En attachant ses cheveux, Caroline dit à Jonathan qu’elle aimerait beaucoup aller se promener avec lui, on pourrait aller dans les champs et manger du gâteau sous un arbre. L’idée sembla romantique et, soumise par la fille avec laquelle Jonathan formait un couple depuis un mois, n’apparaissait pas refusable. On irait donc se tenir par la main dans un champ de blé en cette fin d’après-midi, en plus le temps était beau et on était en vacances.
Peu de temps après en avoir décidé ainsi, sous le vert feuillage parasolaire d’un arbre isolé à l’intersection de deux champs, Caroline et Jonathan en vinrent à manger le gâteau qu’elle avait consciencieusement mitonné. Malheureusement il n’était pas très bon, ce gâteau, pour tout dire il était même raté mais Jonathan n’en voulut rien dire, pour rien au monde il ne voulait blesser cette fille qu’il aimait tant embrasser.
Sous prétexte qu’ils habitaient un petit village, Jonathan et Caroline passaient dans leur lycée pour les deux nazes de la campagne, les bouseux qui ne connaissent que les vaches. Ils s’habillaient sans goût, n’avaient pour eux aucune distinction physique qui pût être tournée à leur avantage, et avaient bien conscience que cela divertissait ce que l’on appelle leurs camarades qui, regards amusés, chuchotements au creux de l’oreille, prise de distance physique, ne tentaient même pas de dissimuler le mépris avec lequel ils les considéraient. C’était d’ailleurs, sans doute, ce qui les avait rapprochés, assez vite ils en étaient venus à passer tout le temps possible ensemble, pauses et cantine. Tôt le matin, ils se retrouvaient devant l’établissement puis s’y retrouvaient à nouveau après les cours, et si l’un finissait avant l’autre il l’attendait au pied de la statue, sur la place devant. Assez naturellement ils en vinrent à éprouver des sentiments l’un pour l’autre, après tout c’était tout ce qu’il y avait de plus naturel dans leur situation.
Du coup ils en étaient là, sans doute amoureux tous les deux, appréciant les vacances ensemble sous un arbre.
Elle posa sa tête sur ses cuisses et ferma les yeux pour profiter, autant que possible, de la brise qui courait au sol. On resta dans cette position-là pendant une bonne demi-heure, on ne se dit pas grand-chose — pour quoi faire ? —, on admira le paysage depuis cet endroit qu’aucun d’eux ne connaissait auparavant, et on profita de la fraîcheur du soir juilletiste, et on s’endormit sans s’en rendre compte.
Un hibou hululant au dessus de leurs têtes, posé sur sa branche comme un culbuto, réveilla Jonathan et Caroline vers vingt-deux heures. Immédiatement la panique les gagna : à l’évidence ils avaient chacun loupé leur repas respectif et ils n’avaient plus qu’à s’empresser de rentrer chez eux pour assourdir la violence avec laquelle ils seraient accueillis par les darons, mais qu’est-ce que t’as foutu où t’étais, on s’est inquiété tu pourrais prévenir bon sang. Peut-être même qu’on leur interdirait définitivement de sortir à nouveau, pensèrent-ils ensemble, à coup sûr leur amour serait brisé par cette malheureuse incartade au règlement familial, alors qu’ils pensaient vivre leurs vacances ensemble ils les subiraient séparément, chacun chez soi avec pour seul compagnon les remords de cette trop longue sieste, et même peut-être, pourquoi pas après tout, les parents les renieraient et les jetteraient dehors pour en finir avec cette indigne progéniture.
Il était donc urgent de se mettre en route et de se dépêcher, malgré la nuit qui s’était presque complètement installée. On eut du mal à retrouver le chemin mais à un moment il sembla qu’on était sur la bonne voie. Main dans la main, Caroline et Jonathan la parcoururent longuement, cette voie — si longtemps qu’arriva un moment où ils se dirent qu’ils s’étaient possiblement trompés, ou en tout cas l’hypothèse devait être envisagée avec sérieux. Lors de cette prise de conscience la nuit s’était déjà faite complètement noire, et même revenir sur leurs pas ne leur apparût pas tout à fait évident.
Que fait un couple de lycéens perdu dans la campagne la nuit ? Il se serre et se soutient et ne sait pas quelle décision prendre. De tous côtés, aucune lumière qui eût pu signifier une forme de vie humaine ne se faisait voir, pas même un phare de voiture ci ou là. Bon, eh bien continuons sur ce chemin, proposa Caroline, ça doit bien mener quelque part de toute façon. Jonathan passa son bras autour de sa taille et ils se remirent à marcher.
A défaut d’avoir une nette vision de ce que serait l’avenir pour les vingt-quatre heures suivantes, ils purent discuter du passé, j’aimais voir les mains de mon grand-père manœuvrer le volant de sa vieille voiture, je n’ai jamais rencontré une fille comme toi, tous les mecs que j’ai connus étaient des cons, mon existence d’avant n’avait pas de sens, je me croyais trop laide pour séduire, enfant j’adorais Superman, gamine je ne ratais jamais le Club Dorothée.
Aussi longtemps qu’ils marchèrent ils conversèrent, puis vint un moment où tous deux se sentirent harassés et où l’on prit la décision de s’allonger pour dormir un peu, si ça se trouve le jour ne tardera pas à se lever et on s’y retrouvera plus facilement. Autant dormir plutôt que de perdre son temps à chercher une illusoire issue. Jonathan et Caroline s’allongèrent sur les cailloux ronds qui recouvraient le chemin et, attachés l’un à l’autre comme à une bouée de sauvetage, s’endormirent.
