Après une pause hautement nécessaire,
Ubisoft est revenu à sa franchise fétiche avec
Assassin’s Creed Origins qui avait le mérite de remettre la série sur de bons rails, apportant la volonté de ne plus être seulement de l’action-aventure mais bien un RPG occidental. Ce n’était pas parfait mais de nouvelles bases étaient posées, et alors qu’on pariait il y a encore un an sur un cycle entre
AC et
Watch Dogs, l’éditeur a créé ce qui était au départ une mauvaise surprise en annonçant dans la foulée
Assassin’s Creed Odyssey, soit le retour apparent à l’annualisation qui a failli causer la mort de la licence. On se trompait sur deux points, déjà parce qu’il n’y aura pas de nouvel épisode en 2019, et aussi parce que
Odyssey n’est aucunement pondu à l’arrache puisque débuté en parallèle d’
Origins, cette fois du coté de la team québécoise.
Et là déjà, on pouvait craindre quelque chose puisqu’on parle des développeurs derrière
Assassin’s Creed Syndicate, loin d’être l’épisode le plus apprécié même si personnellement, je ne l’ai aucunement trouvé mauvais. Juste banal. Heureusement et comme vous allez le lire plus bas, l’équipe a acquis une expérience aussi bien dans la licence qu’en observant ce qui se passait dans l’industrie pour essayer d’offrir le meilleur pour ce nouvel épisode. D’ailleurs coté contexte, rappelons donc qu’on parle de la Grèce Antique, donc de la « préquelle de la préquelle » puisque
Odyssey se déroule 400 ans avant
Origins, durant la Guerre de Péloponnèse qui va globalement confronter Athènes à Spartes. Toujours l’occasion de rencontrer quelques figures importantes de l’époque, comme Socrate et Démocrite.
Et à l’instar de
Syndicate justement, ce n’est pas un mais deux héros qui seront représentés par ce nouveau cru même si contrairement à l’épisode de 2015, il ne sera pas possible d’alterner entre l’un et l’autre au fil du scénario : dès le début, il faudra choisir et sans retour possible entre Alexios et Kassandra, deux fortes têtes car tout de même descendants d’un certain Léonidas. Ne vous retournez pas le crâne pour savoir où se situe le meilleur puisque les deux sont réussis en terme de personnalité et que rien ne changera pour le scénario. Car oui, toujours dans cette volonté de « progrès » quitte à foutre au feu l’Histoire, Ubisoft ne voit aucun problème à proposer des femmes de haut rang militairement parlant, et on n’osera pas les froisser en leur rappelant qu’à Athènes, la femme était exclue de toute forme de guerre et n’avait même pas droit au statut de citoyen, et qu’à Spartes, la seule raison de l’entraînement des femmes étaient le besoin d’engendrer des fils vigoureux. Mais passons.
En laissant de coté ce débat, attardons nous plus précisément sur ce que nous offre ce nouvel univers en terme d’écriture, et c’est là qu’on va en ressortir le plus satisfait. Alors bien sûr, le scénario lui-même n’a jamais été le point fort de la série, qui cherche juste à mettre en place des destinées au cœur d’un contexte plutôt qu’un tout travaillé fourni avec des tonnes de rebondissements (il y en a quand même, notez bien). On est dans la continuité avec un « présent » toujours très secondaire et c’est apparemment le Season Pass lui-même qui servira à agrémenter certains points du lore par ses deux extensions (le porteur de la première lame, et la visite de l’Atlantide).
Mais la quête principale reste néanmoins intéressante, ou plutôt « les quêtes » d’ailleurs car miracle, ça y est, on peut enfin dire que
Assassin’s Creed arrive à un niveau convenable dans l’écriture de ses annexes.
Origins avait déjà ouvert la porte avec quelques efforts mais dans
Odyssey, les choses prennent une toute autre ampleur et si l’exécution reste souvent la même que d’habitude, la forme est tout autre, déjà parce que le système de choix dans les dialogues a une importance, pouvant couper court à une quête ou en ouvrir une autre en parallèle. Très bon point également que les objets relatifs aux quêtes n’attendent pas que vous dialoguiez avec le concerné pour popper quelque part sur la map. A bien plus d’une reprise, en se laissant aller à la visite de grottes ou fort, j’ai ramassé des objets de quêtes avant même de les enclencher, poussant d’ailleurs le dialogue à s’adapter : « Ah, votre collier ? Je l’ai justement trouvé. » Hop, xp facile.
Alors bien sûr, il y a aussi une brouette de purs trucs fedex dans la forme la plus classique qui soit, du genre aller dégommer une ou plusieurs cibles. Mais les choses sans grandes importances se remarquent facilement grâce au journal de quêtes. Il y a bien entendu les missions principales établies en plusieurs arcs, et les quêtes « personnages » qui sont comme leurs noms l’indiquent liés à un protagoniste plus important que la moyenne, étant généralement une bonne source de récompense mais beaucoup demandent de bien progresser dans le jeu vu le niveau requis. Ensuite, vous avez les quêtes vraiment secondaires découpées en deux sessions : « Univers » et « Contrats/Primes ». Fondamentalement, ce qui change vraiment entre les deux, c’est que les premières sont plus ou moins scénarisées, tandis que les autres n’impliquent même pas un interlocuteur, pouvant être piochées dans une espèce de tableau avec renouvellement périodique. Du pur grind en somme.

