Le niveau du barrage dans les Tortues Ninja (NES), le niveau 9 dans Battletoads (NES), Hydrocity Zone de Sonic 3 (Megadrive), le Big Shell inondé de Metal Gear Solid 2 (PS2)... en général, les niveaux aquatiques même dans les meilleurs jeux, ce n'est pas une bonne idée. Difficile, labyrinthique, ennuyeux, frustrant. Alors imaginez si un jeu tout entier vous propose pas moins de vingt-sept niveaux entièrement situés sous l'eau. L'horreur assurée ? Pas si sûr !
On quitte les consoles Nintendo pour faire un tour du coté de la concurrence directe de l'époque, SEGA et sa Megadrive. Si Nintendo prouve par la créativité de ses jeux que la firme de Kyoto aime concevoir des recettes de gameplay soignée, ils n'ont pas l'exclusivité de l'originalité. Parce qu'il est difficile de prétendre qu'Ecco the Dolphin ne l'était pas dans le paysage vidéoludique de 1992. À cette époque, nos héros de jeu vidéo typiques étaient Mario, Sonic, Simon Belmont, Donatello et sa bande de frangin à carapace, etc. Un plombier moustachu, un hérisson super athlète, un chasseur de vampires, des tortues adeptes des arts-martiaux... il nous arrivait aussi d'embarquer à bord d'une furieuse voiture de course dans Out Run ou à bord d'un vaisseau spatial surpuissant dans Thunderforce pour éradiquer la menace extra-terrestre à grand renfort de bombes et de rayon laser. Mais aider un dauphin tout ce qui a de plus pacifique à retrouver sa famille kidnappée à travers les océans du monde entier ? Voilà qui a de quoi sérieusement interloquer dans le catalogue des consoles 16-bits, peu importe leur constructeur !
Le scénario, aussi remarquable que son concept même nous raconte donc la disparition de la famille d'Ecco le dauphin, mais pas seulement. En effet, toutes les espèces maritimes du coin semble s'être tout bonnement volatilisées ! On assiste au début du jeu à une étrange tempête, puis plus rien. Le vide océanique, le silence, la solitude, la peur. Ecco n'est pas le genre de héros prompt à tout ruiner sur son passage pour sauver sa dulcinée. Non, il est vulnérable, mais courageux et un long voyage l'attend. Son périple le conduira dans des contrées lointaines comme l'Arctique, ou au cœur des ruines de l'Atlantide, le fameux continent perdu jusqu'à la découverte d'un portail temporel capable de l'emmener à la préhistoire ! Au fil de son incroyable épopée, il découvrira que les espèces maritimes de touts lieux et de toutes époques sont menacées par une race extra-terrestre se nourrissant avidement de la chaire de poisson et de crustacé en tout genre. Au départ parti pour retrouver sa famille, il finira par lutter pour sauver la vie elle-même au delà des mers et du temps.
Oui, c'est complètement fou, le scénario surprend et part dans des travers que jamais on n'aurait soupçonné la première fois en insérant la cartouche dans la console. Mais c'est un excellent prétexte à la visite d'une foultitude d'environnements exaltants dont la cohérence est étonnamment solide. La première chose qui frappe, c'est les paysages dans lesquels on évolue. Ecco nous place dans les océans et les mers de façon intégrale. De là découle un gameplay singulier où la notion de mouvement et de liberté est quasi révolutionnaire sur console de salon en 1992. La liberté d'action est si grande que la linéarité est largement atténuée et bon nombre de joueurs avouent ne pas avoir suivi la ligne directrice du scénario et de l'aventure de prime abord afin de barboter dans le premier niveau et effectuer des bonds hors de la surface pour épater la galerie. De plus, Novotrade, le studio hongrois à l'origine du jeu a savamment étudié sa copie. S'il n'y a aucune contrainte liée à la terre ferme comme dans les autres jeux de plate-forme et d'aventure, telle que la gravité, les développeurs ont eu la présence d'esprit d'adapter leur gameplay en fonction de l'élément constitutif principal de l'environnement : l'eau. Ainsi, il faut savoir que Ecco est un dauphin (nan, sans déconner ?! ), et qu'en tant que tel, il se classe parmi les mammifères. Si bien qu'il n'est pas capable de rester sous l'eau indéfiniment à la façon d'un poisson. Il lui faut régulièrement revenir à la surface pour reprendre une bouffé d'air frais ! Ce simple procédé tout ce qui a de plus réaliste obligera le joueur à calculer un minimum son parcours. Notamment lorsqu'il s'apprêtera à parcourir un des nombreux labyrinthes sous-marins à travers coraux et ruines antiques qui se dresseront sur son chemin.
Ecco n'est pas Mario lorsqu'il s'agit de piquer un cent mètre dans les pâturages du Royaume Champignon, certes, mais ce n'est pas une boule de pétanque pour autant ! Il est agile et très capable, notre p'tit cétacé ! Il peut aller aussi vite que le rital de Nintendo grâce au bouton C qu'on tapote pour accélérer et au bouton B qui permet de se propulser agressivement. Cela lui permet par exemple de détruire certains obstacles pour passer à travers. La charge sert également à vaincre certains ennemis, parce qu'il ne faut pas lui chier sur les nageoires, à Ecco ! Un autre de ses pouvoirs lui sera particulièrement utile, là aussi calqué sur ce que les dauphins de notre réalité sont capables de faire tous les jours : le sonar. Au début, il ne servira qu'à confectionner une petite partie d'un plan grâce aux ondes qui se répercutent sur les obstacles et divers éléments du décors. Utile lorsqu'on est perdu dans les labyrinthes d'un fonds marins inhospitaliers. Plus tard, un autre dauphin rencontré durant la quête apprendra au jeune Ecco à se servir de son sonar comme d'une arme. Enfin, le saut, magnifique acrobatie de notre souple camarade est utile au-delà de l'aspect esthétique. En effet, dans certains niveaux plus particulièrement, il vous faudra bondir par dessus les récifs pour rejoindre l'autre côté, les fonds marins étant obstrués par des amas de roche infranchissables autrement. Cela demande un peu de technique par endroits, et plusieurs essais seront nécessaires.
