Il y a cinq ans de cela, alors que plus personne ne croyait encore au quinquennat de Hollande pendant que l’UMP devenait les Républicains pour mieux rebondir (ah, tout le monde s’en fout ?), loin de l’hexagone, Sony livrait l’une de ses plus grosses conférences en plein E3 2015, avec entre autres morceaux la grande officialisation du remake de
Final Fantasy VII, donc environ six mois après le magnifique troll de
Square Enix (le portage de l’original sur le PS Store, souvenez-vous). Un vrai fantasme qui me renvoie plus de 20 ans en arrière, quand en retour de vacances, mon petit frère me présentait la boîte PS1 déjà à moitié défoncée, me proclamant
« J’ai demandé à maman de m’acheter ce jeu car j’ai vu une image dans un magazine et je pensais que c’était un jeu de moto, mais c’était pas ça. C’est quand même super bien. » Tout le monde s’en fout de ma vie mais toujours est-il qu’il avait parfaitement raison :
FFVII, c’était incroyable, c’est l’un des piliers dans la carrière d’un joueur plus ou moins trentenaire, et son remake suscitait autant de craintes que d’espoirs.
(Je tiens à noter que malgré quelques précisions dans les descriptions, je ne spoilerais aucun élément d’importance sur le scénario, aussi bien pour ceux qui n’ont pas fait l’original que les surprises assez inattendues. La confiance quoi.)
Et c’est à partir de là que l’on peut de suite évoquer ce fameux choix de la part de
Square Enix. Les RPG d’époque (en perspective 2D) n’étant pas si facilement transposable dans une belle 3D ambitieuse, il aurait été il est vrai difficile de pondre un remake de A à Z sans devoir trancher sur certains aspects vu le nombre faramineux de décors à devoir reproduire, et dans des proportions bien plus élevées que l’original : un « tableau 2D » sur un unique plan, ça demande toujours moins de taf que de refaire le même niveau avec une caméra libre. L’éditeur a donc fait un choix pas forcément mauvais, à savoir découper son remake en plusieurs épisodes. Combien, on ne sait pas encore, mais ce « premier » arc (et c’est bien indiqué à l’arrière de la jaquette pour éviter tout problème judiciaire) va donc évidemment se concentrer sur Midgar, mais avec une masse d’ajouts pour passer d’une demi-douzaine d’heures sur l’original à environ 20h pour une ligne droite, et le double pour le 100 %. Pari osé, pas désagréable du tout, mais très à risque pour le rythme. Et… c’est peut-être là le plus gros défaut du jeu.
La démo jouable a permis de se rendre compte que ce remake allait tartiner chaque passage, avec davantage de séquences, de salles et éventuellement puzzles, gardant en objectif une certaine cohérence dans la progression sans oublier le fait que les combats ne sont évidemment plus aléatoires. Donc de ce coté-là, on n’est jamais surpris de voir que ça va être exactement la même chose pour la fuite de l’église, les égouts, la tour Shinra… Limite, aucun problème, et c’est même préférable. Il y a aussi le fait qu’il fallait désormais rajouter des morceaux inédits pour, je cite les développeurs, « explorer plus en détails l’univers de FFVII ». Pour un résultat assez mitigé, alors que ça partait pourtant si bien en nous offrant un chapitre mettant en avant les trois larrons d’Avalanche, donc Jessie, Biggs et Wedge. Ce n’était pas dément en terme de gameplay, et davantage axé sur la narration, mais on sentait que ce n’était pas inutile et que surtout, ça apportait quelque chose d’intéressant. Mais ça n’est pas toujours le cas.

Et là on pourrait citer une Aerith qui nous demande expressément de faire un loooong détour alors que l’objectif était à deux pas, qu’on nous impose de revenir faire un tour dans les égouts pour un prétexte odieusement bidon (une espèce de grenouille a gobé une clé, si si), qu’on ajoute une tonne de séquences dans la Tour Shinra qui n’ont scénaristiquement aucun intérêt. Car c’est peut-être là le problème principal. Sorti de l’acte avec le trio du précédent paragraphe, on sent que Square Enix voulait tartiner sans trop avoir de matière supplémentaire. Il y en a, et parfois très bien trouvé, mais la moitié du temps, c’est juste du rajout pour étaler la longueur d’un niveau, la faute assurément au fait que les développeurs ont été incapables de booster la qualité du casting. Aucun problème pour ceux qu’on connaissait déjà, et dont chaque représentant brille bien plus qu’à l’époque, aussi bien du coté de la troupe que de la Shinra (Hojo est incroyable), le tout servi avec un doublage FR de bonne qualité, où l’on trouvera peut-être à redire sur Barret mais c’est le personnage qui est un peu trop sous tension, pendant qu’on accordera de belles mentions aux doubleurs de Jessie et Heidegger.
