En 2019 donc il y a déjà trois ans et alors que le fraîchement sorti
A Plague Tale : Innocence accueillait louanges et paillettes de bien des heureux, j’exprimais déjà quelques doutes quant à la qualité comme la profondeur d’une production dont j’aurais souhaité faire preuve de chauvinisme, mais qui derrière un rendu digne de tableaux et une ambiance sonore capable de caresser nos oreilles dans le sens du miel, cachait comme il pouvait des mécaniques poussiéreuses d’infiltration. En 2022,
Asobo qui s’est entre temps davantage propulsé avec ses travaux sur
Flight Simulator avait tout intérêt à corriger son approche, et ceux qui ont déjà regardé la note comprendront que, du point de vue de votre serviteur du moins, ce n’est aucunement le cas.
Il y a néanmoins quelque chose qu’on ne peut retirer au développeur bordelais : son ambition, plus débordante que jamais. On peut qualifier
A Plague Tale : Requiem de AA par le nombre de développeurs derrière ou le budget attitré, mais aucunement pour ce que l’on a devant les yeux tant le titre est des plus resplendissants. Alors oui, il y a de nombreuses astuces techniques et il suffit de toucher au mode photo qui nous permet parfois de dezoomer énormément (ce que beaucoup ne permettent pas) pour voir exploser les coulisses derrière les magnifiques textures mais qu’importe, c’est sacrément beau et si le dépaysement n’est pas forcément immédiat pour ceux qui ont déjà joué au premier, n’empêchant pas quelques claques sur le chemin (le début du chapitre 3 sous la pluie par exemple), l’aventure se permet en avançant d’apporter du bien neuf par des décors que l’on évitera de spoiler.
L’autre satisfaction dont on ne doutait pas après Innocence, comme évoqué plus haut, c’est bien la partie sonore de nouveau portée par Olivier Derivière qui aide à sublimer les différentes séquences, jouant constamment de la tranquillité aux instants où le stress est roi, imposant comme rarement de s’équiper d’un bon casque pour profiter de ce que le titre a de meilleur à apporter. D’un bout à l’autre, c’est là que l’on trouvera le cœur de l’ambiance sans que l’on ait forcément à critiquer le reste du travail sonore, peut-être même pas le doublage FR de bonne facture dont les seuls couacs ne viennent pas des doubleurs mais de ce que les personnages représentent dans cette suite. Oui, encore une fois, nous ne pourrons échapper à des clichés parfois navrants du coté des antagonistes, et l’on s’attriste d’autant plus de constater que Amicia passe de la douceur des petites fleurs à la vengeance de manière encore plus brutale et caricaturale que Lara forme reboot alors qu’on attendait quelque chose de plus proche d’une Ellie de
The Last of Us. Et le comparatif avec
Naughty Dog ne s’arrête pas là.
C’est Neil Druckmann qui faisait l’éloge du travail d’
Asobo Studio, mais c’est bien
Asobo qui singe les productions d’un des leaders des
PlayStation Studios, ne serait-ce que dans la gestion du rythme et l’envie de pousser davantage la narration par la mise en avant des différents protagonistes, chose qui fonctionne plus ou moins car, on le disait à l’instant, la qualité d’écriture n’est pas la même. Davantage de cinématiques, davantage de blabla dans le in-game, davantage de moments grand spectacle, ce qui jusque là n’est aucunement déplaisant, mais aussi la volonté d’en faire plus. Et parfois trop. Beaucoup trop. On ressent ici un certain effet
Uncharted 4 avec, pour ceux qui s’en souviennent, deux chapitres dans le dernier tiers qui semblaient clairement être de trop, comme si (et c’est certain que c’était le cas) les Dogs ont voulu tirer sur la corde pour afficher fièrement une durée de vie au-delà de la moyenne pour un TPS solo.
Dans
A Plague Tale : Requiem, inutile d’aller aussi loin pour avoir le même ressenti. Dès les premiers chapitres, on sent déjà les rapides prétextes scénaristiques pour étirer ce qui n’aurait pu être qu’une séquence simple, sans autre but au départ que de servir de gros tutos masqués le temps de présenter nos divers atouts (dont la plupart tiré du premier jeu) puis ensuite de simplement multiplier les séquences en forçant la redite. Il vous faudra une vingtaine d’heures pour arriver au bout de l’aventure et on ose vous dire que le jeu n’aurait rien perdu, et en serait peut-être ressorti grandi, si
Asobo avait su condenser son expérience en divisant la durée de vie de moitié. Voire un peu plus. On n’a rien contre les longs jeux si tant est qu’ils aient quelque chose à apporter au fil du temps, aussi bien dans la qualité que le renouvellement des situations et malheureusement, si les moments d’éclats sont bien présents, par moment, ils se perdent au milieu d’une expérience dont le gameplay n’a que trop peu évolué.
AA ou AAA, mais indéniablement moderne dans ses intentions visuelles et narratives,
A Plague Tale : Requiem souffre cruellement du manque de travail sur ce qui est censé le qualifier de « jeu ». De fait, alors qu’on critiquait déjà cela il y a 3 ans, on soupire devant les mêmes aléas d’un autre temps, de type la progression parfois maquillée en pseudo-arènes (si vous arrivez dans un coin et qu’il y a des herbes hautes, c’est que des ennemis vont arriver), arènes qui sont toutes séparées d’une porte ou équivalent pour bien marquer les délimitations. Et bien sûr, ce n’est pas le premier jeu qui fait cela et oui, il y a bien quelques évolutions ne serait-ce que dans le level-design qui heureusement élargit le terrain de jeu comme les possibilités, laissant au joueur et à de nombreuses reprises le choix de tenter d’aller d’un point A à un point B sans se faire repérer. Mais…
Mais rien ne peut prendre son envol avec un gameplay aussi archaïque, renvoyant au-delà de l’ère
Assassin’s Creed qui n’est pourtant pas une référence du genre. Il suffit de voir comment fonctionne le système de caillou. Vous pouvez en envoyer 200 sur un soldat (torse, cuisse, genoux, qu’importe) qu’il mouftera à peine, le jeu imposant le one-shot à la tête. Vous pouvez également en balancer une tonne derrière ce même soldat qu’il s’en contrefoutra tant que vous n’avez pas respecté ce que le jeu impose : il faut impérativement toucher des éléments bien en surbrillance pour que l’ennemi aille regarder dans cette direction. Et ce phénomène se ressent d’un bout à l’autre. Dans chaque zone, plus de liberté et de choix que dans le premier, mais toujours incroyablement encadré au point qu’on ne sait parfois plus si son genre est l’infiltration ou le puzzle. C’était le principal élément à corriger, mais
Asobo a là encore préféré voir ailleurs, en ajoutant plus d’action (arbalète notamment) pour des séquences qui comme le reste oublient d’apporter le fun.