SI vous l'avez lu, considérez qu'il n'a jamais existé
Lundi 10 mars 2008
Aujourd’hui lundi 10 mars 2008, Michel a reçu une lettre suspecte. Il venait de finir son petit-déjeuner, un steak haché trempé dans un verre de jus d’orange, quand il a pensé à regarder ce qui se trouvait dans sa boîte aux lettres, pour le cas où une admiratrice lui aurait écrit bien qu’il ne fasse rien de très intéressant dans la vie hormis jouer à la marchande avec des légumes en plastique et des billets de Monopoly et lécher les caniveaux — mais à chaque fois qu’il a évoqué ces activités avec une fille cette dernière l’a précipitamment quitté avant même d’avoir fini son sirop en prétextant un test de grossesse qu’elle avait oublié de faire.
Dans sa boîte aux lettres Michel a découvert la présence inattendue d’une enveloppe qui n’avait pas l’air d’avoir été expédiée par une administration. Son adresse avait été écrite à la main. Tout excité à l’idée qu’il pourrait s’agir de la missive d’une femme tout amoureuse de sa personne, il l’a prise dans ses mains en tremblant et en sentant monter dans son front la chaleur que procure toujours le bonheur de se savoir aimé.
Il est remonté chez lui à une telle vitesse qu’il a trébuché par trois fois dans les escaliers de son immeuble mais en continuant de sourire. Il a ensuite empoigné une paire de ciseaux et, en vue de la conserver, tenté d’ouvrir l’enveloppe en l’abimant le moins possible. Étant gaucher et devant faire face à un outillage conçu, comme le reste de l’environnement, par et pour des droitiers, il a eu des difficultés et c’est donc d’une enveloppe déchirée de toutes parts qu’il a extrait deux morceaux de papiers.
Sur le premier, il a trouvé le texte suivant :
Quand je la regarde faire
J'ai les larmes aux yeux
Mais ce n'est qu'une mère
Qui voudrait être le Bon Dieu
ce n'est qu'une mère
Qui voudrait être le bon dieu
Pour ne jamais voir l'enfer dans le vert de mes yeux
Alors je danse vers les jours heureux
Alors je danse vers, et je m'avance vers des jours heureux.
Je t'aime je t'aime maman maman
Je t'aime passionnément
Je t'aime je t'aime maman maman
Je t'aime simplement
Quand je regarde mon père
Et ses yeux amoureux
Elle sera sûrement la dernière
Dans ses bras à lui dire adieu, adieu
Elle a mal sans en avoir l'air
Pour qu'autour d'elle ceux
Qui la regarde faire ferment les yeux
Pour qu'autour d'elle ceux
Qui la regardent faire y voient que du feux
J'ai pas su trouver les mots
Pour te parler je sais
Mais je pense être assez grand
Alors aujourd'hui j'essaie
Tu l'as bien compris je crois
Je t'aime en effet
Tu l'as bien compris je crois
Je t'aime pour de vrai
Tu l'as bien compris je crois
Je t'aime pour de vrai, je t'aime pour de vrai
En s’avisant de ce monument littéraire, Michel s’est demandé s’il ne s’agissait pas d’un poème composé pour sa mère par son institutrice de seconde section de maternelle à la faveur de la fête des mères. Mais en dessous du texte il a pu lire : paroles de Christophe Maé.
Le mystère ne devait pas s’éclaircir à la lecture du second bout de papier, qui consistait pour sa part en ceci :
En lisant ceci Michel a bien senti son front chauffer. Néanmoins, il ne s’agissait pas de la fièvre du bonheur. Alors il est allé s’allonger sur son lit pour réfléchir à ce que signifiait ce message, puis, ne trouvant aucune réponse, il est sorti pour lécher le caniveau de la rue des Arts, sans oser se demander franchement s’il devait s’attendre à trouver un courrier à la teneur similaire le lendemain dans sa boîte aux lettres.
Cette histoire est donc à suivre.