre les montagnes par exemple). Mais les missions de fin sont punitives au possible. Les unités adverses sont plus agressives et peuvent envoyer une salve beaucoup plus massive de leurs missiles meurtriers. La baffe arrive sans crier gare tant la courbe de difficulté s'amuse à emprunter la fusée direction les étoiles d'une mission à l'autre. C'est frustrant et ça rappelle le fonctionnement typique de beaucoup de jeu d'Arcade de l'époque (comme After Burner, comme c'est étrange...) qui offraient quelques stages simples en début de jeu, histoire d’appâter le chaland. Et qui à partir du second tier ou de la moitié impose des épreuves terribles et des niveaux à la difficulté diabolique, forçant le joueur à introduire des dizaines de deniers dans la fente à pièces de la machine, gloutonne au possible.
C'est le jeu vidéo des années 80 et 90, ma bonne dame !
En définitive, Blue Lightning est un bon jeu. Impressionnant techniquement, il propose un gameplay un peu plus complet que les autres jeux du genre sorti plus tôt, c'est une plus-value non négligeable. Il a tout du jeu honnête, immédiatement fun, simple à prendre en main. L'Arcade dans le creux de la main en somme. Enfin, à peu prêt, étant donné que la Lynx n'est pas à proprement parlé une console portable tant elle est volumineuse (hé, c'était pareil avec la Gameboy et la Game Gear après tout). Le problème, c'est justement qu'il est sorti sur la Lynx, et que cette console est morte-née tellement Atari n'avait aucun plan de développement software pour fournir à sa machine de quoi manger. Et des jeux malchanceux, de bonne qualité, mais qui on été fait sur des consoles foireuses, il y en a eu des tonnes.
« Wo putain !
Qu'est-ce qu'il vient foutre ce low-tier dans le groupe des retro-tests, surtout pour faire un article sur un jeu déjà traité y'a un moment ? »
Bon je t'explique.
Déjà je fais ce que je veux et oui, je sais que le Doc a déjà pondu son avis sur Conker's Bad fur Day (juste là : group_article38789.html). Mais voilà, comme à chaque fin d'année, on se mange deux à trois semaines de famine coté actualité et tests, donc je me fais chier. Après discussion avec Anakaris, nous décidâmes (*) qu'il était temps pour moi de livrer ce que l'on pourrait appeler une « réponse », notamment aidé par le fait que j'avais justement terminé le jeu via la Rare Replay sur Xbox One. Mais je reste néanmoins perfectionniste quand l'instant le demande et la moindre des choses était de tester la chose dans des conditions réelles : j'ai donc ressorti un vieux carton de ma cave.
(*)T'as vu cette maîtrise du français ? On dirait du Pivot, mais en mieux.
La classe hein ?
150€ minimum la cartouche PAL de Conker. Juste la cartouche !
Pi bon, je n'avais plus la prise péritel de la console et il était hors de question que je rachète ce genre de truc, mes gosses m'ayant coûté à noël l'équivalent d'un bras et deux couilles. Donc je reste sur mon nouveau rush avec la Rare Replay, ce qui finalement ne change pas grand-chose à l'expérience globale.
Si vous avez lu le test du Doc, il est inutile de refaire l'histoire du projet et si vous n'avez encore jamais cliqué sur le lien ci-dessus, sachez que je m'en fous puisque j'avais l'intention d'aller directement à l'essentiel, à savoir expliquer pourquoi la « valeur nostalgique » du titre ne vaut pour moi que 65 % grand maximum, et surtout pourquoi j'ai ragé devant ma console la moitié du temps. Car certes, Conker's Bad fur Day est effectivement un jeu marquant de son époque, prouvant que Rare pouvait aussi avoir les couilles de faire autre chose que des univers mignons au point de pousser l'effroi chez Nintendo en occident. Mais ce titre incarne autre chose : une vraie réflexion chez un développeur qui prenait conscience qu'il était en train de foncer dans le mur. Avouons-le : si je vous demande de citer un titre culte de Rare sur N64, chacun émettra son avis, de Goldeneye à Perfect Dark en passant par Diddy Kong Racing ou encore Killer Instinct (dont la version 64 est considérée comme un bon jeu pour la seule raison que c'était l'un des seuls jeux de baston dessus).
L'époque où un développeur pouvait pondre 11 jeux ambitieux en 5 ans.
Mais si je demande un jeu de plates-formes de Rare sur cette machine ? Tout le monde répondra Banjo Kazooie (sauf trois mecs au fond qui cherchent à me démentir pour me faire chier). Banjo premier du nom ressort encore et toujours, déjà parce que c'est un excellent titre qui vole presque la vedette à Mario 64, mais également parce qu'il garde encore aujourd'hui un certain statut. Et quelles musiques… Mais pourquoi aucun ou si peu de monde vont citer au claquement de doigts Donkey Kong 64 ou Banjo Tooie ? La raison est simple : aucun des deux n'a marqué son époque et DK n'a acquis une valeur nostalgique que pour sa licence. Ce n'était pas de mauvais jeux. Pas même moyens. Juste qu'ils étaient chiants à cause d'une ambition démesurée démunie d'un des seuls points qu'il manquait à Rare : l'art du game-design. Dans les deux cas, les équipes ont voulu voir plus grand, toujours plus grand, au point que l'on commençait le jeu en étant totalement largué, ne sachant pas quoi faire et où aller, poursuivant une aventure faite de MILLIARDS de trucs à collecter pour atteindre la vraie fin sans qu'aucun responsable n'ait l'idée de filer une map, un carnet de stats… Tout simplement quelque chose pour notifier au mieux son suivi et éviter de trouver obligatoirement grâce avec les livres de soluce dont on détruisait la valeur à coups de stylo.
Rare avait la puissance et la maîtrise, mais fut incapable de considérer au départ qu'à trop en faire, on finit par dissoudre l'intérêt et les idées. Et c'est pour cela que Conker's Bad fur Day aurait pu être considéré comme un tournant majeur dans l'histoire du développeur car les premières heures semblent jeter le constat : ils ont compris. Passé l'introduction qui sert à prendre en main le jeu, on débarque donc dans un Hub… mais bien plus petit que les précédentes productions, tout en étant suffisamment travaillé. Tout est clair et même si la marche à suivre n'est jamais clairement indiquée, on ne se sent pas perdu, ce qui n'empêche pas le besoin de fouiner pour récolter les liasses qui serviront à la progression. Un simple hub donc, qui parvient à se découper en 5 parties distinctes (la zone de départ, un nid à abeilles, un lac, une montagne et un coin de merde), chacune proposant d’accéder à des zones à part, l'occasion de forcer le renouvellement des situations et surtout les thèmes, généralement parodiques.
Là encore, je ne vais pas décrire en détails le déroulée de l'aventure, au cas où certains souhaiteraient encore le faire, mais comprenez que même encore aujourd'hui, le titre reste un plaisir. Certes, la caméra est imparfaite, certaines phases ont de gros problèmes de perspective et il y a une espèce d'imprécision dans les mouvements mais… on va dire que ça passe. Sauf qu'à un moment, il est arrivé quelque chose. Peut-être que des développeurs ont commencé à se barrer, ou peut-être qu'il fallait accélérer le développement du jeu car mine de rien la N64 était en train de vivre ses derniers mois. Mais toujours est-il qu'à un certain moment (je dirais à 60 % de progression), le jeu devient simplement mauvais. Le mot est lâché. Dans FFXV, c'est le bateau. Dans Conker, c'est parce que La Mort (un squelette avec une faux donc) vous refile un fusil à pompe. Un PUTAIN de fusil à pompe. Dans un jeu de plate-forme. Vous pouvez dire que vu l'univers, ce n'est pas en totale inadéquation, et d'ailleurs là encore les références au 7ème art sont légions, mais le véritable problème, c'est que c'est injouable.
