Le superbe clip d'une chanson bof bof qui laisse penser qu'il y a un petit quelque chose de pourri dans le fabuleux royaume d'In Rainbows. Mais vraiment tout petit, le quelque chose.

Je ne fais que passer et à cette occasion je vous fais savoir que je suis vivant (ça ne vous réjouira pas forcément mais moi, oui). Je n’ai pas tellement le temps d’écrire des trucs en ce moment, pas plus que je n’ai l’envie d’y réfléchir ; j’ai d’autres choses à penser. Je ne suis plus beaucoup l’actualité et il n’y a par conséquent plus grand-chose qui m’amuse ou qui m’énerve dans l’univers médiatique ces temps-ci. Bien sûr, le chauvinisme de nos journalistes, qui s’exacerbe à l’occasion des JO — qui sont censés, ne l’oublions pas, être l’occasion de prôner des « valeurs universelles » et « l’amitié entre les peuples » — me gonfle mais je ne serais pas étonné qu’il vous gonfle également, donc je n’en dirai rien.

Je me contenterai de poster une vidéo. Vendredi je suis allé voir Neil Young en concert à Colmar et le gars nous a donné deux heures trente de rêve en sortant ses meilleures chansons. J’ai écrasé une petite larme sur Cortez The Killer et une autre, à laquelle je ne m’attendais pas, sur The Needle And The Damage Done. Il ne manquait qu’une chanson pour que le bonheur soit total et cette chanson s’appelle After The Gold Rush ; alors pour compenser son absence voici un enregistrement live datant de 1979.



Je vous reparlerai peut-être de ce concert, ou peut-être pas, on verra mais ce qui est sûr c’est que je ne reposterai rien avant une bonne semaine, donc je vous la souhaite bien bonne. Néanmoins, gardez à l’esprit qu’il y a quelque chose de pourri dans ce royaume, sinon qui sait ce qui pourrait vous arriver.

Nous l’attendions tous : le top 50 des personnalités préférées des Français a paru, au terme d’une enquête époustouflante menée par l’Ifop pour le compte du Journal du Dimanche (JDD, groupe Lagardère) auprès d’un « échantillon de 1077 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de famille) après stratification par région et catégorie d’agglomération » (je cite le compte-rendu du sondage, disponible ici en pdf - lien).

Le résultat est sans appel : vous qui me lisez, Françaises, Français, soyez heureux d’apprendre que votre Français préféré est un tennisman noir reconverti dans la chanson qui s’appelle Yannick Noah. Réjouissez-vous que votre deuxième Français préféré soit un pédophile chômeur consanguin nommé Dany Boon. Remerciez Dieu que votre troisième Français préféré s’appelle Zinedine Zidane et fasse des pubs pour Axe.

Oui : lorsqu’on voit la tronche du top 50 (lien), la conclusion qui nous poignarde avec la même violence que celle pratiquée par le tueur du petit Valentin (qui mesurait 89 cm, c’est dire comme ce petit Valentin était petit) est que nos concitoyens sont bien les nuls qu’on imagine.

Le Journal du Dimanche s’étonne de l’entrée de Dany Boon dans ce top, qu’il attribue au succès fabuleux de son film Bienvenue chez les Ch’tis dans cet article ridicule depuis son titre (surtout son titre) jusqu’à sa chute -ceci est un lien . Mais le JDD ne devrait pas s’étonner tant que ça, puisque c’est lui-même, avec la complicité de l’Ifop, qui a inclut d’office Dany Boon dans la liste des 50 personnalités sur lesquelles les sondés devaient donner leur avis.

Comme en atteste la méthode explicitée par le journal, les 50 personnalités préférées des Français ont été choisies non pas par les sondés, mais par les sondeurs. De fait, les sondés se sont vus enjoints de répondre aux questions suivantes, qui pourraient s’adresser à un enfant de onze ans (sauf s’il est mort sous quarante coups de couteau) : « Voici une série de 50 cartons. Sur chaque carton figure le nom d’une personnalité française. Nous aimerions savoir quels sont, parmi les suivants, les dix Français qui comptent le plus pour vous aujourd’hui, et que vous trouvez le plus sympathique. Pour cela, voulez-vous d’abord faire deux tas avec ces cartons en mettant d’un côté les personnes qui comptent et que vous aimez bien, et de l’autre, celles que vous n’aimez pas (ou que vous ne connaissez pas). Voulez-vous ensuite, reprendre les cartons des personnes qui comptent pour vous ou que vous aimez bien et me dire quelles sont les dix qui comptent le plus pour vous ou que vous aimez le mieux ?»

