Parlons de choses festives et de décisions judicieuses, un peu. Voici de quoi l’édition du Monde d’aujourd’hui nous informe :
Après les restaurants, les films. L'Association du cinéma américain (Motion Picture Association of America), qui défend les intérêts des studios hollywoodiens, a annoncé, jeudi 10 mai, que le tabac ferait partie des critères pris en compte dans le classement des films, au même titre que la violence, le sexe ou les écarts de langage. Le quotidien New York Times a réagi en parodiant les avertissements imprimés sur les paquets de cigarette : Attention, fumer peut être dangereux pour le classement de votre film.
Trois critères seront pris en compte : Le tabac est-il omniprésent ? Le film présente-t-il le fait de fumer sous un jour favorable ? Existe-t-il des circonstances historiques ou atténuantes ? George Clooney pourra ainsi continuer à fumer dans Good Night and Good Luck, où il joue le journaliste des années 1950 Edward R. Murrow, sans que le film soit classé R, c'est-à-dire interdit aux moins de 17 ans. Mais l'oeuvre sera assortie d'une mise en garde contre les effets nocifs du tabac.
Les studios suivent une société très mobilisée contre le tabac. Fumer devient de plus en plus inacceptable, a expliqué le président de la MPAA, Dan Glickman. Depuis 2005, la pression s'est accrue sur les réalisateurs pour cesser de présenter la cigarette sous un jour attirant. Avant la cérémonie des Oscars, l'association Smoke-free Movies (films non fumeurs) a livré un cercueil d'or à Hollywood, accusant le cinéma de complicité avec l'industrie du tabac.
En 2006, la faculté de santé publique de Harvard a réclamé que tout nouveau film montrant des fumeurs soit classé R. Les ministres de la justice de trente-deux Etats ont emboîté le pas. Le refus de la MPAA d'interdire les films aux jeunes dès la première image de cigarette les a déçus. La profession a mis en avant le
espect de la liberté de l'artiste.
En deux ans, le nombre de films où l'on aperçoit une cigarette a été réduit, mais il est encore de 50 % dans les films tous publics. Les associations espèrent responsabiliser les acteurs. Le magazine Pediatrics vient de distribuer les bons et mauvais points. Elle a étudié 534 films entre 1998 et 2003. Brad Pitt a été pris 42 fois en fumeur, suivi de Nicolas Cage, 37 fois. Mais Ben Affleck jamais, alors qu'il lui arrive de fumer hors caméra...
J’ai beau chercher, je ne vois rien de drôle à en tirer. Sauf peut-être le ridicule de cette association Smoke-free Movies, qui me fait penser que je pourrais, puisque je déteste voir des personnages s’appelant Jim, créer l’association Jim-free Movies.
Quelque chose vous dérange dans l’art ? Allez-y, lâchez-vous ! Demandez sa prohibition pure et simple ! Vous voulez faire un western ? Peut-être sera-t-il tout public même si vous montrez des cigarettes, mais faites attention à ne pas montrer de gros nénés et à assortir votre film d’un avertissement, c’est vrai qu’il y a tellement de gens qui ne savent pas les dangers du tabac… On ne va pas aller jusqu’à trafiquer l’Histoire, mais enfin.
Prenez garde également à ne pas faire fumer les gentils, et à ne pas les faire fumer avec classe. Désormais, un héros voulant fumer dans un film devra avoir des cigarettes mal roulées, les fumer comme un porc et manquer s’étouffer à chaque latte. De préférence il prendra conscience avant la fin de l’histoire qu’il détruit sa santé et cessera immédiatement sa consommation, ce qui lui permettra du même coup de se taper la blonde, qui ne peut pas aimer un fumeur. S’il n’arrête pas de fumer, il doit mourir pour bien faire prendre conscience des risques du tabac. Il peut même mourir de la cigarette par cause indirecte, exemple : il se balade la clope au bec, quand soudain le méchant arrive et lui tire dessus. Là le héros voudrait bien dégainer mais malheureusement sa main droite est occupée par l’objet du démon. Conclusion : fumer empêche de tirer sur son agresseur. Ca c’est percutant.
N’empêche, pauvre Brad Pitt, choppé en infraction à 42 reprises depuis 1998. Il n’aurait jamais dû jouer dans Fight Club, c’est ce film-là qui l’a tué, ça c’est sûr. Fight Club aurait sûrement dû accentuer encore plus sa violence visuelle, mais certainement pas montrer Brad Pitt en train de fumer. C’est marrant d’ailleurs que la journaliste évoque Good Night & Good Luck dans son article, c’est précisément un film sur la chasse aux sorcières.
Au fait, je me demandais s’il y avait encore beaucoup de films qui n’étaient pas interdits au moins de 17 ans aux Etats-Unis, avec ce genre de trucs. Pour les films américains, je pense que ça va, à mon avis ils s’adaptent, mais les films français, je crains pour eux. Déjà que les Choristes avait été interdit aux moins de 13 ans, bon ça encore c’était pas vraiment un drame… Mais si on prend par exemple A bout de souffle de Godard, mon Dieu il a la totale celui-là : une nana les seins à l’air, Belmondo qui tire sur les flics, et qui en plus semble marié à sa cigarette. Le tabac est-il omniprésent ? Oui ! Le film présente-t-il le fait de fumer sous un jour favorable ? Grand Dieu oui ! Y a-t-il des circonstances atténuantes ? Non monsieur le Juge ! Allez hop ! au cachot, c’est avec des navets comme ça qu’après les chinetoques fusillent des gens dans les universités.
A tout ceci s’ajoute bien sûr le tabagisme passif. Car la cigarette n’a pas besoin d’être réelle pour tuer les gens. Au sortir d’un film dans lequel le héros fumait tout le temps, les spectateurs non-fumeurs interrogés ont tous répondu qu’ils avaient l’impression d’avoir ingurgité un paquet complet, et qu’ils filaient chez leur cancérologue pour vérifier que la fumée ne les avait pas empoisonnés à travers l’écran. Il a en effet été démontré, dans une étude très sérieuse, que lorsqu’un personnage de film fume une cigarette, le risque d’infarctus chez le spectateur augmente de 17% à 389%, selon que le cadrage sur le personnage est plus ou moins serré, et selon la distance à laquelle se trouve le spectateur de l’écran. Dans les films sans tabac, en revanche, le risque de mourir pendant le film est de 0% chez tous les spectateurs. Des chiffres éloquents.
Non vraiment, tant vont les cruches à l’eau, qu’en la fin elles nous les brisent.
publié le 14/05/2007 à 22:05 par
franz
Après avoir appartenu à la France qui se lève tôt pendant une semaine, me voilà autorisé à réintégrer celle qui se lève tard / ne fout rien / profite du système pour trois mois, mais en culpabilisant grâce au discours de mon président de ma République. Au fait, vous connaissez quelqu’un qui appartient à la France qui se lève tard ? Pas étonnant que ce discours ait touché beaucoup de gens puisque l’essentiel d’entre nous, je pense, se mettra du côté de ceux qui se lèvent tôt.
