[Testé sur PlayStation 4 Pro, jusqu'à sa version 1.02]
Le test est à lire en complément du premier avis disponible via le lien ci-dessous :
group_article47788.html
Un papier finalement assez tardif il est vrai mais je ne comptais pas bâcler l’aventure, ce qui aurait été susceptible de donner un avis bien différent. Quelques 80 heures de jeu, ce n’est aucunement de trop, même si j’aurais bien souhaité prendre un peu plus mon temps au risque d’en abuser. Qui plus est, un test tardif n’est pas forcément en retard dans ce cas présent : chacun sait aujourd’hui les déboires de
Kingdom Come : Deliverance en matière de bugs à son lancement et même si une partie fut corrigée depuis, cela n’a pas empêché de hauts moments de crise de nerfs.
Oh, passe encore certains doublages qui vont du français à l’anglais sans prévenir, des textures qui s’affichent bien tardivement le temps d’un regain d’optimisation ou les temps de chargement un peu trop nombreux selon la situation. Le drame de
Kingdom Come, c’est indéniablement ses bugs qui parfois ne pardonnent pas. Se retrouver bloqué au milieu d’un buisson est déjà rageant, mais que dire de cette (longue) quête annexe qui dans sa dernière ligne droite m’a demandé de parler à un PNJ qui s’est soudainement retrouvé dans les cieux avant de s’écraser au sol comme une merde, causant la perte sans détour de cette quête ? Que penser de cette dame qui demande un rituel où le script s’actionne alors qu’on a oublié un objet important, rendant impossible le retour en arrière et obligeant le joueur à démonter la tête de la pauvre femme pour perdre également cette quête et reprendre sa route ?

Mais le pire vient de deux des quêtes principales, chacune victime d’un bug fatal. La première (« Questions et réponses ») va véritablement foirer à partir d’un instant précis et ceux qui ne sont pas au courant de tout cela vont continuer à progresser tranquillement, jusqu’à se rendre compte que tout ce qu’ils ont fait à partir de cet instant T est perdu à jamais et qu’il faut obligatoirement revenir en arrière pour accomplir la quête d’une manière très précise et pas forcément naturelle. Et si vous avez effacer toutes vos sauvegardes avant cela, allez vous mettre en boule dans un coin et hurlez. La deuxième (« Assaut Nocturne ») est moins dramatique sur la perte de temps mais tout aussi risible : lors d’un certains passage, il est impossible de bien faire les choses et pour pouvoir continuer l’aventure, il faut intentionnellement faire tout foirer. « On est nul » dira le compagnon de route. Mais au moins, on peut avancer.
Bref, toutes ces choses qui font dire encore une fois qu’il n’est pas trop tard pour donner un avis sur un titre qui mérite encore quelques jours d’attente, le temps de voir arriver deux nouvelles mises à jour qui se chargeront de corriger l’essentiel des gros problèmes rencontrés par la communauté. Comme d’autres jeux, certains récents (salut
Xeno 2), c’est là qu’on se rend compte que la note Metacritic du jeu a une importance de plus en plus relative. Pas de la faute de la presse, ni des joueurs qui malheureusement craquent encore trop sur le Day One, mais une époque où il faut savoir faire preuve de patience pour ne pas briser une expérience qui peut passer du rageant à l’enivrant en l’espace de quelques semaines.
Concernant le jeu, il incarne toujours la première grosse surprise de l’année et surtout l’une des nouvelles références du genre qui fait l’exploit de se placer brutalement dans le paysage sans chercher à copier ce qui se fait ailleurs. Pas trop en tout cas. Si vous n’avez pas lu le « premier avis »,
Kingdom Come fait donc le choix du contexte historique en plaçant l’histoire aux débuts des années 1400, en Europe de l’Est et plus précisément sur les terres de La Bohème, période en proie aux doutes sur l’avenir alors que le roi Venceslas IV fut déchu de son trône par son propre frère, l’ambitieux Sigismond qui compte bien faire main-basse sur le territoire après s’être octroyé la Hongrie et la Croatie. Vous, le pauvre Henry, fils de forgeron qui ne sait ni lire ni se battre, allez rapidement découvrir ce que le terme dommages collatéraux signifie dans ces guerres décidées au sommet.
