L’actuelle génération de consoles a encore bien des choses à dire mais il aura suffit de seulement 15 mois pour à la fois redécouvrir de ce que fut l’envolée de
FromSoftware (
Demon’s Souls donc), et aujourd’hui quelques part l’aboutissement de deux décennies de souffrance et d’accomplissement. Il aura fallu patienter trois ans entre l’annonce et la sortie de
Elden Ring, ce qui n’est pas si long comparé à d’autres, mais on parle quand même du printemps 2019, époque reculée où le risque de pandémie mondiale tenait de la fiction. Une véritable impatience envers celui qui a la stature d’un GOTY, et le média aura fort à faire le reste de l’année pour tenter de lui voler la vedette vu le résultat.
On y revient mais après avoir démocratisé le retour à une certaine forme d’exigence il y a un paquet d’années,
FromSoftware a naturellement vu de nombreux concurrents tenter de piocher une part du gâteau, parfois avec un certain succès d’ailleurs, mais sans jamais parvenir à réellement titiller les travaux de Hidetaka Miyazaki qui tout en tentant parfois de nouvelles approches (
Sekiro notamment) n’a jamais souhaité se reposer totalement sur ses lauriers.
Elden Ring est d’une certaine façon un objet de maîtrise mais ne se contente pas d’être un best-of des acquis de la franchise
Dark Souls et du précité, l’autre objectif clairement avoué étant de tenter de s’ouvrir à un plus large public sans pour autant porter atteinte au cœur des fans, ceux-là même toujours prêts à brandir une fourche face aux demandes d’accessibilité.
Elden Ring l’est pourtant davantage, sans tomber dans la facilité, et c’est ce numéro d’équilibriste à haut risque qui surprend le plus.
Bon en revanche, s’il y a bien quelque chose qui n’a pas beaucoup changé, c’est ce qui touche à la narration.
Bandai Namco comme
FromSoftware ont beau avoir fait les louanges de George RR Martin dès l’annonce du jeu, ne vous attendez pas à retrouver mise en scène et débats politiques d’un
Game of Thrones. C’est du « Souls », donc en gros une jolie cinématique de départ qui vient poser rapidement le contexte, et ensuite c’est le minimum syndical avec certes un peu plus de PNJ que d’habitude, et donc de dialogues, mais on retrouve cette volonté de davantage faire parler le lore dans les indices, propos évasifs ou encore descriptions d’objets, laissant les plus gros fans courir synthétiser tout cela dans des wiki à 300 pages, pendant que le reste du public s’en tiendra à la base : le monde de l’Entre-Terre est en perdition depuis que l’Elden Ring a été détruit et c’est à vous, un « Sans-Eclat » de restaurer l’équilibre en allant dégommer la gueule des descendants de Marika l’Éternelle, plus exactement ceux qui ont récupéré les fragments de l’Elden Ring pour leur conférer un immense pouvoir, et un certain degré de folie.
Comme d’habitude, on démarre avec par l’éditeur de personnage avec les différentes classes dont l’Indigent à poil que l’on garde généralement pour un autre run (puis tout ce qui est sexe, âge, apparence…), et toujours comme d’habitude, on a droit à une rapide introduction aussi bien là pour faire découvrir le genre aux non-initiés face à des ennemis aussi vifs que des zombies fatigués, que pour permettre aux fans de reprendre les choses en main tout en découvrant quelques unes des nouvelles mécaniques, ou en tout cas par rapport à la trilogie
Dark Souls, notamment le nouveau système de contre qui aura son importance, ou encore l’arrivée des mécaniques de discrétion chopées de
Sekiro, n’allant pas jusqu’à transformer l’expérience en jeu d’infiltration mais toujours utile pour éponger en partie une zone un peu trop envahie à notre goût.
Et c’est ensuite que les choses sérieuses commencent à démarrer avec, on y revient, sur cet équilibre voulu entre les bases de
FromSoftware et la modernité. Car l’époque ou plutôt le grand public souhaite des mondes ouverts et l’envie de prendre son temps, quand Miyazaki fait parler l’essentiel de son CV depuis des années sur une relative linéarité et des donjons étriqués pour faire parler l’art du level-design. Comment concilier les deux ? En proposant les deux… C’est simple et on ne va pas parler d’éclair de génie en disant avec une belle dose de cynisme qu’un
Zelda proposait déjà cette formule en 1986 mais voilà, toujours est-il qu’il y a encore quelques années, personne n’attendait un Souls en véritable monde ouvert et
FromSoftware l’a fait d’excellente manière, parvenant à esquiver de nombreux pièges pour plaire autant que possible à davantage de monde.
Par exemple, on parle d’ouverture et de modernité mais il faut oublier la possibilité d’abandonner le fil rouge pour aller vaquer à l’autre bout du monde en bouclant tous les points d’intérêt présents sur la carte. Déjà parce que toutes les zones ne sont pas accessibles au départ, loin de là d’ailleurs, ensuite parce qu’il est tout simplement impossible de saisir la portée de l’univers qui vous entoure lorsqu’on entrevoit la première fois la lumière du soleil (on ne peut pas encore dézoomer la map), et enfin parce que les points d’intérêt, il n’y en a pas. Encore une fois au départ. On parlait de
Zelda plus haut et on peut forcément prendre en comparo
Breath of the Wild, avec un monde immense dont rien ou presque n’est indiqué, vous obligeant à vous-même y trouver des choses intéressantes. On a juste en bonus une ambiance beaucoup plus froide et une solitude expressément pesante. En fait, comme
Shadow of the Colossus, mais avec des trucs à faire.