Moi en tout cas je me lève tôt, par exemple hier j’étais debout à cinq heures douze ! Du matin ! Alors président, vous faites quoi pour moi maintenant ? Et que pensez-vous des gens qui sont génétiquement programmés pour se lever tard ? C’est tout de même pas de chance pour eux, il n’y a plus qu’à les abandonner et les laisser sombrer sans rémission possible dans leur fainéantise congénitale. De toute façon ils sont sûrement pédophiles et suicidaires aussi, donc bon.
D’ailleurs je trouve qu’on n’a pas assez pensé aux pédophiles suicidaires qui se lèvent tard, dans cette campagne. C’est vrai, par exemple le type qui se met debout à 14 heures, qui viole une gamine à 15 heures et qui se suicide à 16 heures, il mérite tout de même qu’on s’attarde un peu sur son cas non ? Il ne manquerait plus qu’il soit clandestin et c’est réglé, on renvoie son cadavre par avion.
Enfin je critique, mais qui suis-je, à vingt ans, pour le faire ? Etudiant en fac de lettres en plus, donc me levant tard. Dans tous les cas je crois que je vais finalement regretter le Président Chirac. Non pas qu’avec le Président Sarkozy je pense que ça sera moins bien, mais en voyant les cérémonies de commémoration de l’esclavage, je me suis dit quand même il a de la gueule le vieux pépère, il a de la classe même. Et que je fonce dans la foule, et que j’agrippe toutes les mains qui passent, et que je donne un coup de cul pour libérer le passage. Pendant ce temps-là, le Président Sarkozy était bien en retrait, presque effrayé semblait-il par la foule, beaucoup constituée de Noirs il faut le dire pour sa défense. Et Chirac qui saluait tout le monde et jetait des regards vers son successeur, des regards qui semblaient vouloir dire : Regarde petit, comment on continue de se faire aimer du peuple même une fois qu’on est élu, prends-en de la graine.
Ce qui est bien maintenant que le Président Sarkozy est Président de la République française, c’est que je vais pouvoir dire, comme beaucoup de gens pendant la campagne, de toute façon il ne tiendra pas ses promesses — mais moi je serai heureux de le dire. Après tout il n’y a pas de raison, je ne vois pas pourquoi quand quelqu’un promet des trucs chouettes on est persuadé qu’il ne les tiendra pas, et pourquoi quand il promet des trucs nuls on est certain qu’il les accomplira.
Enfin bon, je suis déçu de mes camarades étudiants. Je trouve qu’ils ne se mobilisent pas des masses. Tout juste ont-ils organisé une AG « contre Sarkozy et son monde », disaient-ils, mercredi dernier. Ca n’a pas du bien marcher leur truc, la fac était encore ouverte jeudi. D’ailleurs ça me fait sourire la complaisance dans laquelle certains tombent depuis cette élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République. On dirait qu’il y en a, ils prennent plus de plaisir à se dire Ohlala on est foutus la France est foutue c’est cinq ans de dictature, que d’autres à répéter Supère Sarkozy va enfin faire bouger les choses. Ca doit être la fierté d’avoir pu déceler dans son discours les signes d’un fascisme/nazisme/franquisme radical, et de se dire Je suis le seul perspicace dans cette affaire, les autres finiront en prison, moi aussi, mais moi au moins je pourrai leur dire ha ha je vous avais prévenu bande de nuls.
Pour ma part je préfère être optimiste. Si ça se trouve le Président Sarkozy ne sera pas si mauvais et méchant qu’on veut nous le faire croire. Peut-être même que dans cinq ans on le réélira dans la joie et l’allégresse, en l’absence d’un autre candidat autorisé.
C’était l’analyse politique de haute-volée que je voulais vous offrir aujourd’hui. J’ai terminé l’essentiel de mes examens et rendu deux dossiers dans la semaine, et tout ça m’a bien mobilisé. Bon, les dossiers, le l’avoue, étaient plutôt chouettes à faire : l’un sur la littérature dans l’œuvre de Lou Reed, l’autre sur le livre Jérôme Lindon de Jean Echenoz. Jean Echenoz qui est, j’en ai la nette impression, un superbe écrivain. En tout cas son écriture est prenante comme tout, jamais on ne la quitte des yeux, et même après, lorsqu’on écrit soi-même, on a envie de le faire comme lui. Au reste, si un des deux sujets vous intéresse, la littérature chez Loulou ou le livre d’Echenoz, je peux publier mon travail ici-même si la note qu’il obtient n’est pas catastrophique et valide d’une certaine manière la qualité de la chose.
Bon, eh bien voilà, ça touche à sa fin.
Je terminerai donc sur ce proverbe tout con mais qui ne cesse de se vérifier : tant va la cruche à l’eau, qu’en la fin elle se brise.
publié le 13/05/2007 à 22:23 par
franz
Euh, voilà, je voulais juste dire que je risque d'alimenter très peu cette page pendant toute la semaine à venir, pour cause d'examens quotidiens et de dossiers à rendre (dont un vraiment intéressant à faire sur les rapports entre Lou Reed et la littérature, même s'il n'y a - presque - rien de sexuel dedans).
Alors je pense qu'il faudra attendre au moins samedi prochain pour que je reposte quelque chose, mais il y a plein d'avantages à cela, et pas seulement pour ceux qui ne m'aiment pas, puisque de cette manière je ne participerai pas ce soir et les jours prochains à l'avalanche de commentaires plus ou moins vaseux sur les résultats de l'élection. Je ne vous donnerai pas mes théories vachement élaborées sur les cinq ans à venir avec Sarkozy, je ne vous parlerai pas comme si moi je savais mieux que les autres ce qu'il fallait faire - comme si c'était moi le président à élire.
Je ne vous infligerai pas des discours idéologiques de seconde zone et des commentaires de bas-étage du genre avec Sarko c'est cinq ans de dictature ou au moins on ne verra plus la tête de l'autre gourde à la télé.
Je vous épargnerai même les tous pourris, ou de toute façon le système est faussé, ou encore les de toute façon tout ça c'est des histoires d'argent, ou bien les de toute manière c'est normal que Sarko gagne puisque TF1 est de droite.
Parce que je n'aurai rien à dire d'intelligent sur toute cette campagne, ce fameux débat et ces élections, je me tairai.
En plus, ça n'est pas moi qui pourrai avoir la moindre influence sur qui que ce soit.
Et puis surtout ne l'oublions pas, ne l'oublions jamais : tant va la cruche à l'eau, qu'en la fin elle se brise ; - et tant va le citoyen de son commentaire, qu'en la fin il nous les brise.