Ok, la N64 de par sa manette ne pouvait avoir la précision d'un pad à deux sticks. Mais on parle quand même de Rare ! Les mecs qui ont réussi à trouver des astuces dans tous leurs jeux de shoots, que ce soit la simili visée-auto dans Goldeneye et Perfect Dark, ou encore des armes à haute cadence dans Jet Force Gemini. Mais dans Conker, on n'a pas de mitrailleuse : c'est un putain de fusil à pompe. Et histoire de rendre « hommage » (fock you) au gameplay N64, celui de la Rare Replay est donc parfaitement identique, donc proprement merdique. Il est impossible de viser en se déplaçant normalement, ce qui est problématique vu que vous êtes confronté à des zombies en surnombre qui demandent obligatoirement de leur viser la tête. Le procédé est donc le suivant.
1) Actionner une vue à l'épaule qui vous rend incroyablement lent.
2) Bénéficier d'un ciblage dont le déplacement est très lent.
3) Avoir droit à une inversion OBLIGATOIRE de la caméra.
4) Encore une fois, c'est un pompe, donc ça ne fonctionne que de près et si deux ennemis s'approchent en même temps, vous shootez le premier, et vous avez 80 % de chance de vous faire pêcho par le second qui vous enlève 30 % de votre barre de vie.
Après un temps d'adaptation (relatif), on s'en sort, mais c'est mou et c'est tout sauf fun. Et s'il n'y avait que ça… Parce que non content de nous avoir fait subir une phase de TPS totalement pourrie, on enchaîne ensuite avec des passages tous plus lourdingues les uns que les autres, entre de la recherche de clés à la con, et un passage en chauve-souris où l'on doit chier sur des mecs à l'aveuglette. Car évidemment, pour chier sur un paysan, il faut voler au dessus de lui et aucun des développeurs s'est dit « Ce serait cool de pouvoir placer la caméra au dessus dans ces passages pour bien viser. » NON ! La caméra reste collée à ton cul et tu mitrailles de la merde vers le bas en espérant viser juste pour ensuite devoir soulever le mec (assommé) en esquivant des projectiles que tu ne vois pas venir à cause de la caméra, le tout plusieurs fois de suite dans une espèce de labyrinthe où t'as pas intérêt de mourir car sinon, tu recommences TOUT.
Remarquons d'ailleurs que c'était vraiment l'époque où Rare estimait que jeu de plates-formes devait obligatoirement rimer avec shotgun & co.
Une fois terminé cette plaie, on est content. Pendant quelques minutes. Car ensuite, c'est encore pire. On nous remet une arme dans les mains, donc un gameplay de merde, on fout totalement à la corbeille les phases de plate-forme et histoire de bien te baysay jusqu'au bout, on ajoute une dernière couche : « Tiens, si on faisait un truc ultra linéaire à base de couloirs ? » Et voilà à quoi ressemble le dernier gros chapitre de Conker : une parodie de la WW2 où l'on va vite se retrouver dans des bunkers à devoir mitrailler tout ce qui bouge, parfois sur un concept de Die & Retry car si tu sais pas d'où l'ennemi va venir, le temps d'actionner la vue de ciblage, t'auras déjà mangé deux bastos. Puis on a un tank, puis on affronte un boss dans un tank (jeu de plates-formes...), puis vient la séquence de la fuite sur la plage. Là, un briefing s'impose.
1) T'as un lance-roquettes qui one-shot.
2) Les ennemis ont des lance-roquettes qui te one-shot.
3) Les ennemis sont nombreux, tu es seul.
4) Le temps que ta roquette touche un ennemi, il a le temps de t'en tirer une.
5) Tu peux rajouter que le temps que tu vises un mec, un autre peut te buter.
6) Quand tu cible, tu es lent et même en sautant, l'onde de choc te bute.
7) Le tout avec un chrono.
T'arrive à représenter ta douleur ? Cette phase est tellement merdique, que la solution ultime du point de vue des connaisseurs, c'est de courir comme un con, sauter dans tous les sens sans logique et prier. Ça va rater un paquet de fois. Puis un moment ça passe. #astuce. A ce moment là, t'arrive à la fin du jeu, on te file une séquence de Matrix encore plus injouable que le reste (ah, cette cible qui revient automatiquement au centre quand tu lâches le stick…), puis une séquence finale dont l'idée sera ensuite reprise par Starfox Adventures : le méchant que tu pensais affronter depuis le départ se fait buter par un autre et débarque alors un truc qui n'avait presque aucun rapport avec le reste. S'en suit un combat façon Mario 64, sauf qu'au lieu d'expédier ton ennemi n'importe où en dehors de la zone, on te réserve cette fois un petit trou. Plus de challenge, mais plus chiant.
C'était Conker's Bad Fur Day.
Et je ne reviendrais pas sur le multi qui se joue comme un TPS.
Conker's Bad Fur Day est ni plus ni moins que la transition parfaite dans l'histoire du Rare. Des premières heures purement géniales, où les développeurs avaient su délivrer leur savoir-faire, avec un level-design bien plus réfléchi et un rythme beaucoup plus maîtrisé. Puis vint la seconde partie qui, en dépit de son humour qui devient la seule source de maintient pour le joueur, possède tous les défauts possibles : c'est lourd, c'est lent, c'est mal foutu, et c'est majoritairement HS avec un jeu de plates-formes.
La moitié d'un grand jeu en somme, ce qui est preste correct quand on sait ce qui a suivi. Car soyons francs : Starfox Adventures était moyen, Grabbed by Ghoulies mauvais, Perfect Dark Zero une daube, Kameo sympa mais sans génie et Banjo « 3 » une mauvaise blague. Viva Pinata, je ne sais pas ce que ça vaut, mais je sais que personne en a rien eu à foutre à la sortie. On verra la qualité de Sea of Thieves, mais reconnaissons que ceux qui ont ressuscité avec brio Killer Instinct, ce n'était pas Rare, et que pour retrouver l'essence du studio dans leur grande époque, il faut maintenant se tourner vers Playtonic (Yooka Laylee).
Rare est mort, et 2017 permettra de savoir si une nouvelle ère débute, ou si la piraterie sonnera le coup final d'un studio mythique. Demandez aux anciens de Lionhead ce qui arrive quand tu joues trop longtemps le cheval blessé avec Microsoft.
L'année 1998 est une des plus riches qu'ai connu le jeu vidéo. Il me faudrait des dizaines de tests pour, ne serait-ce qu'effleurer le catalogue qui fut proposé par les éditeurs et les trois constructeurs principaux d'alors : Sony, Nintendo et Sega. En cette fin de millénaire, l'industrie est nettement dominée par le nouveau challenger qu'est Playstation. La boite grise de Sony s'est imposée avec une puissance si surprenante que les analystes de l'époque n'avaient rien anticipé. Ouvrant le jeu vidéo à un public bien plus large qu'auparavant, la Playstation enchaine les hits comme des perles et ses figures de proue se nomment Tekken, Tomb Raider, Final Fantasy ou encore Crash Bandicoot. En 98, c'est un peu plus de 32 millions de consoles frappées du logo Playstation qui sont vendues. Ce n'est pourtant qu'un commencement pour une machine qui dépassera à terme les 100 millions, mais déjà la concurrence est larguée loin derrière. Sa plus sérieuse rivale, la Nintendo 64 culmine à moitié moins, souffrant d'une arrivée tardive sur le marché et d'un délaissement brutal des éditeurs tiers assujettit à la toute puissance financière d'un Sony multinational impérial.
Cependant, le leader historique du jeu vidéo ne s'en tire pas si mal puisqu'il bénéficie encore d'une force de frappe incroyable avec ses licences phares et universelles, pour la plupart ayant brillamment passées l'étape délicate de la 3D. Nintendo assure par un savoir faire inimitable et une ambition qu'on ne leur reconnait que très rarement de nos jours. Aux USA, Nintendo enchaine les succès commerciaux dans des proportions effarantes, alignant en 1996 et 1997, excusez du peu, les titres suivants : Super Mario 64, Mario Kart 64 et GoldenEye 007, auxquels viendront se joindre un peu plus tard les célèbres Banjo-Kazooie et autres The Legend of Zelda : Ocarina of Time. Les trois premiers titres cumuleront à eux seuls prêts de 16 millions de ventes rien que sur le sol ricain, une performance que même les meilleurs soft de la Playstation ne peuvent égaler.
