«Les Français fument toujours autant», apprend-on dans
un article du Figaro d’aujourd’hui (clic) qui rapporte les doléances des pleureuses de l’Office français de prévention du tabagisme (OFT) et se joint à leur peine en faisant carrément un appel de Une — quel bel exemple de solidarité.
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Un an après son entrée en vigueur, l’interdiction de fumer dans les bars et les restaurants n’a eu « aucun impact » sur le nombre de fumeurs en France», se plaint le journal. Pourtant, la propagande qui avait précédé cette interdiction pour nous convaincre de son utilité n’avait pas lésiné sur les témoignages de fumeurs déclarant qu’ils allaient arrêter grâce au décret.
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Ce constat amer, formulé hier par l’Office français de prévention du tabagisme (OFT), pousse aujourd’hui l’association à réclamer de nouvelles mesures. « Alors que 54 millions de cigarettes avaient été écoulées en 2004, le volume des ventes sera équivalent en 2008 », déplore son président, le professeur Bertrand Dautzenberg, qui s’apprête à enregistrer la « quatrième année consécutive de non-régression du tabagisme actif.»
Pauvre Bertrand Dautzenberg. Avoir banni les fumeurs des lieux publics ne lui suffit pas. Il veut vraiment que plus personne ne fume en France. Ca lui tient trop à cœur, vous comprenez ; même si désormais les fumeurs ne peuvent plus empoisonner personne, le simple fait pour lui de penser qu’à chaque seconde des gens s’en grillent une, ça le bouleverse profondément.
Il n’a rien à y gagner. Il est totalement libre et indépendant. Simplement il aime les hommes, et il aime voir les hommes vivre en bonne santé. Le fait que Nicorette lui rapporte de l’argent n’a rien à voir avec son combat acharné. Comme l’écrivait le site
noslibertés.org en février dernier (clic) :
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Ce prestigieux professeur, indépendant de tous lobbies pharmaceutiques, est le directeur de la rédaction du magazine "Sevrage-tabagique-pratique", destiné aux professionnels de la santé, diffusé à 70 000 exemplaires. Ce trimestriel édité par Mediquid, dont les abonnements sont essentiellement gratuits, a pour seul et unique annonceur en 2007, selon "Arrêt sur images" les pastilles Nicorette. Ce produit pour arrêter de fumer était développé par le laboratoire Pfizer, avant que la multinationale ne revende sa branche OTC à Mc Neil consumer Healthcare, filiale de Johnson & Johnson.
C'est-à-dire, que les droits d'auteur que touche Bertrand Dautzenberg, sont financés par Nicorette. »
D’ailleurs, la preuve que Dautzenberg n’a aucune accointance avec Pfizer, c’est que, comme le dit l’article de noslibertés.org ensuite :
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C'est ce même professeur qui annonçait, le 26 décembre 2006 au matin sur France Info, 25% de succès avec la nouvelle molécule intelligente de Pfizer : la Varénicline.»
Revenons au Figaro, qui irait presque jusqu’à nous donner des Kleenex pour sécher nos larmes tandis qu’on lit la suite de l’article :
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La France compte environ 30 % de fumeurs réguliers ou occasionnels. Très bien respectée, l’interdiction de fumer dans les lieux publics semble également plébiscitée par les Français. Mais la mesure n’a pas eu l’effet escompté sur la consommation de cigarettes. Selon un sondage réalisé en mai pour l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé ( Inpes), 9 % seulement des fumeurs déclaraient voir dans l’interdiction de fumer une raison d’arrêter. L’OFT observe aujourd’hui deux indicateurs supplémentaires : la stagnation du nombre d’appels passés à la ligne d’aide au sevrage, Tabac Info Service, ainsi que celle des ventes de substituts nicotiniques [malgré le soutien inconditionnel et indépendant du professeur Dautzenberg].»
