Il devait être l’un des événements majeurs de cette fin d’année et à l’heure où j’écris ces lignes, il le fut : avec plus de six millions d’unités vendues en période de lancement, peu de licences dans l’industrie et pas même chez
Nintendo peuvent lutter face à nouveau cru du pilier de
Game Freak, maintenant un rythme d’une perturbante indécence quasiment 24 ans après ses débuts. Dire que
Epée & Bouclier était attendu tient de l’euphémisme et il aura suffit d’apprendre il y a trois ans que la Switch était une hybride pour que quelques millions de regards guettent l’arrivée de la nouvelle génération, grignotant en entrée un sympathique
Let’s Go dont certains n’assument pas la qualité, avant l’heure de la présentation, celle de tous les espoirs.
Puis ce fut la douche froide. Car on ne peut parler de
Epée & Bouclier sans en évoquer la forme, et c’est moche. Que dire d’autres que c’est moche, sauf si l’on prend en compte les moments où c’est passable (quelques intérieurs sympas), mais dans tous les cas, c’est indigne des capacités de la machine, avec des allures de jeu PS2 sur lequel on a apposé divers effets et shaders pour montrer que ça a un peu bossé chez
Game Freak, sans vraiment tromper personne. Certains diront mignon, je dirais personnellement fainéant. Car plus encore que la pauvreté de l’ensemble sans parler des modèles repiquées d’anciennes versions pour aller plus vite, le jeu est toujours bloqué dans les abysses de la technique, incapable d’offrir le moindre élément d’ambiance et de mise en scène au point de se rendre compte que sorti du rendu pour ce qu’il vaut, pas grand-chose n’a vraiment changé depuis la GameBoy.
Car il y a ces villes en apparence gigantesque (on sent que les designers ont voulu se faire plaisir) mais qu’on ne peut visiter que par deux ou trois ruelles et où un paquet de maisons sont des portes closes, des PNJ figés pour l’éternité n’ayant pas grand-chose à dire, des vendeurs immobiles comme des piquets, et tout simplement du rien dans ce monde où personne ne semble travailler et où 90 % de la population a le cul assis dans les arènes en attendant que leur champion se fasse démonter pour la 35ème fois. Il faudra d’ailleurs expliquer un jour comment fonctionne ce système de grade quand n’importe quel prétendu boss du game se fait bolosser par le moindre apprenti qui passe dans le coin… Donc que ce soit un simili Japon, les îles d’Alola et désormais une Angleterre inversée, le constat est éternellement le même : c’est un univers pour les enfants, plus petits que grands, ne cherchant jamais à apporter une vraie profondeur sur le background, et preuve que la licence cherche avant tout un renouvellement constant chez le jeune public plutôt que d’accompagner ceux qui ont grandi avec. Même si beaucoup restent.

C’est donc dans ce monde que l’on va créer notre héros, garçon ou fille comme depuis longtemps, avec un éditeur toujours très basique et ainsi démarrer l’aventure dans notre petite bourgade où l’on va très vite faire la connaissance de « Nabil », le nouveau rival aussi souriant et vide de personnalité que le reste de l’île, ayant encore moins de présence d’esprit que Blue et un paquet d’autres puisque lui à l’étrange idée de sélectionner le starter contre qui vous avec l’ascendant. Et nous voilà reparti à l’aventure avec huit badges à récupérer pour pouvoir affronter Tarak, le grand maître de Galar et accessoirement frère de Nabil, tout en essayant de résoudre le mystère sur cette étrange bestiole qui vous est apparue au coeur de bois embrumés. La routine pour celui qui a déjà épongé deux-trois générations de la série… mais il faut avouer qu’il y a toujours un truc qui permet à la machine de fonctionner.
Car les heures passent, et on se surprend à être toujours dedans. Peut-être parce que le rythme est meilleur, délaissant le surplus de blabla inutile pour nous laisser avant tout jouer et explorer, n’étant interrompu en route soit par Nabil, soit par une Team Rocket du pauvre, soit par Travis, un autre rival très condescendant alors qu’il a des cheveux en crème chantilly et une sacoche au milieu du dos (ce qui n’est pas pratique, il faut le reconnaître). Ça file vite, ça augmente vite en puissance (merci le MultiXp malgré les râleurs), ça reste assez facile mais moins que Let’s Go car on n’a pas de Pikachu cheaté, et on se plaît à découvrir la région et les nouvelles créatures de cette génération dont certains sortent vraiment du lot, avec des mentions évidentes pour le magnifique Corvaillus, la trouvaille Charbi et le Palarticho divin. On a toujours de vraies erreurs de casting comme l’autre tasse de thé ou le Miaouss forme Galar (immonde) mais de manière globale, s’il faudra attendre pour savoir si certains restent en mémoire, on notera tout de même un retour à l’envie de proposer une bonne partie de choses qui ressemblent vraiment à des animaux, ce qui n’a pas toujours été le cas dans cette série.