Car effectivement, on n’a pas tellement vu depuis
Breath of the Wild (et ça commence à remonter) une telle envie de laisser le joueur découvrir un monde sans assistance autre que des choses subtiles, le tout heureusement porté par un incroyable travail en terme de topographie, forcément plus ouvert mais également avec plus de hauteur, sans pour autant pousser la grimpette. Heureusement d’ailleurs que les dégâts de chute ont été revus à la baisse. Une liberté offerte avec votre fier canasson (qui vous sauvera souvent la mise en vous aidant à fuir) mais jamais vraiment la sensation d’être perdue au milieu de nulle part sans savoir quoi faire. Les sites principaux sont là pour apporter un petit faisceaux de lumière indiquant le prochain point d’intérêt, sans jamais vous obliger à y aller dans l’immédiat car rien ne vous empêche de partir en exploration (et c’est conseillé) pour dégager le brouillard de la zone, récupérer un semblant de map avec quelques indices dessinés, puis aller sur place. Grottes, donjons cachés, village en ruine ou surprises vous attendent, de jour comme de nuit, avec toujours la satisfaction d’un minimum de récompenses à la clé.
Car outre le plaisir et l’excitation de la découverte de ce monde dont on a du mal à voir les limites, il y a forcément l’augmentation en puissance de votre personnage qui peut se faire décalquer toujours aussi rapidement, encore plus dans les donjons principaux, ceux où l’on retrouve totalement la formule Souls jusqu’au bout des ongles, gros boss inclus bien présent pour vous faire comprendre que la suite du programme passera au préalable par quelques grosses gouttes de sueur. Comme avant, de nombreux échecs réclameront (outre saisir le pattern de votre opposant) de gagner en level mais également revoir son build, laissant si besoin le joueur se téléporter en dehors d’un donjon. La différence étant que plutôt que d’éponger plusieurs fois un territoire connu en croisant les doigts pour du bon loot et en espérant trouver un recoin oublié, vous aurez toute liberté d’aller voir ailleurs pendant de longues heures pour revenir plus puissant, et mieux équipé aussi bien en matos qu’en magie, récupéré aussi bien en récompenses qu’auprès d’un miraculeux vendeur. A ce propos, si vous vous apercevez après un certain moment que votre personnage ne va clairement pas dans la bonne direction niveau stats et possibilités, pas besoin de recommencer en urgence un nouveau run : vous aurez l’occasion de redistribuer vos points (on vous laisse découvrir comment).

Tout est là ou presque pour faire de Elden Ring l’un des indéniables plus gros morceaux de l’année, ce qui n’empêchera pas de notifier quelques défauts. Rares certes, mais bien présent. Niveau visuel par exemple. Alors nous assistons à un évident bon en avant face aux précédentes productions de
FromSoftware mais ce n’est pas non plus la grosse claque graphique, avec quelques zones clairement en-deça du reste et un frame-rate qui ne peut toujours maintenir les 60FPS. En revanche, dans la direction artistique, là on peut avoir la mâchoire en morceaux tant le savoir-faire brille à chaque instant, aussi bien dans la variété des décors que dans cette capacité à livrer une architecture des décors qui poussent à mettre en avant de superbes édifices au loin pour nous en laisser admirer pas à pas leur grandeur au fur et à mesure qu’on en approche. La classe encore une fois, sans oublier les boss qui malgré un certain recyclage (au moins, il y en a beaucoup plus que d’habitude, forcément) montre une nouvelle fois le talent du studio pour nous livrer quelques opposants inoubliables.
On peut également signaler le fait que l’ouverture proposée par
FromSoftware n’est pas dénuée de failles, ou disons astuces parfois trop apparentes. On mettra de coté les glitches qui commencent déjà à apparaître sur la toile, susceptibles d’être corrigés dès que l’équipe le souhaitera, mais il faut en revanche indiquer qu’il suffit d’un rien pour briser la difficulté, notamment certaines capacités clairement abusées ou encore les invocations susceptibles de faire un peu trop le taf. Tout cela sans parler du coop (toujours aussi limité certes, dans les habitudes de la formule). C’est certes ce que l’on appelle du challenge à la carte, mais cela n’empêchera pas de constater quelques problématiques comme le fait qu’à trop vouloir mettre en avant les magies aussi bien dans leurs efficacités que dans les récompenses d’exploration, celui qui tentera le build full corps-à-corps risquent de pester un peu. Cela n’entachera pas suffisamment l’œuvre que l’on avalera goulûment pendant un nombre incalculable d’heures (une soixantaine de notre coté, juste pour un premier run) et comme on le dit désormais quasiment à chaque fois : le temps et les MAJ seront toujours susceptibles d’effacer quelques lignes à un test de lancement.