Into The Breach a bénéficié d’un emballement de la presse assez conséquent lors de sa sortie sur PC en fin d’année dernière. Des rumeurs sur une possible adaptation Switch circulaient et le dernier Nindies les a confirmées, avec le jeu disponible dès la fin de la diffusion. Après avoir donc conquis les pécéïstes, le dernier né des créateurs de FTL s’attaque aux joueurs consoles, avec un jeu en tour par tour qui fleure bon la mécanique bien huilée.
C’est le bazar dans les mondes d’
ITB : des gros monstres, des
Kaiju, sortent de terre et fondent sur les cités humaines aussi sûrement que la côte de popularité des présidents français fond à chaque nouveau sondage d’opinion. Heureusement pour cette humanité virtuelle, des escouades de choc sont à même de repousser les assauts ennemis à l’aide de leurs robots, et en cas de défaite, ces dernières peuvent même se téléporter dans un univers parallèle afin de continuer le combat.
Vous allez donc devoir vider les univers de la menace
Vek dans un croisement ô combien réussi entre Front Mission, Pacific Rim et les échecs.
Voilà, vous avez là 50% du scénar’ d’ITB avec ces 3 images. Le jeu ne dispose pas de traduction en français mais même pour ceux qui ne pipent mots à la langue d’Ellroy, il vous faudra environ 2 minutes et 17 secondes pour traduire l’intégralité des dialogues et écrits du jeu dans Google Trad’.
Première particularité du jeu : perdre ses pilotes (chacun doté de bonus individuels, attribués lors de leur montée en expérience) ou ses
mechas (au nombre de 3 maximum) ne signifie pas forcément la fin de partie et le retour à l’écran-titre. Outre le fait que les IA des univers d’ITB sont capables de piloter seules les tas de ferrailles réparables, l’un des objectifs principaux, si ce n’est le seul réellement important, est en effet de maintenir une « barre de vie » générale dépendante des bâtiments dispersés sur les cartes que vous arpenterez : les ennemis peuvent en effet les attaquer et vous ôter par la même votre soutien en énergie.
Vos
mechas sont en effet reliés à une grille énergétique et si cette dernière se vide totalement (via les attaques ennemies sur les constructions humaines donc), ce sera le
game-over et le retour à la case départ, en passant cependant par la case
« échappez vous avec le pilote de votre choix dans un univers parallèle ». Cette particularité mènera parfois à des situations où vous sacrifierez sciemment vos unités afin de protéger l’environnement urbain, en sachant que même si tous vos
mechas se font annihiler, que vous n’accomplissez pas les objectifs mais que la susnommée grille tient bon jusqu’à l’écoulement des 5 tours que durent les combats, vous pourrez tout de même
continuer cette guerre d’usure.
De petites cartes, avec leurs particularités environnementales et des objectifs divers : même si la trame de fond reste sensiblement identique, ces variations entrainent des approches différentes et des tactiques à adapter au contexte.
Deuxième particularité : les affrontements se dérouleront toujours en 5 tours maximum sur des cartes de 64 cases (huit par huit, comme aux échecs donc), ce qui non seulement leur donne une nervosité bienvenue en vous évitant de devoir se taper des tours complets à rejoindre les ennemis mais contribue aussi à devoir étudier vos déplacements au mieux. Si vous pouvez vite rejoindre tous points de la zone (en deux tours pour les unités les plus mobiles), ce qui est valable pour vous est aussi valable pour les ennemis. Vous allez donc devoir vous positionner afin de pouvoir réduire le potentiel de destruction adverse au mieux, et vous ne pourrez pas faire les bourrins en envoyant 3 unités sur un seul adversaire isolé, au risque que le reste de ses congénères vous démolissent votre grille d’énergie principale de l’autre côté de la carte. Element primordial de vos choix, tout ce que feront vos adversaires sera affiché un tour à l’avance (avec les cibles visées, les dégâts occasionnés, les aires d’impact…) afin que vous puissiez limiter leurs destructions et prendre les décisions les plus judicieuses possibles.
Troisième particularité, et non des moindres : contrairement à bons nombres de jeux de tactique, des renforcements ennemis ont lieu à chaque tour mais il vous est possible de les empêcher. Comme exposé en préambule, les ennemis sortent de terre, et le jeu vous annoncera un tour avant leur arrivée de l’endroit où ils pointeront le bout de leurs mandibules. Or, si une unité, qu’elle soit alliée ou ennemie, se trouve sur la case de sortie, elle empêchera, au détriment d’un point de vie individuel, l’apparition de la menace. Ce qui semblait être des combats asymétriques défavorables aux humains peut donc vite se retourner en votre faveur : beaucoup de vos attaques possèdent en effet un facteur déplacement. Le
mecha de base repoussera par exemple l’ennemi d’une case, l’artillerie fera de même mais sur les 4 directions cardinales de son point d’impact. En sachant que ce qui est bénéfique peut très bien se retourner contre vous : si l’une de vos unités est adjacente à un ennemi et situé sur la direction du point d’impact, le choc occasionné par le déplacement de l’adversaire ôtera à cette unité un point de vie. Ce système occasionne des réactions en chaîne qu’il va falloir anticiper et tourner à votre avantage. Un ennemi accolé à une montagne ? Le fait de se prendre 1000 tonnes de roche en pleine carapace lui ôtera le point de vie unique qu’il lui restait suite à votre fulguro-poing. Votre attaque le place dans une case avec un nuage électro-magnétique ou un incendie ? Dans le premier cas la foudre rongera ses points de vie si il n’en bouge pas, et dans le second cas, le feu lui rognera sa barre de vie à chaque tour etc. Le positionnement dans l’environnement est donc un facteur primordial, qu’il vous sera nécessaire de maitriser sous peine d’inefficacité fatale : outre l’aspect susnommé, votre force de frappe est limitée. Les adversaires possédant 5 points de vie sont très longs à annihiler si vous vous contentez de les leur ôter de façon classique, mais en les poussant par exemple dans l’eau, la lave, et si ils ne sont pas de type aérien, vous les tuerez en un seul coup.