Ohlala, dur d’alimenter cette page en ce moment, c’est con parce que ce mois de juin aura été un de mes plus productifs depuis… allez, un an au moins. Peut-être même plus.
Mais là ça y est, je suis de nouveau blindé, après Loulou la semaine dernière je vais voir Patti Smith demain, et puis je remonte ensuite à Belfort où je jouirai d’Arcade Fire et de Tv On The Radio – dommage que ce naze d’Antony ait annulé son concert pour cause de maladie, mais enfin c’est un superpote de Lou Reed, ça peut s’expliquer comme ça.
Donc comme la semaine dernière je vous dis rien avant lundi soir au moins. Mais il serait insuffisant d’en rester là.
Alors je vais parler de ce qui me vient.
Rien ne me vient. Je n’ai même pas envie de parler de cigarettes. Ca c’est triste. Pourtant j’ai pas mal d’idées et de choses à écrire, juste que là je n’en ai pas vraiment le courage. Je vais tout noter pour ne rien oublier. Oh allez, je vous mets juste le début d’une histoire que j’ai envie de raconter.
C’était un triste après-midi de juin, un triste après-midi au regard de cachalot. Moi-même j’en viens à faire des métaphores bizarres, pour vous dire comme il était triste, cet après-midi.
Jonathan et Caroline se promenaient dans un champ de blé. Ils étaient ensemble depuis, allez trois semaines peut-être mais en tout cas, même à 16 ans, ils semblaient s’aimer pour de vrai.
Donc pour résumer le début : deux adolescents amoureux se promènent niaisement dans un champ par un triste après-midi de juin.
Caroline et Jonathan venaient de terminer leur année de, crotte en quelle classe on est à seize ans, seconde hein je crois — oui c’est ça. Ils passaient tous les deux en première ES, la filière des gens qui finiront par voter Bayrou parce qu’ils ne savent jamais quoi choisir. Il faut dire que le choix n’est pas évident : en S on est sûr d’être pris pour un génie et de trouver un super travail mais il faut cravacher, et en L on est sûr d’être pris pour un branleur et de ne pas trouver de travail du tout mais en plus il faut cravacher.
Caroline et Jonathan profitaient de ce début de vacances (on est en vacances à la mi-juin en seconde dites-moi ? ) pour vivre des instants bucoliques romantiques extatiques malgré les tiques.
Il était bientôt 20 heures mais aucun ne voulait rentrer chez lui. Ils s’assirent sous un arbre et grignotèrent des gâteaux restant du goûter. Ils parlèrent de l’année passée, des profs, quelle connasse la Miguena, des autres élèves, ptain elle m’a pris la tête Jessica, et du lycée en général, ce satané lycée avec lequel il leur tardait d’en avoir fini.
Bon, je m’arrête là pour le moment, je reprendrai ça plus tard et possiblement je changerai beaucoup de choses, je sais précisément quelle sera la fin mais je ne sais pas si je suis bien parti pour l’atteindre.
Heu, voilà.
Je crois que je vais vous dire à lundi (peut-être), du coup.
Dur...
Pas comme la cruche qui, tant elle est allée à l'eau, en a fini par se casser la gueule lamentablement. En même temps c'est une cruche, oui oui... ben oui pour reprendre Nicolas quand il est un peu dans le zef.
Bon, un compte-rendu du concert de Lou Reed a-t-il une réelle utilité ? Pour vous possiblement pas, pour moi oui parce qu’il me permettra de matérialiser mon ressenti et de frimer.
Comment dire ? C’était beau, c’était ma foi très beau. Enfin de toute façon c’eût pu être moche que cela n’y eût rien changeassassié. Je voyais Lou Reed, il était là tout près et voilà à peu près l’essentiel de ce que j’attendais.
(Loulou félicite toute sa clique après le concert. Je posterai plus tard les photos prises par mon amoureuse.)
Il paraît qu’il y avait Marianne Faithfull dans la salle. En tout cas il y avait Philippe Manœuvre déguisé en lui-même — lunettes noires et veste de cuir — et Raphaël, vous savez le chanteur niaiseux faussement poète. En fait ça n’était pas très étonnant vu qu’il avait déjà cité dans une émission — et ça m’avait choqué — Lou Reed parmi ses influences. J’espère qu’il n’a pas été traumatisé le pauvre, parce que Berlin, que Loulou nous rejouait en intégrale et dans l’ordre, c’est un album malsain, vraiment très malsain. Aujourd’hui il choque moins mais n’a pas perdu de sa puissance : entre les sarcasmes du narrateur lorsque sa copine lui dit que ça n’est pas très drôle qu’il la batte et sa satisfaction maintenant que les gosses ont été emmenés à la Ddass (merde comment ça s’écrit ce truc, comme ça hein je crois), le Lou s’est arraché pour nous servir du vrai mauvais goût très méchant. Très méchante aussi sa conclusion lorsqu’il évoque le suicide de sa femme, par ouverture des veines, dans le lit où ils ont conçu leurs enfants : finalement il n’est pas triste du tout que ça se finisse ainsi. Sacré Loulou.
Tout ça joué dans une ambiance parfois religieuse, parfois bon enfant même lorsqu’on entendait en fond, sur The Kids, les pleurs des gosses susdits qui réclament leur maman alors qu’on les emmène à la Ddass. La musique était gratifiée des mimiques de Lou qui essuyait de fausses larmes en citant les plaintes de Caroline, l’héroïne martyre du disque (battue, dépossédée de ses enfants et suicidée, rappelons-le) et qui nous poussait des petits Hou et des grands cris, je ne pensais pas qu’il en serait encore capable.
