Note : Testé à partir d’une version PS4 Pro.
Presque 6 ans d’attente depuis l’annonce. Certains diront même quasiment 13 si l’on regarde quand est sorti le deuxième épisode de la saga. Dans tous les cas, ce fut long, beaucoup trop long même et je dois l’avouer que c’est sans grande passion que j’ai débuté ce troisième épisode, non pas sans curiosité et une certaine impatience du résultat, mais je pense surtout gavé d’avance pour avoir passé tant d’années sur des spin-off à l’intérêt très variable, ne gonflant qu’un background qui justement n’en devenait que de plus en plus gonflant. J’ai heureusement fait mes devoirs et à défaut d’avoir suffisamment de temps libre en stock pour me taper trois compilations, j’ai fait confiance à mes principaux souvenirs en complément d’un bon gros résumé Youtube de 40 minutes pour bien saisir les enjeux de ce final. Et croyez bien qu’à la sortie de cette vidéo, j’avais l’impression d’être encore plus perdu.
Kingdom Hearts est un véritable cas d’école dans la narration ubuesque et oserait-on dire mal foutue. Oui, on ose, et tant pis pour tous les fanboys qui vont hurler mais entre les pauvres qui vont débarquer avec cet épisode (et on ne le conseille pas) et la grande majorité qui ont comme moi fait l’essentiel des épisodes mais ça remonte, c’est une minorité qui s’est attelée à suivre minutieusement le destin de chacun des personnages et les règles de cet univers qui frôlent parfois le n’importe quoi. On ose encore le dire, et ça rappelle d’ailleurs le cas de la franchise Halo où au fur et à mesure des épisodes, et plus particulièrement dès la deuxième « trilogie » (si on peut encore appeler ça comme telle), même ceux qui avaient tapé tous les morceaux canoniques n’arrivaient plus à suivre. « Ouais mais fallait aussi jouer aux spin-off, regarder les séries TV et lire les bouquins pour tout comprendre ! » Ah bon ?

On ne sait pas comment on a pu en arriver là, et peut-être tout simplement que Nomura a eu bien trop de temps à disposition (plus d’une décennie) pour agrémenter son univers plus que raisonnable. Le cas de « l’inutilement compliqué », on en avait déjà parlé avec
Square Enix (
FFXIII, souvenez-vous) et
Kingdom Hearts entre sans problème dans cette catégorie et c’est d’autant plus vrai en allant au bout du jeu pour un grand final qui prend à lui-seul un bon quart de l’aventure. Final qui tire un peu en longueur mais passons. Lorsqu’on arrive donc dans les dernières étapes et que les pièces du puzzle sont posées, on se dit quand même qu’il y avait largement moyen de dresser des routes plus claires pour une ligne d’arrivée aussi élémentaire dans le genre.
Il faut donc savoir à quoi s’attendre. On laissera donc les plus gros fans juger de la pertinence de cette finalité, tandis que le plus gros comprendra l’essentiel non sans quelques bâillements tant l’expérience peut se montrer pompeuse par moments, avec un nombre de cinématiques presque record pour un jeu du genre : si vous faîtes une première fois le jeu en ligne droite, vous ne passerez quasiment jamais plus de 15 minutes sans un écran noir pour ouvrir sur du blabla. D’ailleurs, on constate très vite la formule à l’ancienne où dès que vous apercevrez au loin un point de sauvegarde, c’est parce qu’une longue cinématique va débarquer, et que cette save servira de repos avant de faire trois autres pas pour lancer un autre dialogue.
Malgré cela, on ne peut dire que l’objectif n’est pas atteint. Certains tilteront peut-être sur quelques détails, ou diverses interrogations non résolues, mais
Kingdom Hearts III ne vole aucunement son statut de grand final de l’arc ouvert il y a 17 ans et Nomura s’attardera bien à recoller la plupart des éléments pour n’oublier « personne » afin de faire plaisir aux fans. On peut être perdu dans la narration, mais on ne pourra pas dire que
Square Enix est entré en mode
Ubisoft comme avec
Assassin’s Creed, à savoir faire le drôle de pari d’oublier le passé pour se concentrer sur des expériences presque stand-alone sous le prétexte d’une crainte de ne plus attirer de nouveaux joueurs. Et les chiffres leur donne raison : ce troisième épisode fait à ce jour le meilleur démarrage de la licence.
Il faut dire aussi que le titre ne manque pas d’arguments pour attirer du monde. Graphiquement déjà, c’est prodigieux et si tous les mondes ne se valent pas, surtout en fonction de la patte esthétique abordée, il y a de quoi se manger quelques sévères gifles et on sent que Nomura ne s’est rien refusé pour faire dans le grand spectacle. C’est beau, c’est fin, c’est diablement bien mis en scène (rien que l’introduction dans le stage Olympe va vite donner le ton) et c’est surtout fluide ! Après, on remarque aussi que les mondes ne sont pas toujours très grands et plusieurs vont adopter l’astuce de l’enchaînement de couloirs plus ou moins masqués. Quelque part,
Kingdom Hearts III est l’inverse de
Final Fantasy XV. Ce dernier avait beau avoir d’évidentes ambitions, les défauts techniques nous ont vite sauté au visage. A contrario,
KHIII se sert de son rendu impeccable pour masquer le fait qu’on reste dans une formule assez linéaire faite de gros murs invisibles. Mais pas toujours il est vrai.
Et c’est là que l’on va pouvoir aborder le cas des différents mondes. Comme dans chaque épisode, l’aventure est un prétexte à passer d’un univers Disney à un autre, incluant cette fois du Pixar, dans une formule qui n’a pas bougé d’un iota avec les années : arrivée dans le monde, des combats, un peu d’exploration, des cinématiques, une étape rigolote façon mini-jeux, combats, cinématiques, personnage en cuir/fermeture qui débarque comme un membre de la Team Rocket pour nous raconter sa vie, gros boss, séquence en vaisseau Gummi, au suivant. C’est en gros la façon dont seront constitués les trois premiers quarts du jeu et on remarque donc qu’on est donc plus proche de la formule de
Kingdom Hearts II que de celle du premier épisode, et ce n’est pas plus mal quand on repense au level-design de ce dernier.
Bien sûr, on n’est pas non plus dans un copié/collé, et heureusement. Même linéaire, le jeu se montre tout de même plus généreux dans la taille des mondes, jusqu’à pouvoir reprocher l’indigence de la map qui elle a oublié d’évoluer avec le reste : une simple mini-carte en haut à droite de l’écran, sans possibilité de l’agrandir, ce qui est tout sauf adéquat, surtout quand certaines zones usent de la verticalité. Le titre se permet également de casser la routine avec des séquences intermédiaires entre deux mondes qu’on ne pourra décemment spoiler, tout en rajoutant évidemment les séquences Gummi qui ne ressemblent plus du tout à ce qu’on avait à l’époque. Le feeling reste pourtant globalement le même, mais le coté ouvert apporte un petit quelque chose pas désagréable du tout et on se plaît même à esquiver l’objectif pour voguer tranquillement en cherchant des matériaux pour le rendre toujours plus puissant.