Même sans rien connaître de cette époque, on arrive à être plongé dans cette ambiance reculée où le jeu fait en sorte de s’éloigner ici d’une saga comme
Elder Scrolls (mais pas sur le gameplay comme on va le voir après) avec un « héros » unique, donc une personnalité et un doublage, et donc forcément des cinématiques pour aller avec, toute très réussies et permettant de dérouler l’histoire, voir même certaines quêtes annexes. D’ailleurs, de manière globale, lorsque les dialogues ne sont pas en cinématiques mais plutôt en format standard (deux persos face à face avec mise en scène minimum), c’est parce qu’il va y avoir des choix à faire dans vos réponses. On reprochera juste, outre quelques bugs et des animations qui se répètent un peu, que la transition est loin d’être une réussite et que dialogues, cinématiques et retour au jeu fait à chaque fois l’objet d’un temps de chargement à la longueur très aléatoire.
C’est probablement sur cette ambiance maîtrisée jusqu’aux décors que
Kingdom Come peut prétendre faire la nique aux deux sagas phares de
Bethesda. Même si ces derniers (
Elder Scrolls et
Fallout donc) ne peuvent rivaliser sur la mise en scène par la volonté de laisser le joueur créer son propre personnage,
Warhorse a en revanche le mérite d’avoir directement passé la troisième pour arriver aux nouveaux standards d’un
The Witcher 3 avec une haute qualité d’écriture mais surtout un énorme travail sur les quêtes annexes. Il y a du fedex mais dans une catégorie bien à part et où l’unique intérêt sera en fait de booster vos compétences en retard (crochetages, combat, etc.) en allant rendre quelques services.
Mais les missions secondaires sont elles de très bon intérêt et bien loin d’un aller-retour à l’autre bout de la carte pour ramener deux rouleaux de PQ, se permettant même pour la plupart d’être assez longues et à multiples choix dans la résolution, généralement là encore en fonction de vos compétences. On pourra très bien opter pour le cassage de tronche, pour l’infiltration, ou tout simplement nos talents d’éloquence (qui sont vraiment à privilégier ici). Certaines sont mémorables et on a franchement envie de laisser la quête principale de coté un paquet d’heures pour se consacrer pleinement à ces objectifs qui peuvent nous mener à des moments totalement inattendus. Moins nombreuses que dans un
Skyrim évidemment, mais de bien meilleure qualité. C’est finalement ce que l’on souhaite aujourd’hui.
Et pour continuer dans le comparatif, le titre reprend donc la formule d’un
Elder Scrolls en matière de game-design et de progression. Même le menu s’en rapproche, c’est à dire assez bordélique au départ mais on s’y fait (hormis pour l’inventaire du cheval qui aurait lui mérité quelque chose de « moins simpliste »). Il faut juste pour cela traverser le prologue de plusieurs heures et même si la liberté nous est finalement offerte passé la phase d’introduction, il vaut mieux poursuivre un peu sur le fil rouge le temps de comprendre les bases du système, expliquée au fil de l’histoire, comme avec les phases d’entraînement avec épée en bois. Car rien que le système de combat est bien éloigné de nos habitudes, avec son système d’attaque en angle et ses parades au poil de cul, faisant que même à haut level et en pensant tout maîtriser, il suffit d’un combat mal abordé pour se retrouver démonté en quatre.
Et c’est pour cela que le titre demande de prendre son temps. Avec un système façon
Bethesda où vos actions détermineront la montée de vos compétences, il faut donc aller chasser pour augmenter ses facultés à l’arc, combattre pour booster sa force, sa maîtrise d’arme et son agilité, éviter d’user de la « semi-téléportation » d’un bout à l’autre de la carte pour privilégier les voyages en cheval et ainsi augmenter ses points d’équitation… D’ailleurs, on oublie même certains points qui nous faisaient rechigner les premières heures. Par exemple, ramasser des herbes, c’est long, sauf quand on gagne en compétences d’herboriste, débloquant une capacité qui permet de ramasser d’un coup un tas de choses dans une zone de quelques mètres. Même le crochetage, considéré comme l’un des drames de la version console, devient très abordable dès qu’on a pigé le truc, au point de ne même plus rencontrer de problèmes face aux coffres de niveau difficile.