Sur l’image de gauche, vous pouvez constater que les ennemis vont taper dans le vide ; on remerciera l’unité rouge située tout à droite pour avoir repoussé la fourmi d’une case, sauvant ainsi le bâtiment visé, et l’avoir enflammé. Sur celle de droite, vous noterez que la fourmi est située sur le point d’impact du tsunami à venir (bye-bye donc) après y avoir été téléportée par le « U » volant rouge et que l’artilleur s’apprête à incendier l’unité de soin adverse. Le bâtiment au Nord visé par le ver volant ? Il est perdu, mais la grille énergétique tiendra.
Chaque île (au nombre de 5) comporte aussi des risques environnementaux : la première est par exemple soumise à des tsunamis qui ravagent le littoral (et les ennemis présents sur ce dernier, ou bien votre capacité d’action si vous vous retrouvez dans l’eau), la seconde à des orages dévastateurs ou à des cases susceptibles de bloquer toute attaque si elles sont soumises à des assauts et libèrent leur nuage de poussière, la troisième est composée de banquises ne pouvant supporter qu’une seule attaque avant de s’effondrer sous l’assaut de la deuxième… Ces risques seront des alliés potentiels qu’il vous faudra maitriser afin de pouvoir faire face aux vagues ennemies, a fortiori dans les modes de difficulté normal et difficile. Les combats sont en effet de véritables parties d’échecs où le bourrinage ne vous mènera nulle part et il vous va falloir être plus un guérillero qu’une armée classique.
Il va donc vous falloir affronter les vagues ennemies en utilisant au mieux l’environnement, les placements et les synergies possibles entre vos différentes unités, protéger les bâtiments, accomplir vos objectifs afin de gagner des points de réputation (qui serviront de monnaie d’échange après chaque île terminée) et/ou des points de vie pour votre grille énergétique globale, récupérer les capsules temporelles qui s’échoueront parfois sur les zones de combats (ces dernières contiennent divers bonus, comme des pilotes aux bonus uniques, que vous pourrez ensuite sélectionner à chaque début de partie, de l’armement ou bien souvent des réacteurs d’énergie afin d’améliorer vos
mechas).
A l’issue des 5 missions que comporte chaque île, chacune dotée d’ennemis spécifiques, vous pourrez mettre le cap sur une nouvelle, dans l’ordre que vous le souhaitez, en sachant que la difficulté dépendra de sa position dans votre avancement. Avant de débarquer sur ces nouveaux rivages, vous aurez la possibilité d’échanger les points de réputation précédemment cités contre différentes armes, diverses capacités passives (comme l’invulnérabilité aux incendies ou aux tempêtes électromagnétiques), contre des réacteurs d’énergie pour améliorer vos
mechas, que ce soit sur leur durabilité, leur capacité de mouvement ou armes de bases (et qui vous serviront aussi pour installer les armes ou capacités passives achetés) ou bien encore des points pour la grille énergétique globale. Vous pourrez aussi troquer vos pilotes ou équipements inutiles contre des points de réputation durant cette même phase : sachez que vous devrez faire des choix et qu’il vous sera inutile d’espérer pouvoir tout débloquer durant une partie.
Into The Breach en 8 images et 3 paragraphes :
Première étape : choisir l’île où débarquer. Deuxième : choisir la mission. Troisième : placer ses unités au mieux afin de pouvoir frapper fort dès le début des hostilités.
Comme vous pouvez le constater, le jeu vous annoncera d’où sortiront les ennemis à chaque tour ainsi que les cases ciblées par les kaiju, en sachant que la barre supérieure d’énergie est à conserver à tout prix et diminue à chaque bâtiment détruit, et que les bestioles priorisent leurs destructions comme vous pouvez le noter sur les cibles visées. Il vous sera possible de déplacer vos troupes ou les adversaires sur les cases de sorties afin de limiter le nombre des forces ennemies. Pour celles déjà présentes sur le champ de bataille, à vous d’utiliser vos moyens plus conventionnels au mieux, tout en sachant utiliser l’environnement et les nombreux effets de déplacements des attaques afin d’être réellement efficace.