En clair, plutôt qu’un top 50 des personnalités préférées des Français, le classement du JDD se trouve être un top 50 des personnalités préférées des journalistes de cet hebdomadaire. Il ne faut donc pas s’étonner si les gens dont le nom se trouve dans le classement sont tous, sans exception, de bons clients médiatiques appréciés — voire employés — par la télévision.

Vu que ce classement ne ressemble absolument pas à celui que j’établirais si on m’interrogeait sur mes personnalités préférées (comme pour de nombreuses personnes, j’imagine ; et à ce sujet il pourrait être intéressant de sonder les Français afin de savoir si simplement ils sont d’accord avec leurs concitoyens sur ce top 50), j’ai décidé de publier mon propre top 50 du JDD, réalisé auprès d’un échantillon d’une personne, moi, représentative de moi-même. Pour commencer, mon top 50 ne sera ni un top, ni constitué de 50 personnes, tout simplement parce que je ne veux pas avoir à classer les gens et parce que je ne suis pas sûr de trouver 50 Français que j’adore. Je m’autorise à inclure les morts mais cela sera bien inutile puisqu’à cette heure-ci mon Français préféré se trouve être l’homme qui, hier, m’a laissé m’insérer dans la file de gauche alors que celle de droite, où j’avais le malheur de me trouver, était bloquée par des travaux.

Avec le JDD, la preuve est donc faite : il y a bien quelque chose de pourri dans ce royaume et pour s’en assurer, il suffit de constater que non content d’avoir sondé des Français pour savoir quels people ils préféraient, le site du JDD sonde maintenant, sur sa page d’accueil (http://www.lejdd.fr/), ses internautes pour savoir ce qu’ils pensent de l’avis des Français qui ont mis Dany Boon à la deuxième place du classement. Pour le moment, sur les 468 internautes ayant réagi à « Dany Boon entre directement à la deuxième place du top 50… », 25% ont voté pour « J’en ai un peu marre du phénomène Ch’tis là… » et 37% pour « Dany qui ? », ce qui est une autre façon de dire qu’il en ont vraiment marre du phénomène Ch’tis. Ces résultats (http://www.lejdd.fr/historique/opinions/societe/dany-boon-entre-directement-a-la-2e-place-du-top-50-du-jdd_729.html), s’ils se confirment, ne manqueront sans doute pas d’appeler, de la part du JDD, un autre sondage afin de savoir ce que les lecteurs de sa version papier pensent de l’avis des internautes du site qui contredisent sans la moindre gêne l’opinion de toute la population française. Sondage qui sera immanquablement commenté et analysé avec la rigueur habituelle, et dont il ressortira que les Français sont gentils parce qu’ils aiment les Ch’tis, tandis que sur Internet les internautes sont méchants en raison de l’influence néfaste de cet outil qui pousse chacun de nous à devenir un petit nazi.

Salut les aminches. Le billet d’aujourd’hui sera empli d’amertume. Il devait être drôle, ou à tout le moins tenter de l’être un peu mais là, pardon, j’ai plus envie de me marrer.

Je voulais vous parler d’une publicité qui m’a beaucoup amusé. Je l’ai repérée mercredi en quatrième de couverture de Télérama, alors que je le feuilletais, comme à chaque fois que je reçois Télérama, aux chiottes. Son lien avec l’actualité m’a beaucoup amusé et je me suis dit que je devais vous en faire part. Alors depuis mercredi je réfléchis à la façon dont je pourrais présenter la chose pour la rendre la plus drôle possible.

J’ai pensé poster une image de la pub avec un court commentaire. J’ai également pensé à construire une petite histoire autour, ça aurait dû ressembler à ça, en fait je pense même que ça aurait été ça :

Le 22 juillet, Michel monte en voiture non sans avoir au préalable attaché sa fillette, Micheline, dans son fauteuil à l’arrière, afin de l’emmener à la garderie tandis que lui doit se rendre au travail. La journée se passe normalement, sauf qu’à 15h37 Michel, dans sa voiture, jette un œil sur le siège arrière et constate avec étonnement que Micheline s’y trouve toujours, elle semble dormir mais de quoi se rend-il compte lorsqu’il tente de la réveiller ? Elle ne respire plus, son cœur ne bat plus, en fait on peut dire, pour employer un terme assez violent, qu’elle est morte. Plus tard personne ne comprendra ce qui a pu se passer dans la tête de Michel pour qu’il oublie sa fille dans sa voiture, non mais quel crétin tout de même, les radios et les télévisions feront se succéder les psychologues pour tenter d’analyser en direct la distraction dont a été victime le pauvre Michel, quel père est capable d’une telle erreur ? Et vas-y les discours sur notre société égoïste, individualiste et matérialiste, d’autant que Michel se trouve être le deuxième père à oublier sa fille dans sa voiture en deux semaines ; quelques jours plutôt c’est Marcel qui avait oublié Marceline, laquelle était décédée dans les même conditions. Lois des séries ? On s’interrogera longuement et pourtant la réponse peut bien se trouver sur la quatrième de couverture du dernier numéro de Télérama. C’est une publicité pour une voiture, la Peugeot 207 SW, que voici :