À cette époque bénie du jeu vidéo où les exclusivités véritables se faisaient bien moins rares qu'en 2016, Sony avait compris l'importance de détenir un catalogue fort, qui offre une identité à sa machine pour pouvoir s'imposer aux yeux du grand public. En 1998 semble se dessiner l'hégémonie d'une mascotte historiquement rattachée à la marque Playstation, le délirant Crash Bandicoot. Mais les développeurs continuent de tenter leur chance pour s'offrir une part du gâteau. Arrivent alors les Spyro, Croc et autres Klonoa. Il n'en faut pas moins pour lutter contre les légendaires Mario et Donkey Kong. Mais c'est depuis plusieurs années, avant même que la Playstation ne triomphe véritablement qu'un de ses personnages les plus emblématiques naquit dans l'esprit de son créateur Chris Sorrell : Sir Daniel Fortesque !
En 1995, MediEvil, anciennement nommé Dead Man Dan est un projet ambitieux. Son créateur, Chris Sorrell est connu pour avoir développé la série des James Pond sur micro-ordinateur depuis les années 80. Pensé comme un mélange entre Ghost'n Goblins (Capcom, 1985) et le film d'animation de Disney L’Étrange Noël de monsieur Jack, le soft se veut premièrement développé sur Playstation, mais aussi sur Saturn et Windows. Sorrell et ses compagnons, le designer Jason Wilson et le scénariste Martin Pond démarchent activement les éditeurs et investisseurs afin d'obtenir le budget nécessaire à leur création qui est d'un tout autre niveau d'aspiration que ce qu'ils ont fait jusqu'alors. De plus, le studio de Sorrell, Millenium Interactive manque d'employés compétents dans le domaine de la 3D. C'est alors que le géant Sony les repère, acquiert aussitôt le petit studio de Cambridge (ce qui deviendra leur second studio sur le sol britannique, après Sony Liverpool, alias Psygnosis, racheté en 1993) et commence alors une fructueuse participation à la grande et belle histoire de la gamme Playstation.
Conçu comme un shooter à l'aspect manifestement arcade, le soft gagne peu à peu ses composantes le rapprochant d'un jeu d'action et d'aventure. Sous l'impulsion du designer Jason Wilson et de Sorrell lui-même, l'équipe de développement tente d'incorporer une notion d'exploration et de background plus étoffée que pour un pur Ghost'n Goblins-like. Sorrell avouant même récemment à Playstation.Blog avoir voulu creuser plus en profondeur cet aspect pour finir par faire de MediEvil une sorte de jeu à la Zelda en exploitant l'univers sur plusieurs titres. Ambitieux, vous avez dit ambitieux ?
Zarok le seigneur du mal cherchait à conquérir le royaume de Gallowmere et envoyait ses armées de morts-vivants dans ce but. La bataille a fait rage, et Sir Daniel Fortesque, capitaine de la garde du Roi mais avant tout sérieux imposteur, menait la première charge. Une flèche, un mort, Daniel tomba au combat le premier dans la disgrâce la plus totale. Mais plutôt que d'avouer la défaite ridicule de son plus preux chevalier, quand bien même la bataille fut à terme remportée, le roi préféra garder cela sous silence et fit ériger à Danny une crypte luxueuse et des contes épiques furent édictés en son honneur dans tous le royaume. Un siècle plus tard, Zarok refait surface et grâce à sa vile nécromancie réveille les morts, envahit le royaume de ses abominations mais ne prend pas en compte qu'en faisant cela, Fortesque aussi revient à la vie, ce dernier n'étant qu'un minable chevalier mort au combat sans qu'il n’eut jamais l'occasion de causer soucis au sorcier. La conscience intacte, le chevalier déchu décide alors d'aller vaincre Zarok personnellement cette fois-ci afin de regagner son honneur et mériter sa place dans le Hall des Héros.
Un scénario à contre-pied de la plupart des production vidéoludique, peu importe l'époque, qui avaient l'habitude de nous placer dans la peau d'un super héros authentique massacrant à tour de bras des légions entières d'ennemis, dans la gloire et la grandiloquence.
Tandis que Sorrell et Wilson se creusaient la tête pour développer l'univers de MediEvil, c'est Pond qui eut l'idée de faire du héros un perdant dès le départ, un usurpateur. Un pitch original porté par cet aspect "so british" d'un humour décapant habitué à placer en dérision totale les personnages d'une œuvre. Jusque dans son apparence squelettique, à la démarche dégingandée et rigolote, et à la présence de son œil unique qu'on devine pas très avantageux en combat, Daniel Fortesque fait figure de parodie de héros.
La notion de rédemption est par ailleurs prépondérante dans tous le parcours de Daniel Fortesque pendant le jeu. Les têtes de gargouilles vivantes aux répliques acérées et les esprits des héros – authentiques, ceux-là – du Hall des Héros ne cessant de taquiner notre personnage en lui rappelant sans ménagement son risible sort pour finalement accepter sa présence parmi eux comme véritable héros. Finement écrit, les dialogues échangés avec des personnages loufoques et haut en couleur assument le parti prit d'un humour acide. MediEvil est un véritable travail d'ambiance qui paradoxalement prend au sérieux son propos et son univers en ne laissant presque rien au hasard, jusqu'au doublage originaux assurés par des comédiens à l'accent british hors norme. Même les voix françaises, pour l'époque plus que correctes ont tenté d'y ajouter une touche de personnalité tout à fait appréciable.
Fantaisiste et saugrenue, MediEvil l'est surtout dans son aspect visuel, véritable ode en l'honneur de l'univers de Tim Burton. Sorrell ne s'en ai jamais caché et tous dans l'esthétique du jeu de Sony Cambridge renvoi aux films du cinéaste américain : L’Étrange Noël de monsieur Jack et Edward aux mains d'argent en tête. Le soft se caractérise par une manière unique de mêler le macabre au grotesque avec des zombies plus idiots que dangereux, des bâtiments gothiques biscornus et un royaume en proie à la tourmente qui semble s'être transformé en cirque à mort-vivants géant. C'est le carnaval et le bestiaire se fait d'autant plus variés et truculent : zombie, sorcière, gobelin, pirate squelette, citrouille possédée... c'est un véritable panaché de couleur et d'animation rendant l'univers du jeu à la fois drôle et cohérent. MediEvil est un des premiers, si ce n'est le premier jeu à si bien réussir à transposer cette esthétique si singulière en jeu vidéo.
Les limitations techniques de la Playstation, surtout en matière de 3D n'ont pas sut décourager le studio (qui pourtant, des dires de Chris Sorrell bien après la sortie du jeu a eu beaucoup de mal à apprivoiser techniquement la machine de Sony). L'exploit est notamment dut au designer Jason Wilson qui a sut déployer une personnalité affirmée dans tous les niveaux qu'explore Daniel Fortesque. En faisant des faiblesses hardware de la console des atouts pour construire un monde aussi étrange qu'agréable - par exemple en modélisant des bâtiments tordus afin de donner l'illusion d'un univers fantasque et ainsi masquer les problème d'aliasing fortement présent sur les production Playstation -, Wilson a pourvu MediEvil d'une identité graphique exceptionnelle.
