Dans les allées de la Game Developers Conference (GDC), ce grand salon destiné aux développeurs de jeux vidéo, qui s'est tenu du 17 au 21 mars à San Francisco, il était impossible de rater le stand PlayStation. C'était le plus imposant, avec son immense structure bleue et ses nombreuses bornes de démonstration consacrées aux consoles de jeu de Sony.
Microsoft n'était pas en reste. Si son stand Xbox était plus modeste, il était situé à un endroit stratégique: à l'entrée du Moscone Center où se tenait le salon.
Pour les deux rivaux, la GDC constituait un nouveau terrain d'affrontement, quatre mois après le lancement de leur nouvelle génération de consoles, la PlayStation 4 et la Xbox One.
Sony et Microsoft y étaient venus courtiser les développeurs indépendants, ces petites structures souvent plus créatives que les grands éditeurs, comme Activision, Electronic Arts ou Ubisoft.
« Avec l'envolée de leurs budgets de production, les impératifs financiers tendent à limiter leur prise de risques », avance Charles Cox, PDG du studio 4Gency.
Les dirigeants des deux sociétés ont multiplié annonces, promesses et déclarations d'amour. « Vous êtes ceux qui innovent et créent des expériences uniques », a lancé, mercredi, Frank Savage, de Microsoft.
La veille, Shuhei Yoshida, l'un des principaux responsables de Sony, avait salué
«les développeurs passionnés qui nous aident à créer des expériences incroyables ».
LES INDÉPENDANTS, PILIERS DE SA STRATÉGIE
Cette bataille a débuté en février 2013, lors de la présentation de la PS4. Sony avait fait des indépendants l'un des piliers de sa stratégie. En juin, lors de sa grande conférence de l'E3, le plus grand salon de jeux vidéo, le japonais avait même invité neuf développeurs indépendants à présenter leur projet sur scène.
« Dès le début, ils ont été à l'écoute de nos besoins et de nos problèmes » , se souvient Yousuf Mapara, directeur créatif du studio canadien Switchblade Monkeys, dont le premier jeu, Secret Panchos, est prévu exclusivement sur PS4.
« Nous mettons à leur disposition de nombreux outils et ressources gratuitement », rappelle Chris Norden de Sony.
Microsoft, lui, s'est un peu fourvoyé. Il a suscité la colère des petits studios en remettant en cause l'auto-édition. Avant de faire marche arrière.
« Microsoft essaie de rattraper le coup», commente un développeur.
A la GDC, la société a organisé de nombreuses présentations pour vanter les mérites de sa plate-forme, Kinect, sa caméra à reconnaissance de mouvements, ou l'utilisation du cloud computing (informatique dématérialisée) pour démultiplier les possibilités graphiques.
Mardi 18 mars, la firme de Redmond a aussi dévoilé une liste de 25 jeux indépendants qui sortiront sur Xbox One au cours des prochains mois, dans le cadre d'un programme d'accompagnement des petits développeurs.
«Nous voulons rendre le processus le plus simple possible », explique son directeur Chris Charla. Sony revendique de son côté plus de 100 jeux en développement.
Si les deux rivaux s'affrontent pour séduire les petits studios, c'est parce que les jeux indépendants sont de plus en plus populaires auprès des joueurs. Le phénomène a débuté sur PC avant de s'étendre aux consoles.
PRIVILÉGIER LE TÉLÉCHARGEMENT
En plus de jolis succès critiques, certains titres ont atteint des niveaux de ventes élevés, à l'image de Minecraft qui a rapporté plus de 300millions de dollars en 2013 à Mojang, son développeur suédois.
Disponibles uniquement en téléchargement,
« les jeux indépendants sont la clé du marché dématérialisé », ajoute M.Mapara.
Or, c'est vers ce modèle de distribution que veulent se diriger Sony et Microsoft, qui y voient l'opportunité d'habituer les joueurs à acheter des jeux en ligne.
Sur un marché où les exclusivités se font de plus en plus rares - les grands éditeurs préfèrent sortir leurs titres sur plusieurs consoles pour maximiser leur retour sur investissements -, les jeux indépendants apparaissent également comme un élément de différenciation.
« Pour les petites équipes comme la notre, il est souvent préférable de se concentrer sur une seule plate-forme » , rappelle M.Cox, qui a opté pour la Xbox One.
En s'assurant le soutien du plus grand nombre de studios possibles, Sony et Microsoft veulent alimenter leur catalogue de jeux, dans l'espoir de faire pencher la balance de leur côté. Le japonais semble pour l'instant le mieux placé. En retard, son concurrent américain ne baisse cependant pas les bras.