Devil May Cry 5, c’est quand même un peu un projet dont l’existence était signé d’avance mais dont on s’est dit à un moment que
Capcom était capable de nous la mettre à l’envers. Pensez donc,
Devil May Cry premier du nom fut l’un des inoubliables ambassadeurs du début de la PlayStation 2, tandis que le quatrième fut carrément dévoilé à l’E3 2005, plus d’un an avant même le lancement de la PlayStation 3. Pour finalement être multi d’ailleurs, et dans un résultat qui n’avait strictement rien à voir avec le teaser initial mais passons. Donc quand t’es sur une nouvelle génération, et que l’éditeur ne lâche plus un mot sur la licence pendant quatre ans hormis pour des remasters à trois sous, y a un moment, t’as légitimement le droit de te poser des questions quant à l’avenir de Dante et sa bande. Mais l’E3 2018 fut celui de l’officialisation, et le nouveau cru est aujourd’hui dans les bacs pour livrer sa surprenante excellence.
Donc si
Devil May Cry 4 nous laissait jouer deux personnages, ce cinquième a dès le départ joué le chaud en annonçant que ce serait trois héros qui répondraient à l’appel des armes, et tant pis si les fans craignaient d’avance le mauvais coup de recyclage qu’on a connu sur le précédent. Heureusement, il n’en est rien (dans le fond, car la forme, on va y revenir) et les trois protagonistes vont chacun vivre leur destin sans avoir besoin de retraverser les zones de leurs compagnons, et on notera d’ailleurs que contrairement à ce que l’on pouvait penser au départ, le principe de choix est très secondaire. Pour être même très concret, sur les 20 missions, une seule vous proposera de choisir celui que vous voulez parmi les trois, tandis qu’une petite poignée se contentera de tel ou tel (le troisième étant occupé).

Trois personnages pour autant de style de combat et allons-y direct pour dire qu’il s’agit indéniablement du point fort de cet épisode, et de la licence globalement. Nero, qui restera le personnage central du scénario (il est au milieu de la jaquette, ce n’est pas pour rien), reprend globalement son gameplay du 4, simili-grappin inclus, mais avec un système de bras mécanique que vous pourrez interchanger soit entre deux missions (ou via des endroits dédiés), voir en les ramassant tout simplement en comprenant que vous ne pourrez en porter qu’un nombre limité et que chacun est sujet à l’usure si vous ne vous chargez pas vous-même de le faire exploser au détour d’un combo. On pestera sur le fait que, s’ils sont de bases nombreux et suffisamment différents les uns des autres dans leurs capacités, certains soient uniquement accessibles dans l’édition spéciale mais que voulez-vous, il faut vivre avec son temps.
Dante non plus ne surprendra pas les gros fans de la série (c’est à dire ceux qui n’ont pas fait uniquement le premier) puisqu’il retrouve le gameplay de
Devil May Cry 3 avec un set de plusieurs armes et un autre pour les armes à feu, en plus de pouvoir intervertir son style via la croix directionnelle. S’il est parfaitement possible de s’en sortir facilement en comprenant les mécaniques de certaines armes (dont la « moto », viscérale dans son utilisation), il reste le plus compliqué des trois à gérer pour un non habitué, mais aussi celui que les tarés de combo vont exploiter au mieux vu les incroyables possibilités. Tout l’inverse de V, le petit nouveau qui est aussi déroutant dans son utilisation que simple à prendre en main : il n’attaque pas directement puisque vos deux boutons d’utilisation serviront à utiliser de loin vos invocations, et même une troisième en renfort, ne vous laissant l’unique droit d’achever les opposants une fois affaiblis.