Moi en tout cas je me suis marré tout le temps vu que Reed nous servait un vrai petit numéro, il ne nous a même pas dit bonsoir et j’aurais été déçu qu’il le fasse. Et puis il est mignon quand il s’applique pour nous servir un de ces solos — soli si vous préférez — poussifs dont il a le secret. Il est là, la langue dehors, concentré sur ce qu’il fait — une note toutes les trois secondes — mais il dégage une puissance incroyable, il a un énorme son de guitare ce con. Et puis à côté de lui il y avait Steve Hunter, le miraculeux guitariste de l’album originel et du live Rock n Roll Animal (tous deux datés de 1973), habillé n’importe comment, enfin comme un skateur (le type en bleu sur la photo), mais qui équilibrait Lou avec une guitare légère et survoltée et prodigieuse.
Le décor, conçu par Julian Schnabel, était superbe et le film projeté en fond passait merveilleusement bien, il n’y avait pas à le regarder et il n’attirait jamais trop l’attention mais ses images, lorsqu’on y jetait un œil, exprimaient bien le ressenti des chansons.
Mais le must en fait, c’était les rappels — qui n’en étaient pas vraiment parce qu’après avoir bouclé Berlin en une heure, Lou devait revenir avec d’autres petites choses. Alors il nous a servi du bonheur en barres, Sweet Jane, Satellite of Love et Walk On The Wild Side, de vrais cadeaux pour Steve Hunter qui les avait déjà joués sur Rock n Roll Animal. Il a conclu avec Rock Minuet, que certains ont pris pour un inédit mais ceux-là n’ont pas dû bien écouter Ecstasy, son magnifique album de 2000, parce que Rock Minuet s’y trouvait déjà. Et là Hunter nous a offert un vrai morceau de Jazz avec sa guitare.
Voir Lou Reed en vrai c’est quelque chose tout de même. Je le regardais et j’étais complètement submergé, en voyant cet homme revenu de loin, lorsque je repensais à ses quarante années de carrière et à tous les genres qu’il a traversés — et lorsqu’il nous tournait le dos je pensais plutôt à tout ce qui l’a peut-être traversé. Lou Reed c’est trop énorme pour qu’on réalise bien ce à quoi on a affaire : je voyais ses bras et je me demandais combien de litres d’héroïne y avaient circulé, je voyais ses mains et je pensais à tout ce qu’elles avaient pu toucher, et je le voyais, lui, et je me remémorais toutes ses époques, de sa gueule de gentil scout mignon sur la pochette du troisième Velvet à son visage très sage d’aujourd’hui, en passant par sa période gothique de 72, et sa période blonde peroxydée à l’allure d’un phasme avec des signes nazis tracés au dessus des oreilles. Lou Reed c’est mille hommes dans un seul corps et c’est une anthologie du rock qui se tient debout devant nous et qui chante d’une voix râpeuse qui nous pénètre profondément.
En tout cas j’espère pour nous que Raphaël a bien compris, en voyant ce concert, qu’il devait arrêter la musique. C’était d’ailleurs jouissif parce qu’au début je l’ai vu débarquer dans l’allée près des premiers rangs, on aurait dit qu’il cherchait les places et, n’en ayant pas trouvé, il a du aller s’installer là où il avait été fixé qu’il serait, c’est-à-dire loin derrière. Et en remontant il regardait partout comme pour voir si on le repérait sauf que personne ne faisait gaffe à lui. Mais quand on attend Lou Reed on a toutes les raisons de n’en avoir rien à faire de Raphaël.
Allez, on finit avec un petit extrait du concert, y en a plein sur Youtube si vous en voulez mais là le son est pas mal et c’est un solo de Steve Hunter sur Sweet Jane et ça fait plaisir :
N’ayant pas touché à un ordinateur depuis vendredi dernier, je croyais le débat sur Manhunt 2 à peu près terminé mais Yssan vient de le relancer et c’est l’occasion pour moi d’en toucher deux mots. Critiquez ma démarche si ça vous chante, débat stérile, ça sert à rien tout ça, ce que vous voulez.
Pour commencer rétablissons deux ou trois choses : d’abord, contrairement à ce qui se dit, il n’y a pas dans Manhunt 2 de scène de viol ni de scène de nécrophilie. Je le dis parce que ça choque plein de monde et pourtant c’est faux. Ensuite, le plus important dans l’histoire sera avant tout de savoir si Manhunt 2 est bon — car il est tout à fait possible que, violent ou pas, ce jeu soit juste nul.
Je tiens également à dire qu’aucun d’entre-nous n’ayant fini ce jeu à l’heure actuelle, il me semble absurde de débattre sur ce qui, dans son contenu, mériterait censure ou aseptisation. Il s’agit avant tout d’une question de principes.
Par exemple, en admettant que son contenu soit vraiment si dur, au nom de quel principe devrait-on condamner ce jeu ? Je n’imaginais pas, avant ce débat, que, nous joueurs, puissions avoir un tel sens de la morale : il faut effectivement interdire ce jeu parce qu’il va trop loin, peut-on lire de la part de personnes qui ne savent même pas précisément ce qu’il y a dans Manhunt 2. Il y en a d’autres qui disent que le jeu vidéo est un divertissement et qu’à ce stade ça n’est plus du divertissement. Mais au nom de quoi disent-ils ça ? Au nom de leur vision propre — toute légitime soit-elle — qu’ils ont du vidéoludisme. Sauf que si pour eux le jeu vidéo doit divertir, pour moi il doit être une expérience. Et, précisément, il a pour chacun une valeur différente parce que chacun joue à la recherche de son jeu idéal — que l’on ne trouve jamais, sinon on arrêterait de jouer.
