Conditions de test : effectué sur PlayStation 5, zieuté également chez un proche qui le faisait sur Series X (aucune différence d’ailleurs), en prenant bien mon temps car ce genre de produit ne tombe pas tous les jours.
Baldur’s Gate III était encore un fantasme il y a une décennie, une utopie même pourrait-on dire quand on sait que les deux studios à l’origine de la franchise culte du C-RPG sont aujourd’hui soit entre les mains d’
Electronic Arts (dans le cas de
Bioware), soit au cœur des
Xbox Game Studios (dans celui de
Obsidian). Et très occupés sur tant d’autres choses dans les deux cas. La résurrection de
Baldur’s Gate par le biais de deux « Enhanced Edition » aurait pu ouvrir les portes du bonheur à
Beamdog mais les épaules n’étaient probablement pas assez larges contrairement à celles de
Larian Studios. Et encore.
Divinity Original Sin I & II avaient beau être des perles de qualité, on ne peut pas dire que la reconnaissance commerciale fut à la hauteur des travaux acharnés du studio belge qui n’avait finalement besoin que d’une dernière chose pour attirer les plus belles lumières : la bonne licence.
L’approbation par
Wizards of the Coast ne s’est pas non plus faite en un claquement de doigts car le simple reskin d’un
Divinity Original Sin III n’aurait fait qu’attirer les foudres des quarantenaires refusant l’éventuelle corruption de l’intouchable. Les bases de
Larian sont pourtant bien présentes, mais affinées comme jamais et saupoudrées des différentes règles de la cinquième édition D&D dont les écrits ne doivent pas freiner les nouveaux-venus. Car au-delà de sa profondeur indéniable,
Baldur’s Gate III se veut également être bien plus accessible qu’on ne le croit, jusqu’à son univers pourtant déjà établi depuis bien longtemps avec ses races, ses peuples, ses religions, ses mythes… Mais débuter la licence ou même le lore D&D (assez brutal) avec ce jeu n’a rien d’impossible. Quelques dialogues vous permettront de comprendre sans mal l’essentiel point par point et au pire, vous louperez quelques références ou clin d’œil.
Le scénario, ou disons au moins le fil rouge, est d’ailleurs suffisamment clair et prenant pour chacun : quelque part dans les Royaumes Oubliés, la (très) relative tranquillité est soudainement troublée par une impressionnante attaque de Flagelleurs Mentaux (vaisseaux inclus), une race des profondeurs qui va donc capturer plusieurs innocents pour augmenter leurs rangs. En effet, les Flagelleurs Mentaux se reproduisent de façon peu commune, précisément en plaçant une larve dans l’orbite d’un malheureux pour ensuite aller se loger dans le cerveau et très vite transformer l’hôte en un autre Flagelleur Mental. Simple. Vous êtes une des victimes en question et votre destin semblait tout tracé si le vaisseau des Flagelleurs Mentaux n’était lui même pas attaqué par ses propres ennemis, vous permettant de sortir de votre cuve sans que rien n’empêche ensuite le crash du vaisseau et votre mort… mais en fait non. Car pour des raisons au départ obscures, vous et d’autres « hôtes » avaient survécu à l’impossible et la mutation de la larve semble qui plus est à l’arrêt. Mais pour combien de temps ? Reste donc à partir en quête de réponses, et surtout d’un moyen de retirer ce foutu corps étranger avant qu’il ne soit trop tard.

Mais avant de commencer cette introduction dans le vaisseau ou même ensuite fouler la plage comme on le faisait avec
Divinity Original Sin (ou
Risen, décidément un classique dans le genre donc), il faudra prendre plus ou moins une heure de votre temps pour vous atteler à l’un des fondamentaux premiers du C-RPG : la création de votre avatar. Complet de bout en bout au niveau du design, l’éditeur vous proposera également le choix de la race qui aura sa petite incidence dans l’aventure car bien entendu et comme dans notre monde bien à nous, le racisme existe sans jamais tomber dans l’abus, mais avec néanmoins des difficultés ou facilités à convaincre tel ou tel PNJ en fonction de notre gueule. C’est ainsi. Vient ensuite le moment de la classe et de tout ce qui est associé où il faudra directement savoir où l’on met les pieds dans le besoin de lire impérativement chacune des possibilités offertes en compétences actives ou passives, rien qu’en mode de difficulté standard. Dans le pire des cas, le mode Explorateur se montre beaucoup plus laxiste, sans non plus se traverser sans encombre.
