Plus connu pour sa saga
Syphon Filter que pour
Bubsy 3D (qu’on préférera oublier),
Bend Studio était de ceux qui pouvaient jouer un grand avenir dans la carrière de Sony, avant de s’écrouler sur PlayStation 2 pour être ensuite poussé vers le secteur des portables, s’occupant sur PSP (dont
Resistance Retribution) puis sur PS Vita (
Uncharted Golden Abyss et le spin-off à base de cartes). Hormis pour quelques portages au milieu des années 2000,
Bend n’a donc pas connu l’odeur d’une console de salon depuis environ 15 ans, et c’est par la force des choses (Sony ayant abandonné le marché des portables) que le studio a désormais sa chance de revenir sous les plus gros projecteurs, avec peu d’expérience du coup mais suffisamment d’ambition pour attirer l’œil.
Et c’est là que l’on doit faire un petit Mea Culpa. Je n’ai que moyennement cru en
Days Gone, j’avoue, mais peut-être aussi doit-on pointer une étrange communication de la part de Sony qui a longtemps enchaîné le même type de présentation, délaissant trop longtemps le background jusqu’à un moment craindre que l’éditeur n’avait plus trop d’estime pour le projet ( carrément mis dans l’ombre à l’E3 2018 ). Et en matière de narration, je me suis donc trompé :
Days Gone a une âme. Ou plus précisément des personnages suffisamment intéressants, dont notre ex-motard Deacon St John qui évite les clichés du loubard bourru ou du ténébreux qui cache un grand coeur. Il n’a ni un passé sensationnel, ni la volonté d’être le sauveur du monde, c’est juste le pauvre mec suffisamment débrouillard qui compte s’adapter à une vie qu’il n’a pas voulu face à l’invasion de zombies. Oh pardon, des « mutants » ils disent.
Le scénario n’est pas révolutionnaire et certains rebondissements sont clairement téléphonés mais l’histoire est suffisamment plaisante à suivre et on a véritablement envie de poursuivre pour en connaître le dénouement. On disait que les gros AAA Sony avaient tendance à se « TLOU-isé » depuis le début de l’actuelle génération mais on sent surtout avec
Days Gone que
Bend a zieuté du coté de
Rockstar. Ça n’en a pas le même éclat, mais les sensations sont présentes du coté de la narration, avec énormément de cinématiques, du blabla dès qu’on pose les fesses sur la moto, quelques séquences fortes, une bonne mise en avant du casting, quelques références plaisantes (notamment à
Sons of Anarchy) et cette fois un doublage français de très bonne qualité où l’on sent les acteurs généralement bien impliqués dans leur rôle (par contre, la synchro labiale, c’est pas toujours ça…). De tout cela et sans pouvoir spoiler, on reprochera juste un coté un poil trop sage sur le gore. Ça gicle un peu mais c’est souvent assez gentillet au regard du contexte.
Et comme on le disait, le coté
Rockstar se ressent également dans la progression car si le coté monde ouvert et missions à aller checker sont de routine depuis bientôt deux décennies, on retrouve cet aspect entrecroisé entre ce que le jeu appelle les « scénarios », au point de parfois difficilement cerner ce qui est principal ou secondaire. Il est certes assez aisé de comprendre où aller pour suivre une ligne plus ou moins droite mais comme souvent dans le genre, et surtout si vous optez pour le mode difficile, il sera plus que conseillé de regarder du coté des annexes sur la map pour grimper un peu en expérience et débloquer des compétences essentielles réparties en trois arbres, dont la plus importante de toute sera la possibilité de ralentir le temps quelques secondes. Juste indispensable vu ce qui vous attend.
Car au-delà de son coté résolument action,
Days Gone reste surtout un jeu à tendance survie. Deacon n’est pas forcément faible, mais il est surtout du genre à œuvre en solo et donc constamment en infériorité numérique. Le début de l’aventure peut d’ailleurs surprendre tant il est facile de vous retrouver éclaté au sol : vous avez peu d’endurance, peu de vie, peu de munitions aussi, et les deux pauvres secondes de rechargement deviennent soudainement très longues quand une dizaine de crevards vous fonce dessus. La préparation est donc essentielle et on n’aborde pas un camp les mains dans les poches, commençant déjà par sortir ses jumelles pour annoter toute présence ennemis (ce qui d’ailleurs met en avant leur jauge de vie, très utile), et faisant en sorte d’éponger un maximum avant le risque d’une alerte.
Passe encore les premiers ennemis humains qui ne seront jamais un grand obstacle (surtout dès que vous disposerez d’une bonne arbalète, type d’arme un poil cheaté d’ailleurs), mais attention dès que ça commencera à parler sniper ou mec en armure équipé d’une mitrailleuse lourde. Pareil coté mutants où pris seul à seul, la plupart ne sont pas vraiment un danger, mais ça corsera très vite dès que le nombre dépasse la demi-douzaine (et c’est bien peu par rapport à ce que vous allez rencontrer ensuite), ou quand les « gros » vont arriver. Le genre de plaie qui même après un cocktail molotov et 5 rafales de pompe à bout portant continue de vous courir après sans s’épuiser. Même chose pour la faune où ce ne sont pas les animaux « normaux » qui posent soucis, mais plutôt les versions infectées bien plus hargneux, dont les loups qui vont aussi vite que votre moto lancée à pleine puissance. Saloperies tiens.

