Dispo depuis avril sur PC, PS4 et Xbox One, le titre a débarqué en démat’ sur Switch début août. Développé par une moitié du studio batave Vlambeer (Nuclear Throne, Luftrausers…), par un ancien de chez Valve, une jeune dame ayant œuvré sur HZD en tant que productrice et avec Jukio Kallio à la composition, le titre met en application à merveille l’adage « l’habit ne fait pas le moine ».
Minit est en effet l’un des derniers indés en date à vouloir nous faire croire que la Gameboy et l’Atari sont les technologies de pointe actuelles. Il faut croire que les dures conditions de développement des nouveaux arrivants indépendants sur le marché des logiciels ne leur permettent de s’équiper que d’un vieil écran des années 70 et qu’en conséquence, la HD ou la couleur sont encore des promesses d’évolution technologique lointaines. Pour tout vous dire, cela n’aurait étonné personne que ce jeu soit testé sur le groupe
Rétro Gamekyo, dans leur section préhistoire.
Nous sommes en 35 après Mario Bros. Toute l’industrie est envahie par des graphismes de plus en plus époustouflants. Toute l’industrie ? Non, un groupe de vaillants développeurs continue à résister à l’envahisseur et à se concentrer sur les mécaniques de jeu proprement dites. Au centre, vous pouvez admirer le plus bel écran du jeu.
Affreusement moche et désuet, avec une bande-son
low-fi correspondante réussie cependant, le jeu a du donc chercher des atouts ailleurs que sur sa partie esthétique, à commencer par sa prise en main immédiate : un bouton d’action, les directions cardinales et un bouton pour se suicider seront les seules commandes. Le titre est un effet un jeu d’aventure où votre personnage a une durée de vie de 60 secondes, sans possibilité de l’augmenter ou de ralentir le décompte, avant de se retrouver
kaput et de repartir de son camp de base en conservant comme fil d’Ariane le bénéfice des objets amassés et quêtes accomplies dans ses vies précédentes. L’exploration d’un petit monde (parfaitement calibré sur la limitation de portée des déplacements cependant), de ses nombreux PNJ et multiples secrets va donc se faire par tranches d'une minute, et plonger le joueur, ou du moins son avatar, dans un état frénétique.
Concept simple à appréhender mais probablement bien plus complexe à mettre en œuvre, avec un équilibrage se devant d’être d’une efficacité maximale afin de ne pas gâcher l’avancée et le plaisir du joueur : la mission est réussie de ce côté, avec chaque écran contenant quelque chose à faire ou découvrir, et permettant une progression rapide et sans accrocs du joueur. Ca enchaine, on trouve toujours quelque chose qui déverrouille une situation et on avance sans rester bloqué, en poussant à chaque fois un peu plus loin l’exploration.
Afin d’élargir l’univers, les devs ont ajouté deux endroits où vous pourrez réapparaitre à celui de base et de nombreux raccourcis une fois certains objets récupérés ou certaines actions effectuées. Vous commencerez en effet l’aventure sans aucun équipement, avec l’impossibilité de passer outre les bosquets, caisses ou arbres barrant des chemins, mais chaque objet récupéré vous ouvrira de nouvelles routes. Le premier d’entre eux, l’épée, vous permettra ainsi de faire fi des branchages et de fracasser les rares ennemis présents. Pour le bien du futur joueur et parce que le jeu ne vaut à mon avis le coup que si il est pleinement découvert, l’avis ne rentrera pas plus en détail sur les interactions possibles entre votre équipement et l’univers. Sachant que la durée de vie est d’environ une heure, une heure trente (sans tous les
secrets trouvés cependant), vous expliquer une quête ôterait vite 5% de votre découverte
On pourra regretter un manque de sensation des coups portés, avec une anim’ qui fait franchement pitié, mais les combats étant très loins d’être un élément central du jeu (ben ouais, faut
speeder les cocos, avec cette durée de vie encore plus courte qu’un éphémère, il sera souvent plus judicieux de les éviter), ça passe. Etant donné qu’ils ne rapportent pas de points d’expérience et que les améliorations de votre personnage se feront uniquement par l’équipement ou la découverte de cœurs planqués, ça passe encore mieux.
Au centre, un PNJ attachant et énervant à la fois, grâce à la mécanique des 60 secondes. A gauche et à droite, de l’art moderne.
Le monde de
Minit est densément peuplé et quantité de PNJ sont présents. L’un d’entre eux a d’ailleurs été calibré pour que sa particularité d’élocution rentre en conflit avec l’axe principal du jeu, et, à son image, tous ont un petit quelque chose de mémorable qui introduit de la vie bienvenue dans cette austère esthétique. Le scénario est minimaliste mais soulève quelques thématiques rarement abordées dans la production actuelle, dont une rentrant ironiquement en résonance avec le concept du jeu, le tout sans s’encombrer de lourdeurs, la règle des 60 secondes imposant encore une fois une essentialisation bénéfique.
En ces temps où le déficit d’attention progresse, il est cocasse de voir des devs s’emparer de ce fait et de le subvertir à travers un jeu vidéo, en construisant une aventure générale constituée d’une foule de petits moments indépendants d’apparence pour l’œil extérieur non averti. Paradoxal, ironique et appréciable pour ceux qui veulent se toucher la nouille sur le
medium, sans avoir le point de vue des développeurs. Si vous voulez la suite de la réflexion, veuillez envoyer 1,49€ à gpe1d@gamekyo.com (si vous êtes belges, merci d’ajouter 2,51€ à la somme ci-dessus).
C'est beau hein? Donc c'est pas dans le jeu. CQFD.
Minit cache sous son aspect dégueulasse un petit jeu d’aventure généreux et parfaitement agencé. On pourra lui reprocher une durée de vie extrêmement courte par rapport à son prix (entre une et deux heures, avec un mode NG+ disponible qui change grandement la dynamique du jeu cependant) mais le joueur ressortira de cette paire d’heures satisfait de son expérience et admiratif du monde créé par rapport à la mécanique des 60 secondes. Un bon 6/10, grâce à l’enchainement de ces minis sessions de jeu laissant une sensation d’inachevé et poussant ainsi le joueur à repartir immédiatement à l’aventure pour boucler dans le temps imparti les nouveaux objectifs que chaque minute ne manque de faire apparaitre.
Les points éternité :
- PNJ attachants
- La mécanique des 60 secondes
- Truffé de secrets
- L’organisation de l’univers et de ses quêtes
- NG+ plus élaboré que bien d’autres
Les points papillon :
- Graphismes dégueulasses
- Anim’ succinctes
- Un poil cher
Captures effectuées sur Switch. Le jeu vaut 10 balles.