Mais outre le fait de bénéficier généralement d’une narration satisfaisante pour la plupart, l’autre bonne idée, c’est l’arrivée du système de level-scaling. Vous étiez démotivés à l’idée de faire certaines quêtes annexes de
Origins parce qu’elles étaient 10 niveaux en dessous du votre (et donc ne rapportaient rien) ? C’est désormais terminé : hormis les quêtes « personnages » et principales, toutes les missions du haut en bas de la liste seront du même niveau que le votre, permettant à la fois d’avoir une récompense un minimum à la hauteur, mais aussi de ne pas chercher à grinder bêtement pour ensuite éponger une zone en baillant.
D’ailleurs, hormis pour certains territoires clés du jeu, cette notion s’applique également à tous les ennemis rencontrés, exception faite des mercenaires spéciaux dont le concept est repris d’
Origins, mais en très différent : ils agissent en fonction de votre prime car cette fois, le simple fait de voler les habitants en pleine ville (ou de tuer devant tout le monde) augmentera un compteur. Plus vous tuez de mercenaires, plus vous augmentez en prestige et plus vous débloquerez de bonus (prix moindre chez le forgeron par exemple). Il y a juste un coté un peu ennuyeux vu que contrairement à
Origins, les mercenaires ne restent pas en place. Ou en tout cas pas tous. Prime oblige, ceux à votre niveau vont donc constamment traîner dans les zones où vous vous trouvez, causant quelques énervements quand l’un d’entre eux débarquent tranquillement pendant un combat déjà difficile.
Mais du coup, qui dit level-scaling dit intérêt moindre à leveler, ce qui pourrait être vrai mais en fait non. Déjà parce que des arcs scénaristiques et des quêtes de personnages imposeront un niveau fixe généralement bien plus élevé que le moment où vous les obtiendrez, mais également parce qu’il y a quand même un but dans l’augmentation en puissance. Car bien entendu, outre le gain HP & Force automatique, on aura évidemment notre point de compétences à chaque palier et c’est là qu’on ressent cette volonté toujours plus accrue de transformer le jeu en véritable RPG. Des compétences découpées en trois arbres, l’un est basé sur la force brute, le deuxième sur votre arc et le troisième sur la discrétion.
Et ça peut surprendre mais les trois fonctionnent cette fois. La force aura évidemment un intérêt notable face à des boss imposés mais choisir de se consacrer majoritairement dans l’infiltration est tout à fait viable, de même que pour l’arc qui peut bénéficier de compétences vraiment folles pour la série, en rajoutant d’ailleurs qu’on ne nous fait plus chier avec différents types. Autant niveau arme blanche, on est large dans les styles, autant l’arc, c’est juste un type unique, les bonus passant par les flèches à effet. En rajoutant à cela que l’équipement offre maintenant des modifications pour chaque style d’approche, qu’on peut même les graver pour booster certaines stats, qu’il y a des ensembles d’armures aux bonus très intéressants et qu’on a désormais deux roues de raccourcis pour 8 compétences équipées (4 pour l’arc, 4 pour la puissance), on peut définitivement dire que AC n’a jamais été autant un RPG dans son gameplay.

Et tiens, vous avez pu remarquer plus haut à quel point le jeu se montrait plus souple sur certains aspects, mais sachez que même dans le loot, il se montre beaucoup moins lourd. Alors oui, il y a toujours soixante tonnes d’équipement qu’on se trimbale dont 90 % à vendre ou à démonter, mais ce qui fait surtout plaisir, c’est qu’il force beaucoup moins le grinding. Terminé le besoin de détrousser des convois pour des matériaux car juste avec l’équipement démonté et ce que vous ramasserez dans les coffres, vous aurez suffisamment de stocks. Ou en tout cas au rythme qu’il faut. Même chose pour les foutus peaux ! Vous en aviez marre de devoir vous déplacer de zones en zones pour passer 2 heures à chasser précisément tel ou tel type de bestiole ? C’est fini. Maintenant, toutes les peaux sont des « peaux », point.
Revenons-en à la souplesse de la progression.
Assassin’s Creed Odyssey n’est pas seulement une évolution drastique de ce qui a été accompli avec
Origins. Le titre se permet de poser de nouvelles bases d’avenir pour la franchise : l’exploration. Dès le début du jeu (mais vous pourrez changer à la volée), le jeu vous propose un choix entre le mode Exploration et le Classique. Le deuxième, vous connaissez, c’est comme d’habitude. Mais c’est au mode Exploration qu’il faut jouer car pour la première fois dans l’histoire de la série, le jeu va réellement vous pousser à visiter puisque l’indicateur d’objectif disparaît soudainement, remplacé par divers indices que lâchera votre interlocuteur sur la zone à atteindre.