Ce que n’a pas dit Michel, c’est qu’il n’a pas seulement oublié de déposer Micheline à la garderie : il a également omis de se rendre au travail tant le plaisir de conduire la Peugeot 207 SW, qu’il venait d’acheter, était grand.

Voilà, l’histoire aurait été un truc dans ce goût là, à la différence que je ne l’aurais pas écris avec au fond du cœur la tristesse qui me fait grimacer en ce moment même. Vers 21h30, je venais de m’installer à mon bureau et je faisais un tour sur Internet avant de me mettre à écrire quand je suis tombé sur cet article d’Arrêt sur Images : http://www.arretsurimages.net/vite.php?id=1256. J’ai vu le titre, j’ai eu peur, je me suis dit oh mon dieu, dites-moi que ce n’est pas la pub dont je veux parler et j’ai cliqué et il s’agissait bien de cette foutue pub et, comble de l’injustice, le site d’ASI l’avait récupérée dans un Post d’un membre du Post.fr que voici, http://www.lepost.fr/article/2008/07/25/1230193_peugeot-nous-met-en-garde.html, lequel membre par ailleurs avait chopé l’image dans le message qu’un membre du forum Hardware.fr avait posté la veille au soir à cette adresse :http://forum.hardware.fr/hfr/Discussions/Loisirs/etonnantes-images-topic-sujet_78667_582.htm#t15628612.

A 21h52, heure à laquelle ce message avait été posté sur le forum, qu’étais-je en train de foutre ? Je me battais avec mon scanner pour obtenir une copie de qualité de cette pub à la con avant le début du concert de Radiohead diffusé sur Canal+ à 23h20, tout ça dans l’optique d’en faire un billet ce soir ! Et en plus mon scan est merdique, on y voit quedalle, je peux vous le montrer si vous voulez !



(Vous comprenez pourquoi je me suis permis de récupérer directement l’image gracieusement mise en ligne par le membre du forum Hardware.fr.)

Bref. Je vais cesser de me plaindre. Mais comprenez ma peine : alors que j’en chie pour poster plus d’un billet par semaine, je me suis fait doubler sur un truc qui occupait mes pensées depuis deux jours ! Je n’en mangeais plus ! Je n’en dormais plus ! Je ne regardais même plus Plus Belle la Vie. A dire vrai j’ai carrément acheté une Peugeot 207 SW et mis une femme enceinte pour pouvoir tester, dès qu’elle aura accouché, la vérité de cette publicité et la probabilité de l’hypothèse selon laquelle les deux pauvres paternels ayant oublié leur progéniture dans leur voiture sont bien des propriétaires d’une 207 SW ayant cédé au plaisir de conduire promis par son constructeur.

Désolé mais là j’ai vraiment envie de le dire : il y a quelque chose de pourri dans ce royaume. A bientôt, j’espère.

Je ne suis pas très sensible à la poésie.

Un voilier

Je suis debout au bord de la plage.
Un voilier passe dans la brise du matin et part vers l'océan.
Il est la beauté et la vie.
Je le regarde jusqu'à ce qu'il disparaisse à l'horizon.
Quelqu'un à mon côté dit : "Il est parti"
Parti vers où ?
Parti de mon regard, c'est tout.
Son mât est toujours aussi haut.
Sa coque a toujours la force de porter sa charge humaine.
Sa disparition totale de ma vue est en moi, pas en lui.
Et au moment où quelqu'un auprès de moi dit :
"Il est parti"
Il y en a d'autres qui, le voyant poindre à l'horizon et venir vers eux, s'exclament avec joie :
"Le voilà"
C'est cela la mort.


William Blake

Comme quoi tout n'est pas pourri dans ce royaume.