On revient aux différents mondes pour de suite parler d’un des indéniables points forts du jeu, et de la licence globalement : l’incroyable fidélité qu’a Nomura pour les œuvres de Disney (et Pixar, on le répète). C’est un bonheur de bout en bout d’évoluer dans des décors qui rappellent des souvenirs car de la personnalité des personnages rencontrés à certaines situations, rien n’est fait au hasard : c’est une véritable marque de respect, peut-être même plus grande que ce qu’a pu faire Disney pour une partie de ses propres adaptations. La mention spéciale, et ce n’est pas un grand spoil puisque tout le monde s’attendait à cette séquence, c’est indéniablement la cinématique remixée de « Let it Go » dans l’univers de la Reine des Neiges : on est à ce moment sur le cul.
Et comme on l’a dit plus haut, entre quelques moments d’exploration assez minime dont le plus gros sera finalement laissé au post-game (on va y revenir), l’essentiel de l’expérience va donc tourner vers ses combats qui reprennent la formule d’époque, mais en mode « on balance tout ». C’est certes un peu rageant d’avoir une nouvelle astuce scénaristique pour que Sora redevienne tout faible, mais les acquis reviennent, rapidement, et avec tout un tas de nouveautés où jamais dans la série on a pu autant déchaîner les enfers avec notamment l’arrivée des attaques « attractions » qui certes peuvent se répéter (une demi-douzaine seulement) mais qui peuvent être d’une efficacité redoutable.

En fait, le titre veut tellement en faire de ce coté entre les multiples keyblades aux capacités distinctes, les attaques spéciales entre alliés, les attractions comme on vient de dire, les compétences à débloquer… qu’à un moment, certaines choses commencent à être un peu oubliées. En mode normal du moins (ou facile si vous voulez) car la sauce est forcément plus piquante si vous boostez la difficulté. Après ça reste du
Kingdom Hearts donc si les combats se montrent toujours assez grisants une fois que vous maîtrisez bien chaque chose (les contres peuvent être détonnant en terme de puissance), on est quand même dans un joyeux bordel où la caméra a parfois du mal à suivre, et où le joueur ne comprend plus toujours très bien ce qu’il se passe à l’écran devant un déluge d’effets. Surtout vers la fin.
Retournons à nouveau sur le point abordé plus haut : la différence entre les mondes. Car tous ne sont pas de même qualité, loin de là, au point de pouvoir se demander s’il n’y a pas eu quelque chose de rushé dans le développement (ce qui serait cocasse vu l’attente), ou tout simplement s’il n’y a pas eu des équipes distinctes au talent variable pour chacun. Si encore une fois, merci pour la fidélité, il faut avouer qu’on souffle le chaud et le froid d’un passage à l’autre. Les choses comment plutôt bien du coté de l’Olympe avant qu’un tout premier choix nous soit donné entre Corona (Raiponce) et le Coffre à Jouet (Toy Story).