Bien sûr, cette situation dramatique ne peut laisser personne indifférent. C’est pourquoi il faut agir. Ainsi, «
le Pr Dautzenberg propose aujourd’hui dix mesures concrètes permettant, selon lui, de faire reculer le tabagisme actif. »
Il est inconcevable en effet de laisser les gens fumer s’ils le veulent. Pour ma part je n’aime pas l’Orangina : eh bien sachez immédiatement que ma première décision, si j’arrive au pouvoir un jour, sera de prendre des mesures pour faire reculer sa consommation, parce que même si les buveurs d’Orangina n’attentent pas à ma santé, il m’est difficilement supportable de voir, dans un bar, quelqu’un boire avec un plaisir non-dissimulé un verre de cette odieuse boisson.
Des mesures, donc.
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Première d’entre elles, l’augmentation du prix du tabac : « une hausse de 10 % diminuerait de 4 % la consommation », selon l’OFT.»
Voilà, je pense, la mesure la plus intelligente à prendre à l’heure où le pouvoir d’achat part en couille. Les gens n’ont plus d’argent ? Les ouvriers sont mal payés, menacés de licenciement et en plus ils fument ? Eh bien allons-y gaiement : étouffons-les un peu plus encore. Y a pas de raison. Et pour décourager les gens d’aller voir des films de merde, doublons le tarif des séances sur ces films. En attendant, si une hausse de 10% provoque une baisse de 4% de la consommation, je n’ose pas imaginer le prix qu’il faudra atteindre si l’ont veut parvenir à une baisse de 100% : 50€ le paquet ? L’idée est réjouissante : des gens que je ne connais pas ont décrété que je n’avais pas le droit de fumer ET de consacrer mon argent à d’autres choses. Je m’adresse au gamers : imaginez deux secondes qu’au nom de la protection de votre santé, on décide d’augmenter de 10% le prix de vos jeux vidéo.
Continuons : «
L’introduction de paquets génériques, neutres et dénués de toute publicité indirecte, ou encore la vente des cigarettes sous le comptoir sont également recommandées.»
Deux bonnes idées sont suggérées ici. D’abord, il serait bon en effet que les fumeurs ne sachent pas, lorsqu’ils achètent des cigarettes, que ce sont des cigarettes qu’ils achètent. Autant utiliser un paquet unique, tout blanc, avec pour seule inscription le mot « poison » en lettres capitales noires dans la place qui sera laissée vacante par les inscriptions nécrologiques et les photos de cadavres que nous évoquerons plus bas. Ensuite, il serait mieux encore, en cachant les paquets à leur vue, que les fumeurs, après être entrés dans un bureau de tabac, ne se souviennent pas de ce qu’ils sont venus y faire. Ils sont tellement bêtes… il faut bien dire que lorsqu’on fume, c’est soit parce que l’on est un dangereux rebus de la société, soit parce qu’on est un pauvre malade tout gris du visage et tout jaune des doigts. Et puis cacher les paquets a un autre avantage : ôter le goût de la découverte aux tabagiques. Il est inconcevable que certains aiment de temps à autre changer de marque pour découvrir différents goûts de cigarettes. A chaque fumeur sa cigarette attitrée, et qu’ils ne s’avisent pas d’en tester plusieurs.
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L’instauration des images chocs sur les paquets est, elle, actuellement à l’étude au ministère de la Santé.»
Des poumons noircis par la fumée aux photos de morts-vivants sur des lits d’hôpitaux avec un tube dans la gorge, en passant par les dents complètement pourries, ces «images chocs » sont en effet choquantes. Pourquoi ne pas également vendre les jeux vidéo avec des images de « cyberdépendants » en manque ? Et pourquoi ne pas vendre les barbecues avec des photos de gens dont le visage a été brûlé au troisième degré à cause d’une mauvaise manipulation ?
L’article du Figaro ne donne bien sûr pas la parole à d’éventuels opposants à ces mesures. Comme le dit la devise du journal : « Malgré la liberté de blâmer, nous ne faisons que des éloges flatteurs ».
Mais ne désespérons pas pour autant. Comme le disait Lou Reed dans la chanson Rock ‘n’ Roll, : malgré toutes les amputations, on peut toujours danser sur une station de rock’n’roll.