La clope au bec et le cul posé sur la chaise, je pose donc la manette après plus de 100 heures passées sur
Red Dead Redemption 2, le nouveau bébé de
Rockstar qui a fait fantasmé les uns et les autres pendant plus d’un an, chacun étant conscient d’avoir affaire à un événement dont il faudrait impérativement profiter vu qu’il est tout à fait probable (malheureusement) qu’on ait affaire au seul et unique titre inédit propre à cette génération. Sauf si bien sûr,
GTA VI nous fait une
GTA V avec une sortie vers la ligne d’arrivée, mais on saura de toute façon assez rapidement si c’est l’objectif souhaité.
Une centaine d’heures donc où l’expérience a soufflé le chaud et le froid, incapable de me décider vraiment en milieu de chemin quelle pourrait être la note finale de cette production clairement inoubliable mais imparfaite. On pourrait en tout cas continuer à batailler sur les réseaux sociaux pour savoir si l’affaire du crunch est justifié manette en main, ou continuer de se demander où se situe la limite entre avis propre et certain sens de l’objectivité qui peut vite être oublié, mais toujours est-il que quelques constats se posent telle l’évidence, particulièrement le fait que même ceux qui n’ont pas aimé (et ils ont le droit) ne peuvent que reconnaître la totale indécence technique de
Red Dead Redemption 2.
Car le jeu est beau à en crever, immense d’une façon que l’on ne soupçonnait même pas au départ, d’une richesse incroyable sur les détails, et a le don de parvenir à mettre continuellement des gifles en fonction de la situation. D’un coucher de soleil qui force à se poser aux jeux de lumière matinaux en passant par les déambulations nocturnes à Saint Denis, l’expérience offre visuellement le respect, nous fait déjà fantasmer à ce que donnera
GTA VI sur cette génération (ou la prochaine) et surtout montre à qui en doutait encore que
Rockstar reste le patron dans la maîtrise graphique d’un monde ouvert. Plus encore que dans le premier, il y a cette sensation de réalisme constant, où rien ne semble être posé au hasard, un peu comme ce que l’on pouvait ressentir avec
Kingdom Come, et on ne peut que ressortir satisfait d’un tel cru, surtout quand le jeu parvient encore à te placer des plans « tue la gueule », de ceux qui donnent juste envie d’admirer, même dans les toutes dernières heures.
On ne reviendra pas inutilement sur chacun des points bien connus de tous depuis la campagne marketing car vous savez que tous que la neige défonce et reste sur la vêtements, même chose pour la boue, que l’on peut avoir une gueule toute sale, que tout cela partira en sautant dans la flotte ou sous la pluie, que vos cheveux et votre barbe poussent les jours allant, obligeant à sortir le rasoir du moins si vous le souhaitez… Ce n’est pas que tout a déjà été dit mais c’est surtout qu’il y a tant à dire qu’il serait difficile d’offrir un rapport complet tant
Rockstar a tenu à s’attarder sur certains aspects en apparence inutiles mais qui ne peuvent que surprendre au regard de la concurrence qui paraît soudainement fainéante. Le pire étant qu’au bout de tant d’heures, on ne peut même pas dire avoir réellement tout vu, ni tout lu.
Outre la technique, là où
Red Dead Redemption 2 se montre totalement intouchable, c’est dans sa narration qui repousse toutes les limites vues à ce jour. L’introduction peut-être jugée longuette si on est pressé, toujours est-il qu’elle parvient admirablement bien à poser les bases de l’histoire alors que tel un
Reservoir Dogs, on est déjà dans l’après-coup : un casse raté, une bande en fuite qui va tenter de se faire un peu oublier dans les montagnes enneigées, et des premiers enjeux qui vont être bien loin des habitudes du genre. Car à la fin des années 1900, l’Ouest n’est plus si sauvage et quand les hors-la-loi passent maintenant pour aussi sauvages que les natifs américains aux yeux d’un gouvernement tourné vers la révolution industrielle, la remise en question est là pour cette bande de gueules cassées qui tentent de survivre dans un monde qu’ils ne comprennent plus.
