Légitime en période 8/16 bits pour donner une durée de vie artificielle à des titres qui manquait globalement de contenu, le challenge s’est ensuite pleinement adouci il y a une vingtaine d’année pour même tomber dans un soudain militantisme anti Game Over en estimant bêtement que d’une certaine façon, perdre était synonyme de frustration pour le joueur. Mais comme dans un débat politique, il ne suffit pas de dire « Les français pensent... » pour en faire une vérité absolue et cette volonté de progresser dans la pleine facilité rencontra ses limites : rien que commercialement parlant, ça n’a pas (toujours) servi à améliorer le statut de certaines franchises.
Puis il y eut
Dark Souls et beaucoup ont alors capté que la difficulté, ce n’était finalement pas si mal, surtout quand il y a un public prêt à cracher de l’argent pour souffrir. Et
Dead Cells est donc l’un des derniers représentants en date de cette catégorie particulière de titres qui veut nous parler à la dure et nous donner une nouvelle définition du désespoir. Pourtant c’est un rogue-like donc ce n’est pas faute d’avoir été prévenu vu que ce terme signifie mourir. Enfin… c’est plus profond que cela mais qu’importe, vous allez quand même mourir car ça fait partie du système. Mais
Dead Cells va plus loin que ça : vous allez devenir sa chienne.
Et avant de parler de nombreux trépas, attardons-nous donc un peu plus sur le style car chacun a capté depuis des années, et plus particulièrement grâce à la scène indépendante, que l’on ne peut plus dire rogue-like sans lui apposer un autre genre à coté tant on le trouve aujourd’hui sous toutes les formes possibles.
Dead Cells est donc dans son architecture un MetroidVania, avec des niveaux qui se traverseront en développant la map qui va avec, et le besoin de fouiner. Une carte qui sera d’ailleurs éphémère puisque chaque nouveau départ changera légèrement l’architecture d’un niveau, avec donc l’obligation de recommencer sans que cela ne pose problème puisque toujours l’occasion de dénicher quelques secrets.
Dans de plus larges lignes, le titre décompose un run en 9 niveaux, en plus de 3 boss. D’ailleurs, il y a plus exactement 13 niveaux et 4 boss en tout mais les endroits visités dépendront des sorties que vous prendrez, si vous avez évidemment le ou les compétences requises (l’une des rares choses que vous conserverez après décès). Il m’a personnellement fallu une bonne douzaine d’heures pour enfin voir le boss final, sans non plus le vaincre puisqu’il m’a décalqué la gueule alors que je pensais être en train de faire le run parfait.
Et c’est là, encore une fois, qu’il va falloir comprendre où vous posez les pattes car comprenez bien que
Dead Cells n’a aucune pitié à votre encontre et à moins d’avoir tâté de l’Early Access depuis plus d’un an sur Steam, vous allez découvrir à quel point la vie peut-être cruelle avec ce foutu jeu qui entend bien vous remettre à votre place chaque fois que vous commencez à jouer le malin. Le premier niveau se traverse sans encombre (encore que j’imagine que certains y perdront une ou deux premières vies) mais dès les suivants, ça grandit avec des paliers de plus en plus grands.
Chaque marche se fait encore plus haute que la précédente et le nombre de décès nous pousse à abandonner avant de finir par y revenir toujours dans le souhait d’arriver à un truc, et au moment où plus aucun espoir ne semblait existait, ça finit par passer, et on est là à hurler de joie tellement on a l’impression d’avoir accompli l’impensable. On est plus grand que M’Bappé, on a envie de signaler l’exploit dans son CV, on pense avoir obtenu le build ultime, et le niveau suivant à découvrir la première fois (du genre le Sépulcre Oublié ou la Tour de l’Horloge) vous fout une claque tellement énorme que la manette peut vous tomber des mains. Car ce qu’il y a de plus navrant dans l’histoire, c’est que ce n’est jamais la faute du jeu mais celle du joueur. Vous avez manqué de skill, et le jeu est juste là pour vous le rappeler. En somme, la base d’un rogue-like bien foutu, car c’est ce qu’il est, et si démolir le boss final ne sera qu’un point de départ pour de plus hauts degrés de challenge et de l’équipement encore plus fou, toujours est-il que le titre a des chances de laisser les moins courageux attaché à un poteau avant de reprendre sa route.

