Chaque année voit son lot de hits, de déceptions, mais aussi de surprises, donc le genre de titre sur lequel on n’aurait pas forcément parié grand-chose au départ. Parfois rien. Pourtant un nouveau projet du studio
Arkane ne pouvait que susciter une attente naturelle après les belles productions que furent
Dishonored (1&2) et
Prey, mais on peut aussi bien dire que
Bethesda n’a pas toujours eu l’art et la manière de bien communiquer sur ses titres en dehors des piliers de l’entreprise, et on ne peut décemment en vouloir à Microsoft de ne pas avoir pousser la chose quand on sait qu’il s’agit pour l’heure d’une exclusivité PlayStation 5. Car Deathloop, au départ, il fallait s’accrocher pour comprendre de quoi on parlait (un peu ce que l’on ressent actuellement avec
Ghostwire Tokyo tiens, toujours chez
Bethesda) et c’est dans les dernières semaines de communication que le puzzle a véritablement commencé à s’assembler. Et encore, on ne s’attendait pas à ce que ce soit aussi bien foutu.
Les bases, vous les connaissez de toute façon si vous avez suivi l’affaire. Vous incarnez Colt, un mec un peu bourru mais jamais contre une petite vanne, sorte de Bruce Willis période
Die Hard, qui se réveille sur la plage d’une île bien mystérieuse pour vite comprendre à quel point c’est le foutoir total avec des habitants tous plus détraqués les uns que les autres. Pensez
Bioshock. Le premier surtout. Et dans cette même île, il y a des chefs (les « Visionnaires ») et surtout Julianna qui sait qui vous êtes et qui compte bien vous faire la peau pour vous empêcher de « briser la boucle ». Car l’île est en effet victime d’une boucle temporelle qui à chaque petit matin remet tout à zéro sans que personne ne se souvienne de rien, hormis Julianna, et vous-même à partir de maintenant. Et le moyen de casser la boucle semble vite simple sur le papier : buter chacun des Visionnaires en un seul rush (donc une journée), ce qui est impossible à faire au départ vu que vous êtes incroyablement faible, dénué de capacités, et puis surtout vous ne connaissez aucunement l’identité de vos cibles ni leur emplacement. Bref, les habitués sentiront l’odeur du rogue-like, et ça en est un d’une certaine façon, mais très différent des autres productions du même genre.
Pourtant on aurait dû de suite tilter l’originalité de la progression dans les premières heures mais on a juste pris ça pour un gros tuto, ce que c’était d’ailleurs, et mieux vaut éviter de se fier à ces instants tant les choses sont assez longues à se mettre en place.
Arkane a en effet voulu proposer une expérience rogue ultra accessible en terme de compréhension, et s’est donc attardé à mettre les choses en place de manière posée, nous expliquant tranquillement comment se déroule le fil, à savoir donc une journée répartie en quatre sessions (matin, après-midi…), en rajoutant qu’il y a quatre zones en tout. Ça paraît peu mais il faut savoir que chacune des zones changent évidemment d’aspect en fonction du moment de la journée, et qu’en fonction de tel ou tel run, une action le matin peut avoir un impact dans la même zone ou une autre plus tard le même jour (une modification d’importance, un nouvel emplacement accessible, etc).
Donc techniquement, on a 16 endroits à véritablement visiter, en plus des variantes, et il faut dès le début constater deux autres changements par rapport aux autres rogues. Le premier, c’est que même si l’échec nous renvoie évidemment au petit matin, on a quand même le droit de « mourir » deux fois avant un reboot, sachant que
Arkane n’a pas résisté à proposer un petit coté « Souls » en demandant de revenir à l’emplacement de son trépas pour récupérer son Résiduum (on va y revenir). L’autre, qui pour le coup surprend évidemment vu le genre, c’est que le coté boucle temporelle avec parfois des allures de
Majora’s Mask ne se fait aucunement en temps réel. Concrètement, vous avez votre petite base, vous faîtes chaque moment de la journée dans l’ordre (en sélectionnant juste le niveau à chaque fois) et une fois à l’intérieur, vous pouvez prendre tout votre temps pour faire ce que vous voulez, la seule finalité étant de revenir à votre base… ou tout simplement mourir (3 fois).