Comme dit plus haut, Sony Cambridge a de prime abord eu du mal à dompter la bête. Sony n'ayant, d'après les témoignages, pas été très attentif aux besoins techniques de ses studios, touts jeunes et surtout peu habitués à manipuler de la 3D. Une chose qui changera avec la Playstation 3 qui bien que réputée très difficile à maitriser put accueillir différents projets d'aide à la programmation et au développement technique financés par Sony eux-même (la fameuse ICE Team, par exemple, fondée à l'initiative de Naughty Dog avec les meilleurs informaticiens de Sony Worldwide Studios pour fournir des solutions de programmation et de développement aux studios tiers voulant faire des jeux sur Playstation 3). Pour autant, l'équipe de Chris Sorrell rend un travail qui force le respect. Si d'un point de vue artistique, MediEvil se pare d'un accoutrement charmeur et merveilleusement bigarré, techniquement, le soft assure aussi ! Non seulement les scènes cinématiques en 3D sont de qualité et nous font littéralement penser aux meilleurs films d'animation de l'époque, mais on note aussi beaucoup de relief (des collines, des escaliers...) dans les décors. L'utilisation de la 3D dans un jeu d'action-aventure sur Playstation n'aura que rarement servi aussi bien le gameplay jusqu'à l'arrivée de MediEvil. Ce genre de décors tout en variation de hauteur, pourvus de plate-forme et de pentes favorise le plaisir de l'exploration. Notion qui a son importance puisque les développeurs se sont beaucoup amusé à disséminer une kyrielle de bonus et de trésors à collectionner pour atteindre les 100%. Jamais des cimetières, donjons, marais, forêts hantées et autres labyrinthes n'eurent été aussi intriguant et jubilatoires à découvrir aux côtés de cet espèce d'hurluberlu toqué de Fortesque !
Fouiller les environs sera d'ailleurs salutaire pour obtenir des armes de plus en plus efficaces, et parfois même indispensables pour affronter certain boss (ceux nécessitant une arme longue portée, une arme de jet, tel les couteaux ou l'arbalète). Ainsi, dans chaque niveau se trouvera ce qu'on appelle un Calice des Âmes. Ce récipient maudit se remplira des âmes des créatures que vous vaincrez tout au long du niveau et lorsqu'il sera plein, il se matérialisera et vous pourrez le récolter. Mais il sera souvent bien caché et il vous faudra parfois résoudre une énigme pour ouvrir la porte qui vous bloque le passage. Le Calice des Âmes récolté sera à offrir à un des guerriers du Hall des Héros, le niveau intermédiaire qu'on pourrait qualifier de centre commercial d'arme (c'est pas moi qui le dit, c'est les gargouilles facétieuses du jeu) dans le but de vous voir octroyer une nouvelle arme ou un bonus quelconque.
La variété impressionnante de l'arsenal et de pouvoirs magiques dont dispose Danny est un prétexte pour nous en mettre plein la vue. En effet, l'animation du personnage se fait aussi variée que son armement et on peut assister à un Daniel énergique qui file de gros coups de massue sur la tête de ses ennemis, qui se protège derrière un bouclier, qui balance des éclairs à tout va ou bien encore qui fait la toupie avec son épée. Là où Link dans The Legend of Zelda pivotait sur ses jambes, Daniel, squelette de son état ne fait tourbillonner que la partie haute de son corps, ses guibolles restant immobiles. Un petit détail d'animation qui pourtant fait tout le charme comique du personnage. L'attitude burlesque du protagoniste a été pensé dans les détails pour amuser le joueur. Il n'y a qu'à voir la façon dont il s'empare d'un de ses bras pour frapper ses ennemis lorsqu'il ne dispose plus de couteaux de jet ou de carreaux à arbalète, tel un blessé de guerre qui s'en irait au combat armé de sa pauvre béquille en bois. Ou encore quand il bougonne dans ses dents de squelette pour s'adresser à quelqu'un, comme Mister Bean, une des stars de l'humour à l'anglaise dont le jeu s'inspire probablement !
Mais alors, quel défaut aurait ce MediEvil, on le croirait parfait ? Outre le vaste arsenal et les ruades chargées dont est capable Fortesque, il doit aussi se prêter aux épreuves de plate-forme. Et c'est là qu'on touche un point sensible du soft de Sony Cambridge. La difficulté est progressive et assez bien étudiée, mais les phases de plate-forme s'avèrent délicates. Aujourd'hui, comme il y a vingt ans, le principal problème de la maniabilité de MediEvil réside dans sa caméra capricieuse et indocile. Tare génétique de bon nombre de jeu en 3D de l'époque, ici, il devient parfois compliqué de sautiller sur un parcours de plate-formes étroites quand la caméra décide au dernier moment de pivoter et de se coincer derrière le modèle 3D d'un élément du décors et obstrue au trois quart la vue du joueur. Si il est affaire d'une simple prise en main qui arrive avec le temps, il est parfois regrettable de constater que sieur Fortesque glisse, cour et saute quelques centimètres à côté ce qui fait perdre instantanément une précieuse fiole de vie.
L'un des premiers niveaux du jeu où la principale épreuve consiste à gravir une haute colline de laquelle dévale de gros rochers qu'il faut esquiver est symptomatique d'une maniabilité parfois récalcitrante. Si on fait l'effort de mémoriser le dévalement des rochers qui s'effectue dans un certain ordre, reste qu'il faut manipuler habilement le joystick (l'utilisation du joystick a d'ailleurs été vantée pour la campagne de promotion de MediEvil, ce fut un des tous premiers jeux sortis des studios de Sony supportant cette feature. Les manettes Playstation n'ayant qu'une croix directionnelle entre 1994 et 1997) pour les esquiver et se faufiler entre eux. Les petits renfoncements dans les parois de la colline nous servant à nous mettre à l'abri étant espacés, il est donc indispensable de zigzaguer et de prier pour ne pas trop se prendre de la rocaille dans les gencives. Heureusement, ces passages un poil pénibles ne sont jamais très longs, le jeu est bien rythmé et n'harasse jamais le joueur avec des phases de plate-forme délicates trop intensives. D'autres passages ardus, comme celui où on doit s'aventurer à travers les pales et les hachoirs géants d'une série de machine d'une exploitation agricole hantée sont aussi à noter tant le faux pas est couteux en barre de vie.
Et comme pour définitivement témoigner fièrement de son inspiration Burtonesque, l'aspect musical du jeu n'a pas été fait au hasard. Pas de débat possible, la bande-son est parfaitement adaptée au délire de MediEvil. Chris Sorrell avouera plus tard avoir voulu faire appel à Danny Elfman (Beetljuice, le Batman de 1989, Darkman, Edward aux mains d'argent, Mars Attack !, Sleepy Hollow, Men in Black...), le compositeur attitré des films de Burton pour travailler sur son jeu. Pour des raisons qui nous reste encore aujourd'hui inconnues, ce vœux n'a pas abouti mais la ligne directrice très précise ainsi fixée, le duo de compositeurs Bob & Barn (Paul Arnold et Andrew Barnabas) ont réalisé des merveilles. Soulignant avec caractère le très particulier mélange entre épouvante et comédie, la musique contribue à créer cette ambiance unique. Le style orchestral riche est suffisamment travaillé pour faire illusion malgré les instruments synthétiques. Les harmonies sont colorées, les motifs mémorables, il est clair que la bande-son de MediEvil a toute la féerie d'un dessin animé d'Halloween ou de Noël.
Délicieusement décalé et sinistre, MediEvil place une fois encore en avant son ambiance remarquable mais n'oublie pas pour autant d'être un jeu, un vrai, avec un gameplay. Et c'est ce qui compte.
MediEvil est ce que j'appelle un pur produit de divertissement. Ce genre de jeu qui nous fiche la banane dés qu'on débute l'aventure. Vous savez, comme ces films rigolos et attachants qu'on revisionne en période de Noël en se remémorant avec nostalgie nos tendres années. Maman j'ai raté l'avion, Retour vers le Futur, Gremlins, Les Goonies, La Famille Adams, les dessins animés Asterix... ce genre de jeu plein d'humour qui ne se prend pas la tête. Ce genre de jeu que les développeurs savaient encore faire dans les années 90 avant de viser le sacro-saint photoréalisme moderne et s'abreuver de ultra HD à tout va. Ce genre de jeu que les éditeurs osaient encore nous proposer sans se demander si cela ne donnerait pas une image trop enfantine à leur marque.
MediEvil est donc avant tout un jeu fun, amusant. La synthèse tout ce qui a de plus basique de ce que devrait être un bon jeu vidéo : ludique. Ce n'est rien de moins qu'une œuvre qui a marqué très positivement ce beau loisir qu'est le jeu vidéo et qui a jalonné notre jeunesse de sa présence rassurante. Un peu comme la mamie généreuse qui nous faisait tout le temps des tartes au sucre quand on allait lui rendre visite. Et rien que pour ça, il mérite tout notre respect.
