Drôle d’affaire que fut
Ni No Kuni premier du nom. On partait quand même d’un jeu DS finalement pas bien nomade puisqu’il fallait se trimballer un gros livre de sorts, ce qui a occasionné le recul de la communauté et donc des ventes peu mirobolantes sur le territoire japonais. Rien de dramatique au départ puisque
Level-5 avait prévu en annexe une version PS3 assez différente, d’ailleurs sans bouquin. Donc pas d’excuse cette fois et pourtant, les ventes furent encore moins bonnes, et la surprise vint finalement de l’occident qui a permis au projet de dépasser le million de ventes sur la console de
Sony.
Il faut dire qu’à l’époque, on crevait un peu de faim coté J-RPG sur consoles de salon où c’était le tiers monde sorti de
Square Enix, le reste s’abreuvant sur consoles portables. Malheureusement, si les ventes furent au rendez-vous, ce n’était pas totalement le cas sur les retours critiques, la faute à un rythme bien lent (déjà que le genre n’est pas un modèle de nervosité) et un système de combat assez bidon, ce qui reste avant tout mon avis même s’il y en a qui, je le sais, me soutiendront dans ce constat. Un premier épisode qui au final n’a même pas eu droit à un remaster sur la génération actuelle, ce qui n’est pas grave puisque
Ni No Kuni II est à prendre comme une aventure totalement indépendante. C’est vaguement le même univers, mais le lien avec le premier tient d’une légende vieille de quelques siècles. Pas plus mal.
On reste donc dans la même forme avec une patte façon
Ghibli qui n’en a que le nom puisque le seul héritier reste Yoshiyuki Momose, un ancien du studio qui parvient à donner le change tant le style s’en rapproche, des personnages à l’univers qui nous entoure, en mettant de coté la World Map en mode SD qui ne sera pas du goût de tous mais il faut se dire que Level-5 n’avait pas le même budget que pour un FF ou un DQ, le jeu lui-même n’ayant pas la prétention d’atteindre les mêmes ventes. En tout cas, c’est foutrement joli, d’une finesse rare même sur PS4 standard, et avec un frame-rate qui ne bouge que rarement même lorsqu’on déchaîne les enfers durant certains combats.

La cinématique de départ à le mérite de surprendre (on ne spoilera pas ceux qui ont esquivé tous les trailers) même si passé cette étape, on retourne ensuite dans du très classique mais pas du tout inintéressant. On incarne donc Evan, devenu roi trop jeune mais qui a bien l’intention avec son mentor de construire un monde parfait et sans guerre, ce qui va donc le mener aux quatre coins du monde, avec évidemment quelques membres d’importance pour constituer son équipe de six membres au total. La progression de base n’est d’ailleurs pas sans rappeler du
Dragon Quest, preuve que le développeur a gardé quelques marques depuis son chantier
DQVIII, puisque chaque grosse ville est donc l’occasion d’avoir un mini-scénario nous faisant voyager dans les alentours, avant de passer au chapitre suivant.
Si l’on part donc sur des fondamentaux, il va suffire de plus ou moins cinq heures pour que le jeu se transforme… en un produit
Level-5. Vous savez, de ceux qui arrivent, de
Dark Chronicles à
Fantasy Life, à nous faire oublier totalement le fil rouge pour des trucs annexes pendant de très longues heures. Et dans
Ni No Kuni II, le pilier, c’est donc le fameux mode Royaume, ce qui est quand même assez essentiel pour un roi. Pas d’ambition grandiloquente mais tout simplement une zone qui va s’élargir avec le temps, où l’on va mettre ses magasins, forges, boutiques de magie (à des emplacements prévus pour), accompagné de divers chantiers pour du loot de matériaux. En temps réel, et seulement quand la console est allumée, on voit donc nos jauges se remplir d’objets pour le craft et de pièces d’or, à récolter de temps à autre puisqu’il y a un plafond.

Les plus malins, et ceux qui s’en foutent de faire tourner leur console pour rien, laisseront donc le jeu allumer le temps de faire autre chose pour faire exploser leur quota. Bien entendu, le jeu sait placer de nombreuses barrières et chaque « recherche » (pour de nouveaux objets en boutique) réclament du temps. Souvent une heure. Qui plus est, on est scénaristiquement souvent bloqué par l’expansion de notre territoire puisqu’il faut progresser pour pouvoir débusquer de nouveaux habitants (une centaine au total), chaque recrutement faisant l’objet d’une rapide quête fedex, du genre aller buter x bestioles ou ramener un objet depuis une quelconque grotte.
Et croyez-le ou non, on ne sent jamais la moindre lassitude à enchaîner des choses pourtant communes dans le genre. Et ce grâce à une espèce de bonne fée qui est venue se percher au dessus de l’équipe de développement pour sans cesse trouver des astuces afin d’amoindrir la lourdeur. Vous n’avez pas le courage de faire le tour des villes pour acheter des objets ? Pas grave, celui de votre Royaume propose l’essentiel. Il vous en faut des rares et vous manquez de sous ? Pas grave, il existe un certain marchand qui peut vous échanger du bon loot en échange de quelques services. Il faut enchaîner les allers-retours ? Qu’importe, il y a des points de téléportation partout (et des chargements très courts). La marche sur la World Map n’est pas assez rapide ? Vous savez que vous pouvez l’améliorer via un bâtiment spécial de votre Royaume ?

