A chaque coup, on se fait avoir. Combien de fois a t-on pu entendre que « c’était le dernier » ? Le dernier épisode d’une saga. Le dernier épisode pour un personnage. Le dernier épisode pour un producteur. Kojima doit encore en rire entre deux selfies avec ses nouveaux potes.
God of War III, claque technique monstrueuse pour son temps, ça devait aussi être le dernier. Le point final d’une grande saga basée sur un homme qui a tout perdu sauf son envie de vengeance. Puis il y eut
Ghost of Sparda, mais ça ne comptait pas puisqu’il se plaçait avant l’épilogue. Puis il y eut
Ascension, mais ça ne comptait pas car tout le monde l’a oublié.
Puis arriva le simplement nommé
God of War, réelle suite pourtant sans numérotation ni sous-titre, comme s’il fallait marquer le nouveau départ pour un nouveau cycle, mais aussi quelque part pour faire comme Kratos : tenter d’oublier le passé pour regarder vers l’avenir.
NOTE :
Ce test est garanti sans spoilers : aucune surprise ou élément d’importance ne seront évoqués.
Bien des années ont passé depuis la bataille face aux dieux de l’Olympe, incluant votre géniteur qui n’a que trop bien embrassé vos phalanges directement depuis le crâne. La hargne de Kratos n’est plus et l’homme s’est plus ou moins assagi, visage à moitié cachée derrière sa barbe touffue, et désormais accompagné de son rejeton Atreus, jeune guerrier en devenir et au tempérament déjà assez fort. Il faut dire que lorsqu’on est fils de spartiate, élevé en plus comme un viking, le mixe ne peut engendré un môme souriant qui sautille avec son ballon dans les champs. Grandir à la dur et apprendre ce qu’est la vie : voici les deux façons de faire qui vont caractériser ce duo où les premiers échanges recèleront de punchline suffisamment éloquentes. « Ne sois pas désolé. Sois meilleur. »

C’est en partant pour un voyage davantage assez prétexte mais néanmoins justifié que Kratos et sa descendance verront donc leurs relations évoluer dans diverses sens, parfois de manière un peu trop brutale même si le scénario parviendra à nous faire comprendre tout cela lorsque vous aurez atteint les crédits de fin. Pour le joueur en revanche, l’épopée est surtout l’occasion de découvrir ces nouvelles contrées nordiques avec la mythologie qui va avec, mais tissée de manière beaucoup plus suggérée que ne pouvait le faire la trilogie initiale. Oh, évidemment, on sait où l’on met les pieds mais par une approche davantage portée sur l’exploration, le titre se permet de prendre son temps pour évoquer les éléments importants de ce monde, parfois grâce aux écrits que seul Atreus pourra traduire (Kratos n’a pas de temps à perdre à apprendre une nouvelle langue), mais surtout via un troisième personnage totalement inattendu, et qui va réussir à apporter une petite dose d’humour (et surtout de cynisme) jamais avec abus.
Le monde du JV a évolué et le groupe de
Santa Monica s’en est rendu compte au bon moment. Ou peut-être après coup, une fois encore en constatant les faibles ventes d’
Ascension. Un épisode à l’ancienne aurait probablement trouvé son public, mais il était temps de tout changer et les développeurs ont fait un choix que beaucoup ont encore peur de risquer : renverser totalement la table pour repartir totalement à zéro. On garde Kratos, on garde la rage, la puissance et le charisme qui le caractérisent, on renforce le tout, et on change TOUT le reste. D’un classique jeu d’action, on parlera maintenant d’un véritable action-RPG qui balance à la poubelle sa caméra semi-fixe pour une vue à l’épaulée davantage aux normes, modifiant totalement notre approche et la façon d’appréhender ce qui nous entoure.

Prenez juste en compte que même si cet épisode s’ouvre pour devenir totalement libre (on peut revenir dans quasiment toutes les zones visitées), on ne parlera pas ici d’un monde pleinement ouvert dans le sens moderne du terme mais par exemple comme un Fable où vous aurez supprimé tous les temps de chargement ou les fonds noirs de transition. Il y a bien une zone ouverte que vous atteindrez au bout d’une poignée d’heures, et qui servira d’élément central puisque vous y reviendrez assez souvent, mais le reste se permet d’adopter quelque chose de plus classique (des couloirs, des grottes, de grandes salles à énigmes, des sortes de mini-donjons…), et c’est ironiquement ça qui lui permet de se démarquer des autres piliers actuels de Sony. Ce n’est ni de l’open-world à la
Horizon ou prochainement
Spider-Man, ni un jeu à progression par zones comme peut l’être
Uncharted 4,
The Order et
TLOU (le 2, on verra). C’est tout simplement une alchimie qui arrive à prendre le meilleur des deux et ainsi offrir une exploration poussée, mais également un rythme beaucoup plus maîtrisé que ne peut souvent offrir le trop plein de liberté.
Car God of War a l’art et la manière de scotcher le joueur à la manette, incapable d’en décoller à cause de cette envie de sans cesse progresser. Il n’y aura jamais 10 minutes sans un combat. Jamais 10 minutes sans un coffre à ouvrir. Jamais 10 minutes sans une petite énigme ou un élément caché à récupérer. Et tout cela s’enchevêtre avec une méticulosité d’orfèvre, ne reculant que pour laisser sa place à une cinématique ou quoi que ce soit fait pour faire avancer doucement le scénario. Impossible de s’ennuyer une seule seconde et si on excepte un ou deux petits passages qui auraient mérité d’être un poil raccourcis (juste histoire de chiner un peu), c’est juste magistral d’un bout à l’autre.