Et c’est pour cela qu’il faut prendre son temps et ne pas hésiter à aller « nettoyer » des zones annexes, représentées aussi bien par des camps à vider, soit en tuant tout le monde, soit en faisant cramer des nids, et parfois en réactivant des générateurs (loin d’être le truc le plus passionnant d’ailleurs). Car l’effet est à chaque fois multiples et sans même parler d’expérience. Un endroit vidé, c’est une potentielle zone de téléportation pour plus tard, la possibilité de débloquer de nouveaux plans de craft et surtout une belle approbation de la part d’un des camps humains (une demi-douzaine répartie d’un bout à l’autre de la carte), permettant d’aborder le cas de l’économie dans le jeu.
Quand c’est la fin du monde, l’argent n’a plus aucune valeur et plutôt que de poser un système monétaire détourné à base de troc, les développeurs ont eu la bonne idée de mettre en avant la notion la plus importante dans ce type de contexte : l’utilité de chacun. Dans cet Oregon dévasté, le droit d’être logé et nourri passe tout simplement par le travail laborieux dans les camps. Mais Deacon étant un drifter qui n’appartient à rien ni personne, ses « services » (missions principales, secondaires ou annexes comme cité à l’instant) sont donc récompensés en crédits qu’on pourrait dire virtuels puisque simplement annoté sur un papier, et que vous pourrez dépenser pour acheter armes, munitions, essence et améliorer votre bécane.

Plus vous rendez de services à un camp, plus la jauge de confiance grimpe avec donc de nouvelles possibilités d’achats, mais là où le système est bien pensé et en parfaite adéquation avec l’univers, c’est que ce principe est propre à chaque zone, et non à la totalité du monde. En bref, si vous rendez service à x camp, vos crédits gagnés ne pourront être dépensés que dans ce dernier (logique finalement) et en sachant que tous les camps n’offrent pas forcément les mêmes possibilités (certains sont plus spécialisés dans les armes, d’autre l’amélioration de votre bécane), entre alors le vice de savoir vers où vous baser en priorité. Et c’est notamment le cas des quelques récompenses grappillés sur le chemin comme des peaux de bêtes ou des oreilles de mutants (demandez pas ce qu’ils en font) : à vous de bien choisir où les revendre pour savoir ce que vous souhaitez d’abord améliorer.
Donc d’un personnage en apparence faible, et d’une bécane assez moisie (car bien sûr, vous perdez la votre en début de partie #Metroid), les choses s’améliorent lentement mais sûrement, avec une moto de plus en plus maniable et des armes qui offrent bien plus de punch que les daubes du début. Il faut passer par tout cela pour anticiper l’avenir et on ne parle pas uniquement des balaises décrits plus haut mais également des fameuses hordes qui ont beau avoir été largement mis en avant, ne sont pas non plus au coeur de l’expérience globale. Oui, même si vous allez croiser rapidement leur route (généralement de nuit, car de jour, beaucoup de mutants sont planqués dans l’ombre), vous n’aurez pas vraiment les moyens d’y faire face et c’est seulement dans le dernier tiers du jeu qu’on peut aborder ce point (surtout par l’acquisition des pièges explosifs). C’est tard, mais le résultat vaut clairement le coup car ces séquences sont clairement une réussite en terme de tension, et on a réellement une impression de victoire quand le dernier représentant d’un groupe de plusieurs centaines de mutants tombe enfin au sol.

Fort d’une durée de vie qui n’a aucunement fait l’objet de surestimation dans la communication (il faut bien 30-35h uniquement pour l’histoire principale),
Days Gone est donc une expérience satisfaisante qui sait manier action, survie et narration même si tout est loin d’être parfait, notamment le fait que l’expérience pourra paraître un peu répétitive puisque, concrètement, le titre tourne constamment dans la même boucle : de la moto avec ou sans course-poursuite, et de la tuerie avec ou sans infiltration. Ça n’empêche pas d’être bien fignolé mais disons qu’il manque tout de même une mécanique d’exploration pour lier un peu tout cela. Comme dans la plupart des jeux modernes, la plupart des zones d’importance vont vite être indiquées sur la carte (et quand il n’y a rien d’annoter, c’est qu’il n’y a rien à chercher) et que même à l’intérieur, le loot potentiellement barbant se limite uniquement à des matériaux et jamais par exemple à des armes rares ou des objets qu’on pourrait « revendre ». Donc en gros, si vous débarquez dans un coin en étant déjà full en bandage, bouteille et autres conneries, inutile de vous embêter à chercher chaque point indiqué par le système de vision : vous ne trouverez jamais rien d’intéressant.
Et on va terminer par ce qui est peut-être le point qui fâchera le plus : la technique. Bon le jeu n’est pas moche ni moyen, loin de là, il sait même se montrer très joli par moment (effets météo, modélisation des personnages…) et s’il n’atteint pas la prestance d’autres AAA comme
Uncharted 4 et
God of War, cela s’explique aussi par le monde ouvert. Le gros problème, c’est tout simplement qu’on a rencontré des bugs en surnombre : moto qui reste coincée, ennemis immobilisés… jusqu’à une horde qui a carrément poppé sous nos yeux, à 10m devant nous. Et croyez bien que ça fait quelque chose. Tout cela pendant la 1.2, et si la 1.3 de 20 foutus Giga a légèrement atténué tout cela, pas de miracle devant le frame-rate qui parfois souffre atrocement, ainsi que de nombreux micro-freezes, mais aussi et surtout une IA qui a du mal à s’auto-gérer : à moins que ce ne soit scripté, il arrive souvent qu’un mutant croise le chemin d’un ennemi humain… et que les deux s’ignorent tout simplement. Notez qu’au moment où l’on écrit ces lignes, donc ce jeudi matin, la 1.4 est déjà en cours de téléchargement mais impossible d’en vérifier le résultat pour le moment.