C’est très déstabilisant au départ mais ça fonctionne impeccablement et c’est bientôt si l’on n’aurait pas souhaité un spin-off totalement dédié à ce personnage tant son style est intéressant et plus profond qu’attendu. Bien sûr, pour chacun, le gameplay s’étoffera au fur et à mesure par l’acquisition de diverses choses en plus de l’habituel arbre de compétences qui demandera de dépenser vos orbes rouges, et comme avant, si vous voulez taper du
Devil May Cry juste pour passer un bon moment sans trop vous prendre la tête, il y a toujours le mode auto-combo qui fera l’essentiel du travail sans non plus vous transformer en dieu vu qu’il faudra tout de même gérer l’esquive, et que cette option n’est d’ailleurs pas très bien adaptée à Dante. Les autres feront fi de tout cela, déjà que le mode « normal » est assez facile, et ne servira de toute façon que d’introduction avant d’aborder les modes de difficulté supérieure qui pour un fan constitue le vrai plat avec un nombre d’ennemis revu à la hausse, des patterns parfois modifiés et même des monstres bien balaises qui apparaissent plus tôt (ça surprend dès l’introduction d’ailleurs).
Sur la forme,
Devil May Cry 5 pue la classe et chacune des cinématiques est un véritable plaisir de mise en scène, servie avec des personnages plus réussis que jamais malgré un léger changement de design qui s’adapte à son temps mais qui, personnellement du moins, fait dans le sans-faute. Nero a un bien meilleur aspect que dans
DMC4, Dante est incroyable de bout en bout et V est (encore une fois) une véritable surprise avec sa gueule de Kylo Ren mais avec des tatouages et bien plus de charisme. Les demoiselles seront malheureusement mises en second plan, et même en arrière-plan à ce niveau car sans vous spoiler sur la présence de telle ou telle, le résultat sera le même : hormis deux bouts de fesses pour faire plaisir à l’assistance, toutes finiront dans le camion à attendre que les hommes bossent pour sauver le monde.

Car oui, justement, il faut sauver le monde à cause d’une espèce de gigantesque arbre démoniaque qui a débarqué depuis les enfers pour squatter notre monde. Le responsable n’est autre qu’un certain Urizen, roi des démons posé de manière classe sur son trône, qui souhaite donc prendre d’assaut tout ce qui bouge sans personne pour pouvoir le faire reculer vu sa puissance (et sa défense). Passé une introduction, il en résulte que Dante se fait bolosser, Nero également, et V se contente de constater qu’on est dans la merde, préférant s’enfuir tant bien que mal avec Nero pendant que Dante tente de retenir cette forme invincible sans retour possible. Le constat est posé, avec les questions qui vont avec. Comment vaincre ce truc ? Qui est V ? Comment les trois en sont arrivés là ? Dante a t-il survécu à ce combat ? (spoil : oui)
Le scénario est simple, mais est très bien raconté et surtout parfaitement compréhensible et pas dénué de surprises. D’ailleurs même si vous n’avez jamais joué à un épisode jusque là, vous aurez droit à un rapide résumé dans les bonus qui donne l’essentiel de ce qu’il y a à savoir en quelques secondes, la vidéo oubliant expressément d’évoquer
Devil May Cry 2 car tout le monde s’en fout de celui-là. Et comme vous pouvez le deviner, le cheminement des missions ne sera pas en ordre chronologique et donc sujet à de nombreux flashbacks pour comprendre tous les enjeux, ce qui garanti un rythme qui va parfaitement à l’essentiel.
Devil May Cry 5 est un jeu fait à 98 % d’action dans sa structure, bloquant le joueur à la manette à enchaîner les séquences et de bons gros boss qui envoient jusqu’au final qu’on souhaitait même si l’on aurait bien voulu que ça dure un peu plus longtemps (une douzaine d’heures la première fois).
Mais il y a un mais. Et même plusieurs en fait. Le premier, c’est justement que ce type de cheminement a un défaut qui ne généra pas tout le monde sauf ceux qui portent encore le tout premier comme le summum de la franchise. Ce dernier, malgré son système de chapitre, abordait quelques points d’exploration (ce qui est logique quand on sait qu’il s’agissait d’un Resident Evil dans son squelette) et cet aspect s’est peu à peu étiolé jusqu’à aujourd’hui avoir totalement disparu. Oh, il y a bien quelques zones secrètes et deux/trois coins un peu plus vastes que d’autres, mais disons-le simplement : dans son rythme de progression,
Devil May Cry 5 a fait le même pari que
Bayonetta 2, à savoir une production totalement conçue pour son système de combat.
Alors ce n’est pas un problème, faut juste savoir à quoi s’attendre, mais ce qui va rester comme le plus gros défaut de cet épisode va être le fait que les développeurs n’ont pas pensé à exploiter ce type de structure assez libre pour, justement, offrir une liberté créative sur les décors : la majeure partie du jeu tourne autour de cet arbre maudit et des alentours. Dans les premières heures, ça ne se remarque pas trop car ça essaye de nous emmener un peu partout, mais à partir d’un certain point, on a l’impression d’enchaîner des arènes dans les mêmes types de décors jusqu’à la toute dernière ligne droite. Décidément, après les sous-terrains de
Resident Evil 7, le scénario bis de
Resident Evil 2 et maintenant ça, on va finir par croire que Capcom est touché par la malédiction de la « seconde moitié ».