Conditions de test : effectué sur Xbox Series X à partir d’un code review fourni avec un peu d’avance sur le lancement, et en prenant mon temps pour bien apprécier les choses (mode de difficulté Normal).
La patience fait partie des conditions impératives dans la vie d’un joueur, et l’on ne parle ici pas de mois mais bien d’années. L’annonce de
Metaphor ReFantazio, que l’on nommait un temps
« Project ReFantasy », ça remonte à 2016 et les plus pessimistes s’attendaient déjà à le prendre en main en toute fin de génération PlayStation 4. Allez, du cross-gen dans le pire des cas. Rigolo à dire car le titre est finalement bien disponible sur l’ancienne génération comme l’actuelle, mais fallait quand même passer à l’époque pour un sacré tire-la-gueule pour oser parier qu’on y jouerait sur une « Next Gen » déjà en deuxième moitié de cycle, à croire désormais que si
Atlus a l’intention demain d’annoncer un quelconque
« Project », la côte d’un lancement sur PlayStation 7 ne sera pas si élevée que ça. Mais bon au final, quand la qualité est là, les reproches s’atténuent et voyons donc ce que vaut cette nouvelle licence au nom particulier, en brisant de suite un suspense sur l’originalité : la principale raison pour laquelle ça ne s’appelle pas
Persona, c’est parce qu’il n’y a pas de persona.

Exit donc les murs monotones du bahut pour s’aventurer vers le grand monde de la fantaisie, où tout le bonheur de ce grand voyage va débuter par un assassinat. Normal. Allez, contexte : nous sommes dans le Royaume d’Euchronie et comme tout royaume qui se respecte un minimum, la succession pour le trône passe par les liens du sang, c’est du moins ce qu’aurait souhaité le roi Hythlosaeus si son fils n’avait pas été assassiné, coupant soudainement court à la survie de la dynastie actuelle. Mais le mystérieux assassin ne s’arrête pas en si bon chemin, et va 10 ans plus tard s’assurer de l’absence d’un retournement de situation en butant également le vieux roi pendant son sommeil. Le drame de trop qui pousse une sorte de clan (fidèle à la famille royale) à mettre ses plans en marche : celui d’assassiner le prétendu coupable pour sauver le prince d’une malédiction (en fait toujours en vie, mais dans le coma) et vous êtes celui qui va porter le message du passage à l’action, accompagné tel Gust de sa petite fée.
Tout cela, et bien d’autres choses encore mais on va éviter de tartiner, représente une sorte d’introduction de plusieurs heures avant que le vrai fil rouge ne se mette en place, celui largement évoqué durant la communication. Grâce à une magie ancienne, le roi (il est bien mort lui) va lancer ce qui pour le coup peut vraiment être considéré comme un « jeu du trône », précisément une sorte de concours de popularité : n’importe qui peut devenir le nouveau roi, mais cela demandera d’être le plus populaire des candidats et donc ne pas se contenter de l’approbation des puissants. La majorité des peuples devront être acquis à votre cause, car oui, pour certaines circonstances, vous allez directement participer à ces élections face aux principales têtes du pays, et tant pis si vous êtes le représentant d’une race pas vraiment appréciée. Et en passant, pas d’entourloupe : tous les prétendants sont protégés par une magie, empêchant un rival de pouvoir les tuer en douce.

