Conditions de test : effectué sur PlayStation 5 à partir d’un code review, une moitié du jeu sur le modèle standard, l’autre sur la Pro.
Dire que je suis allé vers
Dragon Age : The Veilguard à reculons est un euphémisme. Je suis fan de la franchise, même si moins que
Mass Effect, mais le changement de design lui donnant parfois des allures de suite spirituelle des
Royaumes d’Amalur, et diverses « affaires » bien mises en avant sur les réseaux sociaux ont davantage suscité la crainte que l’impatience. On va naturellement y revenir car il est hors de question de pratiquer l’art de l’auto-censure comme chez d’autres, et découvrir que si ce quatrième épisode a bien ses problèmes, ils ne se placent pas vraiment dans les cases attendues au point que bien des réticents pourront finalement y trouver leurs comptes, mais qu’il faut bien entendre qu’au-delà des polémiques, le principal point à retenir de
Veilguard est qu’il ne s’agit plus vraiment d’un
Dragon Age si ce n’est son contexte.
Contexte qui fait évidemment suite à tout ce que l’on a pu voir dans
Dragon Age : Inquisition et ses extensions, un point déjà susceptible de diviser les intéressés car même s’il était impossible de laisser l’histoire de Solas derrière nous, reste que l’on parle de la suite d’un projet vieux de 10 ans dont l’introduction tente tant bien que mal de nous faire le rappel des principaux faits. Moi-même, fort du déblocage de l’intégralité des succès à l’époque, j’avoue avoir été un peu perdu tant des torrents d’eau ont coulé sous les ponts mais on s’y fait, déjà parce que le codex est là pour les plus courageux, mais également parce que
Veilguard pratique la technique du nouveau départ avec un casting majoritairement neuf. Malheureusement aussi. Varric, plus classe que jamais, est désormais totalement en retrait et sert juste de mentor pour transférer en quelque sorte de leadership au nouveau héros. On pourrait aussi évoquer Morrigan au statut de simple guest, devenue plus laide pour x raisons et dont le doublage FR ne me revient aucunement.
On commence donc par créer son avatar qui n’aura rien de particulier dans ses origines si ce n’est le fait d’avoir croisé un jour le chemin de Varric pour l’accompagner dans sa quête afin de mettre fins aux obscurs plans de Solas (sorte de fin du monde, ‘voyez). L’éditeur de personnage est assez incroyable en terme de possibilités et peut-être même trop car à moins d’être méticuleux et donc de prendre tout son temps sur les détails, vous aurez 80 % de chances de repartir avec une gueule peu permise, particulièrement avec les mecs, preuve avec le mien et sa mâchoire de Minecraft. La gestion des cheveux est en tout cas proprement magnifique, limite du jamais-vu dans le média, mais bien sûr, on ne pourra échapper au débat des cicatrices de mastectomie qui sont totalement HS avec l’univers ou cette étrange mode de la mise en avant du vitiligo, dans un soucis de représentation nous dit-on sans que l’on comprenne pourquoi le jeu ne souhaite pas dans ce cas représenter d’autres maladies de la peau, ni les fesses bien bombées, et encore moins les fortes poitrines. Après évidemment, il ne peut y en avoir pour tout le monde, mais l’audace me poussera néanmoins à dire qu’il y a davantage de femmes sur la planète avec un bonnet D que de celles qui ont fait le choix de les jeter à la poubelle. Mais bon hein…

Et pourtant, si on s’attarde vraiment sur le sujet, le principal problème ne va pas se situer dans le physique ou même le choix de tel ou tel pronom, mais bien la psychologie du héros.
Dragon Age est un RPG occidental et ce que l’on attend souvent dans ce genre de cas, c’est d’avoir un minimum de choix dans la façon de faire face aux situations dans les échanges. Sans aller jusqu’à réclamer le travail d’un
Baldur’s Gate III, il faut néanmoins avouer que la psychologie de notre personnage est réduite à sa plus simple expression. Les notions de « Chaotique » ou « Mauvais » sont totalement délaissées. Vous jouez un personnage Bon et parfois un peu Con, sans autre choix si ce n’est une pointe de cynisme de temps en temps. C’est franchement dommage, surtout que même un
Mass Effect nous laissait parfois le choix d’un bon coup dans la gueule d’un opposant trop chiant, mais il faut croire que le but était de proposer un simple « héros » un peu lisse et potentiellement oubliable.
Mais un
Dragon Age et même plus globalement un jeu
Bioware ne serait rien sans les alliés. Nous en avons ici 7, répartis entre les différentes classes pour un melting-pot dans la moyenne du genre sans atteindre la stratosphère des références, et encore moins « la » référence actuelle depuis que
Larian est venu bousculer les différentes lignes. Vu que Varric squatte son canapé pendant qu’on se casse le cul à sauver le monde, on se rabattra donc sur différentes têtes dont certaines connues de ceux qui ont lu les bouquins, c’est à dire pas grand-monde, et on retiendra surtout la naine Harding pour ses compétences tout sauf naturelles (pour une naine), Lucanis Delamorte et son espèce de classe à l’italienne (ce que son nom ne suggère pas) ou encore le nécromancien Emmerich accompagné de son pote squelette.