Pour moi donc, le jeu vidéo est une expérience. LocoRoco en est une, Mario en est une autre, Killer 7 et Silent Hill en sont d’autres. Alors pourquoi une expérience telle que Manhunt 2 devrait être interdite ? J’irai plus loin : quand même le jeu proposerait de simuler un viol à la Wiimote, ce qui semble effectivement très violent dans l’idée, pourquoi devrait-on l’interdire ? Pour ma part je voudrais essayer ça, je voudrais voir ce que ça donne. Il ne s’agirait pas alors pour moi d’un divertissement, car je n’imagine pas le viol virtuel comme un divertissement, mais d’une expérience : très certainement déstabilisante, malsaine à coup sûr mais également, je n’en doute pas, intéressante. En l’occurrence le jeu vidéo ne se présente plus à mes yeux comme une simple source de plaisir mais bien comme un média qui, différemment des autres, sait nous immerger dans des situations que nous ne voudrions absolument pas connaître dans la réalité.
Et je ne pense pas qu’en faisant ceci Manhunt 2 m’inciterait d’une quelconque manière au viol. Je crois en la responsabilité de tous et je ne doute pas que chacun soit capable de différencier la fiction de la réalité. Quant à la banalisation de la violence, je ne sais pas si une expérience vidéoludique malsaine et repoussante saurait banaliser un comportement violent. Je crois qu’un test est nécessaire, plutôt qu’une condamnation a priori.
Alors oui, il y a des mesures à prendre. Si Manhunt 2 est si extrême qu’il est dit, une interdiction stricte aux moins de 18 ans apparaît effectivement indispensable. Se pose alors le problème de la vente : car si les vidéoclubs se réservent un rayon fermé consacré aux films classés X, les boutiques de jeu vidéo manquent certainement de cela. Le jeu vidéo est également un loisir — j’hésite à utiliser ce mot en l’occurrence — d’adulte et le marché devra s’y adapter. Le problème de Manhunt 2 n’est pas qu’il dépasse les limites jusqu’alors posées en matière de violence vidéoludique : son problème, c’est qu’il doit se vendre dans un commerce qui n’a pas été prévu pour vendre ce genre de jeux et qui les vend chaotiquement.
Il est nécessaire de mettre les mineurs à l’abri de ce genre de jeux, mais certainement pas d’en priver les adultes. Je pense que Manhunt 2 doit être publié tel quel mais accompagné d'une bonne grosse campagne de prévention et de réelles restrictions sur la vente aux mineurs, en espérant que les parents adoptent aussi une attitude responsable - mais je crois qu'on peut faire confiance à la plupart d'entre-eux sur ce point, car si certains laissent GTA (par exemple) dans les mains de leurs gamins c'est parce que ce dernier possède un aspect cartoonesque qui atténue sa violence - à mon avis Manhunt 2 rebutera vraiment les gens qui voudraient l'offrir à leurs enfants.
Effectivement la sortie de Manhunt 2 doit être suspendue. Mais elle ne doit pas l’être jusqu’à ce que le jeu soit plus accessible, elle doit l’être jusqu’à ce que la manière de vendre le jeu vidéo ait changé. Et Manhunt 2 devrait être ce qui transformera cette façon de vendre.
La morale de tout ça (puisque certains aiment la morale) : tant va la cruche à l'eau, qu'en la fin elle se brise.
Je n’ai rien publié par ici depuis cinq jours et j’y reviens pour annoncer que je ne publierai rien non plus d’ici lundi voire mardi.
Mais là j’ai une bonne excuse, demain je vois Lou Reed à Paris.
(C’est Loulou)
En ce moment c’est le réveil des sexagénaires. Je ne parle pas des yéyés ou même des nazes marqués du sceau, infâmant pour la musique française, des années 80, non, je parle des artistes qui faisaient du rock dans les années 60 et 70, en Angleterre ou aux Etats-Unis. Je pense à Patti Smith, qui vient de sortir un superbe album de reprises et que je suis ravi d’aller voir la semaine prochaine à Lyon, je pense aux Rolling Stones qui ne tournent peut-être plus que pour le fric mais gardent un catalogue superbe et dont l’appât du gain m’a permis de les voir au Stade de France il y a quatre ans, je pense à Paul McCartney qui nous sort encore un album. Oui, ils sont en forme les vieillards, même Police se reforme.
Mais je pense surtout à Lou Reed parce qu’à bien y regarder il m’apparaît comme le musicien le plus génial de tous les temps, allez je me lâche. Non mais franchement, ses textes sont extraordinairement beaux et puis surtout sa discographie est d’enfer : de l’album banane du Velvet Underground, qui restera peut-être à jamais mon album de rock ultime, à sa dernière œuvre qui est un disque de musiques de relaxation et que je n’ai pas écouté mais qui me botte rien que parce que Reed est tout de même un des fondateurs du punk et un beau fouteur de merde et que c’est évidemment incongru qu’il nous ponde ça, en passant par le meilleur comme New York et le pire comme l’inaudible Metal Machine Music — l’antithèse d’un album de musique relaxante, le résultat de l’enfermement de Loulou dans sa chambre pendant une heure avec un ampli, une reproduction parfaite des sons d’un chantier, marteau-piqueur, perceuse, scie à métaux et tout ce que vous voulez —, il nous a servi des heures de bonheur total, et le plus souvent en s’en foutant complètement, parfois même en se ramassant lamentablement — Berlin et Metal Machine Music, peut-être ses deux albums les plus anti-commerciaux, retirés de la vente deux semaines après leur sortie.