Par contre, les nouveaux… Eh bien il est là le couac. Avec de nouvelles têtes, là il y aurait eu moyen de prolonger l’expérience mais encore fallait-il qu’il y ait de l’intérêt derrière la personnalité et l’histoire de chacun. Malheureusement, pour de bonnes surprises du coté du Wall Market qui sont au dessus du lot (pour un chapitre que l’on peut déjà considérer comme culte, et bien plus que l’original), le reste est donc incarné par une petite minette qui n’est là que le temps d’une quête annexe, un motard qui aurait pu apporter quelque chose d’important vu son passif mais qui ne sert à rien à part jouer l’abruti, un Leslie qui prouve que Nomura commence à être à court d’idées (niveau design, c’est le héros de Type-0 avec une casquette quoi) et enfin Johnny, le couillon de service. C’est probablement lui le plus choquant, presque en inadéquation avec le reste du jeu tant ses aptitudes nanardesques et caricaturales rappellent un vieux J-RPG de base, alors que Wedge, un peu considéré comme le bêta de l’original, l’est toujours un peu mais de manière bien plus humaine et attachante.

Et c’est dommage de tomber sur ce genre de personnages quand le jeu parvient à coté à réussir son pari initial : développer l’univers et de multiples façons, de ce qui englobe Avalanche et certains de la Shinra en passant par des éléments dont les aboutissements nous attendront un jour lointain. Le jeu sait caresser le fan dans le sens du poil à de nombreux moments, et on a toujours envie d’avancer pour voir le chapitre suivant, mais c’est encore une fois triste que les longueurs prennent toujours le pas, un peu comme si on avait le résultat brut d’un film tout juste sorti du tournage, qui aurait oublié de supprimer des séquences que même le réalisateur ne jugeait plus utile. Et encore, tout ça n’est peut-être rien par rapport au final. Car chaque fan sait à quel moment cette première partie de FFVII va se terminer. En revanche, vous allez être surpris par la façon de faire, et pas forcément dans le bon sens du terme tant ce dernier morceau est une nouvelle preuve de l’envie de « trop » en faire, juste pour vouloir justifier l’impression d’un jeu à part entière selon la volonté de Square Enix, alors qu’il n’en est rien : mille rajouts n’ont pas empêché d’avoir la sensation de terminer un simple prologue.
Bon je me rend compte que ces premiers paragraphes n’ont pas été forcément toujours tendre mais croyez bien que j’ai adoré l’expérience qui restera sans nul doute l’un des coups de coeur majeurs de 2020. Parce que même s’il en fait trop, il répond en majeure partie à nos fantasmes, de part de fabuleux réarrangements musicaux, des personnages plus vivants que jamais, une exploitation assez bien trouvée de certains éléments futurs, et surtout une technique globalement au top. Pas toujours ok, certaines textures étant en deçà, on garde du popping en ville et les temps de chargement sont quand même assez longs (pas de patch Day One à l’heure où j’écris ces lignes), mais la majorité du temps, ça défonce la gueule. La modélisation des persos est proprement magnifique, on s’en prend plein la tronche au niveau des effets, l’ambiance de certains secteurs est sublime, et puis surtout, on est abreuvé de détails graphiques qui font plaisir et qui donne envie de tout admirer. De toute façon, le fan le dira : le simple fait d’arriver au secteur 6 et de pouvoir profiter de la caméra pour lever la tête et admirer la titanesque plaque au-dessus, ça donne une toute autre dimension à l’expérience.

