Août 2015. Après des années d’attente et d’espoirs, c’est au moment où plus personne ne s’y attendait que le miracle eut lieu avec l’annonce du remake de
Resident Evil 2. On ne peut d’ailleurs s’empêcher de sourire aujourd’hui en retrouvant les vieux articles qui mentionnaient que, après les annonces de
FFVII Remake et
Shenmue III, tous les espoirs étaient maintenant permis sur cette génération (sauf
Half Life 3). Trois ans et demi plus tard, et ce fut bien long,
Shenmue III n’est toujours pas sorti,
FFVII Remake attend le feu vert de
Square Enix pour démarrer sa communication, c’est toujours mort pour
Half Life 3, mais
Resident Evil 2 est lui dans les bacs, et c’est aussi bon que prévu. Ou presque.
Lorsque le premier remake parut sur GameCube, l’industrie n’était visiblement pas prête. En matière de refonte, même s’il y eut quelques cas avant cela, on sentait que nous franchissions une nouvelle étape qui n’a malheureusement été que rarement adoptée par le reste des éditeurs, se préférant généralement à des remasters plus ou moins liftés (après tout, tant que ça se vend).
Resident Evil est ainsi devenu un cas d’école et c’est bien entendu cette même saga qui était attendue au tournant pour nous faire revivre une telle expérience, et non sans crainte. Car le contexte n’est plus le même. De l’original au remake, Shinji Mikami était présent pour peaufiner son propre bébé, lui donner une nouvelle jeunesse et oser certaines prises de risque en matière d’ajout sans craindre une levée de boucliers devant ceux qui évoqueraient une dénaturation de l’œuvre. C’était le créateur, donc sa vision était légitime quoi qu’il arrive.
Les choses ne sont donc plus les mêmes pour
Resident Evil 2. Mikami comme Kamiya ont depuis longtemps fait leurs valises et la nouvelle équipe en charge du remake avait d’autant plus intérêt à y aller à tâtons, surtout lorsque la formule de base se voit modifiée pour mettre à la poubelle les vieillissantes caméras fixes, remplacées par un gameplay de l’ère moderne, donc plus exactement ce qu’a mis en place
Resident Evil 4 en y ajoutant quelques features aujourd’hui essentielles qui ont suivi. Du genre le simple fait de pouvoir bouger en visant. Et heureusement. On y retrouve même les objets de défense introduits dans le premier remake mais on évite d’aller dans l’abus en oubliant les roulades et les patates de forain dans la tronche des zombies.
Tout juste reprochera t-on le fait de ne pouvoir « écraser » quelques têtes pour éviter de mauvaises surprises en revenant dans une salle que l’on pensait avoir épongée. Car pour combler les facilités de la nouvelle vue, Capcom a fait le choix de rendre les morts-vivants plus résistants que jamais et même en mode normal, il faut parfois balancer près d’une dizaine de bastos dans la tête pour se débarrasser du vilain. Un coup de pompe bien placé saura arranger les choses plus rapidement, mais les munitions peuvent très vite se raréfiées et plus que jamais, cet épisode impose la fuite et une certaine gestion de l’environnement. Une table ? Parfait pour bloquer le zombie dans un coin le temps de tout fouiller et aller voir ailleurs.
Pour ceux habitués depuis trop longtemps à l’action (même le 7 passé la première moitié),
Resident Evil 2 pourra se montrer difficile et parfois impardonnable malgré l’auto-save. Il faut juste se réadapter et analyser les choses pour pouvoir s’en sortir, surtout si vous optez par la suite pour un nouveau run en difficulté hardcore. Les grenades flash (aussi nombreuses que les standards) prennent une nouvelle utilité et la cécité des lickers est désormais une feature à prendre en compte pour éviter d’user ses munitions pour rien. On reprend donc un principe d’économie (jusqu’aux retours des rubans encreurs en mode hardcore) surtout que plusieurs affrontements sont obligatoires, et pas seulement par l’étroitesse de certains couloirs mais par les boss qui ne se règlent pas aussi facilement que le crocodile.