Donc demain je vois Lou Reed en concert et après-demain, sans doute, je pourrai mourir en paix.
Qu’est-ce qu’il va nous faire le Lou ? Berlin. Il l’aime bien cet album, lui-même considère que c’est un chef d’œuvre et en plus tout le monde pense comme lui aujourd’hui. A l’époque ça n’était pas si évident, il n’y a qu’en Europe qu’il avait marché mais en Angleterre et aux Etats-Unis ç’avait été un bide critique et public. Sauf qu’aujourd’hui ça joue en sa faveur : Berlin l’album maudit du poète rocker new-yorkais, son œuvre la plus sombre et la plus sinistre, véritable chef d’œuvre dépressif, etc. Tout le monde aime Berlin, Michel Houellebecq revendique même l’inspiration qu’il a tirée, et plus personne ne peut le critiquer.
Alors Loulou est content, et trente-quatre ans après la sortie du disque il nous le refait au Palais des Congrès après l’avoir joué à New York et Sidney, et puis pas avec n’importe qui : trente personnes sur la scène, une chorale d’enfants (sûrement pour les pleurs et les cris de la chansons The Kids), la superbe violoncelliste Jane Scarpantoni qui a sublimé Venus In Furs, le tripant batteur Tony Thunder Smith qui se marre tout le temps, le marrant Fernando Saunders à la basse mais surtout, oh oui surtout, Steve Hunter, l’homme des solos assourdissants de Rock’n’Roll Animal (1974), le Live le plus réputé de Reed, tiré justement de sa tournée de Berlin. Mais ce n’est pas tout : Bob Ezrin, producteur de l’album d’origine mais aussi de The Wall de Pink Folyd pour ne citer que ses deux œuvres majeures, à la direction artistique, et puisà la mise en scène le peintre et cinéaste Julian Schnabel dont le superbe film Le Scaphandre et le Papillon passe en salles en ce moment, et en fond un film de sa fille Lola, avec Emmanuelle Seigner dans le rôle de Caroline, l’héroïne du film.
Et tout ça vu, par chance, depuis le sixième rang pile en face du milieu de la scène.
Vous comprendrez qu’à cette heure-ci cet événement monopolise mes pensées. Je craignais de mourir sans avoir vu Lou Reed, ou plutôt je craignais qu’il ne meure avant de me laisser le voir mais, oh miracle, le voilà qui passe en France et réalise mon rêve.
Au fait, puisque j’en suis à parler de Loulou, comme certaines personnes m’avaient demandé de publier mon dossier sur ses rapports — et ceux de son œuvre — avec la littérature, et parce que j’ai eu une bonne note, je le mettrai en ligne et me débrouillerai pour vous faire écouter les chansons dont je parle dedans.
En espérant que cette fois, cette fois seulement, la cruche ne se brise pas à force d’être allée à l’eau.
C’est une sorte de lance-pierre évolué, un petit manche, une ficelle et une petite boule de plastique, on fait tourner la boule, on appuie sur un bouton et hop elle se décroche et siffle dans les airs. C’est avec ça, cette sorte de lancer de poids portatif que j’ai du mal à décrire, que s’amuse Paul, allongé sur le lit, pendant que ses deux cousins jouent aux jeux vidéo sous le regard de son frère et de leur grand-mère. Les cinq se trouvent dans une grande chambre de la maison de campagne familiale, quatre lits, une tapisserie un peu moisie, des tapis quinquagénaires, une fenêtre qui, si elle n’était pas fermée, s’ouvrirait sur un long jardin en pente entouré de champs. Il fait sombre dans la pièce, seule une lampe de chevet vient compléter la lumière de la télévision posée dans un coin.
Paul joue avec son lance-pierres en attendant son tour de prendre la manette, même à 20 ans on peut s’amuser avec des trucs tout cons et il en est la preuve. Il fait tourner la petite boule le plus vite possible et attend le bon moment pour la libérer, tiens justement ça semble être le bon moment, hop il appuie sur le bouton et sent le projectile s’envoler. Ca fait un bruit sourd et puis rien.
J'irai le rechercher plus tard, se dit-il en tournant ses yeux vers l’écran pour voir ce que font ses cousins. Mais il lui semble qu’il manque quelqu’un, et au moment de se dire ça il se rend compte que la grand-mère de ses cousins, qui se tenait derrière eux, a disparu. Il interroge tout le monde, tiens Richard et Nicolas votre grand-mère a disparu, elle vous a dit où elle allait ? Les autres s’étonnent, ah bon grand-mère est partie ? Guillaume, le frère de Paul, semble tout aussi surpris de cette évaporation soudaine. Personne ne l’a vue ni entendue partir, elle était là et puis pouf elle a disparu, étonnant. Mais enfin.