Ce qui m'amène à un des sérieux problèmes d'Ecco the Dolphin, sa difficulté. Novotrade est parfois sans pitié. On est bien entendu pas si proche du niveau de cruauté d'un Battletoads, mais certains passages ont de quoi mettre vos nerfs à vifs. Les sauts au dessus des récifs, millimétrés, ne sont qu'un amuse-gueule. Le jeu accumule une collection de tares de conception qui donne une courbe de progression illogique et déséquilibrée. Pêle-mêle on peut citer l'absence de checkpoint dans des niveaux parfois très longs (le dernier, un véritable parcours du combattant!), ce qui nous oblige à refaire l'intégralité du level dés que la mort survient. Les mots de passe, présents (pour un jeu comportant 27 niveaux, ce n'est pas un exploit, c'est juste normal) sauf celui du dernier boss (très difficile) qui est donné seulement … après l'avoir vaincu ! Certains types d'ennemis comme les crabes et les araignées de mers qui, si vous passez dans leur champ d'action vous traquerons à travers une sacré portion du niveau, vous obligeant à les affronter si vous ne voulez pas vous retrouver pris au piège face à plusieurs monstres. Ce qui signerait votre arrêt de mort immédiatement. À l'inverse, dans d'autres niveaux où la difficulté reste très raisonnable, le jeu se montre fort généreux en disposant ça et là des Glyph, des sortes de cristaux aquatiques qui vous octroi invincibilité temporaire et régénération de vie. On aurait aimé pouvoir bénéficier d'un petit avantage comme celui-ci dans les niveaux les plus incroyablement ardus, plutôt que dans ceux qui s'apparentent à une baignade dans la piscine familiale une douce après-midi d'été !
Ajouter à cela les courants marins qui vous repousserons irrémédiablement, vous forçant soit à persévérer en manipulant un Ecco alourdit et ralentit à l’excès, soit en cherchant un autre chemin plus aisé, et le repop de la horde d'ennemis qui s’exécute dés lors qu'on quitte les environs de quelques mètres, et vous obtiendrez le challenge d'un jeu coriace. Le contraste est saisissant entre les rafraichissantes et grisantes sensations de liberté que nous procure Ecco et ses fantastiques capacités à se mouvoir, et l’implacable réalité de n'être qu'une proie parmi une horde de prédateurs marins affamés.
Contraste d'autant plus saisissant au vue de l'ambiance graphique du soft, particulièrement onirique. Contrairement à ce qu'on aurait put penser, les niveaux ne se font pas si rébarbatifs que cela. La dominante de bleu et d'eau est de évidence quelque chose qui bridera la découverte d'une certaine façon au bout de plusieurs heures de jeu, mais c'est un parti pris qu'Ecco assume entièrement et qui est indissociable de son gameplay et de son identité. Les graphistes de Novotrade ont été malin et se sont servi de toute la palette de bleu, de mauve et de blanc à leur disposition pour donner plus de variété et de subtilité aux fonds marins. On aurait put croire également que les océans que l'ont parcours soient vides et ternes, mais il n'en est rien. On joue ici intelligemment avec la lumière (un rayon de soleil qui perce à travers la surface de l'eau, illuminant un passage comme la nef d'une église à travers un vitrail...), des fonds d'écrans riches en dégradés superbes de finesses et autres halo vaporeux sont là pour donner l'illusion que les fonds marins sont tous sauf sombres et sans vie. Le sol sous-marin est souvent jonché de coquillages multicolores, de plantes aquatiques et de formations sédimentaires aux formes variées tandis que la faune est très bien représentées. Crabes, araignées de mers, requins, dauphins, baleines bleues, pieuvres, méduses et tant d'autres, toute la vaste famille des créatures marines est passée en revue. L'aspect de leur sprite est agréable à l’œil, et Novotrade n'a pas commis l'erreur d'utiliser une technique comme la digitalisation (Mortal Kombat) qui aurait rendu le tout plus réaliste peut-être, mais terriblement plus froid.
Certain niveaux ont fait montre d'une recherche esthétique évidente et contribue à donner à Ecco the Dolphin cette notion de grande aventure. En effet, comme dit plus haut, le scénario nous mène dans des endroits aussi surprenants que Atlantis, ville-monument témoins d'un passé glorieux aujourd'hui révolu. Le continent mythique a bel et bien existé d'après le jeu de Novotrade, et même que le peuple atlante serait entré en guerre avec les Vortex, les vils extra-terrestres se nourrissant de poissons et de crustacés par paquebots entiers. Mais les atlantes furent vaincus, leur villes ruinées, si bien qu'ils fabriquèrent un portail temporel pour partir se cacher au cœur de la préhistoire. Le marbre et les colonnades, sculptures et décorations raffinées furent engloutis par les eaux et seul un être comme Ecco peut encore les explorer aujourd'hui. La visite d'un décors antique et fascinant comme celui-là donne une toute autre tournure à l'ambiance du jeu. La dorure de la décoration des murs se marient très bien avec l'argent du marbre et l'accompagnement musical contribue à nous embarquer dans ce monde énigmatique.
Le niveau de la préhistoire est également un des plus beaux du jeu. Le sol marin se voit envahi par des cratères et bouches de volcans en activité, des hippocampes géants vous barrent la route et des fossiles s’amoncèlent aux fonds des eaux. Même les décors hors de l'eau, véritables panoramas de montagnes rocheuses sur fond de ciel azuréen offre un dégradé de couleur sublime, rappelant fortement Shadow of the Beast sur Amiga (avec beaucoup moins de niveau de parallaxe, ceci dit). Ça vaut réellement la peine de persévérer et de faire l'effort de vaincre la difficulté du jeu pour pouvoir assister à ce genre de découverte visuelle inestimable. La dernière paire de niveaux tranchent radicalement avec l'ambiance douce et onirique des niveaux précédemment décrits. On débarque en effet dans l'antre des monstres extra-terrestres responsables du massacre de l'eco-système marin depuis des millénaires (ah bah non, ce ne sont pas les Hommes, nous aurait-on menti ? :nerd : ). Le jeu devient brutalement plus sombre, plus inquiétant. L'architecture garde sa complexité avec des passages dans tous les sens, mais les décors ne sont plus fait de roche ou de glacier, ni de beau marbre ou de corail. Le métal agressif et les étranges machines tubulaires occupent le terrain tandis que les poissons et autres crabes laissent leur place à des monstruosités tentaculaires tout droit sorties d'un film de Ridley Scott. Le danger est permanent. C'est désormais une guerre féroce qu'Ecco doit mener contre cette race hideuse et là où une attaque suffisait généralement à vaincre les poissons et crustacés d'avant, il faut désormais plusieurs assaut pour venir à bout d'un Vortex. Par ailleurs, le scrolling est désormais forcé, vous obligeant sans cesse à aller de l'avant, à vaincre rapidement vos ennemis et à trouver votre chemin dans ce labyrinthe infernal avant d'être rattraper par les meurtriers rebords du cadre. Quand on a passé tout le jeu avec un scrolling libre, ça fait un choc.