Et bien entendu, plus encore que dans son gameplay, c’est sur l’enrobage que le titre prend une nouvelle ampleur avec tous les mérites du nouveau moteur déjà vu dans
Resident Evil 7 et qui revient nous montrer ses attributs. Le rendu est très satisfaisant, certains plans sont juste magnifiques, l’aventure se vit d’une traite sans un seul temps de chargement (sauf quand vous mourrez, ça arrive)… Et puis quelle ambiance ! Il est vrai que l’on pourra noter la forte mise en retrait des musiques, désormais des plus discrètes pour renforcer le coté glaçant. On pourra aussi reprocher qu’il faille cracher 3€ de plus en DLC pour se procurer l’OST d’origine, qui va jusqu’à remettre le ténébreux « Resident Evil » de l’écran titre, honteusement absent de base. Mais en matière de sound-design, c’est le grand jeu et on ne pourra que conseiller impérativement d’y jouer avec un casque, et un bon si possible, pour profiter de chaque détail qui ont le don de booster la jauge de flippe.

Ce remake est-il meilleur que l’original ? Chacun jugera. Personnellement, il est indéniable que la nouvelle approche possède un véritable sens du rythme et peut-être à l’heure actuelle la meilleure représentation de la série entre vitesse de progression et énigmes. Ces dernières sont évidemment plus simples qu’à l’époque, mais également un chouïa plus réaliste dans leurs mises en place. Et surtout, même si une bonne partie demande de ramener un objet A à l’emplacement dédié, il n’y a jamais de lassitude car (hormis les choses annexes comme les casiers), la plupart des allers-retours ont un but : ouvrir un nouvel accès, donc de nouvelles pièces. Et on a toujours envie d’en voir plus, au point d’être capable de faire le jeu d’une seule traite sans arriver à lâcher la manette, qu’importe si la nuit est déjà bien entamée.
Mais on ne peut pas terminer cet avis sans revenir sur l’un des points évoqués en début d’article : quid des changements ? Si Mikami a pu totalement revoir son jeu jusqu’à introduire l’inoubliable Lisa, on attendait de voir si une équipe neuve aurait la volonté (et le talent) de faire de même, à savoir surprendre même ceux qui ont retourné 15 fois l’original. De ce coté, le constat est un peu mitigé. D’un coté, oui, le jeu sait y faire en surprises. Pire encore (dans le bon sens du terme), il a le mérite de jouer avec les fans, comme Mikami le faisait avec l’apparition des chiens, et sur certains points qu’on ne spoilera pas, on ne peut qu’applaudir les développeurs d’avoir su garder l’essence pour nous l’offrir de manière totalement différente (les apparitions de Mr.X, c’est quelque chose).

Mais malheureusement, ce n’est pas une constante. Le coup de Lisa, on ne le retrouve plus et même si l’on note des ennemis surprises pour compenser avec la disparition d’anciens (les araignées notamment, et c’est dommage), on doit faire avec quelques manquements inexcusables alors qu’on les attendait forcément. Où est l’arbalète ? Où est Brad ??? Alors d’accord, ce n’est pas si grave mais il est forcément triste de voir ce type de choses bêtement supprimées, et on pourrait même avoir des reproches sur certains points de la mise en scène. Si dans la plupart des cas, c’est bien mieux qu’à l’époque, dans d’autres, on se permet de bouder un peu, comme l’apparition du premier lickers (sans cinématique) ou encore une certaine CG dans les égouts entre une « certaine » escouade et un « certain » monstre, culte dans la version PS1, et totalement banale ici.
Tout cela est bien peu de choses au regard du travail effectué, surtout que le principal reproche restera (et c’est presque ironique) d’avoir inversement gardé quelque chose qu’on n’aurait pas forcément souhaité : le coup du scénario bis. Comme dans l’original, on peut choisir au départ de débuter avec Claire ou Léon, menant en fin de partie à débloquer l’autre versant. Ce deuxième rush a bien évidemment des différences importantes (quelques zones inédites, d’autres PNJ à rencontrer…) mais ce que l’on acceptait il y a 20 ans est moins pardonnable aujourd’hui : pour le trois-quart, on fait plus ou moins la même chose quelle que soit le scénario et sans prise en compte des actions effectuées dans le premier rush alors que c’est censé se dérouler simultanément. « Censé », mais on comprend plutôt qu’on revit une partie de l’aventure comme si le premier personnage s’était contenté de pioncer. Il faudra pourtant passer par là pour voir la vraie fin mais quelque part, on n’aurait peut-être pas refusé un autre choix plus appréciable : un seul scénario d’une douzaine d’heures avec quelques changements de point de vue en cours de route, plutôt que deux qui prendront environ quinze heures en tout, mais avec du coup de la redite.