Aujourd’hui, je vous propose de nous attarder sur une phrase qu’a écrite une femme en commentaire à mon dernier article, celui sur Ingrid Betancourt, sur un autre blog. Pour situer le contexte, cette femme dont le pseudo est Candyjazz avait copié/collé cet article sur son blog, je l’avais légèrement tancée, elle m’avait répondu que ce n’était pas méchant de sa part, au contraire, et elle avait posté ce commentaire sous mon billet :

«Quant vos propos sur Mme le Ministre Bétancourt, tout le monde sait que les infos, comme les émissions télés du style "attention à la marche" sont enregistrées, à raison de 3 à 5 émissions par jour, ce qui explique que cette dame avait l'air plutôt fraiche, attendu qu'entre le moment de sa libération effective et sa diffusion télé, il s'est écoulé environ deux mois. Ceci expliquant cela.»

Je vais vous dire : je me demande si cette fille n’est pas une supercherie. Mais faisons-nous plaisir à peu de frais et analysons son propos. Déjà, il y a le style : «Mme le Ministre Bétancourt », ça en jette, et avec des majuscules s’il vous plaît.
Surtout : il y a l’énormité de la théorie. Attardons nous dessus longuement, car si la première lecture laisse juste à penser que l’auteure de cette phrase est légèrement conne, une seconde lecture donnera pleinement conscience de la gravité de sa situation.

« Tout le monde sait que les infos, comme les émissions télés du style "attention à la marche" sont enregistrées, à raison de 3 à 5 émissions par jour ».

Bah bien sûr, tout le monde sait cela. Quiconque l’ignore doit avoir passé 24 ans dans une cave et donné naissance à sept enfants issus d’une relation incestueuse non consentie avec son propre père — dans le meilleur des cas. Ca devait d’ailleurs être le mien puisque je suis visiblement le seul con à ne pas savoir ça.
Donc les infos « sont enregistrées à raison de 3 à 5 émissions par jour » et sont diffusées « au bout de deux mois ». Admettons. Ne nous demandons pas pourquoi, ça gâcherait tout. Voyons plutôt l’application concrète de cette théorie intrigante. Par exemple, lorsque Pernaut ouvre son JT par la météo d’Evelyne Dhéliat, il faut bien comprendre qu’il connaissait il y a deux mois la météo du jour où son journal serait diffusé. Et lorsqu’un reportage, dans le même JT du même Pernaut, nous montre les premiers vacanciers arrivant à St Tropez, il est clair que ce sont de faux vacanciers qui sont allés se baigner dans une mer à 10 degrés il y a deux mois pour être diffusés aujourd’hui seulement. Il ne serait bien sûr pas plus simple d’attendre l’arrivée des vrais vacanciers.

Mieux encore : lorsque Pernaut nous annonce l’air contrit que nous sommes en train de subir une grève injuste menée par des cheminots fainéants, et qu’il nous montre des reportages avec des usagers pleurant toutes les larmes de leur corps, il faut savoir que la grève s’est en fait déroulée il y a deux mois, à notre insu, et qu’on la reproduit le jour-même pour faire entrer la réalité en conformité avec des infos seulement conformes à la réalité d’il y a deux mois. Et quand nous sommes appelés à voter lors des élections présidentielles, il ne faut pas ignorer qu’en fait les élections se sont tenues deux mois plus tôt sans qu’on le sache, et que les résultats ont également été enregistrés deux mois à l’avance mais qu’on nous fait tout de même voter pour nous faire croire que nous sommes en démocratie — allez, je reconnais honnêtement que sur ce dernier point, celui de la réalité de notre situation démocratique, il pourrait y avoir débat. Pour finir, sachez que lorsque vous allez assister à la finale de Roland Garros et que vous pouvez vous retrouver le soir, au JT, dans le public, en réalité vous êtes allé voir, sans trop le savoir, cette finale deux mois plus tôt. Et moi, quand j’ai fait mon stage dans un journal en janvier dernier, mes articles, que je pouvais lire le lendemain de leur écriture, avaient en fait été écrits deux mois plus tôt par des gens sachant que je les écrirais deux mois plus tard.