Chacun aura en tout cas le mérite de bénéficier de sa propre petite histoire à débloquer au fil de quêtes spéciales, suffisamment travaillées pour donner envie d’aller jusqu’au bout, et parfois l’occasion de débloquer des pans entiers de niveaux jusque-là inaccessibles (souvent pour des prétextes bidons d’ailleurs mais passons). Et puis il y a Taash, le personnage qui fera souffler du monde et pas uniquement parce que le cahier des charges s’est amusé à prendre expressément la race la plus badass de la franchise pour nous offrir un guerrier non-binaire (on sent venir le coup avec les Krogans...), mais pour tout le reste : entre son aptitude de parodie de loubard, sa tronche de médaillée d’or de boxe féminine, et son histoire personnelle qui va essentiellement tourner autour de « Je n’aime pas mettre des robes », « Ma famille m’accepte pas comme je suis » et « J’ai entendu parler du mot iel, j’aime bien », on regrette une nouvelle fois que notre héros ne puisse pas être Chaotique Mauvais pour lui dire que lorsqu’il y a deux prétendus dieux de l’ancien monde qui s’apprêtent à déclencher l’apocalypse, on a peut-être autre chose à penser que ses problèmes de genre(s).
Hormis ces quelques points de « détails »,
Dragon Age semble de base répondre à plusieurs attentes. C’est quand même très sympa visuellement, encore plus quand on prend le temps de lever les yeux pour constater la magnificence de certaines structures, le jeu tourne sans accroc en 60FPS malgré une légère perte dans la résolution (compensée si vous avez la Pro), la BO signée entre autres par Hans Zimmer fait parfaitement le taf et outre les cheveux (faut redire qu’ils sont vachement beaux et soyeux), on félicite la qualité d’incrustation de l’avatar dans les cinématiques. Par le passé, donc sur l’ancienne génération ou encore celle d’avant, on voyait les limites des scènes avec un avatar fait main notamment dans les micro-chargements à chaque changement de caméra. Ici, un gros travail est fait sur le naturel et la fluidité, et on a déjà hâte de voir le résultat pour le prochain Mass Effect.

Et pour ce qui est du gameplay ? Alors c’est aussi là qu’il va y avoir de fortes divisions parmi la communauté qui n’aura fait que débattre depuis 15 ans vu que la franchise ne fait que se chercher une voie qu’elle ne parvient jamais à suivre longtemps. Le premier épisode se voulait old-school et profond dans ses mécaniques, tandis que le deuxième foutait tout à la trappe pour tomber dans de l’action-RPG, avant un semi-retour aux sources pour Inquisition dont on constatait vraiment la valeur en poussant la difficulté. Et avec
The Veilguard, on oublie les nouveaux acquis pour repartir dans du pur action-RPG et le mot est bien faible vu qu’il faut limite prendre le jeu comme un concurrence de
God of War nouvelle génération. Ou alors le pendant fantaisie de
Mass Effect, tout simplement. Du pur temps réel, des esquives, des contres et autres contre-parfait, avec pour unique trace du passé la pause active pour indiquer aux alliés (désormais non jouables) quelle compétence balancer, ou sur qui se focus sur le terrain.
Ce n’est pas mauvais, juste que l’expérience change du tout au tout. Les fans de stratégie se détourneront de la proposition pour voir ailleurs si l’herbe ressemble encore à de l’herbe, et les autres découvriront un système qui fait plutôt bien le taf avec ce qu’il faut de nervosité et où le gros de la difficulté reposera désormais sur le skill (notamment dans les fenêtres de contre) et sur le build. Et encore, en mode normal, il sera rare de mourir à moins de se confronter à un ennemi 10 level au-dessous de nous (d’ailleurs,
Bioware, ça aurait été bien de prévenir du niveau des boss quand on lance une quête…). On se fait un équipement qui privilégie davantage le stun que l’attaque directe, un compétence bonus qui regen de la vie à chaque coup ultime, deux alliés qui ont au moins une attaque combo, et c’est bon, vous pourrez affronter différentes armées sans trop suer. En difficile, à vous de mieux analyser vers où tendre vos points forts, et vous dire que soudainement, gâcher un onglet de raccourci sur un allié pour une compétence de soin ne sera finalement pas de trop en complément de vos potions.

Bref, c’est encore une fois un jeu d’action et ça se ressent sur bien des autres points comme une gestion très limitée des alliés autant dans leur équipement que leur minuscule arbre de compétences (alors que le votre est énorme). Comme si le jeu voulait aller à l’essentiel, ce qu’on ne lui reprochera pas pour le coup car il n’est jamais aussi sympa que lorsqu’il délaisse le blabla pour nous laisser explorer tranquillement en déboîtant tout ce qui bouge, en résolvant des énigmes pas loin du niveau de Dora et en lootant tout ce qui bouge. Car pour une fois, on ne se perd pas trop dans l’inventaire. Il y a moins d’équipement et l’obtention d’un doublon fait augmenter d’un rang l’original (bien plus satisfaisant), et toute la daube ramassée sur le chemin ne sert qu’à la revente en prenant en compte que plus on vend dans une faction, plus on est copain avec eux et plus les objets proposés seront sympas. C’est tout bête, mais ça fonctionne.
Reste que ces moments où on joue sans réfléchir et sans voir passer les heures ne cachent pas éternellement que
Dragon Age : The Veilguard est un épisode dont l’orientation est difficile à juger. Le mélange fonctionne, mais pris point par point, il ne donne jamais satisfaction aux fans d’un genre ou l’autre. Ni à ceux du RPG qui se retrouvent contraint d’oublier tout système d’orientation psychologique ou même les vraies notions de choix et conséquences (en plus de la gestion), ni ceux du jeu d’action qui retrouveront à redire devant une exploration bien présente mais néanmoins limitée, en plus d’un bestiaire clairement radin pour ce genre d’univers. Il y aura néanmoins de quoi faire pour la durée de vie et encore plus le 100 %, mais sans échapper à une soudaine envie d’empressement au-delà de la moitié pour pouvoir passer à autre chose.