A bientôt, bisous.
publié le 06/05/2007 à 14:41 par
franz
Marc a toujours mené une vie un peu folle, — pour ne pas dire complètement hors normes. Jugez plutôt :
Jusqu’à 18 ans, il a mangé au matin des Chocapic dans du lait (1). Parfois l’après-midi, il lui arrive, dans des accès de folie, d’ingurgiter à 4 heures de l’après-midi trois Kinder Délice (2). Mais ce n’est pas tout : il sale systématiquement ses pâtes et met trois morceaux de sucre dans son café (1) ! Et, pour comble d’inconscience, il ne mange pas plus de quatre fruits par semaine (4). Il n’a pratiqué du sport qu’au collège et au lycée et joue beaucoup aux jeux vidéo, passe plein de temps devant la télé et sur Internet et lit beaucoup (5).
Depuis septembre 2005, il fume parfois jusqu’à quinze cigarettes par jour (6), et boit assez régulièrement du vin (7), mais également du Coca Cola, à hauteur d’un demi-litre par jour (1). Il a même déjà consommé du cannabis (8 ). Le midi il se nourrit de steak-frites, de kebab ou de McDonald’s (1).
Le drame paraissait du coup inévitable pour ce jeune homme sûrement mal informé et victime d’une éducation bien trop souple.
Pourtant aujourd’hui il pèse 55 kilos pour 1m75 et, surtout, il est vivant. Un état de fait qui suscite bien des interrogations. Pourquoi Marc n’est-il toujours pas mort après 20 ans de mise en danger quotidienne de sa fragile vie ? Pourquoi ne paie-t-il pas le fruit de ses trop nombreuses déviances (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7) ?
Marc fascine la médecine. Serait-il invincible ? Surhumain ? Le Christ ressuscité ? Il n’est même pas obèse, et est incroyablement parvenu à se trouver une copine. Et lorsqu’on l’interroge sur son mode de vie dépravé, l’intéressé ne semble pas prendre conscience de la dangerosité de sa situation : « Je fais ce que je veux », répond-il. Une réponse à l’image de la jeunesse tout entière, qui fait fi des conseils (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7) que la génération précédente lui transmet pourtant à chaque minute.
Ce que nous voulons pourtant, et que Marc semble ignorer, c’est le bien-être de tous. Nous avons nous-mêmes déterminé une norme physique à respecter pour s’intégrer dans la société ; et c’est bien la culture du corps que nous prônons à bon escient — comme les fabuleux nazis en avaient eu l’idée il y a quatre-vingts ans. Grâce à nous, il ne devrait plus y avoir un seul laideron dans vingt ans : ceux d’aujourd’hui seront morts sans avoir pu — et c’est heureux — se reproduire et transmettre le gêne de la laideur. C’est la raison pour laquelle tout le monde, sans exception, doit manger ce que nous disons dans les quantités prescrites, et ne doit pas consommer ce que nous proscrivons (1, 2 ,3, 4, 5, 6, 7). Nous savons mieux que vous ce qui est bon pour vous, et n’écoutez jamais votre corps lorsqu’il vous dit qu’il a faim entre deux repas.
Les femmes aussi devraient être plus heureuses que jamais. Grâce aux progrès de ces dernières décennies, elles peuvent enfin se rendre belles avec plein de maquillage. La femme est l’égale de l’homme, et elle est libre, oui nous l’affirmons ; et c’est la raison pour laquelle nous lui donnons la liberté de claquer tout son argent dans des cosmétiques afin de pouvoir tout de même prétendre à la beauté — qu’elle n’a pas par nature.
Et avec l’aide de la chirurgie esthétique, nous lui permettons de ressembler aux canons que nous lui imposons à longueur de journée sur les panneaux publicitaires. Plus aucune d’entre elles n’aura à subir le drame de la vieillesse, puisque la technologie permet de rester jeune. N’est-ce pas magnifique de ne jamais entrer dans la catégorie de ce que nous appelons les seniors ?
Alors, nous vous posons la question : pourquoi ce rejet complet de cette utopie que nous vous proposons de réaliser ? Avec nous devenez beau, devenez propre, restez jeune et vivez heureux. Car tant va la cruche à l'eau, qu'en la fin elle se brise. (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7).
(1) Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé. La graisse, le sucre, le sel, c’est pas bien.
(2) Pour votre santé, évitez de grignoter entre les repas. Le grignotage c’est pas bien.
(3) Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour. Sinon c’est pas bien.
(4) Pour votre santé, pratiquez une activité physique régulière. La fénéantise c’est pas bien.
(5) Fumer tue le fumeur et son entourage, rend impuissant, et provoque le cancer mortel du poumon, entre autres choses. La cigarette c’est pas bien
(6) L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer à modération. L’alcool c’est pas bien.
(7) Le cannabis n’est pas une drogue douce ; aucune drogue n’est douce ; et la consommation de cannabis incite à expérimenter des drogues encore plus dures, à partir de quoi commence la descente dans l’enfer de la drogue. Les drogues c’est pas bien.
publié le 29/04/2007 à 22:17 par
franz
A part ça ? Eh bien à part ça, j'ai assisté à un conflit vraiment très primitif, où s'opposaient deux camps, les sarkozystes et les antis. Vraiment, je crois qu'à 10 ans on est plus évolué que tous ces gens-là.
D'un côté qu'avons-nous donc ? Des militants de l'UMP, essentiellement âgés de cinquante ans et plus, qui prouvent que vraiment, non, le ridicule ne tue pas : avec le t-shirt dimanche tout devient possible, la casquette Sarkozy, et l'autocollant du même Sarkozy posé — mais à moitié décollé — sur le t-shirt, ces-gens ne craignent pas la redondance sarkozyste. Il y en avait même un, petit vieux tassé à lunettes, du genre à avoir un cheveu sur la langue, qui avait un ballon de baudruche noué autour du poignet. Il faisait un peu panneau publicitaire vivant, et semblait ne pas trop savoir ce qu'il avait à faire là — même si un léger sourire un peu débile parcourait son visage.
De l'autre côté, on trouve des opposants, qui a priori se définissent à l'extrême-gauche, puisqu'ils entonnent l'Internationale pour attaquer leurs adversaires. (Je n'ai d'ailleurs jamais compris comment on pouvait critiquer la mondialisation et chanter l'Internationale.) Alors évidemment ils correspondent à tous les clichés de l'étudiant de lettres branleur. C'est pas moi qui l'invente : à leur tête, il y a carrément le type qui l'année dernière, lors du conflit contre le CPE menait tambour-battant les assemblées générales et appelait — comble de l'engagement — à poursuivre le blocage de la fac, même après que le contrat première embauche fut pendu sur la place publique. Derrière lui, des chevelus/barbus au look suffisamment étudié pour donner l'apparence de ne l'avoir pas été.
D'un côté comme de l'autre donc, on fait vivre les clichés — qui ont souvent bon dos en même temps qu'ils ont raison —, avec d'une part des vieux et de l'autre des jeunes, tous réunis par le fait d'avoir décidé de se montrer cons — quand même ils ne le montreraient pas pareillement. Un conflit générationnel de base comme il y en a toujours eus, une démonstration qu'entre 20 et 60 ans on n'évolue pas forcément tant que ça. Peut-être, on passe de la gauche à la droite, mais finalement on ne se comporte pas différemment.