L'animation n'est pas en reste, même s'il convient de relativiser un peu. Les nombreux mouvements d'Ecco sont d'une fluidité exemplaire, sa capacité à se mouvoir librement dans un élément aussi fluctuant que l'eau est retranscrite à merveille. D'autant que le joueur peut choisir de se déplacer à l'envie dans toutes les directions possibles. À l'inverse, on regrettera le manque d'animation sur certaines créatures, notamment les Vortex qui ont l'air d'être de véritables blocs de pixel inflexibles. On aurait également apprécié plus de niveau de scrolling différentiel afin d'exploiter au mieux les magnifiques décors de pixel-art. Ceci dit, gardons à l'esprit que pour un jeu de 1992 sur Megadrive, Ecco the Dolphin réalise une prouesse et est dotée d'une patte artistique subtile et ravissante. Il se démarque fortement du reste des jeux vidéo d'époque et ceci de la plus belle des manières !
Côté son, là encore on s'approche de la perfection quand bien même il faudrait relever quelques petits bémols (son, bémol, c'est bon tu l'as ? ). Tout d'abord, certains bruitages sont stridents et notoirement désagréables à entendre quand ils se répètent cinquante fois dans un même niveau, pendant que nous cherchons désespérément une sortie où le moyen de franchir un pic de difficulté. Le sonar par exemple est de ceux-là, le cri de douleur plaintif et cruel du petit Ecco l'est aussi. En mettant le jeu en pause puis en appuyant sur A, on peut supprimer les musiques mais pas les bruitages; on aurait préféré le contraire. Spencer Nilsen, Brian Coburn et András Magyari, le trio de compositeurs du jeu ont donné naissance à une OST qui n'est pas totalement homogène mais qui a en tout cas énormément de charme. Nous avons déjà découvert ensemble (ou pas) Jurassic Beach dans le 28ème numéro de VGM (clic ici si tu veux retrouver l'article), qui délivrait une ambiance sauvage et apaisante en adéquation avec l'environnement primitif et préhistorique dépeint dans ce sublime niveau. Mais d'autres pistes valent largement le détour comme l'infiniment triste Ice Zone, thème musical de la banquise où on y rencontre Big Blue, une baleine bleue sage et amicale. Les notes fragiles et lancinantes de flûte associées aux sons cristallins qui se répercutent comme sur des murs de glaces donnent à ce niveau des aspects de terre désolée. Vidée de toute son essence, orpheline de toute sa vie. Affliction invisible mais incroyablement palpable, la banquise d'Ecco the Dolphin est visuellement et musicalement un des petits joyaux d'émotion que très peu de jeu peuvent se targuer d'avoir. Comment ne pas évoquer également le très étrange Welcome to the Machine, aux notes distordues, nous embarquant dans le monde dénaturé et inhumain des Vortex.
Ed Annunziata, le génial concepteur du jeu, véritable personnage aux convictions fortes (spiritisme, écologisme...) aurait demandé à son équipe de compositeur de s'inspirer de ce que faisait à l'époque le groupe de rock Pink Floyd pour illustrer musicalement les derniers niveaux du jeu, ceux dans l'antre des envahisseurs extra-terrestres.
Ecco est peut-être un jeu entièrement aquatique mais il est loin des cauchemars cités en début de test. Au contraire, il se rapproche allégrement du rêve. S'il commet quelques fautes d'équilibrage notamment liées à la difficulté de son périple, on ne saurait lui en tenir rigueur totalement tant le jeu dispose d'un tas d'autres qualités. Il est original, cela ne fait aucun doute, et au début des années 90, cela constituait déjà un très gros atout. Il se différencie largement des aventures trop connues de Mario, des bagarreurs de Streets of Rage ou des bolides furieux de Super Monaco GP. Il est beau également, là encore, c'est indéniable. Celui qui vous dira que son propos tant que son aspect visuel n'a pas quelque chose de simple et de beau est un idiot. Léger, onirique, et en même temps pas tant que cela. Ecco ose une chose à l'époque encore outrageusement rare dans le jeu vidéo : proposer une réflexion sur des sujets d'ordinaire considérés comme trop compliqués, trop ''adultes''. Écologie, condition animale, cohabitation entre les espèces … tant de sujet chers au cœur du concepteur américain Ed Annunziata, véritable guide spirituel du studio Novotrade.
Magnifique, imaginatif, recherché, passionnant, les superlatifs ne manquent pas pour ce soft tout bonnement incontournable, indissociable de la marque SEGA.
Vous commencez à en avoir l'habitude, et c'est désormais au tour du test de la lettre E de se présenter sur Retro Gamekyo. Je rappelle que Linkudo a chapardé la première place du classement (concours, cadeau à la fin toussa toussa) car il a trouvé le jeu de la lettre D qui valait deux points ! N'ayez crainte, plusieurs autres jeux vous octroieront des bonus et plus qu'un simple point, de quoi vous refaire la cerise (expression vieille d'environ 16 000 ans) si vous avez accumulé du retard au classement !
Une fois n'est pas coutume, il vous faudra décrypter ce screenshot volontairement truqué pour déterminer de quel jeu il s'agit. Et pour être tout à fait honnête, je pense que ça ira extrêmement vite cette fois encore (mais je garanti que les jeux qui vont suivre seront bien plus ardu à trouver )...
Si le célèbre manga d'Akira Toriyama a été adapté bien des fois en jeux de combat sur la console de Nintendo, un certain goût amer restait dans la bouche de tous les joueurs qui avaient placé leurs espoirs en un Dragon Ball Z : Ultime Menace se présentant finalement comme le moins bon opus d'une trilogie pourtant prometteuse. Et pour cause, amputé de son mode histoire qui pourtant faisait vibrer d'impatience les petites têtes blondes que nous étions à l'époque, nous n'avions put endosser le rôle du célèbre Goku pour de nouveau combattre Boo ; ou celui de Gohan pour nous confronter au maléfique Dabra. C'est un véritable gâchis produit à la va-vite à des fins commerciales, car nous offrir la possibilité d'incarner des personnages relativement exotiques (avant que les Budokai Tenkachi sur 128-bits nous propose une collection hétéroclite de combattants) tels que Kaiō Shin ou Dabra avait de quoi séduire. D'autant que le soft disposait de qualités techniques indéniables.
