Peut-être un peu annoncé dans la précipitation au point d’en connaître l’existence avant même la sortie du premier chez nous,
Dragon Quest Builders 2 est désormais disponible sur PlayStation 4 et Nintendo Switch avec tout un tas de nouveautés pour montrer à quel point c’est mieux qu’avant. Sauf que ce n’est pas réellement mieux, ni pire, et encore moins identique : tout va dépendre du point de vue car même si l’on parle d’une suite,
DQB2 est surtout une expérience très différente sous la surface, au point que ceux qui n’adhéraient pas jusque là sont susceptibles de soudainement accrocher. Mais évidemment, l’inverse est tout aussi exacte, et plutôt que de donner une conclusion hâtive, expliquons d’abord de quoi il en retourne.
Dans le monde de
Dragon Quest II (le vrai), les descendants de Roto/Eldrick/Elric ont vaincu les forces démoniaques de Malroth et le monde pouvait donc retrouver la paix souhaitée. Ou en tout cas en apparence. Car
Dragon Quest Builders 2 va lui montrer ce qui se passe « après », vu que le bonheur ne se retrouve pas en un claquement de doigts, surtout quand tous les continents sont en ruine : le monde a de nouveau besoin d’un héros, ou plutôt d’un bâtisseur pour les aider à tout reconstruire. Parallèlement, de nombreux streums orphelins de leur grand chef sont encore présents, certains comptant poursuivre le culte de la destruction, d’autres se disant que maintenant que l’autre gourou a clamsé, y a peut-être moyen d’avouer que les plaines verdoyantes, c’est toujours plus sympa que les zones décrépies et empoisonnées.
Si le scénario ne vole pas haut, une fois de plus, sa narration reste en revanche meilleure que dans le premier épisode, à la fois par une gamme plus complète de personnages secondaires, un humour bien maîtrisé et ce qu’il faut de dialogues (un peu trop par moment). D’ailleurs, cette fois, vous n’évoluerez pas seul dans la grande majorité des situations puisque constamment accompagné d’un personnage humain trouvé par hasard sur votre route, totalement amnésique et sachant se battre, répondant au doux nom de Malroth. Le « hasard ». Et n’oublions pas de signaler que le jeu est de nouveau traduit en français, avec un travail incroyablement exemplaire sur la localisation où l’on sent que les mecs ont pris un plaisir pour adapter les vannes et jeux de mots, jusqu’à nous placer quelques références bien trouvées, du genre un monstre vert au fond des marécages qui s’exprime de la même façon qu’un certain Yoda.

C’est donc mieux que le premier ? Oui de ce coté, et sur bien d’autres points d’ailleurs. Car les développeurs n’ont aucunement été avare sur les nouveautés, avec un gameplay mieux maîtrisé (merci la vue FPS), un inventaire bien mieux foutu (armes et objets spéciaux sont sur des touches à part), de nouvelles options de déplacements comme la téléportation, la nage et le planeur piqué à Breath of the Wild… et bien entendu une tonne de nouvelles possibilités de construction. Tout en reprenant ce qui faisait le sel du premier, on nous ajoute forcément un tas de matériaux, objets et plans et on a davantage de liberté en largeur mais surtout en hauteur. Le genre de chose qui peut drastiquement changer les œuvres des plus créatifs, qui n’oublieront pas de prendre en compte cette fois la gestion de l’eau que l’on peut déverser n’importe où grâce à un pot magique.
Il est tout de même dommage que le système de combat n’ait lui pas beaucoup évolué. Il est certes agréable d’avoir un compagnon qui nous vient en aide mais les possibilités sont encore très basiques, à se demander ce qu’attendent les développeurs pour enfin nous offrir une sorte de système de classes d’ailleurs en totale adéquation avec la licence. Oui, on sait parfaitement que le héros est un bâtisseur, mais on aimerait bien qu’il soit autre chose à coté qu’un sous-guerrier random, du genre pouvoir utiliser de nouvelles armes et pourquoi pas de la magie. Autrement qu’avec des pièges en tout cas.
Bon alors il est où le vrai problème ? Hé bien la grande différence, c’est que si
Dragon Quest Builders 1 était une sorte de « Minecraft avec des objectifs »,
Dragon Quest Builders 2 va lui être un « Dragon Quest avec des mécaniques de Minecraft ». Et non, ce n’est pas pareil. Déjà dans la structure, le premier épisode offrait un découpage brutal entre les chapitres, là où sa suite donne davantage l’impression d’une aventure complète, certes en plusieurs parties mais qui forment un tout. Plus important encore, quad il y a deux ans, on nous laissait une grande liberté avec des objectifs servant avant tout de prétexte à l’exploration (d’où le fait que certains étaient assez vagues), Dragon Quest Builders 2 va lui se montrer beaucoup plus carré… et disons le clairement très linéaire. Et c’est sur ce point que les avis vont totalement diverger.