On comprend mieux, désormais, pourquoi les fans font du bruit depuis tant d'année pour voir le retour de sieur Daniel Fortesque sur console moderne.
Dans l'Univers Étendu de Star Wars, un tas de protagonistes charismatiques auraient mérités une série de jeux vidéo ou un film à eux seuls. Quinlan Vos (officiellement reconnu par Disney et Lucasfilm car apparut dans la série animée Clone Wars), Revan, Exar Kun, Zayne Carrick, Ulic Quel-Droma, Mara Jade épouse Skywalker... et encore, là, je ne cite que les Jedi et Sith ou affiliés. Il y en a tant d'autres, c'est en ça que Disney a fait le bon choix, par ailleurs : explorer ce qui se fait d'autre dans l'univers Star Wars, au delà des sempiternelles guerres de la Force, avec des films en préparation sur Han Solo, Boba Fett (pas annulé comme le rapporte les news récentes, mais en stand-by plutôt), et des rumeurs sur Tarkin ou les ARC (les troupes d'élites des soldats clones). Le personnage de Kyle Katarn fait parti de ceux méritant clairement que les instances responsables de Star Wars se penchent sérieusement sur lui, en l'intégrant, pourquoi pas, dans la chronologie canon de l’œuvre. Il faut dire que ce ne serait pas un gros coup de poker pour Disney, ce Jedi hors norme nouvelle génération bénéficiant d'une popularité rare parmi les fans et ses aventures ayant déjà des bases scénaristiques très solides, il suffirait d'un rien pour bâtir un projet sérieux autour de lui. Et ça mettrait du baume au cœur des fans qui se sont sentis littéralement trahis lorsque Disney a décidé d'ignorer toutes les œuvres majeures de l'Univers Étendu, celles là même qui ont forgé la passion de millions d'adorateurs durant trente ans.
La série des Jedi Knight a, avec le temps, réussi à se construire une véritable légende (même si le jeu d'aujourd'hui n'en fait pas véritablement partie). En effet dés le départ perçu comme un Doom-like de qualité, elle est par la suite devenue une série épousant à la perfection l'identité si particulière de la licence Star Wars, est devenue un modèle dans chacun des genres de jeu vidéo auxquels elle s'est essayé et s'est même permise de créer toute une sous-intrigue en parallèle des célèbres films. Rares sont les jeux vidéo Star Wars a avoir aussi bien transcendé le matériaux originel pour s’émanciper et se construire soi-même, sans forcement faire un banal copier/coller des aventures de Luke Skywalker. Encore plus rares sont les jeux à avoir dégagés un véritable personnage, fort, unique, attachant, au développement psychologique étalé sur plusieurs années et dont on constate réellement l'évolution au fil de ses péripéties.
L'évolution du personnage, parlons-en, justement. Bon nombre de joueur ont surtout été marqués par la série à partir de Jedi Knight II : Jedi Outcast qui mettait en scène un Kyle Katarn avec de la bouteille, lui et son superbe sabre-laser bleu dans un rôle de Chevalier Jedi revêche, puissant et baroudeur. Mercenaire, avec des tirades sarcastiques savoureuses et un parcours atypique mu par un désir de vengeance contraire aux dogmes traditionnels des Jedi. Charismatique et attachant, son caractère et sa soif d'aventure ont sut occasionner de véritables moments d'anthologie dans l'histoire du jeu vidéo. Mais peu de gens se souviennent qu'il n'en a pas toujours été ainsi. LucasArts a en premier lieux introduit le personnage dans un pur Doom-like sorti sur PC en 1995, puis sur Playstation en 1996. On passera très rapidement sur cette dernière version, victime de chute de frame-rate violente et de temps de chargement à rallonge. La raison en est assez simple puisque lorsque le projet fut entamé courant 1994, sieur George Lucas était à peine en train de se pencher sur le scénario de l’Épisode I qui sortira au cinéma en 1999. En ce temps, et mis à part avec quelques bande-dessinées, le background des Jedi, qu'ils soient de l'Ancienne République ou du Nouvel Ordre formé par Luke Skywalker n'était pas très étoffé. C'est Lucas qui posera les bases (comme toujours) et c'est les auteurs divers et variés qui entre 1999 et 2005 lanceront l'incroyable machine de produits dérivés pour compléter tout cela en s'inspirant des films. Si bien que les développeurs ont préférés ne pas s'attaquer à l'inconnu et ont fait de leur héros un simple mercenaire, à tord vu comme un ersatz de Han Solo par les joueurs peu consciencieux de l'époque.
De Han Solo, il ne partage que le job et la formation passée puisque Kyle Katarn est lui aussi un ancien officier impérial dégouté des exactions de l'armée de Palpatine. Après avoir appris par une rebelle du nom de Jan Ors (qui va le suivre dans toutes ses aventures ultérieures) que l’Empire est responsable de la mort de son père (on en sait plus à ce sujet dans la suite), il va donc s'engager dans un boulot de mercenariat et de contrebande. Mais le comparatif avec Solo s'arrête ici. Le scénario du jeu entraine Katarn pour sa première mission avec comme commanditaire l'Alliance rebelle aux trousses des plans de l’Étoile de la Mort (hé oui, selon l'ancienne chronologie, les plans que Leia obtient au tout début de l’Épisode IV proviennent de la mission victorieuse de Katarn ! Désormais, tout cela est jeté à la poubelle et nous verrons comment les rebelles obtiennent les fameux plans tant convoités dans le film Rogue One, le 14 décembre prochain au cinéma). Après cette première mission, vous serez amené à enquêter sur de mystérieuses recherches impériales sur un nouveau type de troupes : les Dark Troopers.
L’intrigue prend donc place avant et pendant l’Épisode IV de la célèbre trilogie, et a le mérite de combler quelques vides des longs métrages. Katarn y affrontera les bien connus stormtroopers, dirigés par un général impérial du nom de Rom Mohc (un type avec des faux airs de Jean-Marie Le Pen), un Moff scientifique fou à ses heures perdues ou encore le dangereux chasseur de prime Boba Fett, sans compter Jabba et ses hordes de créatures sauvages dans son donjon dédaléen. Pour une des toutes premières fois dans le domaine, Dark Forces propose plus qu'une simple succession de niveaux où il faut défourailler du laser à tout va comme un bourrin. Des objectifs précis sont énumérés en début de mission, chacune étant présentées par un petit briefing (avec des saynètes en pixel art sublimes, mention spéciale à Vador, toujours aussi impressionnant) et la petite enquête sur les Dark Troopers menée par Katarn avance petit à petit jusqu'au dénouement final.
LucasArts propose ici un concept à mi-chemin entre le Doom d'id Software et le System Shock d'Origin avec pas moins de douze missions entrainantes. Comme dans la légion, vous risquez de voir du pays. Et là où LucasArts a été ingénieux, c'est qu'ils n'ont pas hésité à se lancer eux-même vers de nouveaux horizons. Il aurait été trop facile de reprendre l'intégralité des lieux déjà vus dans les longs-métrages. Ainsi, on visite pour la première fois dans un jeu vidéo estampillé Star Wars la lune des contrebandiers Nar Shaddaa, la planète glaciaire et ses usines d'armement Anteevy, ou encore la planète Talay habitant une base rebelle attaquée par l'Empire.
La cité-planète de Coruscant sous l'occupation impériale sans pitié, n'est pas oubliée. Sorte de Gotham City futuriste, sombre, bondée de ruelles étroites et de cachettes secrètes est époustouflante tant son ambiance est oppressante. Ajoutez à cela des égouts, des complexes industriels, des croiseurs impériaux gigantesques, et vous obtiendrez le panorama riche proposé par Dark Forces.