Malgré cela, le jeu se vend fort bien et Bandai n'est aucunement découragé. La firme lance plusieurs projets de jeux Dragon Ball Z dont une sorte de best of nouvelle génération à la trilogie Butōden qui s'intitulera Shin Butōden, destiné à la Saturn de SEGA. Mais c'est Hyper Dimension, promis tardivement à une Super Nintendo vieillissante qui nous intéresse aujourd'hui. Ce jeu est particuliers à bien des égards, surtout au regard du passif de la saga sur SNES. Tout d'abord, vous l'aurez compris, il est commercialisé tard, très tard. Le 29 mars 1996, cela fait déjà un an et demi que les Playstation et Saturn se livrent une guerre sans merci sur le sol nippon, ces dernières ont même déjà un pied à terre en occident ! Aussi, Hyper Dimension tranche radicalement avec la série des Butōden puisqu'il n'en reprend que très peu d'éléments. En effet l'écran n'est cette fois-ci plus splitté (il est possible de se battre en l'air si on y envoi l'autre, mais notre personnage rejoint l'adversaire automatiquement et le décors change de lui-même), les graphismes ont considérablement évolués pour donner un rendu totalement inédit. Et plus que tout, le gameplay a bien changé. Si Super Butōden premier du nom avait instauré une sorte de recette typiquement Dragon Ball, nécessaire pour adapter les combats fulgurants des personnages surpuissants de la saga, Hyper Dimension se veut plus ''terre-à-terre'' et singe le fonctionnement d'un Street Fighter II avec plus de rigueur.
Cependant, commençons par le commencement, et déjà un bémol se présente. Du moins dans la version française, puisqu'à nouveau, comme pour Super Butōden 3, le mode histoire a foutu le camp ! C'est des plus frustrants quand enfin un jeu Dragon Ball Z sur Super Nintendo nous permet de vivre les affrontements finaux du manga, les plus grandioses, les plus incroyables tant ceci se font explosifs et spectaculaires. Adieu Goku, Ultimate Gohan et Gotenks contre Boo, ou Goku contre le mythique Majin Vegeta... Mis à part cela, je ne vous ferais pas l'affront de vous conter l'histoire du manga (déjà parce que j'ai la flemme) et je conclurais en disant que le roster de combattants, bien qu'un poil restreint regroupe les personnages les plus intéressants de cette fin de manga. Même ceux qui sont largement dépassés à ce stade du récit en terme de puissance mais qui restent de fortes icônes du manga tels que Freezer et Cell sont présents.
Poursuivons par ce qui nous semblent le plus immédiat, la refonte graphique : Hyper Dimension est sublime. Quoiqu'en disent ses détracteurs, le jeu nous en met plein la vue. Les sprites ultra détaillés suivent le modèle du manga qui de son côté devient lui aussi de plus en plus précis, avec beaucoup de traits sur les vêtements, dans les cheveux ou sur les muscles des protagonistes. Le style de dessin d'Akira Toriyama devenant plus anguleux et plus brute pour les besoins de scénario de son œuvre (rendre crédible un combat dont l'enjeu est la survie de l'univers avec les traits rondouillards et enfantins du premier tome du manga n'aurait pas été possible...), le développeur Tose fait l'effort de rafraichir sa patte graphique pour tenter de coller au mieux à cela. Les sprites des combattants sont donc riches en détails, vous l'aurez compris.
Les liserés rouges sur les bottes de Goku et Gohan, l'anatomie très spécifiques des bras de Piccolo, le ''M'' sur la ceinture de Boo, les potala de Vegeto, les écailles de Cell... tout est minutieusement reproduit. Les plus aguerris noteront même de très subtiles différences faisant montre d'un soin d'orfèvre apporté au jeu par les graphistes. Par exemple, vous aurez remarqué la forme que prend la tunique de Ultimate Gohan, calquée sur les plus belles illustrations du personnages présentes dans le manga, et qui diffère légèrement de celle de Goku, la faute à une morphologie sensiblement distincte entre le père et le fils.
Le jeu de couleur chatoyantes flatte la rétine à tous les instants. Cet aspect très légèrement délavé aux différentes teintes permet d'éviter la saturation et donne un équilibre chromatique très agréable à l’œil. Les décors sont quant à eux parmi les plus emblématiques de la série, offrant chacun trois nuances temporelles (jour, crépuscule, nuit) pour une approche visuelle différente et enrichissante. Mention spéciale au ring du tournoi des arts-martiaux, mythique pour tout fan qui se respecte, et le stage de la ville en ruine, bluffante par ses animations de flammes et son éclairage en arrière plan. Extrêmement immersif.
Autre point fort technique du soft, les animations. Elles sont constantes, rarement un personnages se trouvera parfaitement fixe. Le torse imposant de Cell se gonfle à chaque respiration, des éclairs d'énergie zèbrent le corps de Goku toutes les secondes, la cape mauve de Boo flotte dans les airs... les auras qui entourent les personnages lorsqu’ils rechargent leurs énergies sont toutes customisées : Majin Vegeta hurle de douleur à a manière d'un Broly dont le pouvoir maléfique le ferait souffrir, Boo fait siffler de la fumée de ses tempes, Piccolo s'entoure de flammes vertes et tutti quanti.
Enfin, si dans les Super Butōden les attaques se ressemblaient légèrement entre chaque personnage, ici, les combattants peuvent enfin se targuer de détenir un moveset personnalisé à l'image de leurs attaques les plus mémorables dans le manga. Piccolo s'arrache un bras pour feinter son adversaire, Cell fait naitre en direct sur le champ de bataille ses rejetons miniatures, Gotenks matérialise ses délirants fantômes kamikazes et Vegeto emploi sa mortelle lance d'énergie pure. Ceci occasionnant bien entendu autant de poses inédites à chaque combattants, reconnaissables immédiatement pour tout mordus du manga ou de l'anime. Tose a eu de l'esprit jusque dans les détails. Gohan et Piccolo se partage un combo par exemple (logique, puisque le premier fut l'élève du second) mais le Namek a une animation plus lente et une force de frappe légèrement meilleure. Cela colle avec sa carrure plus grande, ça fait sens. La ribambelle d'effets spéciaux qu'on nous sert (lumière, transparence...) prouve que Tose maitrise l'intégralité du hardware SNES.
