Les fans le savent : il faut déjà prendre son mal en patience entre l’annonce et la sortie d’un
Dragon Quest. Certains diront que ça reste quand même moins long que pour un
Final Fantasy et ils n’auront pas forcément tort, à ceci près que la franchise phare de
Square Enix a désormais l’honneur de bénéficier d’une sortie mondiale là où « DraQue » a dû nous faire galérer 14 mois supplémentaires, ayant perdu en cours de route l’alléchante version 3DS.
Une longue attente mais récompensée comme à l’époque de
Dragon Quest VIII car chacun sait que l’éditeur n’est pas arrivé les mains vides pour combler cet énorme retard. Désormais affublé d’un doublage US somme toute correct (on aurait préféré en japonais mais tant pis) et de menus beaucoup plus clairs mais pas toujours (la gestion de l’inventaire reste très mauvaise), le titre se dote surtout d’une difficulté encore plus paramétrable que dans la version japonaise, boostant notamment la puissance des ennemis pour obtenir une expérience plus proche des anciens épisodes. Il faut dire que la difficulté de base tient effectivement de la promenade de santé, avec possibilité de faire l’essentiel du jeu en combat auto (hors boss, surtout vers la fin), si tant est bien sûr que vous ne foncez pas trop vite vers l’objectif.
Chacun trouvera donc midi à sa porte car même en oubliant les nouvelles options pour modifier le challenge,
Dragon Quest XI restera une expérience très intéressante. Juste différente. On y gagnera notamment en rythme de progression et les combats auto ne dérangeront peut-être pas une partie du public, surtout que ce sera l’occasion de voir des sorts que vous n’avez pas l’habitude d’utiliser vous-mêmes, et qu’il faut avouer que l’IA n’est pas trop foireuse pour ce qui est de gérer les choses. Bien sûr, elle peut parfois adopter une tactique sans intérêt (du genre perso A qui utilise un soin standard alors que perso B juste derrière est prêt à balancer un sort généralisé) mais de manière générale, elle se débrouille, même contre les gluants de métal et associés, où elle saura adoptée la bonne méthode pour tenter de gratter le sacro-saint boost d’XP.

L’autre grand changement que peuvent nous envier les japonais, c’est la fonction dash (courir donc) et on comprend de suite d’où venaient les retours mitigés de la version d’origine tant on n’a aucun mal à imaginer le calvaire qu’aurait offert l’expérience sans cette option. Même s’il est divisé en zones plutôt qu’être un pur open-world (chose qui n’est pas forcément dérangeante), certains recoins sont tout de même de taille respectable et devoir se les taper en trottinant aurait pu drastiquement modifier la note finale. Il y a bien un cheval, mais c’est pour les mêmes que ceux qui l’utilisent dans
Breath of the Wild (c’est à dire les faibles), et en plus, il pousse trop à dégommer les ennemis plutôt que les combattre, chose susceptible de poser d’évidents problèmes sur la longueur.
Avec le dash, l’exploration gagne donc en rapidité et on n’a jamais l’impression de traîner la patte. Cela va pour les donjons et les zones ouvertes, mais également dans les villes où l’on retrouve tout ce qui fait le sel de la série, à savoir un véritable intérêt à visiter chaque recoin pour trouver des coffres (avec toujours quelques mini-médailles de temps en temps), ouvrir des armoires pour trouver des objets et lire quelques bouquins dans les bibliothèques, certains renseignant un peu sur le lore, d’autres offrants des recettes sur lesquels on reviendra après. Et il y a également l’arrivée de vraies quêtes annexes, facile à trouver d’ailleurs vu qu’indiquées clairement sur la map, même si l’objectif à atteindre ne sera pas toujours évident, et parfois un peu lourd. On se contentera de dire que cette soixantaine d’annexes ajouteront un peu d’heures de jeu et sera toujours l’occasion de leveler sur le chemin.