Alors Paul, voyant que ses cousins ne semblent pas proches de la fin de leur partie, se met en quête de sa petite boule pour reprendre son jeu. Il fait le tour de la pièce à sa recherche, fouille dans les coins et recoins sans succès puis se résout à retourner sur le lit où tout le monde se tient, à l’exception évidemment de la grand-mère disparue. Mais au moment de remonter sur le matelas il distingue au sol un relief dans la pénombre. Il s’accroupit à côté et remarque que la chose a l’aspect d’un corps humain. Il reconnaît la robe de la vieille femme, mince alors si ça se trouve la grand-mère s’est évanouie. Il se penche pour lui demander à l’oreille si elle va bien mais se rend brusquement compte qu’il n’y a pas d’oreille à laquelle d’adresser. Par réflexe Paul s’éloigne et voit ainsi très clairement qu’au-dessus du cou de la grand-mère il n’y a plus de tête, plus rien du tout, tout juste un filet de sang qui s’écoule sur le beau tapis.
Evidemment c’est la panique, à ce moment Paul ne peut réprimer une exclamation horrifiée qui attire l’attention des autres sur son abominable découverte. Richard et Guillaume découvrent leur grand-mère décapitée, décapitée sans qu’ils le sachent alors qu’elle se trouvait à moins d’un mètre derrière eux, c’est tout de même quelque chose qui mérite un peu de surprise. Richard et Paul font sortir leurs jeunes frères tout en sachant que ces derniers sont de toute façon déjà marqués à vie. On se demande ce qui a bien pu se passer pour que la grand-mère perde la tête comme ça, à l’insu de tout le monde. Près de la porte Paul retrouve sa petite boule et sa ficelle, ça ne le rassure pas mais bon pourquoi s’en priver ? Tiens mais c'est humide, en y regardant de plus près la ficelle est couverte de sang, en fait il y a même des petits morceaux de chair qui y sont attachés et qui pendouillent un peu. Paul comprend alors l’effroyable vérité : le meurtrier c’est moi ! Lorsqu’il a envoyé sa boule tout à l’heure, la ficelle a tranché net le cou de la grand-mère, c’est la seule explication. Le voilà avec une mort sur la conscience, et pas n’importe quelle mort, celle de la grand-mère de ses cousins, ses pauvres cousins qui l’aimaient tant.
Pendant que ces pensées secouaient son esprit bouillant, Richard est sorti. Paul se retrouve tout seul avec sa victime, enfin le corps de sa victime, tiens mais au fait où est sa tête ? Il se met à chercher un peu mais ne peut réprimer sa peur de trouver cette tête, d’être en face d’un regard révulsé par la terreur. Il préfère sortir et aller prévenir le reste de la famille qui mange joyeusement.
Papa ! Maman ! Je viens de tuer la grand-mère de Richard et Nicolas ! Paul accoure dans le jardin mais il constate que tout le monde est déjà debout et certainement au fait du drame. On va dans la chambre pour constater les dégâts, effectivement la grand-mère gît là sans sa tête, d’ailleurs est-ce vraiment la grand-mère dans toute son intégrité sans sa tête ? Non, d’où l’importance véritable de retrouver le chef de la morte. On se met tous à chercher, Paul aussi parce qu’il se sent coupable mais il ne pousse pas trop loin ses investigations, il ne veut pas croiser le regard de la grand-mère, il sait que ce dernier sera accusateur. C’est pourtant lui qui la trouve, la tête, en fait c’est bête parce qu’elle était sous le lit près du corps. Il la distingue nettement mais refuse d’aller y toucher, d’autres se chargeront de la ramasser.
Une fois dehors Paul demande à son père qu’est-ce que je risque pour homicide involontaire ? La question se pose parce qu’indéniablement il a bien tué la grand-mère de ses cousins et est prêt à payer pour ça, même s’il ne veut pas aller en prison. Mais je ne me souviens pas de ce que son père lui répond.
Plus tard, une fois l’événement passé de quelques heures, il repasse dans la chambre du drame. Sur le rebord de la fenêtre se tient la tête de la grand-mère, empaillée et maquillée. Elle a les yeux fermés et l’air sévère, elle ressemble à de la pierre. D’un doigt tremblant Paul touche sa joue froide et dure et lui demande de l’excuser, je ne l’ai pas fait exprès, je ne voulais vraiment pas vous savez, voilà ce qu’il lui dit les larmes aux yeux.
Mais je ne sais plus si la tête de la grand-mère réagit à ses supplications.
Crotte alors, j’avais des trucs à vous raconter sur la télé, des choses que j’ai vues et qui m’ont fait rire mais rien ne me revient, sauf peut-être la manière dont on parle du bac dans les JT. Je l’ai déjà un peu évoqué mais en revoyant les reportages où la voix-off féminine nous explique que, là je la cite, les bacheliers ont eu à réfléchir sur la conscience et la liberté, l’art et la réalité ou encore le travail, en revoyant ce genre de moments donc, je me suis dit que c’était assez rigolo cette manière de montrer les choses.
En gros, lorsqu’on nous parle de l’épreuve de philo du bac, de loin la plus médiatisée — mais c’est la première, il est vrai —, l’idée n’est pas seulement de glorifier les bacheliers mais surtout de nous faire se sentir con. On nous expose tout ce pataquès avec l’idée sous-jacente que regardez nos jeunes comme ils sont intelligents, ils sont capables de réfléchir sur des questions philosophiques de haut-niveau. Pendant que nous, nous en sommes incapables. Vous voyez, il y a une sorte d’admiration hypocrite des journalistes pour des gens qui passent cet examen, un examen tout à fait banal d’ailleurs mais voyez comme les sujets de philo sont relevés et pourtant ils seront 82% à avoir leur bac. En montrant comme les bacheliers sont fortiches les reportages nous posent directement la question suivante, comme une provocation : et vous, en seriez-vous capable ? Et la réponse est bien évidemment non : non on ne s’en sent pas capable devant sa téloche à 20 heures alors qu’on ingurgite tranquillement son toast de foie gras, pardon mais je ne m’adresse qu’aux riches. Et puis on nous parle de la philo parce que ça brasse des thèmes qui nous concernent, on ne peut pas dire que ça n’évoque rien dans notre esprit tout ça, c’est pas comme les maths. S’ils nous parlaient des sujets de maths, forcément on se sentirait mieux, on se dirait de toute façon j’ai toujours été nul en maths et puis les logarithmes népériens, quelle connerie ça ne m’a jamais servi. Mais la philo on ne peut pas l’esquiver, elle nous interroge sur le monde et sur nous, elle nous touche et sait rester inaccessible.