Ce serait un euphémisme de dire que le racisme est « présent » dans l’univers de
Metaphor ReFantazio, et c’est même un retour moral à des heures bien sombres, avec des peuples clairement dominants, quand d’autres sont relégués dans les tréfonds de la société et dont mêmes les enfants peuvent crever sur le trottoir sans ne rien provoquer autre que de la totale indifférence pendant que les rares se battant pour grimper quelques échelons seront constamment renvoyés à leurs origines. Un vrai miroir de notre société, sans jamais en faire trop tant les choses sont convenablement amenées, et on apprécie notamment l’ironie dans la discrimination envers les Eldas (dont fait partie le protagoniste) : c’est la race qui subit le plus de rejet alors que physiquement, de notre point de vue, elle est la plus « standard » quand d’autres ont des cornes ou de grandes oreilles pointues sans que ça ne choque personne. Comme une façon de dire que la normalité est très relative en fonction du contexte et de celui qui en dresse les règles.
Les habitués de P
ersona seront en terrain conquis pour ce qui est de la narration toujours très bien mise en avant et jonchées de personnages ayant des pavés de choses à raconter, bien que l’on notera des tunnels narratifs présents mais moins nombreux. Il y en a, mais de mémoire,
Persona 5 avait davantage pour habitude de nous faire enchaîner des dialogues en surnombre pendant de longues minutes. C’est donc bavard mais indéniablement plus équilibré, et l’on saluera également un peu plus de générosité dans les séquences animées même si finalement moins nombreuses que ce que l’on pouvait espérer durant les premières heures. Ceux qui préfèrent être constamment dans le vif du sujet continueront de ne pas trop s’y retrouver dans la formule (là où
Shin Megami Tensei fait l’inverse) mais pour les fans, la qualité est au rendez-vous et la transition vers la fantaisie est parfaitement exécutée.

En restant dans le sujet du rapprochement avec Persona, si on appuie autant la comparaison, c’est bien parce que le jeu a davantage des allures d’un ambitieux spin-off que d’une licence à part entière. Une qualité comme un défaut selon le point de vue. Déjà, et ceux qui ont fait la démo sont au courant, la structure du jeu est sensiblement la même avec une sorte de chapitrage qui ne dit pas son nom, nous laissant à chaque fois x nombre de jours pour terminer un donjon et buter le boss qui va avec. On peut s’y attarder de suite mais le challenge était déjà présent dès le mode de difficulté standard et forcément au-delà, des préparatifs sont nécessaires sans pour autant en faire trop : si le temps est bien arrêté lors de l’exploration d’un donjon, en sortir fera perdre une journée et on est parfois pris à la gorge pour s’y résoudre (être en rade de MP et de potions qui vont avec).
Et pour les annexes (bien large mot), là encore on garde globalement nos habitudes avec deux activités par jour (une seule si ça implique l’exploration d’un donjon ou d’une zone annexe), les activités se traduisant par d’évidentes quêtes annexes avec un peu de narration, du blabla avec des PNJ pour augmenter nos statistiques sociales (elles mêmes pouvant ouvrir la voie à de nouvelles quêtes), de classiques primes pour de la chasse aux monstres, et des échanges avec nos compagnons dans l’équipe ou en dehors pour augmenter leurs rangs (et chacun a bien entendu sa propre histoire à découvrir). On est en terrain connu, ça fonctionne toujours aussi bien même si l’on rage de devoir faire constamment des choix tant bien des récompenses peuvent vous changer la vie, mais comme pour « l’autre licence » pour éviter de trop la citer, tout le monde n’adhérera pas à ce principe de calendrier, surtout quand ce style impose des temps morts dans le scénario. Notons également que par le principe de voyage, aller dans de nouveaux endroits coûtent parfois des « jours », mais une astuce scénaristique permet la téléportation instantanée dans les recoins déjà explorés.