Car c’est là l’objectif premier : survivre, et tenter de trouver le bon coup final qui permettra ensuite de finir sa vie dans de bonnes circonstances. La bande à Dutch est loin du gang cliché qu’on peut peindre de cette époque. C’est une véritable famille, soudée par l’honneur où il suffit de deux heures pour voir que chacun parvient à se démarquer à sa façon. L’éditeur n’a rien à apprendre sur le charisme et le travail de ses personnages, mais va ici beaucoup plus loin et parvient à proposer en une introduction un degré d’attachement qui dépasse tout ce que la concurrence peut offrir en quarante heures. Il est vrai que l’époque aide à pousser une certaine classe dans le casting, mais c’est surtout qu’en matière de mise en scène et de personnalité,
Rockstar pose lourdement ses burnes pour montrer comment présenter des anti-héros autre que des randoms qu’on aura oublié après les crédits de fin.
Oui, on va se souvenir de cette bande car le travail effectué est tout simplement le meilleur à ce jour chez
Rockstar. Arthur Morgan reste évidemment l’exemple le plus parlant qui, on n’a pas peur de le dire, envoie aux oubliettes John Marston en terme de prestance, même s’il faudra un peu de temps avant de s’en rendre compte. Là encore, vous devez déjà être au courant, mais
Red Dead Redemption 2 n’entend pas jouer la folie bourrine même si votre arme engendrera très souvent un nombre incalculable de veuves. Même en restant un maximum dans les clous. Des six chapitres « principaux », les deux premiers vont se montrer assez lents, où l’on semble enchaîner les petites missions d’intérêt relatif, parfois drôles certes (la scène du bar restera culte), mais susceptibles de décevoir un peu lorsqu’on en voulait plus.
Sauf que le plus, il arrive ensuite. Le chapitre 3 est déjà une montée en puissance, mais c’est surtout à partir du quatrième que le jeu ne semble plus vouloir s’arrêter jusqu’à l’inéluctable final. C’est en vivant tout cela que l’on ne peut que pardonner les lenteurs de départ, devenant soudainement justifiés. Syndrome
Stephen King (ou effet
Death Note diront d’autres), celui qui impose une longue mise en place pour mieux sublimer l’arrivée. Et pas seulement dans les missions mais par la volonté du joueur de s’attarder aux détails, comme causer un peu avec sa « famille » dans le camp, potentiel sujet à anecdotes quand ce n’est pas autour du feu de camp ou au détour d’un petit moment de poker ou de domino. Sur tout cela,
Rockstar saura donc récompenser ceux qui ont pris leur temps au lieu de filer jusqu’à la fin en trois jours, car
Red Dead Redemption 2 demande de s’y plonger corps et âmes pour être vraiment apprécié.
Après, on peut parfaitement comprendre que l’expérience ne plaise pas à tous. Il faut juste comprendre que
RDR2 est, au-delà de son principe action/aventure, une pure expérience narrative où la profondeur ne s’obtient que lorsqu’on s’y attarde (dialogues annexes, lettres, journaux…) quand elle n’est pas simplement imposée. D’ailleurs marque de fabrique de l'éditeur depuis la précédente génération, les longs trajets couverts de blabla sont évidemment de retour, où la VO (évidemment sublime) est moins embêtante à cheval qu’au volant d’un bolide pour pouvoir suivre les textes, surtout qu’on peut à nouveau se contenter de maintenir une touche pour mettre votre monture à la même cadence que celui qui vous précède. On notera d’ailleurs l’ajout d’un mode « cinématique » où tout passe en automatique, mais pour un résultat pas toujours idéal, particulièrement dans les zones habitées où le canasson aura la fâcheuse tendance à se prendre une charrette ou à foncer dans des PNJ, avec les conséquences qui vont avec.
Bref. Vous l’avez compris,
RDR2 vaut tous les points possibles pour sa narration et si pour vous, ce détail est l’argument majeur sur l’expérience attendue, alors voilà le meilleur
Rockstar depuis ses débuts. C’est d’ailleurs presque ironique de faire un tel bilan dans un jeu où la finalité est connue d’avance (préquelle oblige) mais les scénaristes ont réussi le coup de faire qu’on ne se demande plus comment ça se termine mais surtout comment tout a pu foirer à ce point. Grisant mais à la fois triste une fois l’aventure bouclée, au point d’en être à croiser les doigts (sans grand espoir) pour que soit annoncé un jour un remake de
RDR1.
Et pourtant, si le résumé plus bas ne place pas une élogieuse note du genre 23 (sur 10), c’est bien parce que toute la subjectivité du monde n’empêche pas une part d’objectivité quand la raison prend le dessus.