Mais après quand on les voit les bacheliers, interviewés au sortir de leur examen, crapotant leur clope pour qu’on sente bien comme tout ça est dur pour eux, on se demande pourquoi on les porte tant aux nues, pourquoi on l’admire tant cette néogothique flamboyante qui bafouille dans sa langue percée que ouais c’était dur meuh bon voilà quoi on verra bien quoi hihihi – han (vous savez, je l’avais déjà évoquée dans l’article précédent).
Bon, voilà.
Ah oui, il y a tout de même un truc qui m’énerve bien plus encore, en fait qui me révolte même, c’est la manière dont on traite les femmes à l’approche des vacances. Non mais qu’est-ce que c’est que cette escalade dans les régimes aux promesses toutes plus fabuleuses les unes que les autres ? Perdez 7 kilos en deux semaines par ici, perdez-en donc 5 en seulement une semaine par là, et voici notre guide des calories à détacher pour bien décortiquer votre bouffe pendant trois mois afin de vous faire pénétrer par surprise, oh comme c’est bon oh oui, par un bel étalon sur la plage cet été. Soyez sexy les filles, à la rentrée ce sera le numéro spécial de celle qui s’est faite le plus tirée en deux mois ! Mais avec un petit supplément sur les risques de l’anorexie — il faut bien réparer les dommages des excès de l’été.
Voilà comment chaque année à la même époque — mais en fait ça s’étale sur toute l’année, on a toujours un régime à vendre de toute manière — on insulte la dignité des femmes. Car qu’entend-on lorsqu’on leur propose de devenir belles ? Qu’à cette heure-ci elles sont laides. Ca doit toujours leur faire plaisir à entendre, en tout cas à certaines puisque ça a l’air de marcher cette technique d’avilissement. Pour reprendre l’idée exposée par l’auteure des Monologues du vagin lors d’une émission de Ce soir ou Jamais, pendant que les femmes s’épilent elles ne s’occupent pas du Darfour.
L’autre jour au 13 heures de France 2 il y a Elise Lucet qui aborde le sujet des régimes, elle commence par dire un truc du style tous les magazines affichent des recettes miracle en couverture, là je me dis chouette, peut-être qu’on va entendre une critique du système mais pas du tout, bien au contraire : puisque les techniques miracles des magazines sont douteuses, Elise Lucet vous soumet tranquillement l’idée de, pourquoi pas après tout, essayer l’hypnose. Et allez ! Il ne viendrait à personne l’idée de dire aux femmes que tout va bien pour elles, que leurs kilos en trop ne sont qu’un mythe savamment entretenu pour leur faire dépenser de l’argent et que les hommes les trouvent très bien comme elles sont. Oh ben non, rajoutons-en plutôt une couche : oui, vous êtes toutes trop grosses ! La balance ne ment pas, les chiffres sont là et nous allons vous ouvrir les yeux : 60 kilos c’est pas bien, vous ne pouvez pas vous sentir bien dans votre peau avec 60 kilos, c’est interdit ça madame, vous devez peser 53 pour vous sentir bien mais un petit 51 ne serait pas de refus, n’est-ce pas.
Oui vous verrez, je peux faire en sorte que demain au réveil tous vos pantalons soient devenus trop grands, vous pourrez même mettre toutes vos mains dedans et quand vous marcherez ils glisseront le long de vos jambes affriolantes, vous verrez les hommes seront fous de vous. Alors pour 300 € vous pouvez au choix racheter des jeans d’une taille trop grands, ou bien acheter notre produit miracle qui fait maigrir même quand vous dormez, c’est-y pas magnifique médéme ? Avec ça votre féminité sera complètement épanouie, comme le dit Garnier, prends soin de toi ça veut dire ce que ça veut dire : si vous n’y pensez pas dans deux ans vous ne serez plus viable, juste bonne à jeter, avec les seins qui roulent sur les cuisses et la peau qui traîne par terre. Et puis vous le valez bien, n’est-ce pas. Oui, c’est ça être femme : dépenser tout son argent pour empêcher l’inévitable destruction de votre corps, acheter tous les produits artificiels existants pour être, vous savez c’est le mot à la mode, naturelle. Oui, être vous-même, si l’on veut. Soyez vous-même en faisant comme tout le monde, c’est notre message et nous n’en avons pas honte.
Je ne sais pas comment c’était avant mais la femme libérée d’aujourd’hui, j’avoue avoir du mal à y croire, j’ai plutôt tendance à penser qu’on l’enferme mieux que jamais dans des stéréotypes très dévalorisants, ceux de la fuite urinaire, ceux des rides insupportables, ceux des cheveux blancs qui doivent être proscrits, ceux de l’entretien de la maison évidemment, j’en oublie tellement.
Non mais je vous préviens, je vais devenir féministe si on continue de traiter les femmes comme des animaux.