Sincèrement, je crois que cette nana a trop regardé Retour vers le Futur. Ou bien c’est la fille de Ken le survivant et elle nous sortira un jour qu’on est déjà mort mais qu’on ne le sait pas encore. Poursuivons :

« ce qui explique que cette dame avait l'air plutôt fraiche, attendu qu'entre le moment de sa libération effective et sa diffusion télé, il s'est écoulé environ deux mois »

Ce qu’il faut comprendre ici (je crois) : Ingrid Betancourt a été en réalité libérée il y a deux mois, et par conséquent toutes les éditions spéciales que vous avez pu regarder depuis la semaine dernière ont été enregistrées il y a deux mois au rythme de 3 à 5 par jour. Et en deux mois, Ingrid Betancourt a eu le temps de se reposer, ce qui explique qu’elle apparaisse peu fatiguée sur ces images. En clair, les images ont bien été tournées immédiatement après la libération d’Ingrid Betancourt mais cette dernière a tout de même eu le temps de bien se reposer avant que ces images soient tournées et c’est la raison pour laquelle elle semblait en forme ! J’ai envie de dire : c’est énorme. Selon cette femme, au moment de sa libération, Ingrid Betancourt ressemblait à la loque humaine que nous avions pu voir en novembre dernier, et c’est dans cet état qu’elle a été filmée au départ mais s’étant reposée depuis, son image sur la pellicule s’est transformée pour ressembler à ce à quoi elle ressemble aujourd’hui et telle que nous la verrons dans deux mois.

Le doute n’est plus permis : on a découvert le roman inachevé de Philip K. Dick, dûment complété par les frères Wachowski. En vérité, le monde se conforme à l’image qu’a décidé de lui donner Jean-Pierre Pernaut deux mois plus tôt, en accord avec tous les journalistes du monde, et des événements dont on croit qu’ils se déroulent sur plusieurs jours sont dans les faits enregistrés en deux heures pour être diffusés par petits bouts deux mois plus tard. Les matchs de foot auxquels nous assistons se passent deux mois avant que nous ne nous y trouvions. Toute notre vie est contrôlée à distance pour la rendre conforme à ce que les médias ont décidé qu’elle serait il y a deux mois et en fait il y a des agents Smith partout autour de nous et ils nous contrôlent pour nous empêcher de découvrir la vérité et, oh mon dieu, en voilà un qui pénètre dans ma chambre et se précipite sur moi !

Bizarrement, je ne peux pas dire qu’il n’y a rien de vrai là-dedans. Oui, les médias façonnent le monde. Ils nous en donnent une image tronquée, et le monde lui-même se tronque pour se rendre médiatique. Les événements sportifs ou diplomatiques (coupe du monde, défilé, etc) sont conçus pour être télégéniques avant tout. J’ai entendu une fois que lors d’un défilé en Angleterre, on avait nourri les chevaux avec une nourriture particulière pendant les jours précédant l’événement, afin que la couleur de leur crottin passe bien à la télévision. D’une certaine manière, c’est parce que la télévision existe que les attentats du 11 septembre ont été si réfléchis esthétiquement, et c’est parce que la télévision existe qu’ils ont atteint leur but.

Il n’en reste pas moins que cette femme est très probablement folle. Notez qu’elle dit avoir 40 ans (à deux mois près, je suppose) dans son profil et que malheureusement son blog a disparu depuis quelques jours. Ou bien elle me l’a rendu inaccessible et pour cette raison je vous donne tout de même son adresse, histoire que vous puissiez tenter d’y accéder par vous-même : http://voielactee0.spaces.live.com/blog/cns!377286CD7C9E9A39!795.entry#post


Nous sommes donc aujourd’hui le 15 septembre 2008 et croyez-moi, il y a vraiment quelque chose de pourri dans ce royaume. Mais nous devrons attendre deux mois avant de savoir quoi. Pour patienter dans la bonne humeur, je nous conseille de regarder tous les JT, d’écouter toutes les infos radiophoniques et de lire tous les journaux en gardant bien en tête que tout a été filmé, enregistré et écrit il y a deux mois.

Mercredi soir, vous le savez sans doute, Ingrid Betancourt a été libérée de l’enfer colombien. Les télévisions se devaient de réagir au plus vite : on est allé rechercher Pujadas au fond de son lit, et PPDA sur la dune du Pilat où il concevait son prochain roman romantique en conchiant ceux qui ont « ourdi » son départ et goujatement botté son royal fessier hors des locaux de TF1 à cause de son impertinence, car n’oublions pas que « déjà au lycée, [sa] manière d'être [lui] a joué des tours. Les profs se disaient dérangés par une certaine lueur au fond de [son] regard. Ils [lui] reprochaient [son] insolence. » D’ici à ce qu’il prenne Nonce Paolini et Jean-Claude Dassier en otage et qu’il les embarque au fin fond de la jungle auvergnate pour six ans, quatre mois et six jours, il n’y a qu’un pas qu’il ne franchira tout de même pas.

