Conditions du test : effectué sur PlayStation 5, donc sans le patch Day One m’ayant poussé à reporter ce papier tant la situation était compliquée, le jeu allant même jusqu’à me proposer des bugs bloquant me faisant perdre 20 à 30 minutes de jeu. Les choses se sont drastiquement arrangées avec la MAJ du lancement, même si quelques problèmes moindres subsistent (particulièrement des dialogues qui passent de la VF à la VO… même parfois de l’espagnol).
13 foutues années que l’on attend une suite pour
Alan Wake, et
Remedy a su jouer de cette attente en faisant en sorte que le scénario de
Alan Wake 2 prenne tout simplement place 13 ans après. Simple et malin pour se rendre compte à quel point le monde a évolué sans Alan, le jeu comme l’écrivain. Retour donc dans cette ambiance où s’entrecroisent du
Stephen King,
Twin Peaks et désormais un peu de
True Detective, un trio d’exemple qui fait comprendre d’entrée de jeu qu’il va falloir suivre et à ce sujet, autant dire de suite que vous allez être totalement largué si vous n’avez pas fait le premier épisode et même
Control (dont les extensions). Vive les univers connectés ironisera t-on, encore plus quand le premier
Alan Wake comme le précité n’étaient déjà pas des modèles de narration très « clairs », et d’ailleurs, même si vous avez fait tout cela, préparez le café et une grosse dose de concentration pour ne pas sombre dans les ténèbres.
Je n’ai rien contre la profondeur scénaristique mais on peut très bien associer la narration à plusieurs couches et une faculté à faire comprendre l’essentiel des choses au public, ce dont
Alan Wake était déjà incapable à l’époque, et le 2 encore pire. La faute aux scénaristes dont on a l’impression que les travaux ont consisté à pondre une phrase et la retravailler 200 fois pour qu’elle tombe dans le domaine faussement artistique digne d’une mauvais sketch, ou plutôt cette sensation de parfois dénouer les indices reçus de la part d’un vieux sage chinois aux proverbes qui rendent fous. Donc on est là, dans un monde perdu entre cauchemar et réalité, où une représentante du FBI est capable de concevoir tranquille une pièce mentale au coeur de son cerveau pour résoudre des énigmes toute seule à partir de rien (genre mentaliste, mais totalement abusé), pendant qu’un écrivain perdu lutte contre une menace des ténèbres tout en ayant la capacité de pouvoir changer le décors en imaginant d’autres scènes dans ses écrits.
On est vite perdu dans un gloubi-boulga d’on ne sait vraiment quoi, un peu comme une saison 2 de
Westworld où les règles de l’univers deviennent tellement opaques que l’on ne s’attache plus aux enjeux dont les causes peuvent tomber sans réellement comprendre pourquoi, tout comme les conséquences et la façon de les résoudre. On s’accroche, on essaye de se concentrer davantage, davantage pour les 60 balles dépensées que la profondeur du trio de « héros » (mais Casey avec le visage de Sam Lake et la posture du G-Man, c’est cool), et de temps en temps, miracle, on parvient à assembler quelques pièces de puzzles non sans fierté, jusqu’à retomber dans l’abscons où l’envie de compréhension se prend des murs du genre :
« N'éveille pas le rêveur si ta vie est un rêve. Ma vie est un rivage mais l'eau monte encore. » MAIS DE QUOI TU PARLES ENCORE ???? Et croyez bien que la deuxième moitié est encore plus folle sur le sujet, mais si vous êtes à fond sur
Remedy et que vous prenez bien le temps de tout lire, alors c’est du très lourd qui vous attend et encore plus en terme d’ambiance aussi bien visuel que dans le sound-design de folie (avec jump-scare classiques mais efficaces). Mais beaucoup resteront sur le carreau et c’est une véritable prise de risque pour une licence qui a du mal sur le plan commercial, encore plus maintenant sans version physique.
Pour ce qui est en revanche du game-design,
Alan Wake 2 ne pose aucun problème.