Là où la liaison avec System Shock se fait, c'est au niveau du gameplay. En effet, si dans Doom, on peut se contenter d'exploser tout ce qui bouge en récoltant de temps à autre un jeu de clés colorées, Dark Forces propose plus. De part son level design plus élaboré tout d'abord, n'hésitant pas à jouer sur les hauteurs. La vue subjective du FPS évolue alors avec la possibilité de viser en haut et en bas et plus seulement à droite et à gauche. Vous pourrez même sauter et vous accroupir pour vous faufiler dans des conduits et divers autres passages étriqués, parfois bien cachés. Dark Forces pose clairement les bases du FPS moderne avec une gestion de la 3D dans l'environnement qui pousse le joueur à parfois chercher son chemin et à observer au-delà de ce qu'il a l'habitude de voir droit devant son nez. Dans le même ordre d'idée, il ne sera pas rare de devoir sauter par dessus un gouffre béant et le décors pourra momentanément servir de couverture pour contourner les adversaires, qui pourront faire de même ! En outre, quelques énigmes font leur apparition à base de leviers et interrupteurs à enclencher bien souvent pour libérer la voie bloquée par une porte récalcitrante ou pour dénicher une réserve de munition salvatrice. Ce genre d'interaction avec le décors se sert de la grande cohérence de l'univers Star Wars pour exister et apporter une notion d'immersion très avantageuse pour Dark Forces.
Cultivant les habitudes des Doom-like respectables depuis le premier en 1993 qui consistent à proposer le plus de zones secrètes possibles de façon plus ou moins bien agencée dans le niveau, Dark Forces respecte les ainés tout en se montrant innovant et ambitieux. Soucis du détails évident, certaines parois repoussent les tirs de blaster comme on peut le voir dans le compartiment à ordures de l’Étoile de la Mort dans Épisode IV (souvenez-vous de cette scène où Han Solo se précipite pour ouvrir la porte de la benne à ordure où il est retenu prisonnier lui et ses compagnons, et que son tir ricoche dangereusement sur les parois à cause d'une barrière magnétique). Ceci transformera certaines fusillades en véritables brouillamini de rayons rouges et verts visuellement du plus bel effet et en plus de cela très utile pour atteindre des unités ennemies un peu trop bien planquées derrière des fortifications.
Dans sa progression scénaristique, la structure de ses niveaux, l'interactivité permises avec l'environnement et l'intelligence artificielle des adversaires, nous avons clairement affaire à un Doom intelligent ! Un Doom 2.0, en quelque sorte.
Pour éliminer les nombreux impériaux qui se dresseront devant lui, Kyle Katarn peut compter sur un grand armement. À commencer par son fameux pistolet Bryar, créé pour l'occasion par le scénariste et graphiste du jeu : Justin Chin (Le monsieur avouera plus tard avoir donné ce nom à l'arme en référence à un de ses compositeurs et musiciens favoris, à savoir le britannique Gavin Bryars, auteur de nombreux opéra de qualité reconnus dans le domaine de la musique minimaliste). Différents fusils, détonateur thermique, mine antipersonnel et même un lance-roquette à concussion viendront s'ajouter à ce joyeux arsenal de dix outils de destruction. Vous l'aurez compris, il s'agit ici d'un pur FPS où les joutes se règleront avec le plus gros pétoire disponible. Kyle Katarn ne prendra conscience de son lien avec la Force et commencera à utiliser un sabre-laser que dans Jedi Knight, la suite du jeu qui nous intéresse aujourd'hui. Reste que Dark Forces, même si FPS pur jus ''seulement'' s'en sort admirablement bien et représente clairement le haut du panier. Vous aurez en outre deux indicateurs à surveiller constamment pour éviter les mauvaises surprises : la santé et le bouclier. Reprenant ce principe des pourcentages à la Doom, il sera possible comme dans ce dernier d'élever sa jauge de bouclier jusqu'à, non pas 100, mais 200 points ! Très utile quand on sait que le jeu se pare d'une certaine difficulté (les fan du jeu n'hésitent pas à dire que le mode normal de Dark Forces équivaut sans peine au mode Ultra-Violence de Doom).
Pour en finir avec les petites originalités du gameplay, Dark Forces propose l'utilisation d'une torche et de lunette de vision nocturne, indispensable pour crapahuter dans certaines salles bien trop obscures quand on ne connait pas au pixel prêt le chemin à emprunter (ce dernier est parfois complexe et il faut régulièrement se faufiler dans des passages exiguës et cachés. Autant ne pas cracher sur ce type d'outil salutaire donc). Dark Forces s'avère être à terme moins cérébral que System Shock, mais le côté aventure y est plus développé. Ce qui compte, c'est que malgré la ressemblance flagrante avec son inspirateur, Dark Forces parvient à imposer son style de gameplay en proposant une excellente transposition dans l’univers de George Lucas. Star Wars a suffisamment de caractère pour se permettre d'avoir une véritable identité et des mécaniques de jeu qui lui sont propre, et les développeurs ont exploité cet état de fait indubitable avec brio.
Pour animer cette aventure, LucasArts a utilisé un nouveau moteur d'affichage développé en interne nommé le Jedi Engine. Celui-ci permettait l'animation d'objets 3D avec textures et ombrage de Gouraud (technique d'ombrage créée par un informaticien français, Henri Gouraud. D'abord utilisée dans l'image de synthèse puis devenue révolutionnaire dans les années 90 lorsque des développeurs talentueux ont réussis à l'utiliser en temps réel) secondé par de jolis jeux de lumière. On notera ici l’apparition de nombreux éléments en full 3D, là ou Doom ne proposait que des trompes l’œil 2D.
Le bestiaire de l'espace offre son visuel unique typiquement Star Wars au jeu pour qu'il s'accapare une identité graphique forte. Ça aide à l'immersion. Ainsi, on se retrouve face aux fameux stormtroopers impériaux en masse. Mais vient par la suite des drones de torture (comme on peut le voir dans Épisode IV, prêt à sévir sur Leia sous les yeux cruels de Vador), des gardes Gamorréens (les espèces de gros porcs bipèdes très cons mais très forts physiquement, qu'on peut voir dans le palais de Jabba au cour de l’Épisode VI) armés de leurs redoutables vibro-haches, ou encore – les plus dangereux – les intraitables Trandoshans (race reptilienne particulièrement barbare et sanguinaire) armés de leurs fusils mitrailleurs incroyablement puissants. D'autres créatures encore plus sensationnelles et donnant lieux à une confrontation proprement marquante tant celle-ci se fait difficile, épique et oppressante font leur apparition, mais je préfère vous laisser le plaisir de la découverte !
Néanmoins, on notera que les modèles des ennemis pixelisent assez fortement, de prêt comme de loin, quand bien même tout cela reste reconnaissable. La faute à une ambition peut-être un peu trop dévorante pour un jeu de 1995. Aussi, il est dommage de constater que la perspective est parfois étrangement mise en pratique, lorsqu'on utilise un des axes de visée et qu'on voit sous nos yeux se déformer très maladroitement le sprite d'un objet fixe par exemple. Malgré tout, et comparé à la concurrence directe, Dark Forces n'a pas à rougir. En effet, face à Rise of the Triad par exemple (février 1995, Apogee Software), Dark Forces dispose d'une plus grande variété d'environnement et surtout d'une cohérence artistique plus convaincante. La rapidité de l'animation semble être à l'avantage de RotT (non, pas Rise of the Tomb Raider ) mais une certaine lenteur se prête parfaitement aux types de fusillades et de combats auxquels on peut assister dans l'univers Star Wars, alors ce n'est pas forcément un mal. Seul le multijoueur jusqu'à 11 du jeu d'Apogee Software lui permet de rester dans la course face au jeu de LucasArts, ce dernier étant tout simplement dépourvu de mode multijoueur ! Une grossière erreur tout à fait impardonnable quand on sait que dés 1993, le roi du genre, Doom, en avait un et a rendu ce genre de feature indispensable à tout bon FPS qui se respecte. Opposé à un autre ténor du genre, Heretic (décembre 1994, Raven Software), Dark Forces gagne encore la comparaison graphique. Heretic étant un simple Doom avec un aspect medieval-fantastic à la place de la science-fiction horrifique, son moteur 3D (un dérivé du Doom Engine) est vieillissant et la possibilité d'observer son environnement selon les trois axes est impossible. Sans compter les textures un peu moins détaillées pour le titre de Raven Software (ces derniers seront néanmoins appelés plus tard pour développer le culte Star Wars Jedi Knight II: Jedi Outcast !).