Donc voilà à quoi serviront les premières heures : comprendre les mécaniques du cycle et essayer de s’en sortir avec les menus incroyablement bordéliques (on s’habitue, comme d’hab) qui sont heureusement compensés avec la simplicité dans la compréhension des objectifs puisque l’on peut sélectionner quoi faire, aussi bien pour les choses principales (trouver les visionnaires, chercher du matos…) que les trucs annexes. Les choses démarreront véritablement une fois acquis la possibilité de stocker le Résiduum évoqué plus haut, donc la principale mécanique propre ici au genre rogue. En gros, plusieurs éléments dans le jeu pourront être absorbés pour obtenir ce qui peut être considéré comme une sorte de monnaie, et c’est elle qui à chaque retour à la base servira à « infuser » votre matos, que ce soit une compétence, un module ou une arme. L’utilité d’infuser quelque chose ? Hé bien tout simplement le fait de l’acquérir définitivement, le reste disparaissant à chaque retour au petit matin. Vous avez compris le concept ?

A partir de là, l’aventure se met en place et si comme dit, la progression est assez simple à suivre par l’apport de marqueurs d’objectifs, le jeu pousse à fouiner énormément. Une conversation entre deux PNJ peut par exemple vous fournir une mission secondaire, et il y a bien entendu la brouette de portes bloquées sous des codes qui, une fois découvert, resteront enregistrés définitivement. Tout cela sans parler du fait qu’on est constamment motivé à regarder à droite/à gauche pour gratter toujours plus de Résiduum car ce n’est pas tout d’obtenir une pièce d’équipement incroyablement utile, il faut ensuite avoir de quoi l’infuser au prochain retour à la base pour éviter de la perdre bêtement en se faisant shooter trois fois de suite (et là, on a parfois bien les nerfs). Le jeu nous invite même à refaire des choses déjà faites avec une certaine envie, notamment buter les visionnaires. Ces derniers laissent des compétences très importantes mais même une fois infusées, il suffira d’obtenir un doublon pour en augmenter l’efficacité, donc sur le même visionnaire… ou parfois la fameuse Julianna.
Car comme vous pouvez vous en douter vu le scénario de départ, Julianna est la principale antagoniste. Elle sait qui vous êtes, elle se souvient de tout et (on ne sait pas pourquoi au départ), elle ne souhaite pas mettre fin à la boucle temporelle. Donc plutôt que de s’occuper à faire éternellement la même chose comme les PNJ et visionnaires, elle va plutôt se la jouer Nemesis et débarquer n’importe quand, bloquant alors l’accès au tunnel de sortie, ne nous laissant pas d’autres choix que de tenter de pirater une tour pour débloquer l’accès ou, mieux, tenter de la « tuer ». C’est plus gratifiant niveau récompenses mais vous vous doutez bien qu’elle est plus balaise que tout le reste des ennemis du jeu, et encore plus quand on sait qu’un humain peut directement l’incarner. Notez d’ailleurs que dans ce cas précis, la fonction « pause » s’envole et vous devrez passer obligatoirement hors ligne pour avoir droit à cette option.

Et à partir de là, les mécaniques rogue se mettent petit à petit en place, aussi bien en matière de narration où l’on en apprend un peu plus sur chacun des protagonistes à chaque run (tout en appréciant les dialogues constants entre Colt et Julianna), mais aussi évidemment la montée en puissance qui est l’une des réussites dans
Deathloop tant on ressent les boosts d’une partie à l’autre. Déjà pour l’équipement avec une masse d’armes réparties dans différents niveaux de rareté (et d’efficacité), et les modules qui vont avec, mais aussi les capacités à débloquer qui font aussi bien gagner en dextérité qu’en puissance, et aussi bien pour l’attaque que l’infiltration. Un sentiment grisant mais qui demande tout de même de faire un choix puisqu’on ne peut équiper qu’un nombre précis de capacités (et armes) à chaque moment de la journée, et même si la dernière ligne droite stagne un peu de ce coté (une habitude dans le genre), la réussite est là : un ou deux runs bien menés et la partie suivante n’a plus rien à voir avec ce que l’on faisait avant.
Une expérience donc ultra prenante qui vous demandera plus d’une vingtaine d’heures avant d’en voir le bout même si la durée de vie est propre au style de chacun, mais tout le monde sera en revanche d’accord pour signifier l’absence totale de replay-value, ce qui l’a fout toujours un peu mal pour un genre rogue mais qui montre bien toute la différence entre Deathloop et les autres représentants de cette catégorie. Une fois l’aventure « bouclée » avec une certaine satisfaction, il n’y a aucune raison d’y revenir, hormis peut-être pour s’amuser à incarner Julianna pour foutre le boxon dans la partie des autres (avec son propre équipement et ses gains à obtenir), mais ce sera l’affaire de quelques essais avant de remballer le jeu qui aura eu le mérite d’être une excellente surprise, et toujours la preuve du savoir faire d’
Arkane qui perdure avec les années.