C’est d’ailleurs globalement dans les premières heures que
Kingdom Come surprend le plus. C’est du
Elder Scrolls dans l’aspect mais pas totalement dans le fond. Alors oui, on est forcément plus limité dans les possibilités (pas de magies, pas de grottes secrètes à visiter, etc.) mais cela n’empêche pas les développeurs de s’être attardé sur des détails inhabituels, au point que
Bethesda doit actuellement se poser quelques questions face à cette concurrence venue de nul part. Le besoin d’apprendre à lire, les chiens qui aboient à votre approche, l’armure qui fait du bruit (ce qui joue donc sur les phases de discrétion), la présence d’un couvre-feu, l’impossibilité de revendre du gibier tout frais (la chasse est interdite), les méfaits qui auront une incidence dans toute une ville (jusqu’à pouvoir bloquer quelques quêtes)… Où l’on rajoutera le besoin de dormir, le besoin de se nourrir, le risque de devenir alcoolique à force d’abuser de certaines boissons, la nourriture qui pourrie dans l’inventaire, et surtout ce système de sauvegarde qui empêche de faire n’importe quoi (du genre détrousser la moitié de la ville en toute tranquillité).
On le dit encore : les premières heures font très peur, même pour un routard du genre. Rarement on ne s’est senti aussi faible au début d’un RPG, prêt à fuir la moindre menace, toujours là pour rester dans les clous, et étant heureux lorsqu’on récolte 20 pauvres piécettes qui nous permettront d’acheter un ou deux crochets et passé une nuit dans une auberge (seul moyen de sauvegarder en plus de vos rares chambres bien à vous). Sauf que tout ça, c’est au début et comme beaucoup de jeu dans le même genre, il suffit de progresser tranquillement et d’analyser ce qui nous entoure pour vite déterminer où sont les failles qui peuvent faire craquer le système. Et elles sont nombreuses.
Kingdom Come est le premier projet de
Warhorse et même si la team a un joli passif, ce dernier reste loin de ce que l’on doit attendre en terme d’expériences pour un RPG (c’est plutôt du
Mafia ou encore
Operation Flashpoint). Pour un coup d’essai, c’est au-delà de l’élogieux, mais pour une potentielle suite ou préquelle, car le jeu nous sous-entend les deux, il faudrait revoir quelques points d’équilibrage. La présence d’une marchande pétée de thunes à l’est de la carte va par exemple faire la joie de ceux qui veulent aller plus vite, puisqu’il suffira d’aller chasser quelques beaux morceaux, puis faire cuire la viande (annulant le statut de gibier volé) pour en deux ou trois heures vous rendre incroyablement riche.
On pourrait également citer les entraînements à l’épée où on peut rester comme ça à combattre des heures sans risque (c’est du bois) pour devenir ensuite un Berserk capable de porter une énorme épée longue et une armure de haut level… justement acheté grâce au pognon de nos chasses interdites. Et même si les combats vous énervent avec le temps, rien ne vous empêche de profiter de l’IA un peu neuneu pour abuser de l’arc même dans un 1V1. Bien sûr, rien de tout cela n’est obligatoire, et vous pouvez tout à fait vous la jouer role-play et éviter ainsi d’aller regarder sur la toile l’emplacement des quelques « trésors » planqués sur la carte qui vous refilent argent et équipement de folie en ayant que trop peu progressé dans l’histoire. Même si la tentation est grande.
Ces défauts d’équilibrage n’empêchent pas le titre de briller et de faire de
Warhorse un développeur à surveiller pour l’avenir. On pourra même lui reprocher quelques défauts sur l’ambiance globale (une seule espèce de chien, pas d’enfants, pas de loups, pas de charrette sur les routes), mais finalement bien peu de choses qui ne sont pas également valables chez la concurrence. Toutes les promesses de départ sont là, juste qu’elles ont tendance à vaciller sur la longueur et transformer une expérience voulue très ardue en une aventure plus commune mais finalement très satisfaisante dans la catégorie RPG, et dont on se souviendra finalement longtemps.
NOTE : Le patch 1.03
Si vous avez suivi l’actualité, vous devez savoir que la nouvelle MAJ est disponible sur PC et apporte une masse de correctifs sur de nombreuses quêtes (ce qui évitera sûrement les problèmes cités plus haut), en plus d’améliorer le système de crochetage, la réaction de l’IA, des combats un peu plus difficile… Malheureusement, n’étant pas encore disponible sur consoles, je n’ai pas pu juger de tout cela in-game donc on se contentera de faire confiance à l’équipe.