En résumé, Hyper Dimension dispose d'une esthétique terrible. Une patte graphique de très haute qualité, doublé d'un gouts artistique certain surtout en ce qui concerne le choix des couleurs. Une véritable pépite 2D. Mais cette avalanche sidérante de beauté pixelisée a un coûts : la fluidité. En effet, le jeu se fait moins vif que ses prédécesseurs sur la même console. Cela peut être considéré comme un défaut. Mais paradoxalement aussi comme un avantage si on considère que ça sert un gameplay basé sur les combo et les affrontements au corps à corps plus que sur l'échange de rayon d'énergie comme nous avait habitué les Super Butōden. La version NTSC-J (japonaise) du soft s'en sort mieux de ce côté, la faute à un 50 hertz handicapant dans notre verte contrée. Cependant, il est à noter, histoire de relativiser, que d'autres jeux de renom ont eu le même soucis de fluidité sur Super Nintendo, tel que Street Fighter Alpha 2.
Comme évoqué précédemment, Hyper Dimension s'apparente à un Street Fighter II en terme de jouabilité. La bonne idée du split screen des Butōden est ici abandonnée pour faire combattre les deux adversaires principalement sur un seul plan. Les joutes se font avec plus de proximité, ce qui favorise donc les enchainements au corps à corps. Et si le roster parait peu exhaustif, il compense par des combattants à l'intérêt véritable et au gameplay différent les un des autres. Outre la puissance et la vitesse d’exécution propres à chaque combattants (rassurez-vous, l'ensemble est très bien équilibré malgré tout), c'est surtout en terme de maniabilité qu'ils se démarquent. Chaque personnage dispose d'un panel de combo personnel en plus de ceux commun à tous, et la série de touche nécessaire à leur utilisation est vaste. Certain ont des combo relativement simples à sortir à l'instar de Boo (le gros), d'autres sont plus complexes notamment à cause du fait qu'il y ai plus de touches sur lesquelles appuyer très rapidement. Goku et Cell sont par exemple parmi les personnages les plus exigeants, mais le Saïyen offre quelque un des combo les plus esthétiques et plaisants de voir à l'écran. En effet, ce dernier, l'espace de quelques secondes se transforme selon ses trois stades de puissance (Super Saïyen 1, 2, puis 3) pour lyncher littéralement l'ennemi, grandiose !
Si chaque combattant dispose d'une série d'enchainement classique fait de coup de poing et de pied, certain offre quelques subtilités supplémentaires. Pour le fameux Kamehameha de Goku par exemple, on a le choix de charger la puissance de son attaque en maintenant le bouton A (le rouge), ce qui occasionne logiquement plus de dégâts mais nous rend vulnérable face à une contre-attaque éclair. Ainsi, la maitrise complète d'un personnage peut influencer grandement le rythme d'un combat et face à un second joueur expérimenté ou contre l'ordinateur (dont le niveau de difficulté devient vite exigeant), les combats deviennent aussi techniques que spectaculaires ! La movelist des personnages réservent réellement bien des surprises. Goku (encore lui) peut se téléporter, comme dans l’œuvre d'origine, en avant ou en arrière selon une manipulation spécifique. Mais là où ça devient très intéressant, c'est que si le déplacement instantané (le nom de la technique) est fait à la seconde prêt vers l'avant, il est possible d'esquiver le rayon d'énergie adverse. Surprenant et jouissif quand ce genre de coup de génie manette en main réussi. Vegeta peut quand à lui se protéger des vagues d'énergie grâce à un bouclier et Cell est le seul à pouvoir envoyer un Kamehameha en diagonal. Utile lorsque le combat se déroule en l'air et où votre adversaire ne daigne pas vous faire face !
Si vous ne parvenez pas à maitriser la délicate et surprenante technique du déplacement instantané, le jeu vous offre un dernier recours plus simple. En effet, chaque personnage peut esquiver l'attaque adverse via une manipulation des gâchettes du pad SNES. Ainsi, le rayon d'énergie traversera l'écran tandis que votre combattant s'enfoncera dans l'arrière-plan du décors pour revenir brusquement vers sont opposant. Même si l'animation est relativement lente, on ne peut nier que les affrontements soient dynamiques, les personnages bougent sans cesse et dans toutes les directions, supplée par des combos à la mise en scène explosive.
Dernière nouveauté de gameplay intéressante, et pas des moindres, la gestion du ki et de la santé ! C'est une chose qui n'a sûrement pas fait l'unanimité hier comme aujourd'hui, mais ça couvre Bandai qui ne peut être accusé de formatage ou de copier/coller dans ses jeux Dragon Ball. Dans Hyper Dimension, la barre de santé partage celle du ki, là où dans Super Butōden, on avait deux jauges distinctes. Si bien qu'à chaque utilisation d'une boule ou d'un rayon d'énergie, on perd également de la vie ! Cela favorise définitivement l'usage des combinaisons au corps à corps. Envoyer une super attaque spéciale nécessitera de détenir au minimum 80 points de vie (le compteur qui se situe juste à côté des jauges) et si ce genre de technique occasionne d'impressionnant dégâts, il faudra néanmoins veiller à ne pas se mettre inutilement dans la panade. Lorsque vous envoyez la sauce, il faudra être sûr que votre adversaire ne s'en relèvera pas sous peine de finir à cour de vie face à un ennemi revanchard ! Heureusement, il est possible de concentrer son énergie afin de remplir sa jauge de ki et de santé, mais attention, pendant ce laps de temps, votre combattant ne pourra se défendre ! Ce n'est pas de la stratégie de haute volée, mais ça garanti des combats un peu plus rocambolesque qu'à l'accoutumé, où les retournements de situations peuvent être légion.
Dragon Ball Z Hyper Dimension est assurément un très bon jeu de combat de l'ère 16-bits. Mais il faut raison garder. Le jeu a la chance de bénéficier d'une source (le manga, l'anime) riche en combats épiques et en rebondissements. Ainsi, nous ne saurions pardonner l'absence inexplicable du mode histoire dans cette mouture PAL. Et le fait que le jeu soit sorti tardivement sur une console obsolète comme la SNES alors que d'autres jeu plus ''fringants'' occupaient déjà le terrain des Saturn et autre Playstation ne me semble pas être une excuse valable quant à l'absence du mode histoire. Ce n'était pas non plus pour éviter le spoil puisque les derniers tomes du manga étaient déjà parus chez nous. Dommage...