Beaucoup seront contents d’être soudainement tenus par la main à toujours savoir quoi faire et où aller, et auront davantage la sensation de vivre une aventure plus simple dans l’esprit qui n’empêche pas un peu d’exploration en annexe, surtout qu’il y a un certain intérêt à fouiner chaque zone à la recherche de micro-énigmes permettant de récupérer les sacro-saintes mini-médailles, elles-mêmes servant à débloquer des plans bonus (ou des skins pour notre avatar). Mais dès qu’on parle liberté, on se rend compte que tout est surfait dans ce deuxième épisode, ou plutôt qu’il faudra travailler pour avoir le droit d’y accéder. Par exemple, chaque île (donc chapitre) propose deux petites îles annexes faites pour le loot et totalement libres d’exploration, mais il faudra d’abord finir la principale, soit parfois une bonne demi-douzaine d’heures selon votre façon de jouer.

Dans le même ordre d’idée, il y a l’île centrale, celle où vous débarquez en début d’aventure et qui est vide de tout (ou presque), ne demandant qu’à aller chercher des compagnons et des ressources tout au long du jeu pour développer ce territoire comme bon vous semble. Et encore, pas toujours, et il faudra prendre en compte que si entre deux chapitres, on peut aller et revenir entre votre île et celles déjà visitées, impossible de sortir du fil rouge une fois débutée une nouvelle zone, jusqu’à la victoire (synonyme de tout un tas de matos supplémentaires, comme les fonctions minières et le véhicule). Ce sera la même chose pour l’île bonus, qui elle est totalement libre avec même possibilité de la rebooter à loisir. Et là encore, si ce n’est pas dérangeant pour une partie du public qui pourra prendre tout cela comme une récompense, il est compréhensible que d’autres auraient préféré avoir tout cela d’entrée de jeu, un peu comme le mode créatif de
Minecraft.
Et ce sera d’autant plus problématique que l’île principale comme la bonus proposent l’une des plus importantes nouveautés du jeu : le mode multi à quatre (uniquement en ligne, ou en local avec plusieurs Switch). S’il est possible de visiter les îles d’autres joueurs via un ingénieux système lié au mode photo, beaucoup attendaient avec impatience ce mode coopération pour pouvoir « construire ensemble », et il est donc dommage qu’il faille attendre une brouette d’heures pour y toucher, avec la restriction que tout devient soudainement inaccessible une fois un nouveau chapitre débuté. Et ne comptez pas filouter en passant d’une save à l’autre : il n’y a que deux sauvegardes par compte, l’une automatique, l’autre manuelle.
En fait, tout comme avec
Dragon Quest XI, on remarque cette tendance de Square Enix à vouloir ouvrir sa série à un plus large public (particulièrement en occident d’ailleurs), quitte à baisser un peu le curseur de la difficulté et potentiellement d’une éventuelle frustration. Ça se voit avec ce que l’on a dit plus haut mais c’est loin d’être les seuls cas. On pourrait également parler des mécaniques de Tower-Defense qui sont globalement en retrait par le fait que les ennemis ne peuvent désormais plus détruire nos créations (ou en tout cas pas toutes). On pourrait aussi noter que s’il est cool de pouvoir « copié/collé » des créations pour laisser nos habitants s’occuper des constructions doublons, on aurait voulu que ce système ne soit pas imposé à certains moments de l’histoire. Il en est effet assez surprenant, dans la dernière ligne droite du chapitre 1, d’avoir une énorme construction à faire et voir tout notre petit peuple foncer pour tout placer lui-même. Mais au cas où, astuce si ça vous énerve, rien ne vous empêche d’aller vider le coffre de matériaux et de vous en occuper : ça ne changera absolument rien au final, surtout que le jeu est conçu pour que le héros ait quelque chose d’autre à faire pendant que vos compagnons s’attardent à la tâche.
On terminera sur le plan technique vu qu’on a deux versions au hardware suffisamment différents, pour une analyse qui le sera tout autant. La version PS4 remporte sans problème la mise avec son 60FPS (beaucoup de chutes), sa résolution et sa finesse. Celle sur Switch n’est pour autant pas déplorable aussi bien en dock qu’en nomade, même s’il faudra faire avec le 30FPS imposé (beaucoup de chutes également), et ce même en dock alors que le premier offrait du 60 dans cette configuration. Ce n’est pas si grave vu le genre, et on imagine que
Square Enix a souhaité privilégié la distance d’affichage, hautement essentielle vu la taille des créations désormais, et le fait de pousser les joueurs à prendre des photos pour les partager à tous.
[Testé sur Switch]