Pour beaucoup de trentenaires dont je fais partie,
Secret of Mana est une œuvre de nostalgie, de celle dont il suffit d’écouter le thème d’ouverture ou celui des boss pour nous renvoyer plus de deux décennies en arrière, en pyjama devant une minuscule télé cathodique à vivre son premier action-RPG sans tout comprendre et peut-être même sans le finir. Un pilier de l’époque Snes dont la seule suite intéressante (
Seiken Densetsu 3 donc) n’eut jamais l’occasion d’aller au-delà du Japon à cause d’un mauvais timing : les temps de localisation étant ce qu’ils étaient à l’époque, l’heure n’était plus à penser à la Snes mais aux nouvelles consoles du moment.
Quelques 25 ans plus tard,
Square Enix tente toujours de réinstaller sa franchise après des spin-off peu brillants et outre une compilation Switch encore bloquée sur l’archipel, voici donc le remake du fameux
Seiken 2 qui dans la forme a droit au tapis rouge : version boîte (sur PS4) et nouvelle traduction pour oublier le temps où les ennemis se faisaient « rosser ». Et voilà qu’on nous ajoute même des musiques réorchestrées de bonne qualité (mais les anciens pourront toujours choisir les anciennes), un doublage intégral disponible en japonais comme en anglais, et une option pour augmenter la taille de l’inventaire afin de ne pas se contenter de quatre bonbons ou noix en stock. Mais ensuite ?

Hé bé ensuite pas grand-chose en fait. Car on a entre les mains l’un des nouveaux représentants du « remake fainéant ». La déception fut cruelle à l’annonce et difficile de changer d’avis maintenant qu’il est disponible tant on ne peut pardonner ce rendu smartphone pour un éditeur qui a une époque fut l’un des maîtres dans l’art de la 2D et de la maîtrise du hardware. Ça tourne en 60FPS, heureusement, mais voir un tel résultat sur une PS4 Pro et une télé dernier cri, c’est comme voir un mec se vanter de son PC qui lui a coûté un PEL avec trois écran 4K et deux Titan X dans la besace, tout ça pour te lancer
Minecraft. On n’essaye même plus de dire qu’on aurait pu faire mieux, mais on se demande juste comment il aurait été possible de faire moins, le titre allant même jusqu’à oublier de faire remuer les lèvres durant les séquences de dialogues. Même
Bravely Default sur 3DS proposait pourtant cette « option » visiblement trop chère à concevoir pour ce remake.
Mais comme on l’a dit avec
Dynasty Warriors 9, en matière de rendu, on s’habitue à tout dès qu’on accroche, mais l’ennui est que Secret of Mana a également des problèmes de fond. Car non content de faire le minimum syndical sur les graphismes,
Square Enix a été jusqu’à ne RIEN faire sur l’ergonomie. Les menus notamment n’était déjà pas un modèle d’ingéniosité il y a 25 ans, et sachez donc qu’on nous les refourgue sans modification, avec ces roulettes du diable où il faut sans cesse passer de l’une à l’autre tout au long de l’aventure car la progression demande un besoin constant de changer d’arme et de magie, aussi bien pour s’adapter à la situation que pour leveler, et dans certains passages, vous passerez parfois autant de temps à jouer que dans ces foutus menus.