Les deux équipes ont d'ailleurs partagé quelques opinions, bien à leur insu : par exemple, elles étaient d'accord pour dire que l'adversaire était antidémocratique — en omettant qu'ils se gueulaient tous ça sur la place publique à 18h30, sans que personne n'intervienne bien que les policiers fussent présent. A propos, les pauvres flics n'ont pas manqué d'être immédiatement associés par les jeunes belligérants de gauche à Nicolas Sarkozy, qui certainement les avait mandatés pour taper sur l'opposition — accusations auxquelles les agents ne réagissaient pas. Je tiens d'ailleurs à signaler qu'à aucun moment l'un d'eux n'est intervenu pour maîtriser quelqu'un ou en arrêter un autre. Ils se sont contentés de marquer une ligne de démarcation — qui fatalement ne favorisait pas le débat, mais il me semble utopiste de penser qu'il aurait eu lieu sans leur présence, bien au contraire —, et la seule fois à ma connaissance qu'ils ont un peu remis en place une personne un peu trop emportée, c'était une vieille de l'UMP — mais à part ça ils étaient contre les jeunes, il paraît. Au reste j'ai discuté deux secondes avec un d'entre eux, qui m'a semblé être juste un mec normal un peu blasé par son boulot.
Voyons maintenant les arguments des uns et des autres : l'opposant avec qui j'ai parlé a justifié le Sarko facho par l'idée du candidat d'imposer un service minimum en temps de grève et de faire des référendums réguliers au sein de l'entreprise pendant le conflit (vachement antidémocratique ! ), mais aussi parce qu'il mettra des amis capitalistes au pouvoir et pour ses propos sur la génétique. Les antisarkos étaient très fiers des slogans qu'ils hurlaient à tue-tête : Sarko, Sarko, ça recommence — là, si j'ai bien saisi le jeu de mots, le sens en revanche m'échappe, et je ne vois pas en quoi ça va contre Sarkozy — ; Sarko facho évidemment ; mais aussi Pétain, reviens, t'as oublié ton chien. Celui-ci était certes le meilleur d'un point de vue esthétique ; — malheureusement il a fortement déplu à un militant UMP qui avait l'air un peu con, ne m'a pas regardé dans les yeux une seule fois pendant qu'il me parlait, et m'a fait chier cinq bonnes minutes, mais dont le grand-père était résistant. Un autre sympathisant, qui pour sa part semblait juste normal, m'a dit qu'il comprenait qu'on n'aime pas Sarkozy mais qu'il trouvait un peu exagéré de le traiter de fasciste — cela dit ça le faisait plus rire qu'autre chose.
Dans le camp des antis, on fait monter la sauce : l'un d'eux, se croyant courageux, défie la police et la foule et le monde entier en faisant une sortie devant les flics et en criant j'ai jamais vu autant de merdes alignées. On s'esclaffe et on sautille parmi les petits soldats de l'antisarkozysme. En face la consigne est de mépriser ces petits nuls. N'empêche que le constat est là : ils ont réussi à faire capoter la fête.
Cette joyeuse récréation dure une heure, durée au bout de laquelle chacun rentre chez soi. A ce moment, de vrais dialogues enfin semblent se créer : des vieilles demandent à des jeunes est-ce qu'on a vraiment l'air de fascistes ? et leur rappellent que le fascisme, eux, ils ne l'ont pas connu. Il faut bien avouer qu'il est très à la mode aujourd'hui de traiter celui avec qui on n'est pas d'accord de fasciste : c'est l'insulte suprême et ça garantit l'opprobre générale contre lui.
Le fascisme ? Si, bien sur que si on sait ce que c'est, on l'a appris à l'école, c'est comme le nazisme, tout pareil. Nous on est intelligents et cultivés ; partout nous sommes capables de déceler le premier résidu de fascisme et d'y coller l'étiquette correspondante. Nous sommes des petits employés de supermarché qui ét(h)iquetons les idées pour mieux les dénigrer. Et puis pour nous exprimer nous devons être concis : Sarko facho, c'est plus rapide et percutant que Sarko teneur de propos dangereux sur la génétique, forcément. Nous critiquons sa campagne ne reposant que sur l'image mais veillons bien à nous donner celle de gentils démocrates avisés — et à lui donner celle d'Hitler. Cela étant dit, je suis impressionné par l'opposition que Sarkozy suscite contre lui. Ses affiches sont systématiquement arrachées ou détériorées par des moustaches hitlériennes et des cornes de diable, un privilège qui jusqu'alors était réservé à Le Pen et De Villiers. S'il est élu, je pense non seulement que nous aurons cinq années difficiles, mais surtout deux mois insupportables, avec émeutes et tout le toutim. Et je peux compter sur les plus activistes de ma fac pour bloquer celle-ci pendant les examens.
Que Sarkozy soit un vrai con, personnellement je ne le remets pas en question ; — ce que je remets en question c'est la manière de procéder de ces antis, ceux qui hurlent Sarko facho. Car franchement, qui est sorti gagnant de cette manifestation ridicule jeudi dernier ? Evidemment personne : ni l'UMP qui, en faisant sa fanfare avec distribution de t-shirts et de tracts n'est certainement pas apparu autrement qu'un parti prosélyte, ni ses opposants qui se sont juste faits passer pour des jeunes crétins faussement révolutionnaires prônant des systèmes communistes dictatoriaux — ils vous diront que ça n'est pas ce qu'ils sont, mais j'en ai vu un ce jeudi qui a soutenu que la Corée du Nord c'était un chouette pays.
A la fin, quand tout le monde s'est dispersé, je discute avec des UMP pour leur demander le bilan qu'ils tirent de tout ça ; une dame m'explique qu'elle est navrée, que quand elle distribuait des tracts on lui a parfois frappé la main — j'ai jamais frappé la main de quelqu'un avec qui je n'étais pas d'accord, me dit-elle — et puis arrive un type cheveux long en queue de cheval et petite barbe, accompagné de sa monture cyclesque, qui dit à la dame qu'il l'a vue le prendre en photo, et qui lui rappelle qu'elle n'en a pas le droit. Elle confirme qu'elle l'a bien pris en photo ; ce sur quoi le type pas content décide d'aller se plaindre aux policiers. Se rendant certainement compte qu'en agissant ainsi il ne serait pas véritablement en accord avec sa rébellion antiautoritaire, il décide de régler le problème lui-même en crachant dans le tas — j'évite de peu les éclaboussures, et c'est heureux : je n'ai pas échappé à la salive de Morano pour prendre celle de l'autre type.
Ainsi se conclut cet événement où chacun aura pu affirmer sa fierté d'être plus bête que celui avec qui il n'est pas d'accord, et où chacun aura pu utiliser la liberté d'expression d'une part pour dire qu'on l'en empêche, et d'autre part pour la gâcher.