De plus, si la série des Super Butōden (et à fortiori, l'anime, menée par un royal Shunsuke Kikuchi) a su s'octroyer une bande-son avec quelques morceaux très notables (bien que le compositeur Kenji Yamamoto fut accusé de plagiat pour une partie de son travail), on ne peut pas réellement en dire autant de Hyper Dimension. Reste quelques thèmes musicaux sympathiques. Comme celui du mode histoire de la version japonaise, justement, (ou celle de l'apparition de Boo, très typée western...) mais rien d'aussi mémorable que la musique de Vegeta dans Super Butōden 3 ou celle de Perfect Cell dans Super Butōden 1.
Malgré cela, et vous le verrez avec la note dithyrambique que je lui octroie, Dragon Ball Z Hyper Dimension atteint les sommets aisément. J'ose le dire, ce fut une véritable baffe alors que les consoles de la nouvelle génération étaient déjà bien installées dans le paysage commercial et vidéoludique de 1996. Le soft de Tose et de Bandai loupe le coche de l'incontournable jeu de peu, à cause de quelques menus détails. Un roster peut-être pas très étoffé malgré l'intérêt technique qu'ont chacun des combattants. Une bande-son peu inspirée. Un mode histoire absent. Sans ce genre de boulet à se trainer aux chevilles, le soft ferait à mon humble avis parti des tout meilleurs de la console. Il fait déjà parti des meilleurs de la licence Dragon Ball, et c'est déjà pas mal !
Le jeu concours continue (et il sera de longue haleine, car nous en sommes qu'à la lettre D, encore vingt deux tests ! ) et cette fois-ci, ce sera légèrement plus pimenté car le jeu qu'il vous faut trouver aujourd'hui vous rapportera deux points !
L'énigme est la suivante, on va se la jouer façon Julien Lepers de Question pour un Champion !
Sorti tardivement sur une console des années 90, mes concurrents sont certes plus impressionnants techniquement mais je bénéficie d'une fan base énorme. Fait étonnant, ma version PAL n'est sorti en réalité qu'en France officiellement. Proposant 10 personnages jouables aux pouvoirs incroyables, un jeu de ma série a déjà été testé sur Retro Gamekyo. Kazumasa Ogata est mon producteur, je suis ? Je suis .... ?
Tout commence avec le roman de Bram Stoker en 1897, Dracula. Oscar Wilde dira de lui qu'il s'agit peut-être du plus beau roman de tous les temps. C'est en tout cas l’œuvre qui a donné, presque à lui seul naissance à la notion de pop culture. Créant un imaginaire et un personnage fantasmagorique dont il est possible de reprendre le mythe pour l'adapter aux influences de l'époque et du genre souhaité. Le mythe du vampire n'est pourtant pas abordé pour la toute première fois par Stoker. D'autres œuvres antérieures sont référencées comme Carmilla de Sheridan Le Fanu en 1872 ou The Vampyre de John Polidori en 1819. Mais c'est Stoker qui établi les codes du vampire moderne (la morsure au cou afin de rajeunir, les pouvoirs surnaturels tels que l'hypnotisme ou la télépathie...). C'est également lui qui dote son personnage d'un charisme et d'une élégance sans commune mesure. Ceci rendra le Dracula tel que Bram Stoker le voyait propice au développement de sa légende, notamment grâce à un média naissant au début des années 1900 : le cinéma.
Le mythe du vampire, bien au-delà de ce que Stoker en a fait, trouve écho dans une infinité de culture. De l'Afrique à l'Europe, en passant par les Amériques et l'Asie, énormément de peuple ont une croyance plus ou moins reliée au mythe originel du vampire. Cela regroupe plusieurs notions communes : une créature maléfique buvant le sang de ses victimes, revenant d'entre les morts pour hanter les vivants, plus ou moins séducteur et capable de contrôler l'esprit des jeunes femmes selon les récits, capable de se changer en créature volante parfois à plumage ou à écailles... C'est un des mythes fondateurs de l'imaginaire collectif de l'Humanité. Rien d'étonnant à ce que le vampire se retrouve propulsé au rang de cible à abattre dans un jeu vidéo, presque cent années après la publication du roman de Bram Stoker.
À l'époque, un tel univers était encore relativement inédit dans le microcosme du jeu vidéo. Nous étions plus habitué au jeu d'action militaire où, armé d'un pétoire, il nous fallait dézinguer la bande de mercenaires adverse. Les shoot themp up de science-fiction où on livrait une lutte féroce contre des extra-terrestres dans l'espace ou à la surface de planète étrangère étaient également commun en 1986. L'univers inédit, fort en symbole et disposant d'une réelle personnalité est un des gros points forts de Castlevania (contraction de Castle of Transylvania). L'histoire se déroule en 1691, une famille livre un combat sans merci depuis des générations déjà, celle des Belmont (Belmondo au Japon, en hommage à l'acteur français Jean-Paul Belmondo). Ils luttent contre Dracula, le prince des ténèbres, qui revient sans cesse pour mener ses armées de créatures démoniaques sur Terre. Cette fois-ci, c'est au tour de Simon de se présenter aux portes du château de Dracula, et une chose est sûre, le périple ne sera pas de tout repos tant le domaine du vampire le plus coriace de l'Histoire est surprenant et dangereux.
Castlevania se présente comme un jeu d'action 2D. Simon dispose d'un outil remarquable pour lutter contre les squelettes, momies et autres chauve-souris qui peuplent le domaine de Dracula : un fouet. Relique familiale nommée Vampire Killer, il peut être upgradable et multiplier sa taille par deux pour plus de portée. Comme dit plus haut, déjà en 1986 il fallait trouver un moyen de se différencier. Outre le contexte vampirique, Castlevania met à disposition du joueur un arsenal assez inédit composé du fouet, véritable symbole indémodable des jeux de Konami, mais aussi une kyrielle d'armes secondaires. Dagues qui balayent l'écran, haches qui exécutent une parabole dans les airs avant de retomber lourdement, eau bénite qui brule le sol, montre magique qui fige les ennemis pendant un court laps de temps... Mais ce n'est pas tout. Le fouet sert aussi à ruiner le mobilier de Dracula, notamment les candélabres, autre symbole visuel de la série et les murs fait de matière friables. Se faisant, on découvre de nombreux bonus comme les cœurs qui, contrairement aux autres jeux ne sont pas là pour remplir une jauge de santé mais pour vous permettre d'utiliser les armes secondaires (chaque dague lancée par exemple coûte un cœur, vous pouvez en cumuler 99 à la fois, ce qui ajoute une difficulté car il vous faudra faire un bon stock avant de rencontrer les boss et ne pas mourir entre temps sous peine de voir ses réserves s'envoler au pire moment). Les rôtis, eux, serviront à restaurer votre vie, les potions d'invisibilité vous rendront invulnérable pendant quelques secondes et les crucifix revêtent le même rôle que les smartbomb d'un shoot them up : réduire à néant l'intégralité des monstres présents à l'écran.