La difficile condition d’otage des Farc, il en a beaucoup été question dans les jours qui ont suivi la libération de celle que tout le monde appelle désormais Ingrid et pour laquelle la France tout entière s’est mobilisée parce qu’on est un peuple tellement beau et uni. Il faut dire que les conditions de détention d’Ingrid, c’était quelque chose. Les chaînes, les brimades, l’humidité de la jungle, tout ça… Il conviendra toutefois de ne pas se gargariser trop prestement et de garder en tête que bien d’autres personnes sont encore retenues en otage partout dans le monde, et qu’elles en souffrent. Pensons par exemple aux usagers français, légitimement énervés lorsque les guérilléros cheminots se mettent en grève afin de conserver des privilèges et leur travail de feignasses payées à rien foutre. Lorsque cela survient, c’est tout un pays qui se trouve pris en otage ; et c’est toute une majorité silencieuse qui souffre de l’égoïsme d’un petit nombre qu’on ne sait même pas très bien pourquoi il manifeste. Ingrid Betancourt, pour sa part, ne semblait pas très en colère mais il faut noter qu’elle croit en Dieu et qu’elle refuse de haïr ses ravisseurs. C’est admirable. Lorsqu’on voit dans quel état de rage un usager français pris en otage peut se mettre au moment où il apprend qu’il devra prendre le train suivant, on imagine sans problème quel a pu être son courroux, eu égard au fait qu’elle n’a pas pu prendre le train pendant plus de six ans.

En tout cas, jeudi soir, la libération d’Ingrid Betancourt a occasionné une autre prise d’otages : celle des téléspectateurs, obligés de rester devant leur écran s’ils voulaient découvrir les déclarations inutiles de Nicolas Sarkozy ou les premières images d’une Ingrid dans un état moins piteux que celui que nous espérions voir. Et dire que ses enfants ne cessaient de nous rappeler, en novembre, qu’il lui restait quelques heures à vivre si on ne faisait rien. Enfin, il y aura au moins deux heureux. Le premier, c’est PPDA, qui finit sa carrière avec une belle affaire, un beau direct comme la télé les affectionne. Le second, c’est David Pujadas, qui, allez savoir pourquoi, semblait aussi heureux que si Ingrid faisait partie de sa famille. Il était tout chaud de partout, il n’arrêtait pas de sourire, il y allait de ses petits commentaires et on sentait bien que s’il en avait eu sous la main, il aurait dispersé des cotillons partout en chaussant un nez de clown.

Dans ces conditions, interdiction formelle de dire quelque chose qui aille à contresens du nous sommes tous heureux, la France est belle, Ingrid est belle, il n’est plus question de politique même s’il faut reconnaître les jolis efforts de Sarkozy quand bien même ils n’auraient servi à rien. Ségolène Royal a oublié le devoir de fermer sa gueule en pareille circonstances et a rappelé une vérité que personne ne voulait entendre, surtout parmi les représentants de l’UMP qui se relayaient pour rappeler que cette libération ne devait pas donner lieu à des récupérations, ce qui est une autre façon de récupérer politiquement cette libération. Elle a dit que Nicolas Sarkozy n’y était pour rien, ce qui est vrai mais tais-toi donc. Tout le monde lui est tombé dessus à bras raccourcis, c’est bien fait pour elle, la prochaine fois elle saura. C’est comme en septembre 2001, y avait pas intérêt à venir dire qu’après tout les États-Unis avaient peut-être un peu cherché les attentats aussi. Quand des événements permettent à toute une nation de s’unir pour jouer la partition du bonheur, il ne vaut mieux pas jouer faux, pour employer le genre de métaphores que ne renierait pas un éditorialiste.

Bref, vous aurez pu constater que je n’avais rien à raconter mais je voulais reprendre contact avec vous après deux bonnes semaines sans nouvelles et puis parce qu’il y a toujours quelque chose de pourri dans ce royaume.

Dans sa dernière édition, le Nouvel Observateur nous annonce en couverture un sondage européen exclusif : « Anglais, Allemands, Italiens… ils jugent les français » annonce le titre. A priori il n’y a pas de quoi s’exciter : j’ai toujours vu de courageux journalistes s’enquérir de ce que pensent les Anglais et les Allemands et les Italiens du peuple que nous composons et qui devrait faire la fierté du monde occidental. On trouve donc un dossier construit autour d’un sondage centré autour de la perception qu’ont les autres Européens de notre pays et de nous. Enfin, par les autres Européens, il ne faut pas entendre les peuples des 26 autres pays appartenant à l’UE : le sondage se limitera à l’Angleterre, l’Allemagne et l’Italie. Pour les autres pays, on interrogera des écrivains, des universitaires et des journalistes espagnols, belges, néerlandais, polonais, danois, et puis c’est tout. Pas une seule trace des plus récents intégrés à l’Est — ils ne sont pas encore vraiment européens, après tout, et puis surtout leurs populations sont largement minoritaires, c’est comme ces 4 millions de salauds d’Irlandais qui ont bloqué le traité de Lisbonne et qui handicapent les 450 millions d’Européens enthousiastes qui l’avaient réclamé à corps et à cri.

