Je n’ai rien publié par ici depuis cinq jours et j’y reviens pour annoncer que je ne publierai rien non plus d’ici lundi voire mardi.
Mais là j’ai une bonne excuse, demain je vois Lou Reed à Paris.

(C’est Loulou)
En ce moment c’est le réveil des sexagénaires. Je ne parle pas des yéyés ou même des nazes marqués du sceau, infâmant pour la musique française, des années 80, non, je parle des artistes qui faisaient du rock dans les années 60 et 70, en Angleterre ou aux Etats-Unis. Je pense à Patti Smith, qui vient de sortir un superbe album de reprises et que je suis ravi d’aller voir la semaine prochaine à Lyon, je pense aux Rolling Stones qui ne tournent peut-être plus que pour le fric mais gardent un catalogue superbe et dont l’appât du gain m’a permis de les voir au Stade de France il y a quatre ans, je pense à Paul McCartney qui nous sort encore un album. Oui, ils sont en forme les vieillards, même Police se reforme.
Mais je pense surtout à Lou Reed parce qu’à bien y regarder il m’apparaît comme le musicien le plus génial de tous les temps, allez je me lâche. Non mais franchement, ses textes sont extraordinairement beaux et puis surtout sa discographie est d’enfer : de l’album banane du Velvet Underground, qui restera peut-être à jamais mon album de rock ultime, à sa dernière œuvre qui est un disque de musiques de relaxation et que je n’ai pas écouté mais qui me botte rien que parce que Reed est tout de même un des fondateurs du punk et un beau fouteur de merde et que c’est évidemment incongru qu’il nous ponde ça, en passant par le meilleur comme New York et le pire comme l’inaudible Metal Machine Music — l’antithèse d’un album de musique relaxante, le résultat de l’enfermement de Loulou dans sa chambre pendant une heure avec un ampli, une reproduction parfaite des sons d’un chantier, marteau-piqueur, perceuse, scie à métaux et tout ce que vous voulez —, il nous a servi des heures de bonheur total, et le plus souvent en s’en foutant complètement, parfois même en se ramassant lamentablement — Berlin et Metal Machine Music, peut-être ses deux albums les plus anti-commerciaux, retirés de la vente deux semaines après leur sortie.
Donc demain je vois Lou Reed en concert et après-demain, sans doute, je pourrai mourir en paix.
Qu’est-ce qu’il va nous faire le Lou ? Berlin. Il l’aime bien cet album, lui-même considère que c’est un chef d’œuvre et en plus tout le monde pense comme lui aujourd’hui. A l’époque ça n’était pas si évident, il n’y a qu’en Europe qu’il avait marché mais en Angleterre et aux Etats-Unis ç’avait été un bide critique et public. Sauf qu’aujourd’hui ça joue en sa faveur : Berlin l’album maudit du poète rocker new-yorkais, son œuvre la plus sombre et la plus sinistre, véritable chef d’œuvre dépressif, etc. Tout le monde aime Berlin, Michel Houellebecq revendique même l’inspiration qu’il a tirée, et plus personne ne peut le critiquer.
Alors Loulou est content, et trente-quatre ans après la sortie du disque il nous le refait au Palais des Congrès après l’avoir joué à New York et Sidney, et puis pas avec n’importe qui : trente personnes sur la scène, une chorale d’enfants (sûrement pour les pleurs et les cris de la chansons The Kids), la superbe violoncelliste Jane Scarpantoni qui a sublimé Venus In Furs, le tripant batteur Tony Thunder Smith qui se marre tout le temps, le marrant Fernando Saunders à la basse mais surtout, oh oui surtout, Steve Hunter, l’homme des solos assourdissants de Rock’n’Roll Animal (1974), le Live le plus réputé de Reed, tiré justement de sa tournée de Berlin. Mais ce n’est pas tout : Bob Ezrin, producteur de l’album d’origine mais aussi de The Wall de Pink Folyd pour ne citer que ses deux œuvres majeures, à la direction artistique, et puisà la mise en scène le peintre et cinéaste Julian Schnabel dont le superbe film Le Scaphandre et le Papillon passe en salles en ce moment, et en fond un film de sa fille Lola, avec Emmanuelle Seigner dans le rôle de Caroline, l’héroïne du film.
Et tout ça vu, par chance, depuis le sixième rang pile en face du milieu de la scène.
Vous comprendrez qu’à cette heure-ci cet événement monopolise mes pensées. Je craignais de mourir sans avoir vu Lou Reed, ou plutôt je craignais qu’il ne meure avant de me laisser le voir mais, oh miracle, le voilà qui passe en France et réalise mon rêve.
Au fait, puisque j’en suis à parler de Loulou, comme certaines personnes m’avaient demandé de publier mon dossier sur ses rapports — et ceux de son œuvre — avec la littérature, et parce que j’ai eu une bonne note, je le mettrai en ligne et me débrouillerai pour vous faire écouter les chansons dont je parle dedans.
En espérant que cette fois, cette fois seulement, la cruche ne se brise pas à force d’être allée à l’eau.