Que les opposants à Sarkozy aient réussi à convaincre ceux d'en face qu'ils allaient voter pour un facho, je ne mettrai pas un centime dessus ; et un centime, c'est la somme que je ne mettrai pas non plus pour parier que l'UMP a gagné des votants ce soir-là.
Cette bande de joyeux lurons m'a, je l'avoue, donné bien du plaisir ; mais surtout elle a donné raison à Desproges : lorsque l'on additionne des intelligences, celles-ci se divisent proportionnellement à leur nombre.
Et c'est ainsi que la cruche, tant elle a voulu aller à l'eau, finit par se briser.
publié le 22/04/2007 à 22:41 par
franz
(Ecrit vendredi 20 avril)
A 18h30 hier, la place Stanislas à Nancy était l’endroit où il fallait se trouver. Ou pas.
Toujours est-il que j’y ai assisté à une belle foire d’empoigne d’un niveau fin CE2 début CM1. Vraiment c’était rigolo à voir ; — inquiétant aussi, mais je n’ai pas envie de m’inquiéter en ce moment.
Dans le cadre de mes cours je dois réaliser des reportages et en faire des articles de presse simulés ; or il se trouve que je devais rendre un reportage pour aujourd’hui 10 heures, et que cette échéance m’est revenue en tête dimanche dernier vers 15h43. Dans la précipitation j’ai donc cherché un sujet, et finalement j’ai opté pour « tâter le terrain d’un parti politique sur Nancy avant le premier tour ». L’UMP étant assez présente dans ma ville, je me suis orienté vers elle.
Donc mercredi je me pointe à la permanence de Nicolas Sarkozy. La bouche en fleur j’entre dans ce local exigu et suis accueilli par une bande quinquas qui tous me demandent avec un large sourire et un air très assuré ah ! vous venez pour le t-shirt !?. Alors je dis que non, que je ne vois pas de quoi qu’ils veulent me parler — tout en me sentant insulté d’avoir été pris pour un parfait pigeon à peine le pied posé dans ce lieu — et je dis que je fais un article pour le journal de la fac (ce qui est faux) et que j’aimerais recueillir leurs impressions à quelques jours du premier tour, et des infos sur comment ça se passe être militant UMP en campagne à Nancy. En disant ça je jette un œil alentour et comprends leur excitation autour de ce fameux t-shirt, que visiblement ils viennent de recevoir en masse, lorsque j’aperçois une nana dans la pièce d’à côté qui en déplie un. Je découvre alors un vêtement bleu arborant en lettre jaune la phrase suivante, dans le dos : Dimanche tout devient possible avec Sarkozy. Bref la panoplie minimale du militant. Et puis ils me disent que le top serait que je me rende le lendemain place Stanislas, où une manifestation est prévue à 18h30, et à l’occasion de laquelle je pourrai rencontrer Nadine Morano et André Rossinot. André Rossinot c’est notre maire UDF/UMP, qui soutient Sarkozy ; et Nadine Morano c’est une députée UMP de Meurthe-et-Moselle que peut-être vous avez pu voir à la télé défendre, tout crocs dehors, son Nicolas chéri — avant que ce dernier ne lui demande de cesser d’intervenir dans les médias suite à un truc qu’elle a fait à un meeting de Royal où, venue incognito, elle a tenté de foutre la merde —. Je remercie bien bas tous ces joyeux sympathisants pour leurs renseignements, et m’apprête à quitter la pièce lorsque l’un d’entre eux me propose carrément un petit autocollant avec la tronche d’ampoule de Sarkozy. Décidément je dois avoir une tête de gogo.
Du coup hier à 18H30 j’arrive place Stan, mon petit papier et mon crayon dans la main, prêt à récupérer tout ce que je peux. Face à moi, deux camps séparés par une rangée de policiers : à gauche, une cent-cinquantaine de personnes portant fièrement le t-shirt déjà évoqué ; et à droite une cinquantaine de jeunes — pour la plupart — correspondant parfaitement à l’image cliché que l’on se fait des anars de Lettres. Les deux partis ne cessent de s’envoyer des insultes ; au Sarko président des uns répond le Sarko facho des autres ; à l’Internationale des autres répond la Marseillaise des uns. J’ai donc clairement le sentiment, à peine deux secondes après avoir mis le pied sur cette place, que je vais assister à un débat d’idées rondement mené, où toutes les opinions pourront s’exprimer et dialoguer. En quête de citations pour remplir mon article — car les citations ça marche toujours bien dans les articles —, je cherche Nadine Morano du regard. Et la trouve, avec le même t-shirt que les autres, en train de gueuler à l’adresse des jeunes d’en face c’est vous les fachos, vous agissez antidémocratiquement en venant troubler cette manifestation. Bel exemple de diplomatie et de volonté de comprendre les raisons qui peuvent amener certains à détester Sarkozy. Je ferai d’ailleurs les frais de cet état d’esprit. Je vais voir Morano et je lui dis que j’écris un article pour le journal de la fac de Lettres — là ça commence mal forcément —, et je lui demande si elle pense que l’élection est en bonne voie. Ca se présente super bien me répond-elle, l’air très fier.
Je lui pose alors la question suivante : et qu’est-ce que vous pensez de ces gens qui crient Sarko facho ? Là je sens qu’elle se crispe, mais enfin il m’est difficile d’omettre qu’au moins un quart des personnes présentes dans cet événement considère Sarkozy comme un fasciste. Surtout qu’en lui posant cette question je lui ouvre un boulevard pour qu’elle puisse me répondre raisonnablement que ce sont des accusations fallacieuses et me démontrer par A + B que Nicolas n’est pas fasciste — ce qui me semble plutôt facile à faire. Alors elle me crie : mais c’est vous les fascistes, qui dites que Sarkozy est fasciste, c’est vous qui empêchez la démocratie en disant ça. Je me dis intérieurement que je ne sais pas pourquoi elle me met dans le lot, et que quand elle est en colère elle fait vraiment peur — un vrai bouledogue. Elle a les yeux bleus de Sami Nacéri quand on sent qu’il va s’énerver. Et puis son argumentaire ressemble peu ou prou, en l’occurrence, à un truc du genre c’est çui qui dit qu’y est, loin de ce qu’on pourrait attendre d’une personne politique en campagne.
Heureux d’avoir tout de même échappé à un bombardement de postillons — qui constitue toujours un risque lorsque quelqu’un s’énerve en face de vous à moins de cinquante centimètres, et laisse jusqu’à apparaître sa glotte —, je lui demande ce qu’elle pense des propos de Sarkozy sur la génétique. Je trouve que c’est très bien qu’il ouvre le débat là-dessus, m’envoie-t-elle. Toc. Je ne sais pas si vous avez lu les propos en question, mais ça ressemble plus à des assertions à peine réfléchies qu’à des interrogations prétendant ouvrir un débat. Ce que je lui fais savoir, mais un peu plus doucement que ça. C’est la catastrophe ! Là elle pète son câble, et me balance que de toute façon elle lit la haine sur mon visage — exactement ce que je lis dans son regard au même moment — et que je suis contre Sarkozy, et que je n’ai qu’à aller rejoindre ceux qui gueulent Sarko facho ; — et puis tourne royalement les talons, magnifique, resplendissante dans sa colère et sa fermeture d’esprit. En l’occurrence elle est tombée plus bas, à mes yeux, que ses adversaires politiques. Même Le Pen se défend mieux lorsqu’on met le doigt sur son racisme. Par la suite elle ignore toutes mes questions, sauf pour me dire que celles que je lui ai posées étaient tendancieuses, qu’elles étaient contre Sarko. La prochaine fois je lui demanderai donc, si elle y tient, si Sarkozy aime le café au lait, et ce que ça fait d’être proche d’un homme de cette envergure, et est-il un bon joueur d’échecs ?