Toutes ces choses permettent au jeu de devenir chronophage et jamais usant, permettant d’enchaîner des heures sans voir le temps passer, entre progression dans le scénario, évolution de notre royaume, recrutement de nouveaux alliés, donjons spéciaux à l’architecture aléatoire répartis sur toute la world map, ennemis maudits bien plus puissants que la moyenne, petits pikmins à trouver et faire évoluer en puissance… Tellement de choses à faire qu’on oublie parfois certaines choses, façon « Ah oui, je devais faire ça aussi », en rajoutant les petites batailles façon STR qui on l’avoue ne sont pas le point fort du jeu, mais qui comme le reste on le mérite de ne pas être chiante à vivre.
Et il faut avouer que tout cela ne serait rien sans un système de combat enfin digne, misant sur l’action-RPG où l’on joue « vraiment » contrairement au premier épisode où le personnage était une sorte de maître Pokémon à donner des ordres en attendant que ça se passe. Ici, c’est vous qui jouez tout simplement. Attaque de base, attaque lourde, esquive, garde, magie, coups spéciaux, possibilité de passer d’un perso à l’autre en un seul clic… Les « pikmins » ont maintenant le rôle que vous aviez avant : celui de simple soutien. Ils attaqueront l’ennemi, vous enverront parfois du soin, et à intervalles réguliers, vous pourrez vous poser à leurs cotés pour lancer une compétence spéciale, que ce soit une zone de rétablissement ou une grosse attaque.

A ce joli tableau, il y a tout de même quelques petites tâches. En mettant de coté le rythme un peu plus lent sur la world map (les combats se font forcément avec transition) et le bestiaire clairement peu varié hors boss, le vrai problème du jeu, et vous devez déjà être au courant si vous avez suivi les différents retours cette semaine, c’est la très grande facilité de l’aventure. Je ne pense pas que Level-5 a voulu faire un jeu pour le grand public, mais plutôt qu’ils n’ont pas trouvé le bon équilibre. Il faut dire qu’entre le mode royaume, l’exploration et les annexes, tout est fait pour vous faciliter la vie, et ce sans avoir besoin de se tourner vers du level-up usant.
Des armes super balaises à forger, des pikmins qui peuvent devenir ultra puissants, du loot à gogo, des recherches dans le royaume pour vous octroyer plus d’orbes de soin ou des boosts d’expérience, de la cuisine pour augmenter temporairement vos stats, divers moyens de nous aider dans les donjons aléatoires… On a même un « régulateur » qui moyennant quelques points peut là encore vous offrir de belles choses sans restriction (on peut revenir en arrière à loisir), du genre augmenter votre force ou vous rendre plus puissant contre tel ou tel type d’ennemi.

Et inversement ? Hé bien il n’y a pas grand-chose pour compenser et ajouter du challenge. Pas de mode difficile notamment, et rarement l’impression de faire face à un véritable défi, excepté au début (quand on n’a encore rien) et vers la fin avec quelques pics. La majorité des situations rencontrées, ce sera des ennemis de votre niveau ou en dessous (donc très facile), des ennemis légèrement au dessus du votre (toujours facile) et, rarement, un des ennemis maudits qui est 15 niveaux au dessus du votre. Et malheureusement, pas question de miser dessus car il y a un tel gap entre différents points de la montée en puissance (notamment par les armes) que vous ne ferez même pas bouger la barre de vie d’un ennemi trop balaise. Du coup, on le laisse de coté, on l’oublie, on y revient plus tard avec l’équipement qu’il faut, et on le démonte en moins d’une minute.
Avec un peu de recul, on se dit que
Level-5 aurait pu trouver quelques astuces. Du genre ne pas mettre de régulateur, enlever des fonctions du mode royaume, ou tout simplement proposer d’autres types de donjons bonus, cette fois avec un équipement requis et sans possibilité d’intégrer des bonus, afin de faire passer notre skill et notre concentration en premier plan. L’autre manière si ça vous intéresse, c’est d’oublier toutes les choses annexes et vous contenter de la quête principale. Mais ce serait mettre de coté la moitié de l’intérêt du jeu. Et vous atteindriez alors les crédits de fin en moins de trente heures.