Les niveaux en 3D sont énormes, presque labyrinthiques, et fourmillent de détails. D'autant qu'ils offrent un jeu de couleurs et des thèmes visuels plus vastes qu'on pourrait l'imaginer (non, comme dis plus haut dans le test, on ne visite pas que les intérieurs gris et mornes des vaisseaux de l'Empire, loin de là). Nombre d’éléments mobiles font également leur apparition donnant un aspect beaucoup plus dynamique aux décors, comme des plate-formes, des élévateurs, des tapis roulants, des ennemis aériens ou encore des pistons et des machines diverses qu'il faudra parfois esquiver pour ne pas finir broyé et réduit en bouillie. Ceci contribue à placer Dark Forces au dessus du lot et à donner à ses décors beaucoup d'action et de vie, là où il vous faudra ouvrir l’œil pour ne pas tomber sur une mauvaise surprise.
En définitive, Dark Forces parvient à nous immerger sans mal dans l'univers cinématographique de Lucas. Ceci par une technique sophistiquée, digne des meilleures technologies de 1995 et surtout grâce à un respect de l'univers Star Wars et une grande inspiration de la part des graphistes.
Mais que serait un jeu Star Wars, aussi beau soit-il, sans une bande-son digne de ce nom ? Les films eux-même sont reconnus pour offrir des musiques grandioses, George Lucas arguant souvent dans ses interviews qu'une bonne musique peut valoir des centaines de lignes de dialogue pour véhiculer une émotion, une idée. Inutile de tergiverser, là encore, Dark Forces propose le haut de gamme, pas comme Yoda Stories déjà testé sur Retro Gamekyo qui nous ressasse en boucle de façon très grossière le thème principal. Point de John Williams ici cependant, mais un compositeur américain du nom de Clint Bajakian qui a sut admirablement bien reprendre la couleur et le caractère du travail de Williams pour donner à Dark Forces des thèmes inédits. Ceux-ci font généreusement référence aux thèmes de Williams. Ainsi, la musique du niveau Anoat City est vaguement basée sur le thème Jawa Sandcrawler d’Épisode IV tandis que le dernier niveau, l'Arc Hammer, utilise des motifs de The Battle of Yavin. À noter qu'à l'époque, le CD du jeu contenait une démo d'un des autres titres phares de LucasArst, dans un tout autre registre cependant : Full Throttle. Aussi, la place venant à manquer, c'est pas moins de trois pistes inédites qui furent mises de côté et d'autres réutilisées dans diverses situations. En bref, un travail de qualité, bénéficiant des capacités d'orchestration d'un CD-ROM très impressionnant pour l'époque et ayant le mérite de se vouloir sans précédent. Au même titre que pour les décors, il aurait été trop facile et probablement moins couteux de nous resservir ad nauseam les thèmes musicaux éculés, entendus mille fois dans la trilogie cinématographique, mais LucasArts a fait l'effort de taper dans l'inédit. L'effort est louable car rétrospectivement, on notera que peu de jeu estampillé Star Wars ont reçu ce traitement de faveur.
Star Wars Dark Forces est un jeu charnière pour LucasArts. Il marque presque à lui seul le changement de politique de la branche vidéoludique de l'empire de George Lucas. L'avant, où LucasArts produisait des jeux funs, originaux et avec un caractère unique (Maniac Mansion, The Secret of Monkey Island, Sam and Max Hit the Road …) et l'après où, business oblige, ils céderont à l'appel de l'adaptation facile en cuisinant à toutes les sauces possibles la recette Star Wars. C'est bien simple, entre 1982 et 1995 (année d'ouverture du studio et année de sortie de Dark Forces), seuls douze jeux estampillés Star Wars furent développés (par eux-même ou par un autre parti à qui fut cédés les droits d'exploitation). Après la sortie de Dark Forces et jusqu'en 2005 (année de parution du dernier volet réalisé par Lucas lui-même), pas moins de 41 jeux plus ou moins intéressants furent produits. Si certains sont devenus légendaires par leur qualité (Jedi Knight II : Jedi Outcast, Knight of the Old Republic...), beaucoup d'autres sont indubitablement marqués par le sceau du produit paresseux et malhonnête porté par une licence prestigieuse et ayant pour objectif de ponctionner l'argent des fans naïfs et sans défense (Yoda Stories, l'adaptation d’Épisode I, Star Wars : Obi-Wan, Masters of Teräs Käsi, Star Wars : Demolition...). Dark Forces semble lier les deux univers d'un pont d'or, le LucasArts créatif et le LucasArts dirigé par des marketeux sans vergogne.
Au delà de ce constat, on peut se demander avec légitimité si sans cette appétissante enveloppe visuelle conférée par la juteuse licence Star Wars, est-ce que Dark Forces aurait été un si bon jeu ? Difficile d'y répondre tant ce dernier est profondément ancré dans les codes et l'ADN de la série. Les jeux à licence Star Wars ont été nombreux, et même après la mort programmée de LucasArts, nous sommes assurés de continuer à en enfourner dans nos consoles pendant encore longtemps. Mais ceux ayant été capables de construire et broder ce fabuleux Univers Étendu avec cohérence et inspiration ne sont pas si nombreux que cela. Dark Forces prend clairement soin de flatter l’exigence des fans de la saga des étoiles en y affichant fièrement son attachement avec les films. Quitte à perdre en légitimité en tant que jeu vidéo ce qu'il gagne en respect de l’œuvre originale en tant que vulgaire produit dérivé. Les éléments qui viennent lier l’histoire de Dark Forces à la chronologie de la première trilogie font des actions de Katarn une sorte de travail de coulisse aux évènements dépeints dans les films. Cela donne une vraie contenance à l’Univers Étendu et ça ne se contente pas de recoller artificiellement les morceaux avec une histoire improbable et des ajouts hors propos comme ce fut le cas dans Le Pouvoir de la Force ou Obi-Wan sur Xbox. Les développeurs de LucasArts ont réussis à préserver une alchimie délicate entre la création d'un nouveau contenu scénaristique et ce qui préexistait avec les films.
Star Wars Dark Forces demeure donc un très bon FPS, un des patriarches du genre à ranger aux côtés des illustres Doom et Duke Nukem 3D. J'irais même jusqu'à dire qu'il serait un bon précurseur à Quake puisque installant certaines bases encore utilisées aujourd'hui, comme les sauts, la position accroupie, la 3D et la visée selon les axes horizontaux et verticaux. Un bon jeu Star Wars, Dark Forces l'est aussi, et c'est presque un plus grand tour de force qu'il réussi à ce propos. Or c’est pourtant bien plus par sa capacité à s’extirper d’une saga envahissante que Dark Forces témoigne de son audace et de son intérêt. S'inspirant savamment d'une trilogie de films favorisant à l'extrême l'imagination et le rêve, Dark Forces s'émancipe et ose raconter quelque chose d'autre que les bien connues aventures de Luke Skywalker. Si il ne peut bénéficier du rang glorieux de papa du FPS, il peut au moins se targuer d'en être une bien belle évolution !
Prenez de grosses poignées de malotrus des rues qui terrorisent les braves gens en taguant les murs, en roulant sur les pelouses avec leurs grosses bécanes et en kidnappant les jeunes filles du quartier. Bien mal leur en prend, pour ce dernier point en particulier lorsque les dites jeunes filles s'avèrent être les petites amies des gars musclés champions d'art-martiaux du coin. Et vous obtenez instantanément un bon vieux beat them up old school. Rien de plus sain qu'une virée nocturne dans les ruelles de la ville pour tataner du loubard, comme nous l'a appris Streets of Rage, Final Fight et Double Dragon. Mais c'est Renegade qui, le premier; a vraiment popularisé ce thème du courageux justicier de rue qui règle ses problèmes à coup de latte et de tarte de phalanges. Le joueur incarne un héros anonyme qui se rebelle non pas contre le bien et la justice mais au contraire contre ce simulacre de société underground criminelle qui ne cesse de croitre dans les bas-fonds de sa cité chérie. Le ''Renegade'', en d'autre terme.
