Megaupload, qui compte parmi les vingt sites les plus importants au monde, n'est plus accessible. Le site et les différents services satellite qui l'entourent semblent avoir été mis hors ligne après une action de la justice américaine. Celle-ci confirme l'ouverture d'une procédure criminelle de grande envergure.
Selon nos constations, Megaupload n'est plus accessible en France, que ce soit depuis une ligne Free, Bouygues ou Numericable. Simple problème technique ? Il semblerait que la réponse soit plus grave, au moins pour le fameux Kim Dotcom, ses associés et ses employés. Le département de la Justice américain confirme l'ouverture d'une procédure criminelle. Il estime que Megaupload aurait engrangé plus de 175 millions de dollars grâce à des activités frauduleuses, et provoqué plus de 500 millions de dollars de manque à gagner auprès des ayant-droits. Le motif ne fait donc aucun doute : Megaupload est accusé de favoriser les infractions au droit d'auteur.
« Cette action est justifiée par le cas de crime contre le copyright le plus important jamais identifié par les Etats-Unis et vise directement le mésusage d'un site public de stockage et de distribution pour commettre et faciliter les crimes contre la propriété intellectuelle », annonce le DoJ.
Officiellement ouverte le 5 janvier dernier par un grand jury de l'état de Virginie, la procédure a conduit à l'arrestation, jeudi 19 janvier, de Kim Dotcom, fondateur et patron de Megaupload, en Nouvelle Zélande. Deux de ses associés ont également été interpellés. Le DoJ évoque par ailleurs une liste de complices supposés qui n'ont pas encore été localisés. Il affirme que chacun d'entre eux risque de multiples peines de prison, allant de cinq à vingt ans, pour racket en bande organisée, conspiration en vue d'infractions au droit d'auteur ou blanchiment d'argent.
Aucun des sites de la galaxie Megaupload ne semble plus répondre depuis la France, ce qui ne va pas sans soulever quelques questions. La société Megaupload, qui compte les serveurs par milliers, est en effet juridiquement basée à Hong Kong, et ne répond normalement pas du droit américain. Ses équipements sont en outre répliqués dans de multiples centres de données, en Europe, en Asie ou aux Etats-Unis. Certains abonnés payants se demandent déjà si leur souscription leur sera remboursée.
Le DoJ indique avoir bénéficié dans cette affaire des forces de police de la Nouvelle Zélande, du Canada, ainsi que des Pays-Bas.
L'exposé des charges établi par le FBI reprend certains des arguments régulièrement avancés par les détracteurs du service, comme le système qui vise à récompenser les uploaders ayant mis à disposition des fichiers très téléchargés. Ils reprochent également à Megaupload d'avoir participé à la construction d'un écosystème de sites tiers, recensant les fichiers hébergés par ses soins, lui évitant d'avoir à lui même fournir un moteur de recherche sur son propre service.
Est également soulignée l'absence de sanctions prises à l'encontre des utilisateurs du service qui y hébergeaient des fichiers illégaux. Les Feds remarquent que si Megaupload respectait la procédure de cease and desist (supprimer un fichier violant le droit d'auteur lorsque celui-ci était signalé par les ayant-droits), les comptes utilisateurs associés restaient quant à eux ouverts.
Quid du statut d'hébergeur ?
Régulièrement critiqué, Megaupload s'était jusqu'ici toujours retranché derrière son statut d'hébergeur pour justifier de la légalité de ses activités. C'est cette posture confortable que semble vouloir démolir l'exposé des charges mis au point par le FBI et le DoJ, en arguant du fait que Megaupload n'agissait pas comme un simple intermédiaire technique, mais bel et bien comme le promoteur et l'instigateur d'activités liées au téléchargement illégal.
Si les usages illégaux de Megaupload étaient manifestes, il est vrai que le service en tant que tel n'a rien d'illicite, tout comme un client P2P n'a rien d'intrinsèquement illicite. La société avait d'ailleurs argué du fait que son site était utilisé par des entreprises très sérieuses pour stocker et diffuser leurs documents, et s'estimait jusqu'ici parfaitement à l'abri du DMCA (loi américaine qui définit et protège, entre autres, le statut d'hébergeur).
En décembre dernier, Megaupload s'était lancé dans une vaste campagne de communication afin de faire connaitre ses services. Il s'était alors offert les services d'une brochette de stars qui, tout au long d'un clip musical, affirmaient à quel point elles étaient ravies d'utiliser (légalement) Megaupload. La maison de disques Universal avait bien maladroitement donné grand écho à cette manoeuvre, en demandant le retrait du clip en question des plateformes de partage, au motif que celle-ci enfreignait le droit d'auteur, ce qui n'était manifestement pas le cas.
Le 12 janvier dernier, un représentant de Megaupload, Emmanuel Gadaix, avait été entendu par le Sénat français (voir la vidéo). Il y défendait la légalité du service, indiquant que celle-ci n'avait jamais été inquiétée par la justice, et dénonçait les fondements des deux lois Hadopi.
En parallèle de cette prise de parole, Megaupload avait annoncé son intention de révolutionner l'univers de la distribution de films et de musique, avec le lancement de nouveaux services comme Megabox, qui devaient permettre de profiter, légalement cette fois, de contenus musicaux ou vidéo. Il faudra attendre le résultat de la procédure en cours pour savoir si, oui ou non, ces services verront le jour. Les nombreuses alternatives à Megaupload restent, pour l'instant, parfaitement accessibles.
La fermeture de Megaupload intervient au lendemain d'une journée de contestation sans précédent sur le Web, visant à dénoncer les risques potentiels de deux projets de loi américains voulant lutter contre le téléchargement illégal, SOPA et PIPA (voir SOPA : Google vire au noir pour lutter contre la censure du Web).