La liberté de création est telle qu’en fait,
Larian nous offre plusieurs choix centraux dans l’éditeur. Soit vous faîtes comme dans bien d’autres jeux, c’est à dire créer votre avatar de A à Z en lui octroyant un rapide passif (vous écrirez ensuite votre destin), soit vous pouvez choisir un personnage totalement préconçu sur tous les points (design, race, classe, histoire…). Il y en a 6 en tout et ce qu’il faut savoir, c’est qu’ils seront tous présents quoi qu’il arrive in-game, à recruter naturellement durant votre aventure. En gros, soit vous choisissez d’en incarner directement un, soit vous en créez un mais pourrez tout de même ajouter à votre équipe les 6 concernés au fil du jeu. Mais reste un ultime choix surprise, le dit « Sombre Pulsion ». Il s’agit également d’un personnage préconçu avec sa propre « histoire » (amnésique du moins au départ, mais sujet à des envies meurtrières parfois incontrôlables) mais est exclusif au joueur. Si vous ne le choisissez pas, vous ne pourrez pas non plus le rencontrer plus tard.
Baldur’s Gate III permet de partir à l’aventure avec 3 compagnons, les autres restant dans une sorte de « camp » immatériel dans le monde mais qui peut-être visité quand on le souhaite (et il s’y passe bien des choses mais chut, pas de spoil), intégrant un coffre au contenu illimité d’une utilité folle, surtout qu’il est possible d’y envoyer nos objets depuis n’importe où. Bref, 3 compagnons seulement donc, et croyez bien que ça en est presque rageant de faire des choix vu l’exemplarité, ou plutôt même la véritable leçon que vient de faire
Larian à la concurrence en matière de travail de fond sur la personnalité des personnages principaux. On peut en adorer certains ou en détester d’autres mais tous sont mieux écrits que la moyenne très haute du genre, tous ayant leurs petits secrets, leur passé et tout simplement leurs objectifs, au point que s’ils devaient interférer avec le votre, chacun n’hésitera pas à vous le faire savoir et ira même jusqu’à abandonner le groupe à jamais.
De Ombrecoeur et son joli minois à Wyll le pseudo-héros en passant par Karlach la guerrière sous épée de Damoclès et surtout l’inoubliable Astarion, tous seront susceptibles de marquer votre aventure, tous auront leur mot à dire sur la situation mais ce qu’il y a de plus incroyable, c’est que tous sont pourtant totalement facultatif pour arriver à vos fins. C’est là tout le génie de
Larian qui a fait l’exploit d’offrir une narration totalement cohérente s’adaptant sans problème à la composition de votre groupe (hormis dans de très rares cas pour la quête propre à chacun) et si l’envie vous en prend, vous pourrez terminer le jeu avec les 3 mêmes compagnons… voire aucun. Tout est possible, tout s’adapte même si l’un meurt et que vous préférez dépouiller son cadavre plutôt que de le voir revenir, et en cas de problème d’urgence devant des combats un chouia trop compliqué en solo, rien ne vous empêchera d’aller quémander l’aide de « mercenaires » mais là encore, difficile d’en dire davantage sans vous gâcher la surprise. De la même façon, on se contentera de dire qu’il y a 4 autres compagnons bonus à recruter au fil des 3 actes.