Et puis si vous êtes assez fous, vous pouvez parfaitement aller plus loin, du genre supprimer la boussole à l’écran, et pourquoi pas même aller jusqu’à enlever la totalité des icônes de la map. Ambiance
Breath of the Wild quoi, ou presque. Il est en effet bien bête de donner une option pour afficher uniquement les lieux non visités, alors qu’on aurait préféré l’exact inverse : ne montrer que ce qu’on a déjà fait afin de savoir où privilégiez nos balades. Pensez-y pour le prochain les mecs.
Mais avec ce simple mode Exploration, le level-scaling de multiples quêtes et si possible le mode difficile, tout le feeling devient autre et pour la première fois, on commence à comprendre où Ubisoft veut en venir avec cette série, à savoir offrir un jeu à service mais purement solo. En allant relativement vite (mode classique + difficulté standard), c’est déjà plus de 60 heures de jeu, et sans tout voir. Imaginez maintenant si vous poussez le trip jusqu’au bout. Définitivement,
Odyssey ne doit pas être fait comme les anciens, mais doit se grignoter tranquillement sur la longueur, surtout par l’apport du suivi gratuit qui offrira (on l’a déjà dit) des quêtes périodiques mais également des missions d’events avec monnaie spéciale pour acheter des objets dans une boutique qui les tout autant. Sans oublier l’arrivée future de boss incarnés par les créatures mythologiques.
Bref, en terme de contenu,
Odyssey dépasse tout ce qui a été fait dans la saga jusqu’à présent et on se rend compte qu’on n’a pas encore évoqué des tas de choses, pourtant toutes facultatives. Oui, malgré une map immense constituée à 50 % de flotte, les missions en bateaux sont totalement secondaires, tout comme l’augmentation en puissance de votre navire. De ce coté, on est purement dans du
Black Flag, avec tout de même un reproche concernant le système de recrutement : on peut convertir à notre cause n’importe quel ennemi mais c’est inutile puisqu’une fois quatre « élites » ou « légendaires » à votre disposition, les soldats ne servent plus à rien. On aurait bien voulu à la place le retour des teams à envoyer grinder en missions. Tant pis.
Et on parlait des mercenaires à buter mais il y a également une autre quête du même type, qui s’étendra tout au long du jeu, là encore totalement facultative (elle a quand même de l’importance scénaristiquement) mais c’est présent pour vous occuper un bon moment. Il y a même une partie de capture de territoire et… Bon là, c’est nul par contre, et peut-être le point le plus foireux du jeu. Car nous sommes certes dans un contexte de guerre, mais dans l’histoire, c’est totalement en retrait sauf que le jeu vous invite à y participer à votre échelle, mais de manière bien étrange. En bref, videz des forts et brûler des réserves va épuiser l’influence de la faction en charge d’une zone, jusqu’à pouvoir lancer une bataille bien molle où vous pourrez choisir totalement librement votre camp entre les athéniens et les spartes.

Sauf que ça n’aura jamais la moindre influence sur le scénario globale, que vous pouvez très bien d’une zone à l’autre changer de camp (bon, c’est vrai, vous êtes un mercenaire), mais le pire étant le non-sens de la résultante par rapport à vos actions : vous pouvez par exemple détruire l’influence du camp des spartes… et choisir ensuite ce même camp pour la reprendre. Et personne ne se posera la moindre question. En somme, prenez ça pour ce que c’est, donc une simple activité secondaire que vous pourrez faire sans vous en rendre compte : le simple fait d’explorer et de tuer des ennemis va automatiquement faire descendre la jauge et si ça vous dit, vous lancerez la bataille certes sans intérêt mais qui ne dure que cinq minutes et rapporte un lot d’xp.
Bon… Je pense avoir assez tartiné pour aujourd’hui et il n’y a pas davantage à rajouter.
Assassin’s Creed Odyssey est, au regard de notre appréhension par rapport à l’annonce, une véritable surprise en terme d’ambition et d’intérêt renouvelé pour l’avenir de la série. Il faudra juste savoir comment le prendre, et ne pas céder aux sirènes de la facilité en optant pour le mode exploration et en poussant le curseur de la difficulté. De leur coté, que les développeurs n’oublient pas sur le chemin de corriger quelques bugs, le titre étant davantage touché à ce sujet que
Origins en son temps (sans tomber dans les abus d’une certaine époque), de même que pour l’optimisation technique avec des temps de chargement vraiment balaises par moment, et des textures qui ne s’affichent pas toujours très rapidement. Ah et s’il pouvait y avoir aussi un patch pour qu’on ne puisse pas toucher les PNJ pendant les combats, ça éviterait que l’on bute parfois le mec que l’on est censé protégé.