Conditions de test : effectué quelques jours avant le lancement, donc sans éventuel patch Day One. Aucun bug à signaler de toute façon.
Ce fut l’un des premiers jeux first-party officialisés sur Xbox Series et il aura fallu attendre plus de 4 ans pour le prendre entre les mains, et forcément encore plus depuis le premier épisode. Il y a déjà 7 ans de cela, nous laissions derrière nous Senua la guerrière Picte, victorieuse d’une certaine façon de sa quête incongrue, celle de devoir traverser les enfers pour ressusciter son amant avant de faire face à l’acceptation aussi bien pour le triste sort de son seul amour que celui de ses démons intérieurs (elle est on ne peut plus frapper par la psychose).
On peut dire que
Hellblade II reprend d’une certaine façon là où le premier s’est terminé, voire disons peu de temps après : les guerriers nordiques à l’origine du massacre de son village et de son cher Dillon sont de retour pour une énième razzia, et que cela soit fait exprès ou non (c’est laissé à la libre interprétation du joueur), Senua fait partie des capturés. Une aubaine d’une certaine façon : être emmenée même ligotée de force vers les terres du nord est une excellente occasion pour Senua de rencontrer le jarl responsable du massacre de son peuple, et lui arracher la tête dès que possible. Mais problème, ces terres maudites cachent un mal inattendu et notre héroïne schizophrène va devoir légèrement se détourner de sa route pour écrire son destin.

Premier bon point à signaler, si la narration reste souvent très pompeuse par un afflux constant de dialogues néanmoins propres au contexte (Senua a trois autres personnalités en plus de la sienne dans sa tête qui ne cessent de bavasser), reste que le scénario est cette fois devenu beaucoup plus limpide et épique, surtout passé le premier tiers. Cela vient peut-être du fait que Senua a accepté sa maladie et si l’on n’échappe pas aux hallucinations et délires du genre, un peu de clarté fait franchement du bien après s’être déjà tapé le crane sur
Alan Wake 2. L’aspect plus terre-à-terre vient aussi d’une aventure qui épargne parfois le sentiment de solitude absolu par la présence de trois autres personnages qui viennent apporter de l’épaisseur à un univers mythologique qui, s’il se montre impeccable dans le fond, montre encore d’étranges limites sur l’ambiance. On continuera notamment de se demander pourquoi chaque fois que l’on pose le pied dans un endroit habité, tous les villageois sont cloîtrés à triple tour chez eux.
Une astuce technique pour éviter le trop plein de taf sur les scripts ? Peut-être. Mais pas forcément très pardonnable dans un jeu over-linéaire après autant d’années d’attente, surtout que sorti de ce point et des fichus bandes-noires que l’on aurait aimé facultative, il faut bien poser les termes :
Hellblade II est une titanesque baffe graphique. Encore une fois, comme à l’époque de
The Order 1886, la totale linéarité aide beaucoup pour peaufiner chaque détail, mais reste néanmoins qu’à une époque où l’on touche depuis longtemps un plafond sur le rendu brut, ça fait un bien fou de se prendre une belle claque. Tout tient de la perfection jusqu’au moindre caillou, les panoramas sont prodigieux, les visages tout comme les expressions faciales parmi les plus beaux vus dans l’histoire du JV… Un jusqu’au-boutisme qui mène également à des choix faisant grincer des dents, surtout un : pour être certain qu’il n’y aura pas le moindre petit couac sur la synchronisation labiale, on nous impose le doublage US, certes excellent, mais vu le porte-feuille Xbox, des voix FR n’auraient pas été du luxe pour éviter à ce qu’un HUD volontairement absent « pour l’ambiance » soit remplacé par trois types de sous-titres.
Attardons maintenant sur l’aspect qui fâche : le gameplay.
Hellblade II comme le premier est avant tout vendu comme une expérience narrative et n’a jamais caché son genre, proposant même un rabais sur le prix de vente (49,99€, ça reste 20 de plus que le 1...) loin d’être négligeable pour un titre encore dénué de version boîte. Dans tout cela, il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c’est que les développeurs ont écouté les critiques sur le petit remplissage avec les mêmes mécaniques de puzzle qui se répétaient trop souvent dans des zones un peu casse-tête dans tous les sens du terme. On retrouve ici encore quelques redites comme « les symboles à trouver dans le décors » mais c’est moins constant et surtout, à moins d’avoir mystérieusement gagné 10 points de QI depuis 2017, j’ai eu la sensation que chaque énigme était bien plus rapidement expédiée pour d’une certaine façon garantir un meilleur rythme.
La mauvaise nouvelle, c’est que cette rehausse d’accessibilité amoindrit encore plus le côté « jeu » (sans même parler de challenge, juste « jeu ») et cela se ressent également dans les combats qui n’ont pas vraiment évolué sur le fond, mais sont juste bien mieux mis en scène. Vous trouviez qu’il était énervant d’affronter deux mobs à la fois dans
Hellblade 1 ? On nous a un peu trop bien écouté, les combats sont strictement limités au 1V1 d’un bout à l’autre du jeu, et sont donc de fait encore plus simples. Enfin quand on est habitué au système.
Hellblade II déplace donc encore plus la balance vers le narratif où pour la grande majorité des séquences, est privilégiée la mise en scène globalement sublime au détriment du fond. Parfois ça fonctionne très bien particulièrement sur trois passages majeurs qu’on ne spoilera surtout pas, et parfois on se demande si une cinématique n’aurait pas eu plus de valeur que se la jouer walking-simulator. On repartira avec le coup de la
« digne suite meilleure que le précédent », ce qui est déjà très bien pour les fans mais difficile de ne pas se dire qu’on aurait pu retrouver tous les arguments dans une soupe proposant davantage de vrai gameplay, ne serait-ce que pour aller au-delà des 7h de jeu sans replay-value.