Acquérir la maitrise parfaite des armes et bien connaître leur comportement (trajectoire de lancé, dégât, efficacité plus ou moins élevée sur certain monstres...) est essentiel. Car le jeu est dur, les boss impitoyables et les ennemis nombreux. Mais le jeu est juste, il est exigeant mais sait récompenser ceux qui font l'effort de l'apprivoiser. De plus, il met beaucoup de chose du côté du joueur pour lui permettre d'affronter l'armée des ténèbres de la meilleure des manières. La rigidité des contrôles est compensée par une précision technique évidente, je m'explique.
Simon a un manche à balais dans le fondement. Pire, c'est lui-même, le manche à balais. Il saute avec la souplesse d'une rhinocéros enceinte et il nous est impossible de modifier la direction de son saut une fois celui-ci effectué. Il faut attendre qu'il atterrisse, peu importe où, pour pouvoir changer de direction et esquiver les ennemis, souvent dans la plus grande des urgences. Il faut dés lors calculer précisément là où on veut sauter pour ne pas être surpris. De plus, si les monstres vous touche, Simon a tendance à subir un petit recul qui peut le faire plonger dans une fosse pleine de pics mortels. L'attaque au fouet à un infime temps de latence auquel il faut s'habituer. Mais en échange, les hitbox sont programmées avec finesse et vous n'aurez presque jamais la sensation que le jeu vous a vaincu de manière injuste. Contrairement à certains passages très frustrants de Battletoads testé précédemment.
La progression linéaire n'est ici pas un défaut, elle fait parti des fondations de la saga. On débute dans les jardins pour pénétrer dans le manoir. On y explore une partie avant d'être contraint de descendre dans les douves et de remonter par le laboratoire pour enfin débarquer dans le donjon au sommet duquel se trouve l'infâme Dracula. Si cette première version du château de Dracula ne dissimule aucune salle secrète ou niveau caché, le level design tant par sa construction que par son identité visuelle est très vite devenue culte. À l'instar d'un Ghost'n Goblins qui dans un certain sens a inspiré Castlevania (il semblerait que dans les années 80, Capcom et Konami était en rivalité et se répondait beaucoup par jeu interposé), la progression par la défaite et l'apprentissage est possible. Le die & retry est peut-être sensiblement moins primordial dans Castlevania, mais nul doute que le challenge est attrayant et demeure dans le fond très bien dosé.
Graphiquement, Castlevania peut être la source de quelques petits débats. Selon moi, il est joli, surtout pour un jeu de 1986 sur une NES déjà à mi-parcours, mais pour d'autre, il n'est pas plus exceptionnel que cela. Les animations sont simplistes, rendant le personnage trop rigide (et handicapant un peu le gameplay) et parfois, des clignotements surviennent. Peu visible sauf pour un œil averti, ils se produisent surtout lorsqu'il y a beaucoup d'ennemis à l'écran. Mais c'est en terme d'imagerie que le jeu fascine et plait. Comme dit plus haut, l'univers vampirique est assez inédit pour l'époque, l'inspiration gothique (même si en 1691, année où se déroule le jeu, le gothique est légèrement anachronique, laissant sa place au premier mouvement de la Renaissance) nourrit un aspect visuel riche. Le jeu joue énormément sur les ombres, avec des pixel en fond de décors tout de noir vêtus qui suggèrent la présence immuable et menaçante du château de Dracula.
Les vitraux semblables à ceux d'une sombre église une nuit d'orage ; les lourdes grilles d'acier à pointe clôturant le domaine du vampire ; les larges fenêtres du hall du manoir couvert d'un rideau rouge sang qu'on devine fastueux des siècles auparavant, avant que le temps ne les réduisent inévitablement en tissu moisi et écorché ; les frises sculptées à même la pierre ancestrale des colonnes croisées dans les jardins ; les braseros illuminant faiblement la nuit inquiétante entourant le brave Simon... Tous ces détails de level design contribue à donner force et vie à Castlevania.
Certain joueurs se sont plaint du côté ''sale'' des graphismes. Mais au contraire, la crasse sur les murs, la rouille sur les éléments métalliques, les lierres parasites sur la pierre, les chaines entravant des cadavres squelettiques dans les cachots, les intérieurs délabrés et autant d'autres détails donnent un cachet inimitable au soft. Ils décrivent un château de Dracula à l'abandon où même le décors, indépendamment des monstres pullulant, veut votre mort. L'animation perfectible et la modélisation de certain sprite assez moyenne sont dés lors rattrapées par une somme de détail, notamment située dans les décors tout à fait impressionnant. S'inspirant tout azimut de l'imaginaire fantastique et horrifique de ces cent dernières années, Castlevania se part en sus d'un bestiaire très vaste. Des sempiternelles chauve-souris de taille plus ou moins imposantes, aux homme-poissons hantant les douves, autres chevaliers noirs en armure, jusqu'à la Mort elle-même assujettit aux immenses pouvoirs de Dracula, Castlevania nous mène de surprise en surprise. Ce premier jeu d'une série aujourd'hui si culte qu'elle en est devenu immortelle, un peu comme Dracula himself, pose des bases solides pour la suite. Peu importe par quel aspect on l'aborde, Castlevania s'échine à être unique en son genre. Gameplay, arsenal d'outil de combat, graphisme, ambiance... le jeu de Konami fait montre d'une créativité singulière et c'est ce pourquoi le jeu intrigue toujours autant.
On l'a dit, Castlevania s'inspire beaucoup de l'imaginaire horrifique du siècle dernier. Certaines créatures semble même être reprises des films du genre (les hommes-poisons de L’Étrange Créature du Lac Noir, 1954), le second boss du jeu, une tête de Méduse géante renvoi directement à La Gorgone de 1964. La conception visuelle de la Mort provient vraisemblablement du film Le Septième Sceau de 1957, avec le charismatique Bengt Ekerot en grande faucheuse. Tandis que la créature de Frankenstein et le fossoyeur Igor rappellent évidemment le Prométhée Moderne (roman du même genre que le Dracula de Bram Stoker, écrit en 1818 par Mary Shelley) et plus encore, le très célèbre film de 1931 avec Boris Karloff. Ce même film ayant bénéficié d'innombrable suite dont sept d'entre elles virent Christopher Lee incarner la créature et Peter Cushing (le Grand Moff Tarkin dans Star Wars Episode IV) le docteur fou. Christopher Lee fut bien entendu reconnu pour son rôle de Dracula au studio britannique Hammer, rôle qu'il reprendra une dizaine de fois, marquant de sa patte unique la légende du cinéma et faisant de lui au côté de Dark Vador l'un des plus emblématiques méchants de l'histoire de l'imaginaire.