Et tiens, en parlant d’exploration, si vous avez suivi l’actualité, vous n’êtes pas sans savoir que les développeurs ont apporté des nouveautés par rapport à la version 3DS. Mais le résultat est clairement mitigé. Les montures ne servent pas à grand-chose mais c’est encore pire pour les petites « features » dans les villes. Vous vous souvenez de la première présentation qui montrait un boost de la verticalité avec des cordes sur les toits et des coffres cachés en hauteur ? Alors oui, c’est présent, mais on sent que l’équipe elle-même en a rapidement eu marre de ces ajouts assez inutiles puisque, passées les premières villes, tout cela disparaît soudainement comme si ça n’avait jamais existé. Notez qu’il en est de même pour la fonction (facultative) de se déplacer en combat, dont on cherche encore l’intérêt.
Si ce n’est par sa difficulté laissée au goût de chacun,
Dragon Quest XI n’entend globalement pas transformer sa formule. Ce n’est de toute façon pas ce qu’on lui demande, et encore moins les japonais. L’aventure reste donc très proche de nos habitudes, nous faisant voyager sans déplaisir d’une zone à l’autre avec comme à chaque fois des villes qui proposent leur mini-arc scénaristique, conduisant généralement à un donjon, et forcément le boss qui va avec. Une progression souple, avec de rares temps morts puisque tout est fait pour aller vite, et peut-être encore plus que d’habitude par l’arrivée des feux de camp, l’auto-save, la récupération de HP/MP après gain de niveau, ou encore le système de téléportation encore plus utile que de coutume (on peut même cette fois se téléporter depuis une grotte).
Malgré ce sens du rythme, le titre reste d’une durée de vie appréciable. Alors on n’est toujours pas au point d’un
Dragon Quest VII et son « minimum » de 100h, mais on reste quand même dans une bonne soixantaine d’heures en difficulté standard pour voir l’essentiel, donc pas forcément le 100 %, mais en incluant le post-game qui constitue la véritable fin du scénario. Je suis le premier à reconnaître avoir un peu de mal aujourd’hui avec les J-RPG au tour par tour sur consoles de salon, et je ne suis pas le seul, mais pour les raisons évoquées plus haut, l’aventure est passée en douceur, appréciable d’un bout à l’autre car là encore suffisamment dosé pour ne pas avoir à (trop) leveler dès lors que l’on se consacre aux détails de la montée en puissance.
Car outre l’achat et la récupération standard d’équipement, on assiste au retour de la forge avec un nouveau système au départ assez évasif jusqu’à devenir de plus en plus profond à mesure que l’on obtient de nouvelles recettes. D’ailleurs, contrairement à d’autres qu’on ne veut pas citer (mais en fait si :
Xenoblade Chronicles 2),
Dragon Quest XI a la bonne idée d’intégrer un index très clair des objets ramassés pour savoir exactement dans quelle zone se rendre pour savoir comment récupérer les matériaux manquants. On ajoutera à cela l’Hexagramme qui est ni plus ni moins qu’une sorte d’arbres à compétences propres à chaque perso (avec possibilité de reboot pour pas trop cher), et enfin les combos spéciaux via la transe des persos, même si je ne suis aucunement fan du système. Assez proche de
Final Fantasy IX (mais en moins punitif puisque la transe dure plusieurs tours, même d’un combat à l’autre), ce principe reste toujours un peu énervant puisque se déclenchant automatiquement après plusieurs coups reçus, avec donc le risque de revenir à l’état standard à dix mètres du boss.
Alors,
Dragon Quest XI, l’un des meilleurs de la série comme le disent un paquet de sites US ? Nop. Bon ils disent ce qu’ils veulent mais personnellement, ce n’est pas le cas. Il est de toute façon difficile d’établir une échelle de valeur dans une saga qui a plus de trente ans, mais disons qu’il y a des points que l’on peut facilement comparer aux anciens. Niveau scénario par exemple. Si le titre réserve de très belles surprises et prend d’ailleurs un superbe tournant à la moitié de l’aventure, il faut avouer que le point de départ est probablement le plus basique de la série depuis
Dragon Quest IV. Le V avait une intro fabuleuse, le VI très rapidement son trip du monde parallèle, le VII la découverte des voyages dans le temps et même le VIII faisait dans l’originalité en ayant l’impression de démarrer une aventure à mi-parcours, où l’on se demandait ce que l’on faisait accompagner de cette espèce de gnome vert et son « cheval princesse ».
