West of Loathing fait « suite » à Kingdom of Loathing, remarqué jeu pour navigateurs internet sorti en 2003 et développé par Asymmetric. Le titre a débarqué en mai sur Switch, après un accueil triomphal sur PC, et se déroule dans une recréation du Far West, qui serait cependant passé à la moulinette acide.
Le jeu a assurément un parti-pris : l’aventure, c’est bien, mais si au sein de celle-ci, chaque interaction peut en être une, c’est encore mieux. Avec la volonté de l’humour, des clins d’œil et des vannes en toutes situations. Et le titre va s’appliquer à mettre en pratique cette pensée, avec un monde véritablement vivant, évolutif, et d’une profondeur insoupçonnée pour les mauvaises langues qui pensaient que le fond serait similaire à la forme.
Car autant l’aspect graphique pourra sembler simpliste (bien qu’il y ait plus de travail que ce que laissent penser les captures, à l’image des jeux d’ombres), autant l’aspect narratif en prend le contre-pied et révèle une richesse bienvenue, rarement vue sur consoles.
Comme évoqué précédemment, et même si vous n’avez pas fouillé votre maison en début de partie, le jeu saura vous indiquer son ton dès les premiers écrans.
Le monde de
West of Loathing est en effet composé d’une foule de personnages tous plus hauts en couleurs
les uns que les autres, avec chacun leurs propres histoires et propres quêtes, et même des objets apparemment anodins (comme les crachoirs) auront (souvent) droit à des histoires développées et hilarantes autour d’eux.
Se basant sur les archétypes typiques du
western, on basculera en effet (au bout de… 1 écran grosso-modo
) dans le
WTF généralisé. Il faut dire que les prémisses de l’intrigue y incitent fortement : après avoir décidé de rallier Frisco et l’Ouest, vous allez explorer une contrée envahie par d’étranges phénomènes, avec par exemple des vaches de l’enfer (hommage à
Pantera ou simple coïncidence, à vous de vous faire votre opinion) et des revenants dirigés par un nécromancien et son culte. S’en suit comme vous pouvez vous en douter un chaos généralisé, avec une débandade générale sources de multiples quêtes.
L’univers est bourré de descriptions, prétextes pour l’humour absurde que distille continuellement le jeu.
La moindre de vos actions et interactions sera prétexte à un bon mot, un trait d’humour ou bien une satire de phénomènes plus contemporains. Vous aurez par exemple l’occasion d’expérimenter une critique de la bureaucratie, mais adapté au format RPG : ce qui aurait très bien pu basculer dans le fastidieux restera engageant grâce à l’écriture et vous pousserez la quête au bout pour découvrir chaque ligne de dialogue. Avec leur rapidité, leur dynamisme, cette écriture incisive constante et étant donné leurs rôles de prétexte narratif, même les quêtes de type
Fed-Ex seront rendues intéressantes.
Le jeu se présente donc comme une aventure textuelle délirante très bien écrite, avec déplacements à défilement horizontal (hormis sa carte générale), qui
retient vos actions, vous offre de nombreux choix et forme un monde réellement cohérent dans sa logique toute particulière, avec une sous-couche RPG du même tonneau.
Canyons et autres merveilles de l’Ouest en noir et blanc
Cimetières, grottes, mines, voies ferroviaires, canyons, forts militaires et autres endroits typiques des westerns seront au programme dans votre traversée vers l’Ouest. Bien que sommaires, les paysages ont tous leur touche et sont surtout propices à de multiples détournements et gags. Si leur aspect graphique restera simple, ils ont tous bénéficié de descriptions uniques et chacun d’entre eux aura son histoire et ses propres quêtes. Rien n’a été posé au hasard, et si certaines pancartes seront juste là au nom de l’humour, des plus loufoques pourraient cependant très bien servir à l’accomplissement de certaines quêtes.
Les combats, au tour par tour, solliciteront beaucoup plus vos zygomatiques que les RPG traditionnels: entre les animations déguindées, les vaches de l’enfer enflammées et les zombies fans de disco, chaque affrontement sera l’occasion pour les développeurs d’offrir une nouvelle situation de sourire. Il ne faudra cependant pas les prendre à la légère, car si la majorité d’entre eux sont une formalité, si certains peuvent donner lieu à des joutes verbales plutôt que physiques et si les
game over sont impossibles (le jeu vous replacera avant le combat, et dans le pire des cas à l’auberge), certains affrontements seront plus tactiques et vous demanderont d’utiliser vos points d’action au mieux et de savoir cibler les faiblesses de l’adversaire. Vous pourrez aussi débloquer un mode difficile via l’obtention d’un équipement particulier pour ceux qui souhaitent corser les choses.