Et jusqu’au système de combat,
Atlus fait du
Atlus même si c’est surtout sur la forme qu’on verra des ressemblances évidentes avec le CV du studio, notamment le principe de faiblesses à exploiter obligatoirement et un challenge assez relevé pour le non-habitué pensant que le mode « normal » sera vraiment « normal » (certains boss, ils sont pas « normaux » du tout...). Déjà, exit les attaques « All Out » ou équivalentes vu que l’exploitation de la faiblesse d’un ennemi n’aura pas pour effet de le stun. A la place, viser une faiblesse va vous octroyer un tour de jeu supplémentaire et il sera donc possible d’attaquer 8 fois pour peu que vous ayez vraiment du bol dans vos compétences en stock (attention, l’ennemi peut faire la même chose). En fait, tout le système de
Metaphor ReFantazio va fonctionner sur ce principe de tour et de positionnement (que l’on peut permuter quand on souhaite) avec par exemple le choix de passer le tour d’un perso pour ne perdre qu’un demi-tour (un demi-tour vous permet d’attaquer normalement, mais vous ne gagnerez rien en visant une faiblesse) ou les attaques doublées en fonction des affiliations entre vos combattants, qui bien entendu usent deux socles d’un coup.
L’autre grande différence avec
Persona et
SMT, c’est les fameuses phases en temps réel. Les ennemis sont visibles pendant l’exploration et les attaquer peut soit les buter directement (s’ils sont plus faibles que vous, et ça permet de farm très rapidement avec la motivation soudaine de relancer un donjon depuis le début plutôt qu’à la moitié), soit lancer le combat classique mais avec un gros avantage : tous les ennemis sont stun et avec un tiers de vie en moins. « Easy » mais c’est là que va reposer tout l’équilibre de la difficulté du jeu où bien des combats prennent des allures de semi-puzzle. Avec la bonne faille, vous parviendrez à détruire une grappe d’ennemis déjà stun en un seul tour (ce qui d’ailleurs vous offre un bonus de récompense) mais si vous merdez d’une façon ou d’une autre contre le même groupe d’ennemis, soit parce que vous n’avez pas les bonnes compétences, soit par la faute à pas de bol (une attaque loupée par manque de précisions, annulant tout votre tour), c’est vous exposer à une contre-attaque qui peut décalquer la tronche de votre équipe en un claquement de doigts. Et je ne vais même pas évoquer certaines conséquences si un ennemi balaise pendant l’exploration vous touche en premier...

La bonne nouvelle avec un tel système, c’est que le farm est assez surfait. On en fait généralement juste sur le chemin comme décrit plus haut, notamment pour augmenter les stats de nos jobs (guerrier, mage, marchand, chevalier...), grands remplaçants du système de persona fonctionnant plus ou moins de la même manière à ceci près que les jobs s’obtiennent au fil du temps avec le scénario ou dans des annexes, qu’il n’y a pas de fusion mais que certains jobs avancés réclameront d’en avoir maxé plusieurs. La plupart ont de l’intérêt (bon le marchand, vite fait quoi…) et tout le principe sera évidemment de trouver les bonnes combinaisons, dont le build s’affinera par la possibilité de récupérer certaines compétences de jobs déjà utilisées (mais vraiment pas beaucoup) en plus d’accessoires octroyant par exemple une magie de plus. Le jeu invite d’ailleurs aux changements car une fois un job maxé, on n’a pas forcément accès à l’une des classes supérieures à cause de notre avancée dans le scénario, poussant à tenter une autre voie, ou tout simplement rester dans la même sans trop de perte : une fois au level max, le gain de « points de job » se transforme en objets (offrant de l’xp pour augmenter plus vite un autre job).
Bien entendu, pour éviter de froisser le curieux débarquant naïvement, des modes Facile/Très Facile sont disponibles mais même au-delà de ça, le défi n’a absolument rien d’insurmontable et réclame juste de savoir prendre son temps sans jamais hésiter à débourser un peu de pognon au « vendeur d’infos » (comme un insider local) pour repartir avec quelques astuces. On irait même jusqu’à dire qu’il y a un soupçon d’accessibilité dans cette nouvelle licence qui multiplie les auto-save même en plein donjon (ça évite de perdre bêtement 1h30 de jeu comme sur
SMTV Vengeance, expérience perso…) et même en plein combat, quand vous sentez que ça commence à puer sévère, un simple clic vous ramène en début d’affrontements… en connaissant du coup déjà les faiblesses du boss. On pourrait même rajouter le coup de la résurrection auto après chaque combat, ou le fait de ne pas se prendre un Game Over dans la tronche dès que le héros s’écroule au sol. Pas trop d’excuse donc, hormis votre temps libre : 83h de mon côté, sans le 100 % et encore moins le NG+.