Il est de notoriété publique que Renegade est une refonte de Nekketsu Kouha Kunio-kun, beat them up produit par Technos Japan en 1986 pour l'Arcade. Dans ce titre, le joueur y incarnait un jeune combattant devant défendre son frère contre les caïds du lycée et autres petites frappes du coin. Un jeu à l'ambiance très typée manga rappelant sans mal des œuvres parut plus ou moins en même temps, ou parfois bien après cela mais qui partagent un grand nombre de similarités : Sugarless, Great Teacher Onizuka, Crows ou encore Worst (Crows Zero). Pour séduire le public occidental, les graphismes sont presque entièrement refait pour donner un look plus sérieux et mature au soft, selon les canons en vigueur au milieux des années 80. Ainsi plus encore que pour sa version d'origine, Renegade devient un jeu marqué au fer rouge de la culture des années eighties américaines. Indissociable de cette fameuse imagerie populaire déjà bien distillée par Hollywood, et des dires de son réalisateur lui-même, Yoshihisa Kishimoto, Renegade s'inspire grandement des classiques The Warriors (1979, le même qui aura droit à une adaptation par les créateurs de GTA sur consoles 128-bits) et Streets of Fire (1984). Cela peut facilement se vérifier avec la séquence d'ouverture du jeu dans le métro souterrain, vibrant hommage aux films de Walter Hill.
La tenue d'aïkido et l'uniforme traditionnel de lycéen nippon du héros sont troqués pour un gilet noir façon Guerriers de la nuit et la pittoresque gare ferroviaire de Nekketsu Kouha Kunio-kun devient une station souterraine sordide étouffée par l'insalubrité et les graffitis orduriers. Les clans rivaux deviennent des voyous et truands codifiés par couleurs et faisant appel à tous les poncifs de ce genre d'univers. Les femmes qui se défendent à coup de sac à main de luxe se muent en de véritable petites pestes en mini-jupe et bas résilles commandées par un espèce de rhinocéros femelle aussi gracieuse que redoutable et qui constitue de surcroit le boss du troisième level. Les jeunes lycéennes armées de chaine façon Gogo Yubari de Kill Bill se transforment en punkette munies de boulets à pics et les autres pratiquants d'arts-martiaux se voient transposés en motards peu finauds. Même les yakuza en costard évoluent en mafieux à la peau noire, un vieux contentieux culturel sans doute... Il n'y a guère que pour le quatrième et dernier level du jeu que le travail de conversion fut étrangement plus paresseux, à moins qu'il ne s'agisse d'un choix artistique délibéré de la part des développeurs. Quatrième niveau dans lequel on retrouve un décors typiquement japonais, mausolées et katanas d'exposition accrochés au mur en prime tandis que le boss s'apparente plus à un bon gros gangster italien des familles qu'à un champion de karaté.
Outre ces différences d'ordre visuel, les deux versions partagent le même impact que le soft a eu sur le jeu vidéo dans sa globalité. Son aspect innovant et avant-gardiste est relativement passé sous silence car on préfère se souvenir d'autres titres un peu plus élaborés et surtout plus récents comme Streets of Rage ou Double Dragon, qui sera son successeur direct, mais reste que Renegade dispose de plusieurs particularités qui valent le détour. L'innovation majeure de ce titre est bien entendu l'exploitation constante de cette simili-3D : la profondeur de champ dans laquelle on peut faire se déplacer son personnage, et dans laquelle se meuvent aussi librement les ennemis. Loin de n'être qu'un simple élément graphique qui plaçait Renegade dans le haut du panier de la technique en 1986, l'usage du déplacement en diagonale est crucial pour esquiver efficacement les coups ennemis et éviter de se faire encercler par trois ou quatre loubards sans pitié. Et c'est pas de trop tant Renegade est, comme tout bon soft des années 80 qui se respecte, impitoyable !
Renegade propose un gameplay riche pour l'époque. Si les modifications cosmétiques entre le jeu japonais et le jeu occidental sont nombreuses, la progression du gameplay demeure inchangée. On retrouve donc six types d'ennemis par niveaux qui se concluent chacun par un boss respectif. Pour tabasser ce petit monde, vous disposez de pas moins de neuf attaques différentes ! Le joystick 8 directions et les trois boutons d'attaque de la version Arcade ayant posés quelques soucis de portage notamment sur Atari ST et Amiga mais la version NES (dont le tardif portage Master System s'inspirera en 1993), qui fut directement supervisée par Technos s'en sort avec intelligence. Pour pallier le manque de bouton de la manette NES, il fut simplement rendu possible d’exécuter certaines attaques complexes en appuyant deux fois sur une même touche, créant ainsi de véritables combinaisons de boutons que ne renieraient pas Street Fighter et Tekken !
Ainsi, on se retrouve avec un panel de coup très enthousiasmant et variable selon la direction vers laquelle se tourne notre combattant. Projection par dessus l'épaule, coup de pied sauté à la Bruce Lee (indispensable pour désarçonner les chevaucheurs de moto endiablées qui vous fonce sur la figure dans le niveau 2 ! ) et autre mawashi-geri spectaculaire s'enchainent au fil des bagarres. On peut même se permettre d'achever son adversaire au sol et il est conseillé de le repousser sur ses camarades pour déclencher une cascade de dégât sur tous le monde. Pratique quand on est en infériorité numérique (c'est à dire toujours, le soft ne proposant hélas pas de mode coop. Hé, on ne peut pas être innovant partout dès la première tentative, sinon il n'y aurait plus jamais d'innovation justement ! ). Un tel éventail de possibilité et la liberté de mouvement concédée au joueur dans les arènes ouvertes que constituent les décors sont novateurs et prépare le terrain pour le fils spirituel de Renegade et véritable succès international : Double Dragon.
Concrètement, le côté progression du beat them all classique n'est pas encore tout à fait présent puisque les combats s'enchainent comme des séquences de film, liées entre eux par de très brefs écrans noirs. On ne déambule pas à proprement parler tout le long d'une ruelle malfamée ou sur un pont du début à la fin comme dans Streets of Rage, mais cela suffit pour faire son petit effet. Certains petits détails apportent à Renegade son identité comme le fait de pouvoir balancer manu militari un adversaire dans la mer dans le niveau 2 (moyen le plus expéditif pour définitivement s'en débarrasser). La version NES, celle qui nous intéresse le plus ici, mis à part l'originale en Arcade, apporte elle aussi son petit lot d'ajout très sympathique. En sus d'un premier level plus long qui propose au joueur d'entrecouper le combat sur les quais de la station de métro par une visite du véhicule en lui-même, la version NES ajoute une course poursuite sur grosse cylindrée où il faut filer des coups de pompes aux autres pour les faire chuter de leurs bécanes ! Une séquence complète, très dynamique et techniquement fluide et propre qui n'est pas sans rappeler, rétrospectivement la scène de fuite de Midgar dans Final Fantasy VII ! Un joli coup qui donne assurément un plus au portage de qualité de la console de Nintendo.
Même si on reste strictement dans le retrogaming, il faut reconnaître que Renegade commence à doucement accuser le poids des années. D'autres beat them up sont sortis plus tard et ont été plus complets, plus sophistiqués. Mais reste que Renegade est précurseur et mérite le respect qui lui est dut. Dans une industrie en constante évolution, Renegade représente un pallier. Il présentait tout de même une technique novatrice, voire aguicheuse avec cette façon d'exploiter la profondeur du décors et avait un gameplay riche et amusant. En plus, il faisait parfaitement appel à des clichés culturels que tout le monde connaissaient, si bien que sa popularité ne fut pas usurpée. Technos l'aura bien compris et continuera d'adapter la recette sans crainte avec Double Dragon. Mais rien que pour le patrimoine, Renegade mérite qu'on s'y intéresse encore un peu.