Et l'équipe de développement, encore aujourd'hui auréolée de mystère tant la plupart de ses membres voulaient se faire anonymes (chose assez courante dans le milieux du jeu vidéo à l'époque), a pousser le vice encore plus loin. Allant jusqu'à prendre des pseudo pour écrire le générique, devinez de quoi ils se sont inspiré... des films d'horreur, dans le mille ! Ainsi, le romancier Bram Stoker devient Vram Stoker. Le réalisateur Terence Fisher (Frankenstein s'est échappé, Le cauchemar de Dracula, Le Chien des Baskerville...) devient Trans Fishers. Christopher Lee se change en Christopher Bee. Béla Lugosi ayant incarné Dracula dans le film de 1931 est Belo Lugosi. Boris Karloff mute en Boris Karloffice. La reine des Gorgones Barbara Shelley est quant à elle Barber Sherry. John Carradine, autre Dracula dans le film La Maison de Frankenstein (1944) se voit être finalement Jone Candies...
Si visuellement, la série Castlevania a toujours sut tirer son épingle du jeu grâce à une puissante identité et un charisme certain (la touche gothique si caractéristique et les magnifiques artwork de Ayami Kojima à partir de Symphony of the Night ne sont que le perfectionnement d'une patte artistique déjà présente en 1986), on est en droit de se demander s'il en est de même pour la partie sonore. Et comme bon nombre de grands jeux d'époque sorti sur des hardware aussi limités que celui de la NES, on ne peut pas dire des musiques de Castlevania qu'elles soient particulièrement belles. Surtout pas trente ans plus tard. Mais une chose est sûre, c'est qu'à l'instar des Final Fantasy, Megaman, Super Mario Bros., Metroid et autres The Legend of Zelda, les responsables du sound design de chez Konami ont sut contourner les limitations techniques du matériel à gros coup d'ingéniosité. Il n'est pas rare qu'en 1986, un compositeur de musique de jeu vidéo soit premièrement un programmeur et un sound designer au sens large du terme avant de se mettre à imaginer quelques jolies mélodies. Aussi, la musique de Castlevania se devait de jouer l'efficacité immédiate.
Une sensibilité artistique toute féminine a fait de la bande-son de Castlevania ce qu'elle est. En effet, de l'équipe de développement d'origine, deux des rares noms qu'on a eu la chance de voir ressortir sont ceux de deux jeunes femmes très talentueuses : Satoe Terashima et Kunyo Yamashita. Esprits jeunes et audacieux, les deux compositrices choisissent la voix du rock pour les rythmes et du baroque pour les sonorités. L'emprunte de Jean-Sébastien Bach, génie du baroque ayant vécu au XVIIIème siècle et auteur du cultissime Toccata et Fugue BWV 565 (dite ''en ré mineur'') est plus que palpable. Un Castlevania ultérieur, sous-titré The Adventure et qui sortira sur Gameboy en 1989 reprendra d'ailleurs la Fantaisie Chromatique du même compositeur allemand. En dépit de son cheaptune obsolète, le thème mythique Vampire Killer de Terashima marque l'identité sonore à lui seul de toute la saga. Par la suite, la série saura se renouveler à partir de la même base pour accentuer son côté rock orchestral (Curse of Darkness sur PS2 et XBOX, 2005), proposer des thèmes d'ambiance à instruments synthétiques et tribaux (Super Castlevania IV sur SNES, 1991), voir même dynamiter son action par des consonances techno (Vampire's Kiss sur SNES, 1995).
Castlevania premier du nom pose des bases solides, et même si depuis bon nombres d'opus l'ont surpassé dans chaque compartiment de jeu, on ne peut lui enlever le fait qu'il fut un précurseur à l'aura surpuissante. Parmi les meilleurs jeux d'action/plate-forme 2D des années 80, véritable socle créatif déjà riche en codes et en background, il a une importance inestimable sur la croissance de la série toute entière. On a tendance à penser que le producteur légendaire de la série Kôji Igarashi, arrivé dans l'aventure en 1997 avec Symphony of the Night, est à l'origine de tout ce qui se fait de bien dans Castlevania, mais force est de constater que non. Castlevania faisait d'ors et déjà parti de la légende.
Paradoxalement, Castlevania n'aura jamais fait parti des poids lourds commerciaux de l'industrie. Son image est celle de l'excellence, de l'exigence, de la créativité, du lyrisme, de la classe, du raffinement artistique (visuellement et musicalement), mais aussi parfois de l'exotisme (au Japon surtout, ils sont très friands de la culture médiévale européenne). Et pourtant, loin du succès impressionnant d'un Metal Gear Solid du même éditeur, Castlevania n'aura jamais franchi le cap significatif du million de vente, peu importe la console sur laquelle la série se sera installée. On peut expliquer ceci par le fait que la majorité des opus de la saga soit des jeux 2D, incrustant ainsi en elle le sceau du retrogaming quand bien même une bonne 2D peut tout à fait être synonyme de modernité même en 2017. Mais même les épisodes 3D, tentant de profiter du regain d'intérêt du public pour le beat them all entreprit par le Devil May Cry de Capcom n'ont pas sut changer la donne. Il aura fallu attendre le dépoussiérage et l'émancipation des codes indéfectibles de la série avec Lord of Shadow, réinvention du mythe (comme Castlevania le faisait déjà avec Dracula, Frankenstein & co en 1986 ! ) pour que Castlevania entre enfin dans la cour des grands !
Surprenamment changeante, Castlevania a mainte fois évolué même si la série a sut garder une identité forte et cohérente au fil des décennies. Si une vue d'ensemble peut nous montrer des jeux très identiques, des tests plus approfondis prouveront que Castlevania est riche en secret et a sut proposer moult innovations dans sa recette pour garantir cette qualité constante.
Retro Gamekyo reviendra sur Castlevania dans le futur, cela ne fait aucun doute !