Dans
Dragon Quest XI, c’est la base de la base. Vous êtes orphelin, vous captez que vous êtes l’élu, il vous arrive un couac et pouf, c’est parti pour traverser le monde afin de mettre fin à une dramatique prophétie en recrutant quelques compagnons sur le chemin. Encore une fois, cela n’empêchera pas de jolis rebondissements et des moments forts, soutenus par un minimum de mise en scène, mais disons juste que les choses prennent un moment avant de décoller. La deuxième partie rattrape le tout, mais se retrouve en partie gâché par le post-game et on vous laissera découvrir pourquoi.

L’autre point fâcheux, et là tant pis si les fans râlent, c’est que du trio à l’origine de la série, il commence à être temps que deux déposent les armes. Pas trop de problème pour Yuji Horii même si l’on aimerait qu’il soit de nouveau plus audacieux dans les univers créés, mais Kôichi Sugiyama accuse malheureusement son âge (proche des 90 ans) et n’est pas parvenu à nous fournir l’OST que l’on attendait (surtout qu’on se tape encore du MIDI). Déjà que certains reprochaient des mélodies semblables d’un épisode à l’autre, bien qu’on pouvait considérer ça comme une marque de fabrique, mais ici, ça manque clairement de prestance, jusqu’à tomber sur des thèmes un peu ratés. Mais le pire n’est pas là.
Akira Toriyama. On le considérera toujours comme un dieu dans sa catégorie, ayant marqué son temps au fer rouge. Mais l’homme fait déjà du Dragon Ball en soupirant, et ça semble être autant le cas avec Dragon Quest. On mettra de coté le bestiaire qui est de toute façon majoritairement identique d’un opus à l’autre mais même niveau casting, c’est loin de valoir les plus belles heures de la franchise. Et l’on ne parle pas de l’histoire propre à chacun, toutes assez intéressantes, mais bien du design. Les jumelles ressemblent à des standards du J-RPG, le vieux est une espèce de Torneko en moins bien, Jade est avant tout là pour alourdir la base de hentai, et on gardera uniquement Erik, l’originalité de Sylvando et un troisième qu’on ne peut citer pour raison de spoil.
Et reste donc le héros qui est, disons le, moche. Pas dans le sens brut du terme mais absolument rien ne se dégage de ce héros et il suffit de jeter un œil aux jaquettes des anciens épisodes (du genre la version Snes de
DQIII) pour se dire qu’il est temps que Toriyama laisse sa place. Même Toyotaro, on prend. Son talent dans la mise en scène est, on l’a remarqué, très aléatoire mais au moins, niveau dessin, il se rapproche plus du Toriyama d’époque que Toriyama lui-même. Et passe encore sa tronche de PNJ, mais il aurait quand même été raisonnable de lui donner un minimum d’expressions faciales. On sait que le héros d’un DraQue ne parle pas, mais même Link qui la boucle autant offre bien plus d’émotions depuis des années. En dehors des pures cinématiques, on a droit à cette tête de Métamorph dans la majorité des situations, qu’elles soient drôles ou dramatiques.
Bon, on râle mais croyez bien que
Dragon Quest XI reste un très bon jeu, juste qu’on a la sensation pour diverses raisons (qu’on ne peut toutes citer) qu’il incarne à la fois une fin et un nouveau départ pour la série. Yuji Horii le dit lui-même, mais on le ressent nettement car on a beau se satisfaire du retour sur consoles de salon et de l’apport de l’Unreal Engine 4, ce n’est pas uniquement sur le rendu mais bien sur d’autres aspects que la série mériterait de reprendre du galon sans pour autant se désolidariser de son passif. Les ventes japonaises restent très élevées mais accusent un recul qui se doit d’être synonyme de signal d’alarme. Que l’on garde cette progression à l’ancienne et ce tour par tour, pas de problème (je ne refuserais pas de l’a-RPG mais c’est personnel, tapez pas). Mais diable, pour un
Dragon Quest XII, rendez-nous un chara-design digne de l’époque et un scénario un peu moins convenu.