France Dimanche est un hebdo plein de ressources. Chaque fois que je le lis, il m’étonne. Le numéro de la semaine dernière, par exemple, m’a subjugué à au moins deux reprises. La première, c’était lorsque j’ai vu en couverture un bandeau annonçant avec ravissement une nouvelle formule. Ca n’avait rien d’évident à première vue, qu’il s’agissait d’une nouvelle formule, donc j’ai ouvert et dedans ça s’est avéré encore moins évident, en fait je n’ai vu aucune différence. Pour tout dire, la maquette m’a semblé toujours aussi ringarde — mais je dois à la vérité de reconnaître que je ne suis pas un lecteur assidu de France Dimanche, ce qui fait que des détails ont pu m’échapper.
La seconde fois que j’ai été subjugué par ce numéro de France Dimanche, c’est lorsque j’ai appris, grâce à la couverture, qu’Alain Delon menait un terrible combat contre la mort. Mon dieu non, serait-il à l’agonie ? me suis-je demandé sans pouvoir retenir un sourire. Je me suis donc précipité sur l’enquête — appelons ça comme ça —, dont j’espérais qu’elle me révèle quelque chose d’extraordinaire à son sujet, un cancer, le sida, un rhume ou que sais-je encore. Je le dis tout de suite : cette enquête est allée bien plus loin que mes espoirs les plus fous.
Alain Delon est un homme qui a du cœur et qui s’engage, voulait nous dire l’auteur de l’article, et pour preuve il relatait qu’Alain Delon a personnellement adressé une lettre au président chinois, Hu Jintao. Un fac-similé de la lettre en question accompagnait évidemment le papier, car le journalisme d’investigation ne peut se passer de pièces à conviction. Dans cette lettre, Alain Delon, qui n’a pas froid aux yeux, jouait les samouraïs (haha, quelle référence surtout que ça n’a pas grand-chose à voir avec la Chine mais j’aime les amalgames) et n’hésitait pas à dire ses quat’vérités à Hu Jintao. Il se passe quelque chose de grave dans votre pays, lui faisait-il remarquer. Il y a des maltraitances, des violences, des morts cruelles et arbitraires, bref c’est un scandale que vous n’arrêtiez pas le massacre.
Là j’ai pensé oui bravo Monsieur Delon, vous aussi vous vous engagez dans la défense des droits de l’homme à quelques mois des JO ! C’est classique, ça ne demande pas beaucoup d’efforts et c’est bon pour l’image, je vous comprends. Sauf que ce con n’était pas du tout en train de dire à Hu Jintao qu’il dirigeait une dictature dans laquelle la liberté d’expression est opprimée. En réalité, on peut même penser qu’il s’en tape.
Car la lutte que voulait mener Alain Delon avec cette lettre, et le journaliste l’en félicitait, c’est la lutte pour la défense des animaux.
C’est-à-dire qu’on a ici un type qui préfère écrire au président chinois pour lui expliquer que ce n’est pas bien de faire du mal aux bestioles, plutôt que de lui écrire pour lui rappeler qu’incarcérer des humains sans raison n’est pas très moral.
L’article rappelait, et c’est utile de le faire, qu’en novembre, Alain Delon a voulu se rendre en Chine avec Nicolas Sarkozy pour s’expliquer de ça avec Hu Jintao. Hélas, se lamentait l’auteur du papier, il n’avait pas pu venir. J’ai envie de dire : en effet c’est malheureux. Car il y avait ici la possibilité d’une scène comique de haut vol : Sarkozy évoquant, du bout des lèvres, le problème des droits de l’homme, et à ses côtés Alain Delon, furibard, en train d’engueuler Hu Jintao parce que les habitants de son pays, quand ils ne sont pas en prison, mangent du chien.
On ne peut que déplorer que les désirs de monsieur Delon n’aient pas été entendus à l’époque : ça aurait contribué à rendre plus ridicule encore notre Président.
Cette affaire laisse inévitablement à penser qu’il y a quelque chose de pourri dans ce royaume.
Mais heureusement, le site d’information Backchich.info existe. C’est un site qui m’a ravi au plus haut point aujourd’hui lorsque j’ai vu, pour la première fois dans une publication sérieuse, un article sur les chiffres fumeux (allez, disons-le) du tabagisme passif. Jusqu’à maintenant, je me débattais un peu tout seul comme un malheureux pour expliquer qu’on avait intérêt à se méfier de l’étude qui avait donné l’impulsion du décret antitabac. Désormais, j’ai un lien vers
cet article. J’espère de tout cœur que ce papier sera le point de départ d’une prise de conscience, pour l’univers médiatique dans son ensemble, qu’il s’est un peu laissé berner par la communication du ministère de la santé dans cette affaire. Avec beaucoup, beaucoup de chance, on décidera même peut-être de réfléchir à ce qui justifie encore que cette loi reste en l’état.
Mais j’y crois peu, parce que tout de même, il y a bien quelque chose de pourri dans ce royaume.
Ah, juste pour conclure, si vous vous sentez l’âme d’un vrai citoyen, je vous conseille de ne jamais hésiter à vous rendre sur
cette page pour dénoncer les méchants fumeurs qui ont le malheur de ne pas respecter la loi. La délation anonyme, c’est tellement bandant. Si vous n’avez pas encore de coupable, vous pouvez commencer par ce dangereux malotru, qui a osé fumer sur son lieu de travail :