A l’issue de chaque mission, vous serez informés des objectifs accomplis et des points de réputation/énergie récupérés en conséquence mais aussi des capsules temporelles ramassées durant les affrontements. Lorsque le dernier combat insulaire aura eu lieu et avant que vous ne rejoignez l’île suivante (il vous faudra en compléter au minimum 2, sur un total de 4, avant de pouvoir vous attaquer à l’affrontement final), vous aurez la possibilité de passer par une sorte de magasin où vous pourrez échanger vos gains contre des réacteurs d’énergie (pour améliorer vos mechas), des points d’énergie principale ou encore des armes (alimentées par les dits réacteurs d’énergie).
Au bout de 2 îles complétées, vous pourrez vous attaquer à l’île finale si vous le souhaitez : le niveau de difficulté de cette dernière est indexé sur le nombre d’îles achevées, et il sera souvent bien plus simple de finir le jeu en faisant l’impasse sur 50% de la campagne. Malheureusement pour la fainéantise, et heureusement pour vos neurones, le système de trophées internes du jeu vous poussera cependant à lancer des campagnes de 3 et 4 îles.
Le titre est en effet doté d’accomplissements spécifiques rapportant chacun un point et qui vous permettront de débloquer de nouvelles escouades en échangeant cette « meta » monnaie, totalement différentes les unes des autres : l’une d’entre elles est par exemple spécialisée dans les incendies, une autre joue sur le déplacement des ennemis, une autre encore maitrise les tempêtes électromagnétiques…
Chacune d’entre elles est véritablement une nouvelle façon d’appréhender le jeu et garantit une durée de vie conséquente au titre. Car si une campagne peut durer entre une demi-heure et cinq heures, maitriser chaque escouade et terminer le jeu avec chacune d’entre elles va vous occuper pendant plusieurs dizaines d’heures, à fortiori si vous souhaitez obtenir tous les trophées internes du jeu. Ceux de l’équipe « feu » vous demanderont par exemple, outre les communs à tous de terminer le jeu après 2, 3 et 4 îles complétées, de déclencher des incendies sur 12 cases, d’avoir 5 ennemis en feu simultanément, etc. Ce renouvellement de
gameplay est l’une des grandes réussites du titre et accroit grandement la durée de vie et la variété des combats. Symbole de l’équilibrage parfait du titre, malgré leurs comportements extrêmement hétérogènes, le jeu peut largement être fini avec chacune de ces escouades. Et il existe un second effet
kiss-kool sur ces escouades, que vous découvrirez par vous-mêmes (parce que oui, vous êtes des personnes de goût et allez foncer sur cette réussite quasi-totale de
Subset Games), et qui rajoutera encore quelques dizaines d’heures de jeu ou bien procurera des parties d’une difficulté extrême pour les plus masochistes d’entre vous.
La maniabilité ou l’aspect technique du portage n’ont pas été évoqués : c’est tout simplement qu’il n’y a rien à redire sur ces points là et qu’aucun nuage ne viendra assombrir la prise en main et le plaisir de jeu. Entre les chargements d’une seconde, les explications accessibles à tout moment, vous ne penserez un seul instant au fait que le jeu provient du PC et de son interface clavier/souris.
Pour la bande-son, je dois vous avouer que la concentration demandée me l’a fait oublier, trop occupé que j’étais à calculer diverses probabilités et moyens de frapper plusieurs ennemis simultanément. Aucune note dissonante n’ont été entendues en tout cas, et pour les plus mélomanes d’entre vous, elle est disponible
ici pour qui voudrait y jeter une oreille.
"Je joue à Into The Breach sur mon portable entre deux attaques de Vek, ça me détend."
Into The Breach met en application avec brio la simplicité au service de la tactique : si nul évènement aléatoire ne viendra troubler vos plans établis, si les mécaniques sont vite appréhendées, le jeu n’en reste pas moins surprenant et se renouvelle à chaque partie avec une foule de micro-systèmes synergétiques qui vous obligeront à rester tactiquement souple en permanence. Les différentes escouades disponibles garantissent en outre une durée de vie conséquente avec des méthodes de fonctionnement extrêmement différentes. On ne pourra pas regretter grand-chose, la formule semblant avoir été distillée à son maximum d’efficacité.
8/10, mais un gros 8, à la limite du 9, qui garantira aux amateurs de casse-têtes et de stratégie de longues heures de plaisir et de réflexion afin d’occire de manière optimum ces saloperies d’insectes géants. Et encore une merveille d’indé qui vient s’ajouter à la longue liste de pépites sorties en 2018 sur Switch.
Les points Patlabor :
- Des escouades ultra variées pour un renouvellement des mécaniques de jeu optimale
- Les différents dangers environnementaux
- Rythme soutenu (pas de chargements, parties rapides)
- Tactique : pas de god-mode ici
Les points Pacific Rim:
- L’île des détritus est bien moche
- Euh… Pas assez cher mon fils ?
Captures effectuées sur Switch, en mode portable. Le jeu vaut 15€.