Le moindre game-designer en début de carrière aurait pu comprendre que la solution idéale tenait des raccourcis. Mais visiblement, ça coûte là encore beaucoup trop cher pour un produit dont on a cherché la rentabilité avant la qualité, puisqu’on se contente de seulement deux touches de raccourcis (L1 & R1), dont une qui sera évidemment prise de suite pour le soin et l’autre pour une magie au choix parmi la tonne proposée. Inutile de penser à y mettre une arme de secours, comme la hache pour déblayer temporairement certaines zones, puisqu’il faudra du coup revenir ensuite au menu pour remettre ensuite votre favorite (comme l’épée). Usant, et surtout navrant quand on sait qu’il y a du coup six (oui, six bordel !) touches de notre Dual Shock 4 qui sont parfaitement inexploitées alors qu’elles auraient pu drastiquement amoindrir la lourdeur de tout cela : les touches haut/bas de la croix directionnelle, L2, R2 et les faces gauche et droite du pavé tactile.
Ah et puisqu’on est dans les « défauts pardonnables en 1994 en forcément moins aujourd’hui », comment ne pas parler des alliés ? C’est d’ailleurs assez ironique car dès qu’on parle de gros soucis de pathfinding dans un jeu, on ne peut s’empêcher de se remémorer ces moments de rage dans
Secret of Mana. Le symbole. Et plus de 20 ans après, devinez quoi :
Square Enix n’a absolument rien voulu corriger… et c’est même encore pire qu’avant ! Il y a deux raisons à cela : l’apparition d’un nouveau bug, et la correction d’un glitch. On s’explique. Dans le premier cas, sachez que comme beaucoup de jeux du genre, le retour dans une zone fait réapparaître les ennemis de manière constante et précise : il y aura toujours un ennemi à x emplacement, deux ennemis dans ce carré, un autre là, etc. Sauf que problème, dans cette version, dans un endroit où il devrait par exemple y avoir un streum, allez savoir pourquoi, de temps en temps, il n’y est pas.

Mais ce n’est pas à cause d’un nouvel algorithme, c’est juste un bug et le gros soucis, c’est que vos alliés IA s’en contrefoutent : ils vont attaquer indéfiniment dans le vide comme des glandus car pour eux, il y a un ennemi, point. Il faut donc pour régler cela s’éloigner un peu et revenir pour que, pouf, l’ennemi manquant réapparaisse comme par magie. L’autre problème, c’est donc le pathfinding. Le jeu était déjà connu pour voir ses alliés se coincer sans cesse dans le décors, mais il existait une solution : s’éloigner suffisamment afin que le programme lance une bête astuce pour les faire réapparaître à vos cotés. Sauf que, damnation,
Square Enix a corrigé cette astuce ! Du coup, dans des endroits comme les Bois Hantés (les fans se souviennent), c’est la catastrophe à pester parce que vos alliés se font dégommer à coups de flèches, cherchant le moyen de contourner trois pauvres feuilles, nous obligeant à revenir en arrière ou les incarner directement pour les faire revenir dans le bon chemin. Souvent trop tard, et engendrant un aller-retour à l’auberge pour ne pas user vos coupes de résurrection.
Le miracle existe heureusement, et il s’appelle le mode coopération. Inaccessible en début de partie mais néanmoins très rapidement (une heure pour avoir le deuxième perso, et trente minutes de plus pour le troisième), ce mode exclusivement local change toute la donne et nous renvoi enfin à la pleine satisfaction et à un minimum de stratégie. Terminé le pathfinding tout pourri, terminé les alliés qui se font bolosser au moindre ennemi tout puissant, terminé l’IA qui donne un pauvre coup sur un ennemi une seconde avant que vous ne lanciez votre attaque concentrée de level 4 (du coup dans le vide) : tout va mieux et on apprécie à nouveau cette aventure d’une autre époque, pouvant certes être considérée comme simpliste aujourd’hui, mais ayant encore son charme et surtout un bon rythme entre exploration, donjons, level-up et tout un tas de boss (à la difficulté amoindrie, preuve de la façon où j’ai démonté la tronche de Tigror sans problème). Bon, on se demandera tout de même pourquoi les deux uniques options de raccourci disparaissent dès qu’on active le coop, mais nous ne sommes plus à une aberration près.
NOTE :
Ah, j’oubliais quelque chose : en attendant des patchs, le titre arrive à être touché par des bugs qu’on n’aurait pas pensé voir dans ce genre de production. Beaucoup de joueurs sur PS4 standards ont rapporté des freezes (un seul de notre coté, sur Pro) et parfois un personnage qui disparaît soudainement de l’équipe, obligeant à éteindre et relancer le jeu, voir dormir à l’auberge (vachement pratique quand on est dans un donjon). J’ai vécu cette fâcheuse expérience par trois fois.