Qui plus est, et ça ceux qui ont joué à la démo le savent déjà, le changement de système de combat était juste la meilleure chose à faire, surtout pour obtenir cette qualité bien supérieure à ce que nous offrait
FFXV. On conserve le système de matéria, avec davantage de choix que pour le Midgar de l’époque (forcément) et quelques invocations pour éviter de nous faire attendre la partie 2 dans x années, et tout repose ensuite sur des acquis qui ont commencé à être mis en place à partir de
FFXIII pour s’améliorer au fil du temps. Il n’y a rien de compliqué à comprendre puisque tout le concept (surtout valable sur les moyens/gros + boss) va être de faire entrer l’opposant en état de faiblesse, ce qui n’est pas toujours simple (et même la matéria Analyse ne donne pas toujours les éléments souhaités), pour ensuite lui balancer des compétences dans la gueule afin de faire augmenter cette jauge de faiblesse jusqu’à passer en « Choc », signifiant qu’il est stun quelques secondes et susceptibles de se prendre des dégâts à 160 % minimum. Autant dire que c’est l’instant pour envoyer la dose, surtout vos aptitudes de « Transcendance » (ex-Limit).
Et qu’est-ce que c’est bon ! Le système d’un FF n’a jamais fait preuve d’autant de nervosité et il n’y a que rarement de place au bourrinage (à condition de ne pas jouer en Facile), tant il faut constamment prendre en compte les compétences de chacun, en faisant surtout en sorte d’économiser des jauges d’ATB pour certains afin de soigner en cas de danger. Car on a beau n’avoir que quatre personnages jouables (qui vont et viennent selon la situation), chacun a ses atouts : Cloud aux contres et Transcendance dévastatrices, Tifa et sa capacité à booster drastiquement l’état de Choc, Barret pour les attaques à distance et Aerith qui fait forcément la taf sur ses bonus, dont le fait de pouvoir soigner large et créer des zones pour lancer deux magies d’un coup. On ne reprochera d’ailleurs jamais de devoir faire les choses nous-mêmes (et vaut mieux pour éviter des erreurs) mais l’IA aurait tout de même pu être un peu plus agressive dans ses coups standards, quitte à revoir l’équilibre. Signalons également la bonne idée avant certains boss de bénéficier d’une option pour ouvrir le menu juste avant le combat afin de revoir son équipement et ses matérias, avec néanmoins un défaut à corriger dans une MAJ : si vous perdez, les modifications effectuées sont perdues et il faut tout recommencer.

Bien sûr, les habitués du système trouveront vite les meilleurs builds possibles mais cela n’empêche pas de ressentir une vraie élévation du challenge par rapport à l’original, surtout qu’il est beaucoup plus difficile de farmer bêtement (et ce n’est pas plus mal), le jeu tournant une partie de son augmentation en puissance sur ses désormais annexes qui n’existaient pas dans l’original. Alors on est encore et toujours dans le Fedex, du moins en majorité, mais ce n’est jamais chiant à effectuer et on aura au moins droit à des mini-jeux de temps en temps : fléchettes, squats… Dommage de ne pas en avoir profité pour inclure des bornes arcade dans certains endroits, faute de Gold Saucer avant plusieurs années. Dans tous les cas, les récompenses sont suffisamment intéressantes pour qu’on s’attarde à tout cela en dehors du gain d’xp et de gils, particulièrement des sortes de bouquin pour bénéficier de points à répartir dans les armes (bonus d’attaque/défense, socle supplémentaire de matéria…) ou encore ce gamin scientifique qui nous offre des défis pour acquérir de nouvelles invocations. Le genre de carotte qui ne se refuse pas.
Donc si de ce coté, le jeu sait faire le taf au niveau des annexes, et d’autant plus en restant obligatoirement cloisonner dans Midgar, on ne peut en revanche pas dire que la grande promesse du « post-game » soit tenue. Car notre mémoire n’étant pas encore défaillante, on n’a aucun mal à se souvenir qu’il y a à peine quelques jours, l’équipe nous stipulait qu’on serait « surpris » sur ce point. Hé bah non. Car si vous souhaitez faire l’essentiel des annexes lors de votre premier rush, le post-game, il va se résumer en deux mots : quelques combats d’arènes, et un mode difficile en New Game + (avec son trophée dédié). Voilà. Bon ça occupera les fans qui souhaitent impérativement rentabiliser l’achat (surtout que bon, on n’aura pas la suite du programme avant un moment), juste histoire de faire grimper leurs persos au niveau 50 grâce à un gain d’xp doublé et pouvoir tout refaire en zappant annexes et cinématiques avec comme grosse restriction l’impossibilité d’utiliser le moindre objet. Admettons, car on va dire qu’on ne s’attendait pas non plus à aller récupérer Odin ou les Chevaliers de la Table Ronde. Pas encore.
(Pour illustrer l’article, on évitera de vous mettre cette fois le trailer de lancement, véritable nid à spoils, comme souvent avec Square Enix)