Conditions de test : testé sur Xbox Series sous 2 runs, ce qui est déjà bien, sans volonté de connaître les autres fins autrement que par le saint Youtube.
Il y a un an, votre serviteur comme bien d’autres s’est vu dans l’obligation de faire un mea culpa public :
Silent Hill 2 Remake, c’était quand même vachement bien et surtout bien mieux que ce que laissaient entendre plusieurs des bande-annonces. Toute la confiance du monde est désormais accordée envers la
Bloober Team et sa prochaine refonte, tandis que l’interrogation demeurait autour du mystérieux
Silent Hill f, spin-off assumé de A à Z au point d’oser se demander si c’est vraiment un
Silent Hill ce truc ou une tentative tellement libre d’interprétation qu’on aurait pu en faire une nouvelle licence. Moins vendeur, c’est certain, mais résolument trompeur pour les fans de la première heure dont la garantie d’appréciation est loin d’être acquise.
Déjà changement de cadre complet où l’on va de suite oublier la sombre ville US pour nous emmener dans une petite bourgade japonaise des années 60, où derrière l’amont de délires psychologiques à vous retourner le crane se présente surtout une critique à peine cachée de la vieille société patriarcale. Oui,
Silent Hill f se veut une œuvre féministe mais il le fait bien, pointant les méfaits d’une époque où chaque sexe avait une place prédéfinie dans la société une fois franchie le passage à l’âge adulte, ne laissant aucun droit aux rêves pour la jeunesse se réfugiant dans des amitiés majoritairement fausses. Shimizu Hinako est une lycéenne qui subit ce monde de plein fouet entre camarades de classe à la proximité incertaine et un père violent, et dont le quotidien déjà peu enviable va prendre une sale tournure quand la ville va être envahie par une étrange malédiction.
Tous ceux qui lisent ces lignes ont vu la note et oui, je dois bien admettre que malgré mon amour pour la franchise, la proposition de
Silent Hill f m’a laissé un peu froid. Que le jeu soit différent des habitudes de la série n’est pas un reproche, déjà parce que c’est un spin-off, et aussi parce que les prises de risque ne sont pas inédites (mais pour une qualité certes très variable), rien que par
The Room pourtant bien numéroté. La différence pourquoi pas donc, mais il faut néanmoins que que ce soit tout aussi intéressant même dans un autre style. Et malheureusement,
Silent Hill f fait tout moins bien que
Silent Hill 2 Remake, jusque dans son rendu graphique, ce qui est fâcheux avec un an d’écart entre les deux.
L’expérience typée japonaise sait être jolie par moment, mais manque clairement d’éclat et de travail sur l’esthétique si ce n’est les boss (sur ce point les plus réussis de la série, ça change des trucs difformes ou des gros papillons) et quelques trop rares moments d’audace. Mais globalement, c’est terne et la ville de Ebisugaoka n’a pas un dixième de la stature de Silent Hill elle-même. C’est juste une bourgade japonaise avec un brouillard là où Silent Hill avait une âme et était presque considéré comme un protagoniste à part entière, avec son ambiance marquée et l’impression de s’y perdre constamment là où la progression de
Silent Hill f tient presque parfois du couloirs avant de voir un semblant de « donjon » (une école en fait) arriver après 30 % de l’aventure. Pire encore, si les protagonistes ont quelque chose à raconter et que le scénario a une certaine valeur (en prenant bien soin de ne surtout pas négliger ni les documents ni le NG+), le travail sur les visages et les expressions faciales est presque risible en comparaison de ce qu’a su offrir la
Bloober Team… et en fait presque tous les autres jeux de la franchise tant elle était réputée en la matière même sur PS2.
Mais le point le plus triste dans cette affaire, c’est l’autre monde. Si vous n’êtes pas au courant, Silent Hill, c’est réputé pour offrir deux visions de la ville ou en tout cas d’une zone. La version déjà assez flippante d’une ville envahie par le brouillard, et celle où la ville est véritablement bouffée par des ténèbres fait d’obscurités, de rouilles, de sang et de peaux. Délicieux.
Silent Hill f prend le pari de changer la formule en nous envoyant à divers instants dans autre chose, précisément des sortes de temples aux multiples énigmes (faciles) et l’occasion de rencontrer un mystérieux personnage portant un masque de renard, accessoirement déjà objet de fantasme chez la gente féminine japonaise. Soit. Alors oui, on peut dire que contrairement aux ténèbres passées qui pouvaient être l’objet de recyclage d’une même zone, chaque séquence du genre est ici purement inédite. Mais le truc, c’est que niveau ambiance, c’est fort bof et ça ne fait pas PEUR. En fait globalement, la peur dans
Silent Hill f viendra majoritairement de jumpscare, sacré ironie pour une franchise qui avait débuté en misant essentiellement sur l’oppression psychologique sans rien montrer, justement pour se différencier de son rival chez
Capcom.
Autre grand changement, les combats. Alors là, on ne va pas mentir, ça n’a jamais été le pilier marketing des différents épisodes, aussi bien pour les armes à feu que le corps-à-corps.
Silent Hill 2 Remake a tenté d’apporter un peu d’évolution mais là encore, on ne retiendra pas cette expérience pour cela.
Silent Hill f s’est lui totalement penché sur ce problème pour livrer quelque chose d’un peu plus travaillé avec un vrai lock, de vraies esquives (même esquive parfaite), une jauge de mental à bien gérer pour balancer la sauce et, le plus important, un système de contre en appuyant sur le bon bouton au bon moment, obligeant à apprendre bien comme il faut les pattern des différents opposants. Certains dirons que ça ressemble parfois à du Souls, on n’ira pas jusque-là, mais en revanche, oserait-on dire que la surprise laisse vite place à la lassitude. Sorti des boss encore une fois très réussis, le bestiaire bien peu varié et l’abus de combat (et attendez vers la fin…) rendent l’expérience bien trop répétitive pour ce qu’elle est censée offrir. Par contre, les bruitages sont super satisfaisants, il faut le dire.
Oui, je n’en attendais pas grand-chose et j’en suis ressorti déçu. Déçu car le potentiel était là sur bien des points, mais perdu dans des choix esthétiques bien trop éloignés de ce que l’on attend normalement de la franchise, oubliant l’oppression et le malaise tout en étant incapable par son abus de combat de parfaitement doser l’ambiance comme la peur. Et sans aller jusqu’à reprendre en comparaison le travail de
Bloober Team, il suffit juste de relancer un
Project Zero pour comprendre où l’équipe a manqué de talent. Nous ne sommes pas non plus dans un mauvais jeu, et même qu’il apporte de très bonnes séquences (on se souviendra de la scène des « épouvantails ») ainsi que des idées à retenir (le choix entre les soins et l’augmentation des stats, malgré un inventaire trop longtemps rachitique) mais nombreux parmi les fans ne s’y retrouveront pas.