Et puis quoi encore.
N’oubliez surtout pas que la cruche, tant elle va à l’eau, en la fin se brise.
Voici en gros le plan qu’il fallait donner à sa dissertation pour le deuxième sujet de l’épreuve de philosophie ES, qui était le suivant :
Que gagnons-nous à travailler ?
Introduction :
Le travail c’est la santé, alors que gagnons-nous à travailler ?
Grand Un (thèse) :
De l’argent ! (au passage on reste dans le domaine de la filière économique et sociale.)
Transition :
Oui mais la réussite matérielle est-elle accompagnée d’une réussite existentielle ?
Grand Deux (antithèse) :
En effet on perd du temps !
Transition :
Mais le temps c’est de l’argent Paradoxe insoluble, gagner de l’argent fait perdre de l’argent. (C’est Ford qui l’a dans le cul.)
Grand Trois (dépassement du sujet pour résoudre le paradoxe) : Alors travaillons plus pour gagner plus d’argent pour perdre moins de temps à en gagner ! (Réponse philosophique et pragmatique d’un point de vue économique.)
Conclusion :
A travailler on gagne le bonheur !
Le constat est sans appel, même gratuit depuis un poste fixe : deux ans après avoir passé le baccalauréat je serais incapable de le repasser, à tout le moins en ce qui concerne la philosophie. Donc bon.
Bon, je ne reviendrai pas sur la finale de Roland Garros, la Grosse Bertha a encore gagné et puis voilà, n’épiloguons pas. En revanche une question me vient à l’esprit suite à cette quinzaine tennistique de Roland Garros, le tournoi de la terre battue en France ou de la France battue à terre, c’est vous qui voyez.
Lors de cette compétition les commentateurs de France Télévision se sont encore illustrés avec toute la classe qu’on leur connaît. D’abord en interpellant tous les joueurs français par leur prénom et en se réjouissant à chaque fois qu’ils gagnaient un jeu, oui Richard c’est bien, il tient ici une chance de recoller au score, peut-être pourra-t-il revenir à 5-2 s’il fait le break ! Au final Gasquet, oh c’est ballot, perd mais bon, au moins l’espoir est né le temps d’une double-faute.
Ensuite ils sont brillants parce qu’ils ne cessent jamais de dire Rodgeur pour parler de Roger Federer.
Vous m’excuserez mais à ma connaissance la Suisse appartient, du moins pour partie, à ce que l’on appelle vulgairement la francophonie. En conséquence je ne vois pas pourquoi on dirait Rodgeur Federer pour un tennisman et non pas Rôgé comme pour le poivrot du coin.
Alors quoi les Suisses, chez vous les Rôgé sont des Rodgeur ou bien est-ce juste une déformation journalistique subséquente d’un renâclement — tout compréhensible qu’il soit — à appeler le n°1 mondial de la raquette Rôgé comme tout beauf qui se respecte ?
Mais enfin, qu’est-ce donc que ce traitement inégalitaire ? Car excusez-moi mais si Federer s’appelle Rodgeur, alors j’ose dire que Rôgé Bichu, qui habite contre le zinc du bar un peu plus bas, s’appelle également Rodgeur. Ou bien Ginette il faudrait l’appeler Djinèt ?
J’aimerais que les Helvètes qui passent sur cette page me renseignassent sur cette prononciation qui ne suscite rien d’autre dans mon cœur socialiste que l’incompréhension la plus complète, excusez-moi du peu.
Voilà pour la partie sportive du billet de ce soir.
C’est d’ailleurs, crois-je, tout ce que j’avais à dire. Attendu qu’il ne me viendrait pas à l’idée de monopoliser la parole et votre temps pour ne rien dire, c’est immédiatement que je vais vous libérer du joug de ma lourdeur.
J’ai une pensée émue pour ceux qui passent le baccalauréat demain, je veux leur dire mon soutien pour l’épreuve de philosophie, matière qui est, je pense, la plus absurdement enseignée dans la scolarité du citoyen responsable en puissance que nous sommes tous au collège et au lycée même si on préfère toujours parler de bites.
Car enfin, quel sens cela peut-il avoir de n’apprendre des notions de philosophie que pendant une année alors qu’on se tape l’électricité, les neutrons et toutes ces conneries dès la cinquième ? La philosophie, on devrait l’enseigner dès la primaire, évidemment pas tout de suite sous la forme qu’on connaît en terminale mais déjà dans ses grandes notions, car c’est elle qui nous permet de développer une intelligence qui nous est propre. En un mois elle pourrait remplacer toutes les heures de ce qui est appelé éducation civique et sur toute une scolarité j’ai la certitude, si son enseignement se fait bien, qu’elle peut éduquer mieux que toute autorité. Il me semble à titre personnel qu’elle devrait être une matière fondamentale dès la sixième.
Donc demain matin vous aurez votre petit sujet et le soir vous serez fiers comme je l’ai été il y a deux ans lorsqu’au JT les journalistes, faussement admiratifs, aligneront les clichés du genre aujourd’hui les épreuves du bac ont débuté avec la traditionnelle épreuve de philosophie, les étudiants ont dû plancher sur l’histoire a-t-elle un sens ? Un sujet qui n’a pas déplu à Aurélie, 18 ans, du lycée Albert Camus : « Ouais ben ça allait quoi, enfin on verra bien quoi, je sais pas quoi c’est de la philo quoi hihihi - han ».
Bref, tant va la cruche à l’eau qu’en la fin elle se brise.