Ep. 2 très bientôt
publié le 22/04/2007 à 15:11 par
franz
Ce qui suit est très maladroitement écrit mais je vous en fais part tout de même.
J’ai beaucoup l’occasion de lire, depuis que GTA IV a été dévoilé, des trucs du genre enfin un GTA qui assure graphiquement ; et il semble communément admis, y compris par la presse, que si les GTA parus sur PS2 ne pêchaient que par un seul côté, c’était celui des graphismes.
Mais sincèrement je me demande si j’ai joué aux mêmes jeux. Parce qu’à mon sens les trois derniers GTA, et leurs dérivés PSP, sont des jeux absolument splendides.
Certes la beauté d’un GTA ne saute pas aux yeux. A priori tout y est d’un niveau inférieur à la moyenne — ou tout juste convenable : des textures bof bof, des personnages un peu playmobilesques, enfin une qualité technique pas top top. A ceci s’ajoute une distance d’affichage parfois limite et un clipping qui, je dois bien l’avouer, nous surprend parfois trop — lorsque l’on croit voler peinard dans son avion et que soudain on explose avant de voir apparaître l’immeuble que l’on a percuté.
Mais GTA est un jeu qui donne toute liberté au joueur ; — et c’est d’ailleurs comme ça qu’il se promeut. Or cette liberté ne lui permet pas seulement d’agir sur l’environnement et d’aller où il veut. Ou plutôt, la liberté d’agir et d’aller n’est qu’une étape vers l’accession à la beauté profonde de GTA ; et elle est du même coup la liberté pour le joueur de rendre le jeu beau.
Ce que je tente vainement d’expliquer, c’est que de la manière dont nous nous plaçons dans l’environnement découlera la beauté du jeu — ou pas. On a pris l’habitude que les jeux nous guident vers les objectifs à atteindre. Et sur le chemin de ces objectifs surviennent des événements scriptés destinés non seulement à faire du jeu, mais aussi à flatter la rétine — tel effet de lumière est prévu à tel endroit, telle explosion à tel endroit, tel décor ici ou là. En clair le jeu classique tel que nous le pratiquons nous place lui-même au centre d’événements par lesquels il nous impressionne.
Dans GTA (mais il n’est pas un cas isolé), c’est à nous de nous placer idéalement dans l’environnement pour le rendre beau. Il y a de ces moments où, lors d’une ballade en voiture dans la campagne de San Andreas, on arrive au sommet d’une colline ; et à ce moment précis il se trouve que le soleil se lève en face à travers les arbres ; et à ce moment il peut se trouver, si l’on a choisi soi-même la musique pour accompagner ce road-trip, que cette dernière sublime le tout. Les heures avançant à la vitesse des minutes, l’instant est toujours fugace ; pourtant il est là, nous l’avons connu ; et nous pouvons en prolonger le plaisir en jouant avec la caméra, ou en décidant de rouler soudainement vers le soleil à travers les champs, ou en sortant de sa voiture pour se poser sur le bord de la route et regarder autour de soi. J’arrête parce que je vais devenir mièvre.
La beauté de GTA se trouve précisément ici ; et pour moi il s’agit tout simplement du but profond du jeu. Les missions ne sont qu’un prétexte, une carotte pour nous guider dans un univers au départ inconnu (autre plaisir grandiose que celui de la découverte d’une ville), et il n’appartient qu’à nous de dépasser le concept de jeu de gangster pour accéder à celui de jeu contemplatif. La beauté de GTA se trouve dans ce que nous faisons de lui.
Cela m’amène d’ailleurs à m’attaquer à une critique — contradictoire — qui est souvent émise contre ce jeu. Bien des joueurs ont comme idée que GTA est un jeu reposant uniquement sur la violence, qui oblige le joueur à se comporter comme un gangster (Si c’est pour jouer les gangstas non merci.) C’est vrai dans la mesure où l’on décide de se limiter à la trame scénaristique. Mais GTA étant un jeu qui a fait de la liberté d’action un fondement, rien n’empêche ces joueurs plaintifs d’accéder à la sérénité dont je parle plus haut. On dit que GTA est imbécile parce qu’il permet de tuer des gens dans la rue. Premièrement, cela revient à dire que la réalité est imbécile — vous avez le loisir de tuer qui vous voulez quand vous voulez dans la mesure de vos moyens — ; et deuxièmement c’est se conformer tristement à la manière dont le jeu est présenté généralement — y compris par nombre de ses fans, ravis parce que dans GTA on peut tuer tout le monde. Mais pouvoir tuer tout le monde ne revient évidemment pas à devoir tuer tout le monde ; et les interactions que vous pouvez entretenir dans GTA avec les badauds peuvent se limiter, si tel est votre désir, à celles que vous entretenez dans Zelda Twilight Princess avec les passants de la citadelle.
Pour en revenir à la beauté de GTA, je ne trouve personnellement presque aucun plaisir à remplir les missions des GTA ; mais j’en trouve une infinité dès lors que je décide de prendre le contrepied des missions, et de me placer comme spectateur actif de l’environnement du jeu : ainsi, mais je me répète, le but essentiel du jeu est à mon sens de le rendre beau. En ceci je le rapprocherai d’Okami, dont le but final est de redonner au monde sa beauté en y ramenant le bien. Dans chacun de ces deux softs, mais c’est bien plus direct dans Okami, la beauté est bel et bien le but ultime du joueur.
Evidemment GTA n’est pas seul dans la possibilité donnée au joueur d’apprécier de courts moments où l’environnement nous fout une claque esthétique ; et Zelda, avec lequel GTA partage quelques points de comparaison (car GTA ressemble par certains côtés à un Zelda plongé dans le monde contemporain, les donjons en moins), est de ces softs où l’on apprécie souvent plus les moments de paix que les moments d’action et de progression scénaristique : me viennent à l’esprit les levers/couchers de soleil de Wind Waker, Ocarina of Time ou Twilight Princess.
Je ne pense pas avoir été d’une grande clarté avec cette suite de réflexions, mais finalement ça a peu d’importance, parce que tant va la cruche à l’eau, qu’en la fin elle se brise.
publié le 18/04/2007 à 22:34 par
franz
Je ne sais pas ce qui s’est passé Jean ; je venais d’acheter des jonquilles. Je ne sais pas ce qui s’est passé — je venais simplement d’acheter des jonquilles.