Bien qu’incomplète par nature, cette enquête européenne provoque visiblement la fierté des auteurs de l’article, Marie-France Etchegoin et Jean-Gabriel Fredet, puisqu’ils écrivent au deuxième paragraphe : « Loin de la stratosphère des éditorialistes, nous avons voulu aller voir « sur le terrain », au ras des opinions ». Voilà une phrase somptueuse qui mérite toute notre attention. Notons d’abord le louable effort formulé au début : « loin de la stratosphère des éditorialistes », c’est effectivement une prise de distance nécessaire si l’on veut parler d’Europe tranquillement. Mais quitter la stratosphère des éditorialistes ne va pas sans quelques inconvénients, qui sont le devoir d’aller « sur le terrain » et, surtout, de se mettre « au ras des opinions », qui ne volent donc pas plus haut, selon l’image qui est suggérée, que le ras des pâquerettes. Dès lors, si ces opinions sont si basses que cela, pourquoi aller les interroger et ne pas se contenter de la stratosphère éditorialiste ?

Aller « sur le terrain », pour ces journalistes du NouvelObs, ce n’est évidemment pas voyager et tenter de recueillir, dans chaque ville, dans chaque usine, dans chaque entreprise, dans chaque famille, l’avis des autochtones. Non. En réalité, les guillemets encadrant ce « sur le terrain » sont terriblement bienvenus car en termes de terrain, on ne peut pas dire que l’expérience semble avoir été très éprouvante. En effet, le sondage « sur le terrain », réalisé par OpinionWay, a été mené « en ligne ». Tu parles d’un terrain… Le seul article de ces pages vraiment réalisé « sur le terrain » est celui du correspondant en Italie, qui est allé visiter l’usine Fiat de Turin.

Le petit paragraphe sur les méthodes de l’institut nous apprend d’autres choses : « ce sondage a été réalisé auprès de trois échantillons de personnes âgées de 18 ans et plus, résidant en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Italie, représentatifs de ces populations et constitués selon la méthode des quotas. » Voilà donc un sondage réalisé sur des internautes et qui prétend refléter l’ensemble des populations alors que le taux d’accès à Internet dans ces pays est, au maximum, de 63% de la population (en Angleterre). Qu’en est-il des plus pauvres, des plus vieux, des réfractaires aux nouvelles technologies et de ceux qui n’en ont juste rien à foutre du Net ? Mystère. De même, parmi les internautes, rien ne nous est expliqué de la façon dont les sondés sont amenés à s’exprimer. Ont-ils répondu à un appel où est-on allé les chercher ? Et dans le second cas, comment ? En se baladant sur la toile et en les piochant au hasard de balades sur des forums et des blogs ? Mais quels forums, et quels blogs ?

Au-delà de ça, j’aimerais poser une question plus large, qui concerne tous les sondages : dans quelle mesure peut-on être sûr d’avoir un « échantillon représentatif d’une population» ? Qu’est-ce qui peut être plus représentatif qu’une population sinon la population elle-même ? La représentativité d’une population dépend de ce que les sondeurs mettent dans cette population — autrement dit, l’échantillon ne représente sans doute pas tant la population que l’image que les sondeurs se font de cette population. Je ne doute pas que toutes les catégories socioprofessionnelles soient représentées — même si, dans le cas d’un sondage réalisé sur Internet, il est permis d’en douter — mais dans quelle mesure les spécificités culturelles propres aux régions, aux départements, aux villes et même aux quartiers des villes, sont-elles représentées ?

Et s’il est déjà bien complexe d’obtenir un échantillon vraiment représentatif de la population française, je n’ose imaginer l’impossibilité, pour un institut français, comme OpinionWay, de composer avec certitude des échantillons représentatifs des populations étrangères qu’il est allé sonder. Ceci sans compter qu’il a fallu traduire les questions dans d’autres langues, alors même que nous, Français, ne nous entendons pas systématiquement sur le sens des mots que nous employons.

C’est pourquoi, bien que mon opinion vole à peine plus haut qu’une pâquerette, je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a quelque chose de pourri dans le royaume des sondages.