Red Dead Redemption 2 est imparfait, qu’importe les grands moments passés à ses cotés. Passe encore la lourdeur des déplacements qui n’est pas non plus incroyablement gênante, passe encore les menus qui sont pour le moins bordéliques, passe les gunfights un peu mollassons (mais en même temps, vu les armes d’époque…), passe même ce système un peu WTF de noyaux à énergie incompréhensible au départ jusqu’à se rendre compte que tout cela n’a quasiment pas d’incidence. Mais diable,
Rockstar a beau maîtriser tout un tas de choses, on sent quand même que les développeurs se sont eux-mêmes perdus dans cette volonté de profondeur, particulièrement le loot. Ça paraît rien dit comme ça mais ce système est loin d’être une habitude chez cette équipe où l'on nous laissait jusque là ramasser un peu tout automatiquement, et c’est là toute la différence entre les promesses du marketing (qui sont tenues) et le ressenti manette en main.
Vidéos de présentation et informations distillées au compte-gouttes donnaient la bave aux lèvres. Par exemple tiens, ça avait l’air effectivement génial ce coté chasse où l’on voyait Arthur dépecer avec détails des animaux, mettre la peau sur le canasson, devoir se dépêcher car la viande peut pourrir, etc. Sauf qu’il faut l’avouer : à faire, ça devient vite chiant. Le fameux débat du réalisme qui prend le pas sur le fun, en prenant bien en compte que le terme « réalisme » est un argument éphémère quand on voit que notre héros peut placer un headshot à 100m avec un arc, lui qui cinq minutes avant affirmait ne pas comprendre comment fonctionnait cette drôle d’arme. La chasse dans les faits n’a rien d’extraordinaire à vivre, même contre les bestioles type « légendaire », et ne procurera satisfaction que chez ceux qui veulent réellement s’attarder sur les choses annexes comme certaines tenues à débloquer. D’ailleurs coup de bol pour ceux qui veulent éviter tout cela : contrairement à ce qui est sous-entendu au départ, partir dégommer des biches et autres n’a rien d’obligatoire pour progresser tranquillement puisqu’il y a tout un tas d’autres façons de se faire davantage de pognon.

On a heureusement ce qu’il faut en matière d’à-cotés et on ne parle pas forcément des activités (poker, domino, jeu du couteau) ni même des micro-film au cinéma, mais bien des quêtes livrées par les « inconnus ». On ne croule pas sous les annexes non, et ne vous attendez pas à avoir une world-map façon
Ubisoft avec des « ? » dans tous les sens, mais disons que l’objectif est atteint : que chaque quête annexe soit suffisamment travaillée et surtout scénarisée. C’est même le cas pour les primes. Là où la quasi-totalité d’autres jeux du genre se seraient contentés du minimum (et ils l’ont déjà fait), ici, chaque prime ou presque propose ce qu’il faut en matière de narration, et c’est bien entendu la même chose quand un représentant de la bande vous propose une petite activité annexe, du genre un peu de pêche, un cambriolage ou aller jouer les créanciers chez quelques malheureux (des missions moralement détestables d’ailleurs).
Peut-être aurait t-on pu s’attendre à davantage mais l’aventure principale étant déjà imposante (une cinquantaine d’heures pour arriver à la « vraie » fin), on comprend aussi que le but de
Rockstar n’était pas non plus de perdre le joueur sur des à-cotés pendant 3 jours en oubliant qu’il y a un certain rythme à maintenir. De toute façon, pour ceux qui veulent privilégier l’exploration au reste, il y a également des quêtes totalement dédiées (cartes à collectionner, collectibles spéciaux à chercher…) qui n’offrent aucun indice sur la carte, et qu’on pourrait globalement comparer aux paquets/pigeons. Il paraît qu’il y a des gens qui aiment ça… Mais bref, en matière de contenu, on a ce qu’il faut, sans oublier quand même qu’un certain
Red Dead Online arrivera prochainement et qui compte forcément dans la balance, même si l’on ne peut encore juger la chose pour le moment.
Toujours est-il, pour en revenir aux problèmes de lourdeurs, que
Rockstar pêche par ambition. Encore une fois, même si les débuts du développement ne datent pas d’hier, il aurait fallu revoir certaines choses en cours de route. Le loot encore une fois. Ok, c’est super de pouvoir enfin ramasser tout un tas de choses et fouiller des cadavres, mais on sent que les développeurs n’ont pas su trouver le truc tant l’imprécision est au rendez-vous quand il s’agit de se placer devant le bon élément. Même après 50h, j’avais toujours un peu de mal à me servir un café au camp car le personnage doit être placé à un endroit bien précis pour voir le bouton apparaître. Même chose pour certaines choses à ramasser quand s’enchevêtrent les éléments. Pour la prochaine fois, espérons peut-être naïvement que ça regardera du coté d’autres développeurs, du genre ceux de
Divinity Original Sin, à savoir pouvoir visualiser directement tout ce qui peut-être looté à quatre ou cinq mètres autour de nous, et sélectionner ensuite à la chaîne ce qui nous intéresse (quitte à laisser les animations derrière).