Mettez vous bien en tête que mourir n’a donc rien de dramatique dans les premières heures. L’échec sera à la fois là pour comprendre les mécaniques du jeu, les pattern, la façon de franchir des obstacles, mais également par chaque nouveau run les petits détails qui forment un tout et qui ne vous seront jamais expliqués clairement, juste à découvrir par vous-même. Du genre le choix entre torcher une zone ou se dépêcher dans le but d’ouvrir un portail secret à la suivante, ne restant accessible que quelques minutes après le coup d’envoi. Qui plus est, et là aussi parce que c’est le genre qui veut ça, au fil du temps, mourir ne signifiera pas repartir totalement de zéro puisqu’à condition d’utiliser des cellules (les fameuses « Dead Cells ») chez le ou les marchands entre chaque niveau, vous pourrez démarrer les prochains rushs avec davantage de potions (votre priorité absolue), déjà un petit pécule en poche mais également du meilleur équipement, dont le build de départ aura néanmoins sa part de hasard.
Et c’est là qu’on en profite pour signaler tout le génie autour de ce jeu. Il n’est pas seulement superbe dans sa patte graphique car, outre le fait d’être un parfait modèle de nervosité au point d’en devenir une leçon pour le genre Metroidvania (bonne chance pour ceux à venir), le titre sait aussi se montrer parfaitement équilibré dans son équipement. Impossible de dire ici qu’un rush est totalement foutu parce qu’on vous a refilé une arme de merde dès le départ : tout se vaut, dans une certaine mesure. Avec deux armes principales et deux armes secondaires, à vous au gré de loot de vous constituer un build de haute classe, sans hésiter à tester un maximum de choses car on remarque au fil du temps que même les trucs qui paraissaient totalement inutiles trouvent une grande utilité si bien exploité.

Alors bien sûr, on pourra toujours dire que les tourelles sont cheatées dans une bonne partie des situations (surtout si vous en utilisez deux d’un coup), ou que le bouclier réclame lui un skill décuplé (si bien récompensé au final) mais dans la majorité des cas, il y aura toujours moyen d’utiliser au mieux ce que vous avez entre les mains, et qu’il suffit de toute façon d’un peu d’exploration pour trouver un tas de nouvelles choses et surtout des boost de puissance, qui eux encore demande un minimum de réflexion : avec trois jauges différentes à booster le temps d’un run (types Brutalité, Technique et Santé), se consacrer sur une seule sous prétexte qu’il correspond à l’équipement entre nos mains peut ensuite vous priver du potentiel d’une nouvelle arme sur le chemin.
Donc même si vous avez envie d’abandonner parce que « Bordel, ça fait 5 fois que j’affronte le Concierge et j’ai toujours autant de mal à le butter » ou « Pourquoi ce putain de jeu vient de me téléporter en plein milieu de cinq streums surpuissants dont un élite ? Pourquoi ?! », dîtes vous qu’une pause n’est jamais de trop, et que même si la montée en puissante se fait lente (et peut-être trop lente aux yeux de beaucoup), le système de jeu est suffisamment carré pour que la volonté et le courage permettent au fil du temps de triompher des plus grosses pourritures. Et si en revanche, vous n’avez pas peur, alors préparez vous à avoir de quoi bouffer durant des dizaines d’heures avec toujours plus d’équipement, des modes de difficulté plus élevé, des défis quotidien… Ah, et sans oublier que le développeur a promis un « gros » DLC de contenu à venir. Et gratuit.
Note :
Pour avoir testé les versions PS4 et Switch, je signale que cette dernière version est touchée par quelques petites chutes de frame-rate, un léger bug de caméra (très rare) et des temps de chargement plus longs. Cela ne posera pas de réel problème sur la progression mais dans tous les cas, l’équipe a déjà promis un futur patch.