Ma voiture, ma petite Clio jaune, enfin la nôtre — tu sais c’est celle qu’on a acheté il y a cinq ans —, elle est détruite ; détruite, comme la voiture de la famille que j’ai percutée ce matin. Je venais d’acheter des jonquilles et je rentrais chez moi, enfin chez nous — mais je ne sais pas ce qui s’est passé Jean, vraiment je ne sais pas.
J’ai repris mes esprits les jambes coincées sous mon volant, perdue dans la fumée — mes lunettes avaient valsé. En levant les yeux devant moi, une fois la poussière et les cendres retombées, je me suis rendue compte que j’étais encastrée dans une grosse voiture noire ; mais ses passagers n’étaient plus dedans ; à travers son pare-brise, je n’y ai vu personne. Derrière elle je crois avoir distingué une caravane. Je suis parvenue à remettre mes lunettes et à me détacher, mais je ne pouvais pas sortir. Un jeune homme, je ne sais pas d’où il sortait, est venu me parler. Je n’entendais pas ce qu’il disait — tu sais bien que je suis un peu sourde, alors avec le choc tu imagines —, avant de comprendre qu’il me demandait comment ça allait et qu’est-ce qui vous est arrivé madame ? Alors j’ai répondu que je venais d’acheter des jonquilles et que je ne savais pas ce qui s’était passé.
Le choc a eu lieu à environ 40 kilomètres/heure. Pour ma part j’ai une clavicule et une côte cassées et le sternum abîmé ; quant à ceux de l’autre voiture, une famille de quatre, le père a une côte cassée, la mère est contusionnée, le plus jeune fils aussi, et le plus âgé n’a rien. Tant mieux. Je ne voudrais pas avoir tué quelqu’un — je ne le supporterais pas.
Jean je sais ce que coûte la perte d’un être cher.
Je sais bien qu’à mon âge je ne devrais plus conduire, que ça n’est pas très raisonnable, toi-même tu me le dirais — mais je voulais juste acheter des jonquilles, ça devait me prendre dix minutes. En dix minutes on n’a pas le temps d’avoir un accident normalement. Si ? De toute façon, vu que notre Clio est cassée, je ne reconduirai pas. Et puis je pense qu’on m’a retiré le permis. Mais je ne sais pas ce qui m’est arrivé. A ce qu’on m’a dit la famille venait d’en face en tractant une caravane, et puis moi je me suis déportée sur la gauche sans raison et je les ai pris en pleine face — ou inversement. Mais Jean je ne me souviens pas de ça ; certainement j’ai du avoir une perte de conscience à ce moment-là. Je n’ai même pas freiné, paraît-il. A coup sûr, si je m’étais rendue compte de ce qui se passait, j’aurais fait quelque chose — et puis surtout j’aurais eu peur.
Qu’est-ce qui va m’arriver maintenant Jean ? Tu le sais toi ? J’ai peur de devoir dépenser plein d’argent — je sais que je suis en tort, mais avec ma petite retraite, tu comprends… Dis, à ton avis, est-ce que ma fin de vie ne pourra être que pauvre et misérable ? Elle l’était déjà un peu, mais je crois que je suis définitivement foutue — et à mon âge mes blessures ne guériront jamais plus vraiment. Est-ce que tu penses que je mourrai tranquille malgré tout ? Tu penses qu’ils m’en veulent beaucoup, dis, hein ? Et dis-moi Jean, est-ce que tu m’aimes encore malgré tout ?
Jean je te parle mais je suis seule dans cette chambre, tu me manques, et j’ai peur du peu de temps qu’il me reste à vivre.
Jean tu sais, je crois que j’aurais préféré y mourir, dans cet accident — à mon avis ça aurait été préférable.
Jean tu sais, si j'étais morte, je serais avec toi à cette heure-ci.
publié le 12/04/2007 à 22:50 par
franz
Un soir d’été, à l’heure où retombent les odeurs des plantes, Thomas Chicag se dit que c’était marre. Il était temps qu’il quitte cette famille sans vie et cet appartement étouffant pour faire sa propre expérience de la vie ; qu’enfin le monde réel lui soit connu.
Il chargea donc un sac à dos du strict nécessaire, se chaussa, revêtit une veste légère, et se mit en route vers l’inconnu.
Le cœur léger il marcha longtemps dans des rues endormies bordées d’arbres rassurants. Avec sa casquette il se sentait beau, et avec sa cigarette il se sentait prêt à tout affronter. De son lecteur mp3 il écoutait The Funeral d’Arcade Fire — il aurait pu quitter sa chambre, se disait-il, uniquement pour marcher en écoutant leur musique.
Sans avoir bien déterminé sa destination, sans savoir même où il dormirait sans argent, Thomas se rendit compte qu’il se dirigeait vers la campagne, et qu’il s’était engagé dans les bois. Normalement la pleine lune aurait dû être là pour le guider à travers les arbres, mais ça n’était visiblement pas son jour ; et il devait avancer à tâtons dans les branchages — car toute idée de demi-tour était impensable pour la bonne tenue de sa dignité.
Mais au bout d’une marche qui avait vu se finir l’album d’Arcade Fire et s’entamer Coney Island Baby de Lou Reed, Thomas, miné par la fatigue, ne put plus y tenir et s’affala au pied d’un arbre, où il sombra dans un sommeil évidemment profond.
Tôt le matin la lumière aigue du soleil, le vent caressant son nez et sifflant dans les branches flottantes, l’humidité, le chant des oiseaux et un paquet de fourmis ayant pénétré dans son slip le réveillèrent en douceur. Thomas se remit en route après s’être secoué en tous sens et après avoir mangé un gâteau sec humide, seul petit déjeuner qu’il pouvait s’autoriser en ces temps incertains.
Il marcha plusieurs heures encore, contemplant la beauté de la nature et grattant comme il pouvait ses jambes lacérées par les ronces. Il suivait un chemin qui semblait avoir été tracé pour lui et, juste avant une descente un peu raide s’accouda au tronc d’un arbre. A ce moment il sentit sur son crâne une chose un peu humide, semblait-il de forme sphérique. Avec sa main gauche il agrippa la chose en question, dont la texture était véritablement visqueuse et froide. Sentant une résistance, d’un coup sec il tira dessus ; et amena sous ses yeux horrifiés, dans la paume de sa main, un œil humain à l’iris bleu.
Immédiatement il lâcha la bille ; et, paniqué par ce qu’il venait de voir, de tenir et de serrer aussi fort que la main d’un ami, courut aussi vite qu’il le lui était possible dans la descente qui poursuivait son chemin. Au terme de celle-ci il s’engouffra sans réfléchir dans une sorte de tunnel étroit encerclé d’arbres. Dans le noir de ce tunnel où ne filtraient que quelques rais de lumière, il sentit sur son visage des toiles d’araignée se déchirer, à ses pieds des serpents s’enlacer, dans son ventre des cafards s’engouffrer, et dans sa bouche hurlant de peur des lombrics serpenter avant de glisser le long de sa gorge étouffée, jusqu’au fond de son estomac.