Le pire dans tout cela reste tout de même les multiples combinaisons de boutons et le fait, ça va paraître étrange à dire, que le jeu nous laisse un peu « trop » libre dans certains mouvements, occasionnant de fâcheuses situations non voulues. J’explique :
- Un PNJ vous tend un objet et vous oubliez d’appuyer sur la gâchette (qui sert à « viser » l’interlocuteur) avant d’appuyer sur triangle/Y ? Alors Arthur va se jeter sur le brave et le soulever par le col : l’homme fuit avec l’éventuelle récompense et vous avez une prime sur la tête.
- Un homme sur le bas coté vous demande de le ramener en ville après que vous ayez shooté un loup depuis votre cheval ? Alors n’oubliez pas de ranger votre arme car si vous le « visez » pour lui répondre ok, alors vous pointerez l’arme sur sa tronche, il va fuir.
- Vous vous trompez de cheval et partez au galop avant de vous rendre compte que c’est le mauvais ? Trop tard. Vous avez beau revenir aussi vite vers le propriétaire et vous excuser (alors que cette méthode était conseillée en pleine mission), le mec aura déjà couru prévenir le shérif.
- Vous êtes sur votre canasson et vous rangez votre arme pour éviter de faire peur à chaque quidam sur le chemin, avant de descendre pour aller dégommer une bande de bandits pas loin : à plus d’une reprise, c’est lorsque ça commencera à tirer que vous remarquerez que votre fusil a bien été rangé oui, mais dans la sacoche de votre monture qui attend 100 mètres derrière vous.
- Siffler votre cheval, c’est possible. Mais n’oubliez pas de lui dire d’arrêter de vous suivre, sinon il peut être du genre à se placer juste devant la porte du magasin où vous vous trouvez, et bonne chance ensuite pour essayer de sortir.
- Tiens, pourquoi tous les PNJ me regardent bizarrement ? Et pourquoi il y en a un qui va alerter le shérif ? Ah oui, j’ai oublié d’enlever le bandana de mon visage…

Et vous n’allez pas compter le nombre de fois où ce genre de choses va arriver car, même si c’est la faute du joueurs dans un sens (trop pressé ou mauvaises habitudes), toujours est-il qu’il y a de quoi pester, particulièrement au début de l’aventure quand on n’a pas beaucoup de billets en poche et que toutes nos économies pour ce fusil à pompe top classe viennent de s’envoler à cause d’une malheureuse erreur dû à un trop plein de manipulations pour finalement pas grand-chose. Des erreurs qui sont d’autant plus dramatique qu’il n’y a dans certains cas aucun retour possible en arrière, pas même durant les missions principales où le checkpoint peut s’enclencher directement après un malheureux fail. Heureusement pour les plus méticuleux, faute de pouvoir revenir en arrière, on pourra cette fois refaire toutes les missions à loisir (sans choisir son équipement par contre), et gratter du coup quelques médailles d’or pour le simple plaisir.
Donc si l’on devait résumer simplement les choses, il suffira de dire que
Red Dead Redemption 2 a décuplé les habituels points forts de l'éditeur, mais en est resté au même point sur le gameplay. Il y a bien des améliorations par-ci par-là, et le jeu n’est pas non plus
RDR1 en plus joli, mais disons que les développeurs auraient mieux fait de peaufiner quelques points du feeling (comme le système de couverture qui ne marche pas toujours très bien) plutôt que d’ajouter des surcouches de détails qui ont demandé du temps et des ressources mais qui seront vite oubliés. Qui va par exemple se soucier de devoir porter une tenue chaude en allant dans la neige quand notre inventaire déborde de bouffe/liqueur qui permettront de combler la moindre perte ? Les râleurs auront de quoi viser juste, et Arthur aura beau dire « Ce n’est pas nous qui avons changé » comme pour faire écho à la politique de
Rockstar, toujours est-il que si ça avait été le cas coté gameplay, j’aurais sans sourcilier rajouté une note parfaite de plus à son compteur.
(testé majoritairement sur PS4 Pro, et visionnait tout de même le temps d'une soirée sur One X)