Donc j’ai accroché, et sans honte de le dire, avouant avoir même trouvé une certaine forme d’intérêt au système Dynamax, d’une certaine façon justifiée scénaristiquement et mettant donc en scène des combats de créatures géantes quand elles ne changent pas carrément de forme (on parle auquel cas de Gigamax). Ça ne révolutionne rien mais c’est moins intrusif que les Méga-Evolutions puisque présent uniquement pendant les combats d’arènes pour servir la mise en scène (pour une fois…) et dans les combats de raid où nous reviendrons après. Tout juste aurait-on voulu pouvoir passer certaines animations pour aller plus vite, et que l’IA évite de s’en servir uniquement au moment où l’on s’y attend le plus, à croire qu’il ne fallait surtout pas oser proposer une hausse du challenge, et ça doit être pour ça que la quasi-totalité des dresseurs rencontrés sur notre route se baladent rarement avec plus de trois pokémons en poche.
Au cœur d’une poignée d’idées peu exploitées mais qui apportent au moins un peu de variété (des petits défis avant les affrontements contre les champions, l’envoi de créatures en mission, quelques rares mini-jeu comme des parcours en vélo…), l’indéniable bonne idée de cet
Épée & Bouclier, et peut-être ce qui va constituer un tournant dans l’avenir de la saga, c’est ses quelques zones ouvertes. C’est encore plus laid graphiquement mais c’est incontestablement là où le jeu va se montrer le plus intéressant et oser des choses, comme des ghosts d’autres joueurs qui vous refileront des objets, la possibilité de faire du camping et d’être rejoint par d’autres pour faire de la cuisine en commun et la faune bien mise en avant et variant en fonction de la météo changeante à défaut d’essayer d’être réaliste : on peut passer des trombes d’eau au plein soleil en 10 mètres.

Les zones ouvertes sont les lieux parfaits pour le farm puisqu’en fonction de la zone, vous aurez ce que l’on appelle dans le jargon des « barrières de level », donc soudainement des créatures de 10 à 20 niveaux au dessus du votre mais face auxquels vous pourrez tout de même tenter un truc à défaut de pouvoir les attraper si vous n’avez pas suffisamment de badges. Le plus notable restera les raids, clairement pompés sur Pokémon Go où vous pourrez coopérer jusqu’à quatre joueurs pour vous défaire d’une grosse bestiole avant de pouvoir l’attraper, ou sinon coopérer avec des bots pas toujours efficace mais pas forcément dommageable du moins pour les bas niveaux. Les raids 5 étoiles sont clairement conçus pour une vraie équipe de joueurs (et pas pour un bot qui nous sort un Magicarpe), mais il va falloir croiser les doigts voir faire appel à des amis pour des sessions dédiées tant le système de recherche est à revoir, donnant l’impression d’être instancié dans des mini-serveurs de 10 joueurs (et si aucun ne raid à ce moment, vous pouvez attendre longtemps de l’aide).
Faire des raids restent en tout cas très motivant vu l’apport en baies, bonbons xp et DT (comme les CT, mais ça se brise après utilisation) et lorsqu’on réunit tout cela, on se met à rêver pour l’avenir de la série qui pourrait aller encore plus loin, et faire tout simplement ce que fait déjà Pokémon Go depuis ses débuts : modifier le spawn de créatures à l’occasion d’event pour en ajouter des non-présentes de base, et renouveler les raids avec d’anciens légendaires pour maintenir la communauté sur la longueur. Car avec environ 450 bestioles qui ont oublié de prendre le train jusqu’à Galar, il y a largement de quoi permettre un superbe suivi, jusqu’au réveil où le producteur a déclaré que rien de tout cela n’était dans les plans. Officiellement du moins mais l’espoir s’est légèrement brisé. Et c’est d’autant plus dommage que cette forme de suivi aurait parfaitement pu accompagner le post-game, qui offre une quête finale puis la Tour des Combats où les nerveux passeront du temps avec tous les autres fondamentaux de la licence : la collection bien sûr, l’analyse des nouveaux moveset et des combinaisons de type, la possibilité d’aller plus en profondeur dans les stats de vos bestioles, les Shiny pour les plus courageux, et bien entendu les combats en ligne dans un mode dédié plus complet qu’à l’accoutumée.