L’autre grand changement intervient évidemment dans le système de combat et tout ce qui l’englobe. Vous êtes au courant depuis la première présentation : Kratos a délaissé ses Lames du Chaos pour une bonne grosse hache qui percute et qui s’utilise finalement comme le marteau de Thor (en mode on l’envoie et elle revient par une simple pression du bouton), qu’on peut mixer avec du bourrinage de poings puis une deuxième arme qu’on vous laissera découvrir. Très rapidement, par ce choix d’approche accompagné de l’arc d’Arteus (qui n’est JAMAIS un boulet) que l’on peut actionner à loisir, on remarque très vite que le jeu permet de privilégier aussi bien la force brute, la force « non lethal » (ça reste du tabassage) pour remplir une jauge de fatigue et ensuite lancer une exécution quand le symbole apparaît, mais également les « runes », des attaques spéciales qu’on placera (trois max) parmi un large choix, dont une qui nous permet même un combo esquive/ralentissement façon
Bayonetta.
Le nombre d’armes peut donc paraître assez limité (presque une constante dans la série) mais c’est ici amplement suffisant par la présence d’arbres de compétences permettant de débloquer de nouveaux combos à échanger contre des points d’expérience. Kratos n’a en effet pas de « niveau » mais plutôt une jauge de puissance (de 1 à 8 ) qui évolue simplement en fonction de son stuff, avec l’équipement à looter, crafter et améliorer, donc les classiques « commun, rare, légendaire et épique ». Juste un petit reproche à ce sujet : outre l’argent, beaucoup d’améliorations demanderont des matériaux et faute de codex, il est impossible à un niveau avancé de réellement savoir où chercher pour trouver les éléments manquants. Pire encore, notre armure épique top-classe est confronté à une problématique de taille : son amélioration demande un certain type de matériaux situé dans une seule zone que j’ai déjà retourné en long/en large. Alors à moins de me tromper, je soupçonne le jeu de limiter le craft, sans que ce ne soit véritablement expliqué.

Mais bref, c’est aussi nerveux qu’on peut l’attendre d’un
God of War, et d’ailleurs plus encore que les autres, et toutes nos appréhensions de départ comme l’absence de QTE s’envolent car dès le premier combat de boss, on comprend de suite qu’on va de nouveau être servi comme un roi pour ce qui est de la mise en scène. Félicitons d’ailleurs les développeurs pour le coup du plan-séquence total qui fonctionne finalement parfaitement : du moment où vous appuierez sur Start sur le menu d’entrée jusqu’aux crédits de fin, les seules coupes de caméra n’interviendront qu’en allant dans le menu pause ou en mourant. D’ailleurs vous allez mourir, autant vous le dire car sans tomber dans la « Dark Soulisation », le titre propose un challenge assez relevé même en mode normal, et le simple système d’équipement sera forcément l’occasion de faire face à des ennemis annexes bien plus puissants que vous. Esquivez les si vous le souhaitez, ou tentez votre chance.
Un pur plan-séquence, l’absence du coup de temps de chargement « visibles » (le jeu a le don de les masquer, particulièrement à un endroit précis), et des graphismes d’une beauté foudroyante, ça donne envie de faire une courbette devant
Santa Monica vu la maîtrise du hardware, qui plus est sans aucun bug ! Bon en fait, on en a rencontré un. Un effet de lumière mal placé. Autant dire qu’on s’en remet facilement sur un total de près de 45h de jeu. Bon par contre, avec une telle utilisation des ressources, la compensation, elle passera par le ventilateur de la console (PS4 Pro) qui n’a jamais autant tourné et à une telle vitesse depuis que je la possède. On la plaindrait presque.
Et oui sinon, 45h. La promesse est tenue :
God of War est un modèle de longévité et même si on pourra je pense terminer le jeu en une vingtaine d’heures (non sans quelques sueurs faute d’un bon stuff), le jeu pousse clairement aux à-cotés tant les récompenses peuvent être à la hauteur et pas seulement pour le loot mais bien parce que ce sera l’occasion de visiter plusieurs endroits que vous ne traverserez jamais en vous contentant uniquement de la ligne droite. On ne cachera pas qu’il y a du fedex dans le lot, que vous pourrez ignorer de toute façon, le plus intéressant restant les vraies quêtes secondaires scénarisées, unique moyen de pouvoir obtenir de l’équipement d’ordre « épique » et de tenter pour la finalité un boss caché.
Parti de là, les reproches envers ce nouvel épisode sont peu nombreux mais néanmoins existants. Même en mettant de coté une « certaine zone » que vous allez devoir traverser plusieurs fois en boucle pour devoir obtenir le plus puissant loot (ça reste secondaire mais c’est chiant), l’unique vrai reproche de
God of War… hé bien c’est d’être le premier épisode d’un nouveau cycle. Et ça se ressent de multiples façons. Car ce premier chapitre se montre encore un peu trop sage du coté de la mythologie nordique. On ne va pas vous spoiler encore une fois mais dites vous deux choses : vous n’allez pas rencontrer beaucoup de grandes « stars » (et donc peu de boss) et comprenez bien que vous n’allez pas visiter tout ce qu’il y a à connaître. Logique en même temps. En revanche, bonne ou mauvaise nouvelle selon votre patience, la dernière heure de jeu va arriver à elle seule à faire de
God of War 2 l’une de vos plus grandes attentes. Et ce sera pire après la petite fin cachée.