Et là, si le premier fait parfaitement le taf avec d’ailleurs une séquence mini-jeu très rigolote sur le chemin, Toy Story déçoit. La chambre d’Andy est magnifique, fera chialer les fans, avant de se rendre compte que le reste de la maison n’est pas accessible, que l’étape dans le jardin ne propose pas grand-chose et que le plus gros sera dans un magasin de jouets un peu random mais au moins ouvert (et pas dénués de clins d’oeil). Disons que les fans auraient amplement préféré avoir toute la maison d’Andy et en annexe soit celle de Cid, soit pourquoi pas la crèche du troisième film. Même constat pour ce qui suivra : Arendelle (La Reine des Neiges) se contente d’un enchaînement de couloirs dans les montages et Monstropolis (Monstres & co) est indéniablement le plus gros ratage avec son usine ultra-linéaire. Limite, on se demande si ce n’est pas un monde tiré d’un énième spin-off avorté tant il dénote du reste.
Ce n’est jamais mauvais mais pas non plus aussi extra qu’on l’attendait, et pourtant, on repasse aussi rapidement au bonheur avec San Fransokyo (Big Hero 6) qui a le mérite de tenter quelque chose en matière de monde ouvert, jusqu’à atteindre l’orgasme avec Pirates des Caraïbes qui est tout simplement l’univers le mieux traité de cet épisode (on vous laissera découvrir). Et c’est là du coup qu’on ne comprend pas pourquoi une telle différence d’un monde à l’autre. Arendelle refuse de nous donner accès à la ville, alors que pour les univers de Raiponce et Pirates des Caraïbes, il n’y a pas de problème. Dans le même ordre d’idées, ces deux derniers ne sont pas avare sur la présence de PNJ ne serait-ce que pour l’ambiance (le monde de Hercules également, si vous y retournez après l’avoir terminé). Mais à coté de ça, Toy Story, c’est un scénario bidon pour effacer la moitié des protagonistes cultes (même pas de Zig Zag et de Mr Patate !) et c’est encore plus navrant dans Monstres & co : « Tiens, faisons un monde qui se déroule de nuit, donc après la fermeture de l’usine, comme ça il n’y aura PERSONNE à l’intérieur. »

Bien sûr, en terme d’adaptations, ce cross-over vole la vedette à de nombreux représentants. Mais il y a une vraie frustration car ça aurait pu être mieux et même beaucoup mieux. Ce n’est pas comme s’il y avait un épisode tous les deux ans et il était légitime pour les fans après autant d’attente de vouloir un quasi sans-faute. Aussi bonne soit l’aventure, ce sentiment reviendra souvent, même vers la fin où on doit « s’amuser » à démonter un boss en passant rapidement d’un monde à l’autre. Comment ne pas penser à quel point il aurait été incroyable pour les fans si, au lieu de faire dans une bête redite le temps de quelques minutes, on nous aurait balancé les mondes des anciens Kingdom Hearts ? Pas complet évidemment, on parle d’un unique boss avec une seule salle par séquence. Ça aurait été plus trippant que d’avoir l’impression de tirer la dernière étape en longueur.
Je me rend compte que les écrits du test sont assez durs, mais comprenez bien que c’est une certaine déception qui parle. C’est un très bon jeu, mais raisonne déjà dans les forums le « Tout ça pour ça ? » qui montre à quel point l’attente était élevée. Si le jeu avait été sur PS3, ça aurait été beaucoup plus pardonnable. Sur PS4, et sorti du rendu évidemment, ce n’est pas un mais deux bonds en avant qui étaient attendus, soit autant de générations de consoles qui séparent cet épisode du précédent. On s’est tout de même bien amusé, et c’est l’essentiel, jusqu’à tenter de taper le post-game, malheureusement dénué de Colisée mais pas sans challenge puisqu’il faudra entrer dans la phases des éléments annexes en vue de ré-affronter des ennemis devenus plus puissants, en vue de faire face au boss caché. A défaut de Sephiroth à déglinguer une nouvelle fois, il y aura au moins de quoi s’occuper.