Remedy n’a pas voulu embrasser l’époque du monde ouvert, ni tomber dans la facilité de l’expérience aussi linéaire que narrative. On a en fait une poignée de zones ouvertes se débloquant en progressant et vers lesquelles nous pourrons revenir aussi bien dans le cadre du fil rouge que pour la simple envie de tout voir. Le jeu nous propose en effet de nombreux annexes, soit liés à de l’exploration brute pour trouver des petites boites de matos (munitions et soins avant tout), soit des énigmes jamais désagréables mais néanmoins parfois ardues, notamment (pour Anderson) des poupées à remettre à la bonne place ou (pour Wake) ce jeu de changement de décors pour débloquer certains accès. Ce n’est pour autant jamais déplaisant hormis certains longs allers-retours, et surtout utile tant en mode normal, la difficulté peut parfois poser problème si vous n’économisez pas vos munitions. Donc mieux vaut quand même avoir du stock et débloquer pour un perso comme l’autre de nouvelles aptitudes (en gros des points de compétences).
Et pour ceux qui se demandent encore,
Alan Wake 2 sait finalement bien équilibrer les choses entre ses deux personnages. Si vous êtes du genre à tout fouiller, on hallucine au départ de passer quasiment 4h avec Anderson, avant de finalement prendre enfin en main Wake pour une très longue session, pour enfin avoir simplement le choix et la possibilité de passer de l’un à l’autre via certaines salles de sauvegarde (profitez-en un max à ce propos tant les auto-save peuvent être traîtres avec parfois 30 minutes entre deux). Les deux se jouent évidemment de la même façon, ont juste quelques features différentes surtout côté énigmes, et on sera bien content de se rendre compte que les affrontements sont de bien meilleures qualités qu’il y a 13 ans. Ce n’est pas non plus
Control, ni
Max Payne si on veut faire tout le CV du développeur, mais c’est bien plus nerveux et agréable grâce aux esquives et à la relative rapidité de mouvements. Encore plus utile face à des énormes loups.
Autre sentiment de satisfaction : derrière une distribution jugée scandaleuse, comme s’il s’agissait d’un pauvre jeu indé,
Alan Wake 2 a graphiquement toute la prestance du AAA. C’est même l’un des jeux les plus impressionnants de cette génération en rendu brut, même si c’est surtout les PCistes très bien équipés qui en profiteront. Sur consoles, on privilégiera pour une fois le mode Qualité (le 60FPS est tout sauf obligatoire vu l’expérience) afin d’y gagner en résolution pourtant imparfaite, et de nombreuses économies non pas par manque de puissance mais d’optimisation. D’où l’effet de paillettes pour remplacer le RT. D’où l’absence de reflets dans les miroirs, dénotant avec le reste qui est quand même sacrément beau, avec mention pour le niveau urbain d’Alan, à lui seul l’objet de fantasme quand on pense à d’autres licences (genre
Resident Evil). Croisons néanmoins les doigts pour les plus patients qui, pourquoi pas, bénéficieront de mises à jour permettant de corriger une partie des défauts.
Mais dans ce lot de tout de même bonnes choses, le plus surprenant vient assurément de la durée de vie, et du coup une promesse tenue. Environ 25h en fouillant, c’est tout sauf commun pour ce type d’expérience, et on peut donc dire que les gros fans en auront pour leur argent surtout par l’arrivée future de quelques DLC gratuits dont un NG+ apparemment fourni avec des surprises. C’est cool, mais ce bilan est néanmoins entaché par un rythme très particulier. On a nos grands moments (que je ne vais pas spoiler, et ce n'est pourtant pas l'envie qui manque mais y a une séquence et une musique...), ces séquences où l’on est pris à la manette pendant 2h de suite sans rien lâcher, mais également comme dit précédemment de nombreux allers-retours et des idées franchement à revoir. Ou à oublier carrément. Le coup des « enquêtes » dans la tête d’Anderson, si certains accrochent, tant mieux pour eux, mais de mon coté, j’ai trouvé ça totalement inintéressant car vide d’intérêt aussi bien ludique que narratif. Heureusement que l’on peut, parfois, laisser cette espèce de mini-jeu en arrière pour que tout puisse se résoudre automatiquement une fois telle ou telle affaire bouclée.