Car dans
Baldur’s Gate III, les surprises sont nombreuses et tout le game-design est fait pour récompenser l’exploration et le fait de prendre son temps à parler à chacun. La liberté d’action n’est pas uniquement là pour nous laisser progresser dans telle ou telle quête comme bon nous semble, elle est aussi constamment présente dans chaque situation qui se présente face à vous. Il n’y a jamais de vrais problèmes, que des solutions, et comme dans
Divinity Original Sin, on se surprend en discutant avec d’autres joueurs à dire non pas
« Ah ? Tu as fait comme ça toi ? » mais plutôt carrément
« Attends quoi ?? C’était possible de faire comme ça ??? ». Face à un énorme repaire de potentiels ennemis, agissez comme bon vous semble, en tentant la persuasion pour passer entre les mailles du filet et vous occuper directement des chefs. Ou pourquoi pas faire appel à des trolls géants qui viendront vous prêter main-forte contre monnaie trébuchante ? Ou pourquoi pas empoisonner la binasse pour envoyer dans l’autre monde la moitié des troupes ?… Ou alors rien ne vous empêche de finalement prêter alliance avec ceux qui vous font face pour vous retourner face aux innocents ? Qui vous oblige en effet à être un gentil ? Vous pouvez devenir si vous le souhaitez le grand méchant de l’histoire, oui.
Pour le non-habitué au C-RPG,
Baldur’s Gate III peut se montrer difficile à prendre en main devant la tonne d’informations qui se déversent à lui, et encore, certains pourront être surpris après plusieurs heures à découvrir de nouvelles choses qui auraient pu auparavant bien les aider, comme le fait de pouvoir interroger les morts (attention, brûlé dans un torrent de lave, un cadavre du coup dénué de bouche ne pourra s’exprimer), comprendre qu’un sort de silence n’est pas là que pour embêter les mages mais peut aussi créer des dômes pour tuer sans alerter aux alentours, ou se transformer en fumée pour s’introduire dans de minuscules passages. Mais
Larian a tout fait pour qu’un minimum de bonne volonté suffise à saisir l’essentiel, multipliant les icônes d’aide, maintenant la profondeur mais en supprimant des éléments jugés frustrants (les prérequis de caractéristiques pour le multiclassage), proposant un mode de difficulté totalement malléable et surtout la sacro-sainte quick-save que l’on peut activer n’importe quand, même en plein dialogue afin de garantir le succès de votre lancer de dès d’intimidation, de crochetage ou autres.
Tout cela se retrouve en combat sans poser aucun problème à ceux qui ont touché (une fois encore) aux
Divinity Original Sin puisque le système s’est calqué en partie dessus, façon tactical au tour par tout mais avec la profondeur D&D pour une plus grande prise en compte du pourcentage de chance de toucher et de puissance, mais avec les mêmes attentions dans les déplacements néanmoins renforcés dans la profondeur (la touche saut aura une immense importance pour gagner quelques mètres) mais aussi une verticalité plus importante. Pour ce dernier point, cela ne vaut pas que pour les archers mais également les coups de vice : un personnage avec suffisamment de force pourra simplement pousser un ennemi de très haut pour le voir s’éclater au sol. Utile également pour le balancer dans la lave ou le renvoyer aussi sec dans un sort de zone style brouillard empoissonné dont il venait de se dépêtrer comme un malheureux.
Chaque soirée passée en compagne de
Baldur’s Gate III sera source de découvertes et de surprises, laissant le joueur constater à chaque fois que rien n’est jamais fait au hasard jusque dans le rythme (il n’y a jamais trop de combats ou pas assez), et que la concurrence aura fort à faire pour tenter de rivaliser dans le domaine des choix/conséquences où ici, des faits accomplis pourront avoir des répercussions inattendues seulement 50 heures plus tard. Il est de fait impossible de tout voir le temps d’une partie, rien que par des différences drastiques dans les choix effectués, mais aussi car il est bien simple même en fouinant de passer à coté d’une aide bienvenue à la progression. Car ici on récompense l’exploration et ceux qui n’ont pas peur de bouffer des centaines de lignes de dialogues parfaitement écrites, parfaitement doublées (mais uniquement en VO) et où chaque échange se veut être un travail de mise en scène dans les animations quand certains de la concurrence en est encore aux persos avec un balai dans le fondement. Clairement, on va s’en souvenir de celui-là.