Vos armes et équipements seront du même acabit que le ton général, et vous pourrez donc revêtir des habits papaux, des couvre-chefs en cactus, des crânes de bisons ou de tout ce que vous croiserez durant vos pérégrinations, tout en ayant comme arme principale un serpent faisant office de fouet ou des os recouverts de champignons par exemple.
Chaque pièce d’équipements aura aussi sa description personnelle et humoristique, à l’image de la clé de singe (
« ça ne ressemble pas à un singe selon vous ») ou de la baguette rassie (
«le pain est le sceptre de la vie, mais c’est plus court : ça ressemble plus à une baguette en réalité »).
Il vous faudra choisir en tout début d’aventure une classe parmi les 3 disponibles : le
cogneur de vaches se concentrera sur la force et pourra confectionner des objets avec le cuir de bétail, le
lanceur d’haricots sur la magie (via donc des haricots magiques jetés à la face des ennemis) et la cuisine (qui donnera cependant accès à des équipements « haricots », on est dans le monde de WoL et ses propres règles, je vous le rappelle), le
lubrificateur de serpents utilisera des pistolets et des potions des dits reptiles, avec une efficacité d’autant plus accrue si sa statistique « tripes » est élevée.
Vous aurez aussi le droit à une monture (à choisir parmi 4 différentes) et un partenaire (parmi 5, si vous les avez débloqués auparavant en accomplissant leurs quêtes), et à l’image du reste du jeu, ils auront tous un trait de personnalité marqué les rendant totalement uniques et mémorables, avec des capacités propres à chacun et très utiles dans certaines situations. Mention spéciale à votre cheval, qu’il serait malvenu de divulguer ici.
Quant à votre fiche de personnage, outre l’expérience que vous attribuerez sur les points que vous souhaitez (à moins que vous ne laissiez le jeu décider pour vous), vous verrez bien vite apparaitre de curieuses capacités, à la suite d’actions de votre part parfois bénignes. La lecture de livres vous en octroiera, mais certains coffres ouverts, des végétaux effleurés ou d’autres petits faits pourraient très bien aussi vous en faire « gagner ». Enfin, gagner… Certains seront négatifs, etd’autres plus mitigés.
Vos différents niveaux d’expérience auront une incidence bien plus étendue que votre simple efficacité en combat : certaines intrigues, actions ou choix durant votre aventure ne seront en effet disponibles qu’à partir d’un certain seuil. Vous aurez cependant l’occasion d’utiliser une foule d’objets bonus pour améliorer temporairement vos statistiques (jusqu’à ce que vous passiez une nuit à l’auberge).
La carte comporte de nombreux lieux : vous les découvrirez par les indications des PNJ, des cartes au trésor trouvées ou bien encore par l’exploration.
Vous pouvez en effet, plutôt que d’aller d’un point A à un point B, décider d’arpenter vos environs et ainsi tomber sur des nouveaux sites.
Le jeu, avec ses dialogues interactifs, ses multiples embranchements et son très grand nombre de quêtes, se prête très bien à de nouvelles parties. Sans guide à vos côtés, vous « risquez » de passer à côté de l’immense majorité du jeu si vous vous contentez de suivre la quête principale : à tout moment, vous aurez en effet l’embarras du choix quant à vos missions. La durée de vie s’étale donc de 5h pour les plus pressés à une bonne vingtaine voir trentaine d’heures pour les plus obsessifs.
Les textes sont en anglais et
ne disposent pas de traduction française, qui aurait cependant demandé un énorme travail de localisation et aurait envoyé à la poubelle tout un tas de jeux de mots. Pour les allergiques au démat', Limited Run Games sort une
version boîte le 17 aout.
West of Loathing semble être une œuvre paresseuse de prime abord, mais les quinze premières minutes vous mettront tout de suite dans le bain : les développeurs ont choisi de se focaliser sur la richesse du jeu, sur son écriture et son monde plutôt qu’une surenchère technique. On se prend très vite aux péripéties de notre aventurier et les surprises et rires contenus ne manqueront pas durant votre dizaine d’heures de jeu. Un excellent RPG, avec de véritables choix, pour un tout petit prix (10€), et qui dote la Switch d’un titre singulier et peu commun.
8/10, parce que des titres aussi originaux et réussis ne courent pas la pampa, et sont une véritable force pour la richesse d’un catalogue.
Les points positifs:
- Ecriture au top, avec de l’humour, et qui fait mouche sans jamais sombrer dans un côté forcé
- Bourré de secrets et quêtes secondaires
- Bonne bande-son
- Patte graphique qui fonctionne
Les points négatifs:
- Une DA qui rebutera les plus « esthètes » d’entre vous
- Aventure relativement courte pour qui ne cherchent pas les quêtes secondaires et secrets
- Les allergiques à la lecture feraient mieux de passer leur chemin
Captures d'écran effectuées sur Switch, en mode portable.