Il ferma les yeux de toutes ses forces, craignant sans raison aucune qu’un frelon ne vienne y planter son dard ou qu’une chauve-souris n’y plante ses crocs pour les sucer. Bille de flipper bondissant d’une paroi à l’autre du tunnel, s’écorchant sur toutes les branches, il sentit enfin après quelques minutes l’air frais emplir ses narines. Il continua de courir pour être le plus loin possible de cette grotte maudite avant d’ouvrir les yeux ; mais lorsque finalement il les ouvrit il sentit ses pieds quitter le sol et ses jambes s’agiter dans le vide. Un regard vers le bas confirma l’impression désagréable qu’il avait d’avoir quitté le sol, et à peine avait-il eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait et de voir sa courte vie défiler devant ses yeux, qu’il s’était déjà aplati comme une crêpe au bas d’une falaise après une chute de 150 mètres, et que les insectes prenaient possession de son cadavre encore chaud tandis que les oiseaux chantaient le bonheur de vivre en harmonie avec mère Nature.
C’est la chute de mon histoire.
publié le 04/04/2007 à 22:28 par
franz
(Les poissons d'avril étant une tradition, cet article est destiné à en devenir une à son tour.)
J’ai envie de crier ma haine du 1er avril et de cette tradition insoutenable dite du ‘’poisson d’avril'', qui lui est consubstantielle.
Le 1e avril a donc été décrété – allez savoir pour quel motif – jour de la blague. Le 1er avril, c’est le jour où, contrairement aux autres, les journaleux de tout poil peuvent dire des conneries avec un alibi en béton pour assurer leurs arrières : « Poisson d’avril ! ».
Par exemple, si l’affabulatrice qui s’était déclarée victime d’une agression antisémite dans le RER D en juillet 2005 avait fait son coup le 1er avril de la même année, les médias, qui se sont tous précipités en chœur sur l’affaire avec cette écume labiale caractéristique de l’excitation branloteuse ressentie par les institutions lors d’un cas avéré d’antisémitisme, les médias, disais-je avant de cracher mon venin déliquescent sur eux, eussent parfaitement pu prétexter un joyeux poisson d’avril.
Au lieu de ça, ils ont été contraints, et c’était déjà trop pour eux, de publier des excuses.
Le 1er avril, c’est le jour où l’on peut tout faire, parce qu’on s’en fout, c’est le 1er avril. C’est un peu comme si moi, je décidais que désormais le 14 mai serait mon jour de liberté absolue, le jour où les autres seraient obligés du subir tous mes désirs. Heureusement, dans le cas du 1er avril, il est tacitement admis que tout le monde a le droit de faire chier tout le monde, et que tout le monde doit rire des blagues dont il est victime. Ah ben oui, sinon c’est pas du jeu.
La coutume veut que le 1er avril, quand on fait une bonne farce et qu’elle s’avère être un succès, on vienne gueuler dans l’oreille de l’autre « Poisson d’avriiiiiil ! ». Mettez-vous devant une glace, et regardez-vous éructer cette formule. Je ne crois pas que l’on puisse trouver plus belle grimace ; je ne crois pas que l’on puisse avoir l’air plus con. Et puis « poisson d’avril », quoi. Enfin tout de même. Quel est le sens de tout ça ?
Pourquoi un poisson ? Pourquoi en avril ? Pourquoi le premier ?
Pourquoi pas un pangolin ? Pourquoi pas en février ? Pourquoi pas le 12 ?
Le 1er avril revêt donc une grande part de mystère, que je m’en vais percer avec l’aide de Google.
Bon.
On apprend que jusqu'en 1564, en France, l'année commençait le 1er avril. Et cette année là, le roi Charles IX, qui se faisait un peu chier après avoir explosé toute la cour au Monopoly, décida de modifier le calendrier. L'année commencerait désormais le 1er janvier (date choisie pour des raisons que nous expliquerons aisément : le premier janvier est le jour de l’An ; il était normal de décréter que l’année commencerait à ce moment-là). Et comme les gens étaient plutôt des rigolos en ce temps-là, des crétins finis eurent la joyeuse idée d’offrir des cadeaux bidon le 1er avril, comme ça, pour se faire remarquer. On voit bien le niveau intellectuel de l’époque ; c’est juste pitoyable. Bref, les gens se sont dit « oh ben oui, faisons-nous donc des blagues, c’est rigolo, c’est rigolo les blagues ! ». Dont acte.
Mais alors, pourquoi ce cri pugiliste impliquant cet innocent animal, bien que puant, qu’est le poisson ? Parce qu’au début du mois d’avril, nous dit-on, la pêche est interdite ; et des farceurs jetaient des harengs dans les rivières en braillant sur les pécheurs « poisson d’avril ! ». Et on ose dire que c’était mieux avant.
Bref, ami lecteur, voici l’histoire du poisson d’avril. Ce qui n’explique pas pourquoi cette tradition est devenue mondiale, et que le 1er avril, tout le monde, riche ou pauvre, jeune ou vieux, homme ou femme, Juif ou antisémite, fait et subit des blagues dans la joie et l’allégresse ;
et des drames se transforment alors en une occasion de se payer une bonne tranche de rigolade. Exemples choisis : en Afrique subsaharienne, le jeune Mohamed rentre chez lui après plusieurs jours d’absence, en disant « Maman, j’ai sauté sur une mine, et j’ai perdu mes deux jambes !… Poisson d’avril, j’en ai perdu qu’une ! » Et la mère prend alors joyeusement son enfant dans ses bras, et c’est l’occasion d’une grande fête ce soir-là.
Autre exemple : Julie couche pour la première fois avec un type, sans préservatif parce qu’il lui assure qu’il n’y a pas de risque. Après avoir effectué leur petite besogne, le type se tourne vers elle et lui lance « Poisson d’avriiiil ! en fait j’ai le Sida ! ». Mais comme nous sommes le 1er avril, Julie le prend évidemment bien, et rit comme jamais elle n’avait rit dans toute sa vie.
On voit bien là l’adoucissement des mœurs provoqué par la tradition du premier avril, et on comprend ainsi mieux pourquoi cette coutume est d’intérêt public.
Il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, le 1er avril n’est définitivement la date la plus judicieuse pour faire des blagues, puisque tout le monde est méfiant vis-à-vis de tout. Ce qui peut donner lieu à des malentendus gênants. L’exemple typique est celui du gamin qui rentre de l’école, sa mère lui dit « papa est mort dans un accident de voiture », le gosse répond « poisson d’avriiiiil ! ». Et sa mère l’emmène à la morgue.
Définitivement, soutenez le comité contre les poissons du 1er avril.
Et n'oubliez pas l'essentiel : tant va la cruche à l'eau, qu'en la fin elle se brise.
publié le 01/04/2007 à 21:13 par
franz