Salut les poteaux. Ca fait un bon moment que je n’ai rien publié, avec de la chance vous vous en êtes peut-être inquiétés mais dans le cas contraire tant pis, je n’en ferai pas un drame. Ces dernières semaines ont été un peu chargées pour moi, il y a eu des concours pour des écoles de journalisme et un petit voyage en Provence avec ma chère et tendre au cours duquel nous sommes allés voir Radiohead à Nîmes — c’était très chouette.

Je me sens un peu vide ; en fait je n’ai pas une folle envie d’écrire mais je veux garder le contact donc je vais meubler et ceux qui veulent resteront.

Pour meubler, je pourrais par exemple vous parler de cette idée géniale destinée à lutter contre l’obésité chez les jeunes et dont le 12:50 de M6 s’est fait le relai avant-hier. C’est un nutritionniste visiblement en mal de sensations qui a proposé de mettre en place une sorte d’option amaigrissement au baccalauréat. En gros, le concept serait que les élèves le désirant fassent des efforts pour maigrir et que ces efforts soient récompensés par 18 points au bac. L’opération commencerait en première, et on pèserait l’élève chaque trimestre.
Le nutritionniste avait l’air très fier de son projet et semblait y croire vraiment : selon lui, peu importe les résultats, c’est l’effort qui compte. Donc si on perd 50 grammes c’est aussi bien que si on perd quatre kilos. Le monsieur affirmait également que son idée se trouvait sur le bureau de Roselyne Bachelot et que le ministère y réfléchissait très sérieusement mais de toute façon le ministère de madame Bachelot déclare toujours réfléchir très sérieusement à toutes les conneries qui arrivent sur son bureau, qui doit en déborder : interdiction de la vente d’alcool aux mineurs de moins de 18 ans, interdiction des cigarettes sucrées, apposition de photos de poumons cancéreux sur les paquets de clope, peut-être même interdiction de la masturbation et prohibition de la respiration pour réduire les émissions de CO2, de toute façon tout est bon à prendre pour donner l’impression d’agir — et d’agir utilement.

Pour revenir à cette option obésité, le nutritionniste, décidément sûr de son coup, était également très fier d’annoncer que son idée ne se voulait absolument pas discriminante : tous les élèves peuvent y participer. A commencer, je suppose, par les anorexiques qui ont l’avantage d’avoir déjà mis en place des techniques imparables pour maigrir et qui, s’ils doivent mourir à 21 ans, pourront au moins être fier d’avoir eu leur bac avec mention grâce à l’option amaigrissement. Et parce que 18 points au bac ne sont pas négligeables, il ne serait pas si bête, pour les enfants aujourd’hui en CM2, de commencer une cure de malbouffe dès maintenant afin de peser 120 kilos à leur entrée en première, histoire qu’il soit plus facile d’en perdre quelques-uns.

C’est une grosse pierre que ce nutritionniste vient d’apporter à l’édifice de la société qui se dessine depuis quelque temps et dont le projet suprême est d’uniformiser la nation. On pourrait imaginer d’autres options au bac du même acabit. Une option clope et/ou cannabis récompenserait les élèves qui arrêtent de fumer, une option alcool remercierait ceux qui arrêtent de boire, une option homosexualité gratifierait de quelques points les déviants acceptant de se ramener à l’hétérosexualité. Il y aurait également une option expulsion pour que les enfants sans papiers aient le bac en échange de la promesse de monter dans le premier charter une fois le diplôme obtenu, et une option jeux vidéo serait créée pour que les tueurs en devenir que sont les joueurs cessent de se perdre dans les méandres de leurs univers virtuels.

Les adolescents ont ceci de pratique qu’on peut les acheter avec n’importe quoi et qu’il suffit de leur promettre quelques points au bac pour qu’ils acceptent d’être humiliés. C’est en tout cas ce que doit penser ce monsieur qui aurait, je n’en doute pas, eu son bac avec encore plus de points si une option « projet übermensch » avait existé à son époque.

Et pour évoquer un autre sujet très rapidement, je tiens à féliciter France 2 pour le dispositif pédagogique mis en place avant-hier lors de la grève du service public audiovisuel. Le JT de Pujadas a consacré 15 minutes à l’explication des raisons de cette grève légitime, qui doit d’ailleurs être soutenue par la France tout entière puisqu’aucun reportage sur les usagers de France Télévisions pris en otage par les privilégiés du service public audiovisuel n’est venu encombrer le journal.

Si avec ça il n’y a pas quelque chose de pourri dans ce royaume, je fais un régime.