(Ecrit vendredi 20 avril)
A 18h30 hier, la place Stanislas à Nancy était l’endroit où il fallait se trouver. Ou pas.
Toujours est-il que j’y ai assisté à une belle foire d’empoigne d’un niveau fin CE2 début CM1. Vraiment c’était rigolo à voir ; — inquiétant aussi, mais je n’ai pas envie de m’inquiéter en ce moment.
Dans le cadre de mes cours je dois réaliser des reportages et en faire des articles de presse simulés ; or il se trouve que je devais rendre un reportage pour aujourd’hui 10 heures, et que cette échéance m’est revenue en tête dimanche dernier vers 15h43. Dans la précipitation j’ai donc cherché un sujet, et finalement j’ai opté pour « tâter le terrain d’un parti politique sur Nancy avant le premier tour ». L’UMP étant assez présente dans ma ville, je me suis orienté vers elle.
Donc mercredi je me pointe à la permanence de Nicolas Sarkozy. La bouche en fleur j’entre dans ce local exigu et suis accueilli par une bande quinquas qui tous me demandent avec un large sourire et un air très assuré ah ! vous venez pour le t-shirt !?. Alors je dis que non, que je ne vois pas de quoi qu’ils veulent me parler — tout en me sentant insulté d’avoir été pris pour un parfait pigeon à peine le pied posé dans ce lieu — et je dis que je fais un article pour le journal de la fac (ce qui est faux) et que j’aimerais recueillir leurs impressions à quelques jours du premier tour, et des infos sur comment ça se passe être militant UMP en campagne à Nancy. En disant ça je jette un œil alentour et comprends leur excitation autour de ce fameux t-shirt, que visiblement ils viennent de recevoir en masse, lorsque j’aperçois une nana dans la pièce d’à côté qui en déplie un. Je découvre alors un vêtement bleu arborant en lettre jaune la phrase suivante, dans le dos : Dimanche tout devient possible avec Sarkozy. Bref la panoplie minimale du militant. Et puis ils me disent que le top serait que je me rende le lendemain place Stanislas, où une manifestation est prévue à 18h30, et à l’occasion de laquelle je pourrai rencontrer Nadine Morano et André Rossinot. André Rossinot c’est notre maire UDF/UMP, qui soutient Sarkozy ; et Nadine Morano c’est une députée UMP de Meurthe-et-Moselle que peut-être vous avez pu voir à la télé défendre, tout crocs dehors, son Nicolas chéri — avant que ce dernier ne lui demande de cesser d’intervenir dans les médias suite à un truc qu’elle a fait à un meeting de Royal où, venue incognito, elle a tenté de foutre la merde —. Je remercie bien bas tous ces joyeux sympathisants pour leurs renseignements, et m’apprête à quitter la pièce lorsque l’un d’entre eux me propose carrément un petit autocollant avec la tronche d’ampoule de Sarkozy. Décidément je dois avoir une tête de gogo.
Du coup hier à 18H30 j’arrive place Stan, mon petit papier et mon crayon dans la main, prêt à récupérer tout ce que je peux. Face à moi, deux camps séparés par une rangée de policiers : à gauche, une cent-cinquantaine de personnes portant fièrement le t-shirt déjà évoqué ; et à droite une cinquantaine de jeunes — pour la plupart — correspondant parfaitement à l’image cliché que l’on se fait des anars de Lettres. Les deux partis ne cessent de s’envoyer des insultes ; au Sarko président des uns répond le Sarko facho des autres ; à l’Internationale des autres répond la Marseillaise des uns. J’ai donc clairement le sentiment, à peine deux secondes après avoir mis le pied sur cette place, que je vais assister à un débat d’idées rondement mené, où toutes les opinions pourront s’exprimer et dialoguer. En quête de citations pour remplir mon article — car les citations ça marche toujours bien dans les articles —, je cherche Nadine Morano du regard. Et la trouve, avec le même t-shirt que les autres, en train de gueuler à l’adresse des jeunes d’en face c’est vous les fachos, vous agissez antidémocratiquement en venant troubler cette manifestation. Bel exemple de diplomatie et de volonté de comprendre les raisons qui peuvent amener certains à détester Sarkozy. Je ferai d’ailleurs les frais de cet état d’esprit. Je vais voir Morano et je lui dis que j’écris un article pour le journal de la fac de Lettres — là ça commence mal forcément —, et je lui demande si elle pense que l’élection est en bonne voie. Ca se présente super bien me répond-elle, l’air très fier.
Je lui pose alors la question suivante : et qu’est-ce que vous pensez de ces gens qui crient Sarko facho ? Là je sens qu’elle se crispe, mais enfin il m’est difficile d’omettre qu’au moins un quart des personnes présentes dans cet événement considère Sarkozy comme un fasciste. Surtout qu’en lui posant cette question je lui ouvre un boulevard pour qu’elle puisse me répondre raisonnablement que ce sont des accusations fallacieuses et me démontrer par A + B que Nicolas n’est pas fasciste — ce qui me semble plutôt facile à faire. Alors elle me crie : mais c’est vous les fascistes, qui dites que Sarkozy est fasciste, c’est vous qui empêchez la démocratie en disant ça. Je me dis intérieurement que je ne sais pas pourquoi elle me met dans le lot, et que quand elle est en colère elle fait vraiment peur — un vrai bouledogue. Elle a les yeux bleus de Sami Nacéri quand on sent qu’il va s’énerver. Et puis son argumentaire ressemble peu ou prou, en l’occurrence, à un truc du genre c’est çui qui dit qu’y est, loin de ce qu’on pourrait attendre d’une personne politique en campagne.
Heureux d’avoir tout de même échappé à un bombardement de postillons — qui constitue toujours un risque lorsque quelqu’un s’énerve en face de vous à moins de cinquante centimètres, et laisse jusqu’à apparaître sa glotte —, je lui demande ce qu’elle pense des propos de Sarkozy sur la génétique. Je trouve que c’est très bien qu’il ouvre le débat là-dessus, m’envoie-t-elle. Toc. Je ne sais pas si vous avez lu les propos en question, mais ça ressemble plus à des assertions à peine réfléchies qu’à des interrogations prétendant ouvrir un débat. Ce que je lui fais savoir, mais un peu plus doucement que ça. C’est la catastrophe ! Là elle pète son câble, et me balance que de toute façon elle lit la haine sur mon visage — exactement ce que je lis dans son regard au même moment — et que je suis contre Sarkozy, et que je n’ai qu’à aller rejoindre ceux qui gueulent Sarko facho ; — et puis tourne royalement les talons, magnifique, resplendissante dans sa colère et sa fermeture d’esprit. En l’occurrence elle est tombée plus bas, à mes yeux, que ses adversaires politiques. Même Le Pen se défend mieux lorsqu’on met le doigt sur son racisme. Par la suite elle ignore toutes mes questions, sauf pour me dire que celles que je lui ai posées étaient tendancieuses, qu’elles étaient contre Sarko. La prochaine fois je lui demanderai donc, si elle y tient, si Sarkozy aime le café au lait, et ce que ça fait d’être proche d’un homme de cette envergure, et est-il un bon joueur d’échecs ?
Ep. 2 très bientôt

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publié le 22/04/2007 à 15:11 par
franz
Si je t'ai recuté pour Généralisme et Nous c'est parce que je suis fan de tes textes. Même si je ne fais presque jamais de commentaire, saches que tu as un fan