Poursuivant sa route dans la voie des délires « HD-2D » qui concernera aussi bien des projets inédits que diverses refontes/remakes de titres passés,
Square Enix livre donc quelques années après
Octopath Traveler (2,5 millions de ventes quand même) ce
Triangle Strategy, nouvelle licence qui va partager quelques points communs avec le précité : des sensations old-school, un charme esthétique évident et un nom complètement pourri. On abandonne néanmoins la classique formule du RPG pour se tourner vers de la stratégie à la
Final Fantasy Tactics et
Tactics Ogre, effort bienvenu tant le genre continue de se faire discret sur le marché depuis quelques décennies.
Et déjà, c’est fort joli.
Square Enix continue de peaufiner cette nouvelle patte esthétique en parvenant toujours à trouver ce juste équilibre entre les pixels d’époque et des effets plus modernes comme la gestion des reflets et les magies toujours aussi sublimes à l’écran. Un véritable cachet magnifié par l’écran OLED (pour les concernés) et qui sied à merveille avec le genre tant la visibilité est optimale. C’est bien simple, sur la forme,
Triangle Strategy fait quasiment le sans faute si l’on excepte l’habituelle sensation de flou déjà présente dans
Octopath Traveler, à la fois dans un soucis de design si l’on se fit aux déclarations officielles, mais aussi parce qu’on sait que l’
Unreal Engine n’a jamais fait un excellent ménage avec la Switch. Dans tous les cas, le tout est accompagné de magnifiques artworks de la part de Naoki Ikushima, et d’une OST parfaitement dans le ton, signé Akira Senju, compositeur qui fait de
Triangle Strategy son baptême de feu (il n’avait essentiellement travaillé que sur des animes, dont
Fullmetal Alchemist). Ah et au cas où : y a bien la VO.
Et avant de s’attarder au gros morceau du jeu, on va faire un détour du coté du système de combat qui n’est pas le « point faible » de cette expérience, mais qui va rester l’aspect sur lequel on n’a pas grand-chose à dire puisque… c’est avouons-le très classique. En fait dans la veine des tacticals de
Square et Enix, rassemblés ou non. Un damier, des personnages qui attaquent chacun leur tour en fonction de leurs vitesses (pas de team par team), des positions à gérer en fonction de la portée de chacun (la verticalité a naturellement son importance), pas de classes à attribuer à vos alliés (vous pourrez néanmoins les faire évoluer, et il y a quelques originalités), une montée en niveau juste linéaire, même chose pour l’équipement, compétences qui passent par des TP (se rechargeant à chaque tour) au lieu de MP…

En résumé la principale trouvaille qui n’est pas forcément inédite restera le système de tenaille où vous alliés situés sur des cases adjacentes fileront une attaque bonus à l’ennemi (ça vaut aussi dans le sens inverse). On ne s’ennuie pas pour autant car la difficulté est parfaitement calibrée même en mode normal et l’absence de mort permanente et la possibilité de recommencer une bataille après échec en conservant ses xp sont loin de compenser le besoin d’être un fin stratège, encore plus en relevant le challenge en option. D’ailleurs, la sauvegarde d’xp est loin d’être innocence vu qu’il est bien difficile de grinder naturellement par le manque de véritables quêtes annexes, toute la volonté des développeurs étant de s’attarder sur le scénario principal qui lui est bien loin d’être réellement linéaire.
Et c’est là qu’on s’attaque au gros morceau de
Triangle Strategy, l’aspect qui va lui permettre de faire la différence avec bien de ses concurrents : sa narration ultra poussée. Belle ironie d’ailleurs après un
Octopath Traveler considéré comme beaucoup trop basique sur ce point. Car
Triangle Strategy est un peu une sorte de
Game of Thrones sauce shonen où vont s’entremêler alliances, trahisons et conquêtes du pouvoir dans un univers découpé principalement en trois royaumes à la paix clairement instable, en ajoutant de nombreuses familles plus ou moins indépendantes. Vous allez vous en rendre compte dès la première heure aussi bien dans les séquences principales que les dialogues secondaires que l’on peut visionner sur la map : le titre n’hésite pas à nous balancer un paquet de personnages venu de part et d’autres du monde, au point de s’y perdre facilement. Heureusement, une espèce de codex est présent pour retrouver qui est qui, mais évitez juste de faire une pause de trois semaines entre deux parties quoi.
De base et à l’instar du poids lourd
Final Fantasy Tactics, il y avait toute la matière première pour pondre un scénario haletant à suivre pendant 30 à 40h, mais le studio a souhaité aller beaucoup plus loin avec un système de choix et de conséquences parfaitement bien pensé suivant à merveille le thème premier du jeu, donc la politique. Serenor Wolffort, le personnage principal donc, va rapidement devoir prendre les commandes de son royaume et être constamment confronté à des décisions aussi bien dans l’art de la guerre, la gestion de ses troupes mais aussi forcément les pourparlers avec alliés et potentiels ennemis. Là où le jeu fait fort, c’est qu’il joue expressément la carte du flou et s’il y a trois voies principales en matière de morale (Liberté, Pragmatisme, Éthique), à aucun moment on ne vous indiquera à quelle voie correspond telle ou telle choix dans le dialogue. Pire encore, de multiples faits comme votre façon de combattre ou dans votre manière de dépenser vos ressources peuvent avoir un impact sur la suite de l’aventure. Et on ne parle pas des votes clairement démocratiques où il faudra convaincre autant que possible vos compagnons d’aller dans votre sens.
Et les impacts sont nombreux. Certaines zones peuvent s’ouvrir ou devenir totalement inaccessibles, des alliés potentiels vous tourneront le dos (certains ne prendront même pas la peine de vous rejoindre), il y aura des morts, l’histoire peut prendre une autre tournure et forcément, le titre propose plusieurs fins, et loin d’être toutes joyeuse. Inutile de dire que la replay-value est au rendez-vous et fort heureusement, un système de New Game+ est présent, déjà pour aller plus vite, mais également pour rendre plus limpide ce sac de nœud politique avec des informations plus concrètes sur vos décisions (cette fois, on vous indiquera quelle voie est associée aux lignes de dialogues), une frise des chapitres pour comprendre à quels moments l’histoire est susceptible de bifurquer, et des indices dans la manière de recruter les derniers réticents. De quoi vous aider à débloquer la « vraie » fin si votre premier run fut une catastrophe.